Violence à l'encontre des femmes en Europe
Doc. 8667
15 mars 2000
Rapport
Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes
Rapporteuse: Mme Ruth-Gaby Vermot-Mangold, Suisse, Groupe socialiste
Résumé
Chaque jour en Europe, une femme sur cinq est victime de la
violence et la commission condamne cette violence en tant que violation générale
des droits de la personne, du droit à la vie, de la sécurité, de la dignité
et de l'intégrité physique et mentale. Elle dénonce également l'ampleur
prise par la traite et la prostitution dans les Etats membres du Conseil de
l'Europe par le biais de réseaux internationaux qui constituent ainsi l'un
des grands secteurs de la criminalité organisée.
La Commission estime qu'il est aussi nécessaire de prendre
des mesures pour punir tous les actes criminels commis sous le couvert des
traditions et de la religion.
Le Comité des Ministres est invité à élaborer un
programme européen de lutte contre la violence à l'encontre des femmes
visant à mettre en place des législations nationales contre toutes les
formes de violence et une harmonisation des législations et des procédures
afin de créer un véritable droit positif européen.
Dans ce contexte, l'Assemblée invite les Etats membres à
ratifier, s'ils ne l'ont pas encore fait, et à mettre en oeuvre la Convention
de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard
des femmes (CEDAW) ainsi que son Protocole.
I. Projet de recommandation
L'Assemblée dénonce l'accroissement considérable du nombre de femmes
victimes de la violence dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Chaque
jour en Europe, une femme sur cinq est victime de la violence.
Ainsi, des centaines de milliers de femmes sont confrontées à des
violences physiques et psychiques, chez elles où à l'extérieur, des
violences qui sont parfois perpétrées par les pouvoirs publics ou des
structures coercitives. C'est ainsi que l'oppression des femmes, telle qu'elle
se manifeste à travers la violence domestique, les viols, les mutilations
sexuelles, est une réalité connue et dénoncée dans de nombreux pays.
L'Assemblée rappelle son soutien au Plan d'action de Pékin lors de la
Conférence de l'ONU (1995) sur les femmes où les différentes atteintes aux
droits des femmes ont été clairement définies et condamnées.
L'Assemblée constate que bien que la violence domestique soit l'une des
formes les plus communes de la violence contre les femmes, elle demeure la
moins visible. Pourtant l'on estime qu'elle tue ou blesse grièvement chaque
année en Europe plus de femmes que le cancer ou les accidents de la route et
qu'elle entraîne des coûts humains et matériels aussi bien au niveau des
services médicaux et de santé que de l'emploi, de la justice et de la
police.
L'Assemblée condamne par conséquent la violence envers les femmes en tant
que violation générale des droits de la personne, du droit à la vie, de la
sécurité, de la dignité et de l'intégrité physique et mentale.
L'Assemblée condamne le fait que dans quelques Etats membres subsistent
les meurtres dits d'honneur, les mariages forcés et d'autres sacrifices et
souligne la nécessité de prendre des mesures urgentes pour punir tous les
actes criminels commis sous le couvert des traditions et de la religion.
L'Assemblée condamne également l'ampleur prise par la traite et la
prostitution dans les Etats membres du Conseil de l'Europe par le biais de réseaux
internationaux qui constituent ainsi l'un des grands secteurs de la criminalité
organisée.
- L'Assemblée recommande par conséquent au Comité des Ministres :
i. d'élaborer un programme européen de lutte contre la
violence à l'encontre des femmes visant notamment à:
a. une harmonisation des législations et des procédures
afin de créer un véritable droit positif européen;
b. l'introduction d'une législation contre toutes les
formes de violence domestique;
c. la reconnaissance et la criminalisation du viol
conjugal;
d. une protection accrue des femmes, par l'interdiction,
par exemple, du domicile conjugal au conjoint violent et des mesures prévoyant
une application efficace des peines et des condamnations;
e. un accès plus souple à la justice et aux différentes
procédures en prévoyant notamment la possibilité pour les organes compétents
d'exercer leur action ex officio, des auditions à huis clos, une
composition paritaire des tribunaux;
ii. d'élaborer une charte européenne du travail domestique;
iii. d'inviter les Etats membres à:
a. ratifier, s'ils ne l'ont pas encore fait, et à mettre
en oeuvre la Convention de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) ainsi que son Protocole;
b. renforcer le rôle de l'observatoire de la violence à
l'encontre des femmes de l'Union Européenne;
c. mettre en oeuvre les mesures préconisées dans la
Recommandation 1325 (1997) relative à la traite des femmes et à la
prostitution forcée dans les Etats membres du Conseil de l'Europe et à prévoir
très rapidement des crédits substantiels pour des programmes de soutien et
d'assistance aux victimes du trafic d'êtres humains;
d. mettre en place un programme de formation à
l'attention du personnel de la police et de la justice appelé à s'occuper
des femmes victimes de la violence;
e. encourager le recrutement de femmes officiers de
police;
f. mettre en place des centres d'accueil pour les femmes
victimes de la violence;
g. mettre en place des campagnes d'information et de
sensibilisation pour informer le public sur l'inacceptabilité de la violence
contre les femmes et entreprendre des activités de prévention pour
promouvoir des relations basées sur l'égalité.
II. Exposé des motifs par Mme Vermot-Mangold
Table des matières
Introduction
I. La violence
A. Définition du concept
de violence
B.
Les origines de la violence: approche théorique
II. Les différentes
formes de violence
A. La violence conjugale
i. Faits et chiffres
ii. Diverses approches de la violence familiale
iii. Causes et conséquences
B. Les viols et
agressions sexuelles
i. Définition et état des lieux
ii. Les principales causes des agressions sexuelles
iii. Les conséquences
C. L'esclavage domestique
D. La
traite des femmes et la prostitution
III.
Conclusions: la mise en oeuvre de plans d'actions
A.
Associations et ONG: une présence sur le terrain efficace
B. Les politiques
nationales
C. La coopération
internationale
Introduction
Dans le cadre de la préparation de ce rapport, la
sous-commission sur la violence à l'égard des femmes a organisé un séminaire
sur la violence à l'encontre des femmes: "des abus domestiques à
l'esclavage" qui s'est tenu à Bari (Italie) du 4 au 6 novembre 1999 sous
la présidence de Madame Elisa Pozza Tasca (Italie, LDR).
I. La violence
A. Définition du
concept de violence
La violence est considérée comme une violation générale des droits de
tout être humain, droit à la vie, à la sécurité, à la dignité et à
l’intégrité physique et mentale.
Lors de la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin, les gouvernements
se sont engagés à mettre en place une plateforme d’action qui souligne que
la violence envers les femmes constitue une entrave aux objectifs d’égalité,
de développement et de paix. La violence a été définie dans ses plus
larges aspects et comprend la violence physique, sexuelle et psychologique.
Cette violence se trouve aussi bien dans le cadre familial (violence
conjugale, mutilations génitales), que dans le cadre de la société (viols,
agressions et harcèlement sexuel, esclavage domestique, traite des femmes et
prostitution forcée). Dans certains cas, elle peut également être perpétrée
ou tolérée par l’Etat (viols dans les conflits armés).
On notera qu’outre les différentes formes de violence citées ci-dessus,
on peut aussi parler de violence structurelle, qui est étroitement liée à
la violence économique et qui fait également obstacle à l'exercice de leurs
droits fondamentaux. Ces obstacles font partie du tissu même de la société
et s’y reproduisent car ce sont les différences, les inégalités voire les
structures de pouvoir qui engendrent et légitiment l’inégalité.
La majorité des cas de violence envers les femmes se présente comme une
combinaison de violence physique, sexuelle et psychologique, que sous-tend une
violence d’origine structurelle qui inclue parfois une violence morale et économique.
La violence à l’égard des femmes est une violation fondamentale des
droits de l'être humain et devrait être considérée comme un délit. Il est
important que nos sociétés réalisent que seules les femmes, les jeunes
filles et fillettes subissent certaines formes de violence. Certaines formes
existent dans la plupart des cultures (le viol, la violence conjugale,
l’inceste) tandis que d’autres s'exercent dans des contextes précis
(esclavage domestique, mutilations sexuelles).
On estime qu’une femme sur cinq est victime de violences en Europe.
Cependant, même si les Etats membres du Conseil de l'Europe s’intéressent
de plus en plus à la violence, il n’en reste pas moins que c’est un sujet
assez récent et la plupart des pays manquent cruellement de statistiques précises.
On peut donc en déduire que le peu de résultats que nous obtenons suite à
des recherches, ne reflètent que la partie immergée d’un immense iceberg.
De plus, pour établir ces statistiques, il faut que cette violence soit déclarée.
Or, pour toute une variété de raisons qui relèvent de la peur, de la honte,
de l’accès limité aux services officiels, la violence n’est pas déclarée.
En outre, les autorités ne comptabilisent pas toutes les formes de violence,
car celles-ci ne rentrent pas dans des définitions préétablies, ou ne sont
pas considérées comme des délits, notamment parce qu'elles constituent des
sujets tabous.
B.
Les origines de la violence : approche théorique
Le sociologue Pierre Bourdieu explique que de même que les femmes
subissent un travail de socialisation qui va façonner leur place dans la société,
c’est-à-dire une place de dominée, les hommes subissent aussi des
pressions de la part de leurs pairs, pressions dont ils sont quelque part
victimes, pour exercer une position dominante. Ainsi, le recours à la
violence est la conséquence des rapports de domination entre hommes et
femmes. Mais l’homme, dans sa position dominante doit sans cesse prouver
qu’il mérite cette position et doit donc affirmer sa virilité. Cette
virilité doit être validée par les autres hommes et se manifeste généralement
par des actes de violence ou par de véritables épreuves de virilité :
viols collectifs, bizutages, visites au bordel etc… Cette forte image de la
virilité diffusée par la société engendre et légitime cette violence
dirigée contre les femmes. Sinon, comment expliquer que beaucoup d’hommes
violents ne reconnaissent pas comme telle leur propre violence ? Tant
qu’un homme considérera comme normale, voire positive la violence contre
une femme, le phénomène va perdurer.
De plus, la plupart des études ont montré que la position des femmes et
les rapports de violence qui leur sont infligés relèvent des agents et
institutions qui ont maintenu, validé voire créé un tel système. La
famille, l’Eglise et l’école ont entretenu les rapports de domination et
de violence. Les valeurs patriarcales ont été notamment diffusées par ces
trois institutions ce qui a façonné les mentalités. Chaque sexe est
finalement prédestiné à une position claire dans la société et est «conditionné »
en conséquence.
Ainsi, la violence contre les femmes se base sur des rapports de
pouvoir, de domination, de désir de contrôler et qui sont issus des
structures sociales qui s’appuient elles mêmes sur l’inégalité des
sexes. Les actes de violence sont sans équivoque : ils cherchent à
maintenir des rapports inégaux entre l’homme et la femme et à renforcer la
subordination de la femme. C’est le fait d’appartenir au sexe féminin qui
fonde la violence et la plupart des sociétés le tolèrent. Ainsi les
coupables ne sont pas ceux qui blessent mais ce sont les victimes. Certains
pays reconnaissent même légalement le droit pour les hommes d’être
violent envers les femmes. La culture et les traditions perpétuent le
principe de domination masculine.
II. Les différentes
formes de violence
A. La violence conjugale
i. Faits et chiffres
La forme la plus courante de violence envers les femmes reste la violence
domestique. Les différentes statistiques montrent qu'il existe plus de
probabilités pour une femme d'être battue et violentée, voire tuée par son
partenaire ou un ancien partenaire que par aucune autre personne. Selon les
pays en Europe, de 20 à plus de 50% des femmes sont victimes de violences
conjugales. Il n’existe pas de portrait-robot type du conjoint
violent. La violence conjugale concerne toutes les couches de la société et
tous les âges.
Les divers renseignements obtenus par le Conseil de l’Europe dans ce
domaine montrent clairement que le nombre de cas déclarés de violence
conjugale a augmenté depuis la dernière décennie. Toutefois, il ne faut pas
interpréter cette tendance comme une augmentation réelle des cas. En effet,
il semble plus probable que dans les années 90, les femmes se soient en fait
plus souvent tournées vers les différentes structures publiques ou
associatives pour se faire aider.
ii. Diverses approches de la violence familiale.
Il a été démontré que la violence au sein des foyers s’apparentait à
une certaine forme de torture. Comme dans les scénarios de torture, les
femmes sont agressées physiquement et psychologiquement et sont humiliées
dans leur corps et leur âme. Comme dans la torture, les actes de violence
conjugale s’inscrivent dans la durée;
Les différentes formes de brutalités qu’une femme peut subir au foyer
ont de graves répercussions sur sa santé, en particulier lorsqu’elle est
enceinte. Certains hommes font même preuve de plus de violence lorsqu’ils
apprennent que leur conjointe utilisent des moyens contraceptifs. Il est clair
que la sexualité et la procréation sont l’un des nombreux moyens dont
usent les hommes pour assurer leur pouvoir sur les femmes et maintenir ainsi
leur soumission. Leur équilibre psychologique et physique est sérieusement
menacé dans de telles situations. Certaines femmes sont encore plus maltraitées
lorsqu’elles attendent un enfant, ou immédiatement à la naissance de
celui-ci.
La violence conjugale revêt de nombreux visages. On distingue généralement
la violence physique, la violence sexuelle, la violence psychologique et la
violence structurelle.
La violence physique est la plus visible car elle laisse souvent des
traces. Le conjoint bat, donne des coups, gifle, étrangle, se sert d’objets
pour assouvir sa violence. Ces actions peuvent être répétitives et
malheureusement avoir de graves dénouements : fractures, lésions voire
décès.
La violence physique exercée par un partenaire inclut la violence sexuelle
et le viol. Dans la plupart de nos sociétés, l’acte sexuel est encore
considéré comme un devoir que la femme doit à son mari. Tout acte de nature
sexuelle subi sous la contrainte est une violence. Les attouchements et autres
approches doivent être considérés comme des délits si la personne n’est
pas consentante. La femme peut subir des rapports sexuels contre son gré,
peut être brutalisée pendant les rapports et peut être violée par son
conjoint. Au contraire il peut aussi y avoir des situations où le mari prive
sa femme de relations sexuelles en guise de punition ou tout simplement pour
la contrôler. Le conjoint peut aussi exercer des formes de harcèlement
sexuel. Malheureusement, dans beaucoup de pays, les relations sexelles
violentes au sein d’un couple, ne sont pas considérées comme un viol, au
sens pénal du terme. Seuls certains pays commencent à reconnaître le viol
dans le couple comme un crime, alors que d’autres estiment que les conjoints
ont droit à un accès sexuel illimité chez leur femme.
La violence psychologique au sein d’un couple est également intolérable
pour la femme qui la subit et malheureusement, c'est cette forme de violence
qui est la plus souvent occultée et, par conséquent, plus difficile à déceler.
En effet, les attaques verbales, les humiliations, les menaces, les harcèlements
répétés, l’enfermement, la privation de toutes ressources économiques
peuvent être plus douloureux que les atteintes physiques en ce sens qu’ils
perturbent gravement l’équilibre psychologique. La femme perd toute
confiance en elle et, par la suite, a du mal à se prendre en charge.
La violence structurelle est souvent sous-estimée car moins évidente et
moins directe que la violence physique. On considère comme violence
structurelle toute situation dans laquelle la femme est défavorisée du seul
fait qu’elle est une femme, notamment lorsqu'elle est privée de ses droits
les plus fondamentaux comme par exemple la liberté d'exercer une profession,
d'avoir son propre compte en banque, etc… Ces inégalités entrainent et
favorisent la violence de l’homme envers la femme.
iii. Causes et conséquences
La cause de la violence contre les femmes au sein du foyer conjugal relève
de structures culturelles et d'une répartition traditionnelle et sexuée des
tâches. La plupart des hommes trouvent normal d’occuper la première place
et ne souhaitent pas voir cet ordre des choses remis en question. Certains
vont encore plus loin en considérant ces désirs de supériorité comme des
droits. Pour eux, c’est un moyen comme un autre pour déterminer le partage
des tâches au sein du foyer. Les hommes violents trouvent tout à fait légitime
de dominer leur femme, de l’obliger à faire ou ne pas faire certaines
choses, de les contraindre à un certain comportement.
La violence conjugale a longtemps été considérée comme une affaire privée
dans laquelle l’Etat et les structures de justice n’avaient pas à
s’immiscer. Or, dans la mesure où la violence conjugale viole l’intégrité
physique et psychique des femmes concernées, elle est une atteinte directe
aux droits de l’homme et est donc pénalisable.
Il n’est cependant pas facile pour les femmes violentées de partir et de
quitter leur mari ou ami, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, aussi
paradoxal que cela puisse paraître, la femme aime son conjoint. Ce qu’elle
n’aime pas ce sont les situations de violence. De plus, elle subit beaucoup
de pressions de son entourage proche: son conjoint tout d’abord, qui une
fois la crise passée, promet de ne pas recommencer ou la menace de représailles,
sur elle, sur lui (suicide) ou sur les enfants. Dans certains cas, elle subit
la pression des proches parents. De plus, partir signifie tout quitter et
recommencer une nouvelle vie ailleurs. Cela suppose des ressources financières
ainsi que des aides et du soutien de l’extérieur. La fuite n’est pas
facile non plus en raison de facteurs psychologiques : la peur et la
honte. Enfin, il faut noter qu’il est anormal que ce soit à la femme de
quitter son lieu de résidence alors qu’elle est la victime, alors que le
mari n’est pas inquiété pour ses actes violents et ne doit pas en répondre
devant la justice dans la plupart des pays.
Il faudra par conséquent que les Etats membres du Conseil de l'Europe et
les gouvernements réagissent en prenant des mesures spécifiques.
Une des premières mesures à prendre serait de demander à tous les Etats
membres d'adopter une loi visant à considérer le viol conjugal comme un délit
pénal. Il faudrait non seulement adopter des procédures judiciaires simplifiées
pour les femmes victimes mais également prévoir une formation adéquate pour
les personnes qui les entendront. Enfin, il faudra également prévoir, grâce
à l'aide de la société civile, la création de refuges et de centres
d'accueil où elles pourront notamment bénéficier de thérapies de soutien
psychologique.
Votre rapporteur souhaite également souligner l'importance des agressions
sexuelles sur le lieu de travail. Les agressions se manifestent sous plusieurs
formes, soit morales ou physiques, et conduisent très souvent ces femmes à
une dépression morale ou à une démission avec toutes les conséquences qui
en découlent.
B. Les viols et
agressions sexuelles
i. Définition et état des lieux
L’agression sexuelle est un acte de domination, d’humiliation et de
violence. Que ce soit un inceste, un abus sexuel, un viol ou un harcèlement,
une agression sexuelle se produit dès qu’on impose un geste sexuel, par
intimidation, menace, chantage, violence verbale ou physique. Il faut noter également
que certaines paroles, sifflements, regards peuvent être aussi agressifs. Il
est clair que l’agression sexuelle est un comportement visant à blesser
quelqu’un. Il s’agit d’un acte criminel comprenant des actes allant des
attouchements sexuels non désirés aux attaques sexuelles blessant ou
mutilant la victime ou mettant sa vie en danger.
La plupart des statistiques en ce domaine montrent que cette forme de
violence ne s’attache pas à une catégorie spécifique de victimes, mais
elle touche tous les milieux sociaux, sans distinction d’âge ou de race.
Une femme sur 5 est victime d’agression sexuelle au cours de son
existence et malheureusement, l’âge des victimes varie entre 2 mois et 90
ans. Les chiffres se rapportent de plus en plus à des agressions contre de très
jeunes filles. 98% des agresseurs sont de sexe masculin et 50% d’entre eux
sont mariés ou vivent en union de fait ou en concubinage. De plus, 70% des
viols sont prémédités et 3% seulement des agresseurs sont des déséquilibrés.
On notera aussi le phénomène croissant des viols collectifs.
ii. Les principales causes des agressions sexuelles
Les études auprès des agresseurs mettent en avant plusieurs hypothèses
pour expliquer de tels actes de violence.
Tout d’abord, certains agresseurs ont besoin de prouver leur séduction,
leur force, leur pouvoir de contrôle sur l’autre. L’agresseur éprouve
souvent un complexe de pouvoir. Il s’identifie aux stéréotypes qui veulent
qu’un homme soit agressif et viril et que la femme soit soumise et douce. On
revient ainsi toujours dans un paradygme dominant-dominé et l’agression
sexuelle est un moyen pour l’homme de garder le pouvoir sur la femme et de
l’humilier. La socialisation des rôles sexuels joue pour beaucoup dans les
rapports de violence. Les stéréotypes à propos de la sexualité des hommes
et des femmes servent à justifier les actes de violence sexuelle et à faire
retomber la faute sur la victime (qui provoque l’homme par son attitude et
son habillement…). Cette attitude revient très souvent alors que
l’agresseur est seul responsable de ses actes. Un « non » ne
peut en aucun cas être interprété comme un « oui » et une femme
ne demande jamais à être agressée.
De plus, l’éducation joue pour beaucoup dans les cas d’agressions
sexuelles. Les agresseurs ont généralement une identification exagérée de
leur rôle sexuel. La plupart d'entre eux croient fermement que la femme
sexuellement provocante séduit l’homme qui se sent sexuellement excité et
est amené à prouver sa domination.
Si la drogue et l’alcool jouent un rôle certain dans les agressions, ils
ne peuvent en aucun cas justifier le non-contrôle de l’agresseur. Outre la
prise d’alcool ou de drogue par l’agresseur, celui-ci peut aussi droguer
sa victime. Cet emploi de drogue est doublement néfaste puisque la femme ne
pourra se défendre et, en état de semi-conscience, ne pourra pas se remémorer
les détails qui rendraient sa plainte crédible et recevable.
Les victimes se sentent souvent piégées et sont terrorisées devant un
homme, la plupart du temps connu (près de 75% des cas), qui devient
subitement un être incontrôlable. Ces agresseurs font partie la plupart du
temps des amis ou de l’entourage proche. Ce sont des personnes déjà
rencontrées ou connues de vue, des collègues de travail etc.. De plus, une
forte proportion de ces viols (20%) sont accomplis par des personnes en
situation d’autorité : le patron, le médecin, le propriétaire de la
victime. Dans ces cas, il est plus difficile pour la victime de se faire
entendre dans la mesure où elle est sujette à un chantage. Ceci ne fait
qu’appuyer le fait qu’au-delà de la dimension sexuelle, les actes de
violence sont avant tout des instruments de domination de l’homme sur la
femme.
La plupart des viols sont perpétrés au domicile du violeur ou de
l’agressée ou dans l’immeuble même. L’autre lieu le plus fréquent est
le lieu de travail. Dans les lieux publics, les viols les plus fréquents sont
perpétrés à la sortie des boîtes de nuit. On note également une
augmentation des agressions commises dans des institutions ou des établissements
médicaux où les victimes se trouvent encore plus dans une situation d'invulnérabilité.
iii. Les conséquences
Malheureusement seul un viol sur 10 est déclaré et les victimes ne
veulent pas porter plainte, soit parce qu’elles ne connaissent pas
suffisamment le système judiciaire et policier, soit parce qu’elles en
redoutent les méandres, ou parce qu’elles craignent les représailles. Ce
silence ne peut que protéger les agresseurs.
Certaines femmes peuvent être enceintes des suites d’un viol et n'ont
pas toujours la possibilité de recourir à une interruption volontaire de
grossesse, soit que la loi l’interdit, soit que des obstacles matériels
l’en empêchent, soit encore que la religion ou les normes sociales ne
lui fassent considérer cet acte comme inacceptable. Un facteur supplémentaire
de traumatisme s’ajoute alors puisque la victime aura toujours le rappel de
cette agression. Pour échapper à cette situation, certaines font des
tentatives de suicide, d’autres sont hospitalisées et la plupart suivent
des psychotérapies.
La plupart du temps un fort sentiment de honte les assaille. Beaucoup de
femmes n’arrivent pas à sortir de la victimisation et sont incapables
d’agir seules. Le viol détruit la vie de la femme et celle du couple. Elles
sont marquées à vie et le quotidien pour elles devient des plus pénibles.
D’autre part, aucune victime n’échappe au cours de sa vie à des troubles
sexuels.
Ainsi, tout comme pour les violences domestiques, les gouvernements et les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent prendre des mesures afin d'alléger
notamment les procédures judiciaires pour les victimes et qu'elles soient
entendues par un personnel spécialement formé à cet effet.
C. L’esclavage domestique
Dans ce domaine, les chiffres sont très rares puisque les victimes ne se déclarent
pas facilement car elles sont souvent en situation irrégulière et cachées
par les personnes qui les exploitent. Il n’en demeure pas moins que ce
phénomène existe vraiment dans des proportions encore insoupçonnables.
Les associations nationales de lutte contre l’esclavage qui coopèrent au
niveau européen retiennent des critères essentiels pour décrire les
situations d’esclavage. On notera notamment que les papiers d’identité
sont systématiquement confisqués par l’employeur. La jeune fille n’a
plus aucun moyen de recours et a peur de l’expulsion si elle se fait connaître
auprès des services de police. Elle ne peut revendiquer des droits qu’elle
ne connaît pas.
De plus, les conditions de travail sont contraires à la dignité humaine :
de 15 à 21 heures de travail par jour, 7 jours sur 7, sans congé, sans rémunération
ou une rémunération dérisoire. De plus les conditions d’hébergement sont
souvent déplorables et ces jeunes filles dorment le plus souvent à même le
sol.
Ces personnes sont séquestrées soit physiquement en leur interdisant
toute sortie et en les enfermant à l’intérieur, soit en les conditionnant
psychologiquement sur les « dangers » encourus à l’extérieur,
notamment par rapport à leur situation irrégulière.
La plupart des employeurs font en sorte de rompre tous les liens familiaux
de la victime, voire font pression sur la famille restée au pays.
L’isolement culturel est aussi un critère retenu dans la mesure où la
plupart des jeunes filles qui arrivent dans les pays d’Europe occidentale ne
connaissent généralement pas la langue et sont sans repères. Dans cet état,
il est d’autant plus difficile pour elles de chercher du secours.
Ces jeunes filles, la plupart du temps recrutées alors qu’elles sont
mineures, rentrent au service de diplomates en poste dans des pays européens.
Ces personnes bénéficient de l’immunité diplomatique et il s’avère par
conséquent difficile de les inculper. Certains employeurs se révèlent aussi
être des personnes influentes dans leur pays d’origine ou connaissent des
personnalités importantes, ce qui fait qu’elles bénéficient d’une
couverture relativement solide à laquelle ni la jeune fille exploitée, ni sa
famille, ni même certaines autorités ne sauront s’attaquer.
On retrouve aussi la possibilité d’exploitation de jeunes filles par
leurs propres compatriotes émigrés dans un pays européen. Ceux-ci ne sont
pas forcément plus aisés sur le plan financier, mais exploitent quelqu’un
de plus faible qu’eux.
Cette nouvelle forme de violence qui vient d'être mise à jour pourrait être
enrayée par l'instauration, dans un premier temps, d'un code de bonne
conduite pour les diplomates puis la possibilité de demander la levée de
l'immunité diplomatique pour les diplomates qui s'adonnent à cette
exploitation tout en restant au-dessus de ces lois.
D. La traite des
femmes et la prostitution
Le Conseil de l’Europe, par sa recommandation 1325 (1997), définit la
traite des femmes et la prostitution forcée comme tout transfert légal ou
illégal de femmes et/ou le commerce de celles-ci, avec ou sans leur
consentement initial, en vue d’un profit économique, dans l’intention de
les contraindre en suite à la prostitution, au mariage ou à d’autres
formes d’exploitation sexuelle forcée. Les recours à la force, qui peut être
physique, sexuelle et/ou psychologique, comprend l’intimidation, le viol,
l’abus d’autorité ou la mise en situation de dépendance.
La dernière décennie a vu ouvrir les frontières vers l'Europe et créer
de nouveaux espaces de circulation des personnes. De nouveaux mouvements
migratoires se sont développés et en particulier, un mouvement provenant des
pays de l’Europe de l'est vers l’ouest. Les situations économiques et
sociales de pauvreté encouragent ces migrations. La tentation est grande
d’aller gagner de l’argent plus facilement ailleurs et beaucoup de jeunes
femmes tombent dans le piège de ces réseaux d’exploitation. Une des formes
les plus répandue est la traite à des fins d’exploitation sexuelle.
On remarquera trois caractéristiques principales de la traite des femmes
à des fins de prostitution forcée : la constitution de filières, le
nomadisme des femmes et la violence quasi-permanente.
La constitution de filières est facilitée par la diaspora de certaines
communautés dans les pays d’Europe de l’Ouest. Ainsi, les Albanais et les
Russes notamment ont constitué des réseaux de contacts dans plusieurs pays
pour pouvoir mettre en place un trafic à grande échelle. Les filles sont
ainsi déplacées d’une ville à l’autre et d’un pays à l’autre.
La tendance mise en évidence dans ce domaine par l’Office International
des Migrations, depuis le début des années 90 montre que la plus grande
majorité du trafic en Europe concerne des jeunes filles des pays d’Europe
centrale et orientale qui sont envoyées dans les pays de l’Union Européenne,
où l'ouverture des frontières facilite les déplacements des trafiquants.
Les données fournies par Interpol montrent que la plupart des femmes
concernées par de telles pratiques sont originaires d’Europe :
centrale (39%), orientale (22%) ainsi que des Balkans (17%). Les autres jeunes
femmes viennent d’Afrique ou d’Amérique du sud, mais dans une moindre
mesure. Quant aux pays de destination, on constate que le trafic des femmes en
provenance des Républiques tchèque et slovaque, de Pologne, de Hongrie et de
Roumanie est essentiellement destiné aux trottoirs d’Allemagne, de
Belgique, de France, d’Italie et de Finlande. On retrouve les jeunes femmes
bulgares, albanaises, serbes en Belgique et aux Pays-Bas ainsi qu’en Italie.
L’Allemagne, la France, la Belgique et la Finlande ont sur leur territoire
des jeunes filles russes, ukrainiennes et moldaves. 80% des prostituées
d’Amsterdam sont des étrangères et 70% sont dépourvues de papiers.
Ce trafic d’êtres humains s’accompagne souvent d’autre trafics :
trafic de faux documents, de moyens de transport comme les voitures volées.
En fait, le trafic de jeunes filles démarre souvent dans les pays plus
pauvres, puisque les femmes y sont plus vulnérables et il n’y a pas besoin
de gros « investissement ». Par contre, les gains sont considérables
et constituent un tremplin vers d’autres trafics. Ainsi, les nouveaux gains
permettent d’investir dans le trafic de drogue.
Le recrutement se fait par divers moyens. La plupart des jeunes filles
immigrantes sont trompées par de fausses promesses de mariage, de
travail…Une enquête d’Europol précise que seulement un tiers des femmes
savent ce qui les attend dans le pays de destination. Dès la sortie du
territoire d’origine, leurs papiers sont supprimés et elles sont prises en
charge par le réseau jusqu’à la destination finale. Elles sont alors liées
au proxénète par un contrat de dette à long terme qui est censé rembourser
les frais des transport, de visa, de logement etc.. Il n’existe pas d’échappatoire
pour ces jeunes filles qui sont constamment sous contrôle. Certaines sont
kidnappées alors que d’autres, très peu, savent pertinemment ce à quoi
elles s’engagent.
Elles ne dénoncent pas les faits pour plusieurs raisons : elles se
trouvent en situation irrégulière et sans papiers et craignent la police. De
plus, certaines ont souvent de faux passeports de pays en guerre, car la
plupart des pays de l’Europe occidentale n’expulsent pas les ressortisants
de ces pays. Ensuite, les jeunes femmes ne dénoncent pas les faits car elles
craignent des représailles pour elles et leur famille. La violence infligée
à ces femmes comme moyen de pression est ignoble puisque, outre les violences
sexuelles forcées, certaines sont battues, torturées voire tuées si elles
ne rapportent pas leurs gains et ne remboursent pas leur dette. On a même vu
certaines femmes envoyées en « camp de dressage » en Italie où
elles doivent faire de 50 à 60 passes par jour. Enfin, certaines pressions
peuvent s’exercer au niveau de la famille de la jeune fille.
Cependant il est certain qu’un tel trafic n’aurait pas une si grande
ampleur si la plupart des pays européens avaient une législation moins
laxiste en matière de prostitution. La position d’un pays comme les
Pays-Bas est de prendre la prostitution comme un moindre mal et donc de libéraliser
le marché du sexe. C’est bien sûr la porte ouverte à tous les mafieux
dont le trafic est plus que rentable. Le corps humain devient l’objet de
transactions allant à l’encontre même du principe universel selon lequel
le corps est inaliénable. Le sexe devient un service de consommation et peut
être donc l’objet de conventions. Le proxénétisme est considéré comme
une activité économique comme les autres. La plupart des filles issues de ce
trafic n’ont pas donné leur consentement à de tels accords et ne perçoivent
aucune contribution pour leurs « services ». Il y a contrainte là
où il devrait y avoir « consentement de plein gré à sa propre
exploitation ».
Il faut également souligner que faute d'accords internationaux, les
victimes de la prostitution ne peuvent être renvoyées dans leur pays
d'origine. C'est pourquoi, il apparaît nécessaire, outre une législation très
stricte dans ce domaine, que les structures de police spécialisées puissent
disposer d'informations les plus complètes possibles sur les criminels
impliqués dans ces trafics.
C'est la raison pour laquelle une des premières mesures à prendre par les
gouvernements est de lancer une campagne d'information à l'intention des
migrants sur la législation des pays d'accueil mais également d'élaborer
une législation visant à accorder une protection juridique aux femmes imigrées
victimes de la prostitution.
III.
Conclusions : la mise en oeuvre de plans d’action
A.
Associations et ONG : une présence sur le terrain efficace
C’est la collectivité qui fixe les limites de l’espace social des
femmes et qui détermine leur comportement au sein d’un réseau de valeurs
et de normes. Cette collectivité n’est pas entièrement sous le contrôle
de l’Etat, mais est un lieu où opèrent une multitude d’organisations
privées et associatives qui influent sur la vie des femmes. Les associations
sont très présentes sur le terrain pour répondre aux victimes de violence. Ce
sont elles qui peuvent enregistrer en premier lieu les plaintes et se rendre
compte de l'ampleur du phénomène.
Les associations et les ONG sont les organismes à qui les femmes victimes
de violences vont le plus souvent s’adresser. Par leur présence sur le
terrain, ils mesurent directement les conséquences d’actes violents et
peuvent déjà fournir quelques statistiques.
La principale activité de ces associations est d’abord de donner la
parole aux femmes victimes de violences. Un réseau d’écoute est souvent
mis en place avec des permanences téléphoniques, un local d’accueil où
les victimes peuvent trouver un soutien immédiat, que ce soit psychologique
ou matériel. Les victimes sont informées des démarches qu’elles peuvent
entreprendre et peuvent recevoir une aide juridique. De plus, ces mêmes
associations contribuent beaucoup à la prise de conscience des problèmes de
violence dans les Etats membres et diffusent l’information pour sensibiliser
la population au fait que la violence trouve ses racines dans l’inégalité
entre les femmes et les hommes. Enfin, ces associations et ONG collaborent
aussi beaucoup avec les structures étatiques notamment dans la formation des
professionnels concernés par les problèmes de violence : services de
santé, de police etc..
C’est pourquoi, les organismes associatifs devraient pouvoir recevoir
plus d’aide financière de la part des Etats et des institutions
internationales. Ils devraient être associés plus systématiquement avec les
actions des services judiciaires et de police.
B. Les politiques
nationales
L’Etat joue aussi un rôle essentiel dans la lutte contre la violence
envers les femmes.
Malheureusement, la plupart des pays membres du Conseil de l'Europe
manquent encore de données statistiques précises pour évaluer l’ampleur
et le poids social que constituent les faits de violences exercés à
l’encontre des femmes. L’Etat se base la plupart du temps sur les données
fournies par les associations et fait reposer sa politique en matière de
lutte contre la violence essentiellement sur elles. C’est pourquoi, il faut
absolument recenser les effets de la violence. Il est regrettable que de
grandes agences statistiques nationales ou même européennes comme EUROSTAT
ne possèdent que peu de chiffres en la matière. Comment évaluer les
besoins, mettre en oeuvre des politiques efficaces, et vérifier l’incidence
de celles-ci sans outil statistique ?
Il faut souligner toutefois que depuis les conférences de Pékin et du
Caire, les Etats se sont de plus en plus impliqués dans la mise en oeuvre de
politiques de prise en charge des situations et des conséquences de violence
et ont chargé les ministères et administrations concernés d’agir dans ce
domaine. La plupart ont mis en place des structures interministérielles ou
interinstitutionnelles chargées des problèmes de l’égalité des chances
et plus particulièrement des problèmes de violence.
Au niveau législatif, il appartient à l’Etat de vérifier la bonne
application des lois existantes et de légiférer en la matière en cas de
carence. Les Etats s’impliquent de plus en plus dans les différents champs
d’intervention des professionnels et favorisent la création de dispositifs
publics susceptibles de faciliter l’accès des femmes à toutes ces
structures d’aide.
Cependant, les priorités divergent d’un pays à l’autre, notamment en
fonction de la vision de la femme dans la société. Il est difficile de
mettre en oeuvre des politiques efficaces de lutte contre la violence, si la
population n’est pas sensibilisée au problème de l’égalité des femmes
et des hommes.
Dans tous les cas de violence, le principe fondamental en matière de
justice devrait être le droit des femmes et des enfants à être protégés.
Les lois et les règlements devraient être appliquées plus strictement et
systématiquement sur les territoires nationaux et devraient être cohérents
au niveau européen. Ainsi, le personnel judiciaire devrait être spécialement
formé voire spécialisé sur ces problèmes. De plus, la coopération policiaire et juridique devrait être plus efficace pour permettre de ne pas
laisser des crimes impunis et encourager ainsi les récidives. Une aide
financière spécifique devrait être fournie aux victimes de violences pour
leur permettre de « reconstruire » leur vie après un tel
traumatisme.
L’éducation est un élément pivot de la lutte contre la violence faite
aux femmes et aux fillettes. Elle est donnée par la famille, les structures
éducatives et les médias. Ainsi, si nous voulons changer la vision sexiste
qui prédomine dans les échanges entre les hommes et les femmes, et particulièrement
en finir avec les actes de violence, c’est aux organes qui diffusent l’éducation
et la formation de renverser la vapeur et de diffuser le principe de non tolérance
de la violence. Tout doit être mis en oeuvre pour ne plus diffuser des stéréotypes
sexistes. Ce qui est préconisé ici, est un changement de fond des mentalités
qui doit mener à terme à la disparition des formes de violence basées sur
l'égalité des chances. Les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent
pouvoir mettre en place de larges campagnes d’information et de
sensibilisation au problème pour que celui-ci ne reste plus tabou.
En ce qui concerne l’action de la police et de la justice, il devrait
pouvoir exister des procédures spéciales concernant les actes de violence
envers les femmes. On entend par là l’allègement des procédures de témoignage,
de déposition, de recueil des preuves etc… De plus en plus de services spéciaux
sont mis en place pour répondre à de tels problèmes et sont formés et
sensibilisés aux actes de violence. Cependant, on pourrait instaurer un
principe de Tolérance Zéro qui sanctionnerait immédiatement les auteurs de
violence. Ainsi, il ne suffit plus de « calmer » les hommes qui
battent leur conjointes, mais avoir une attitude plus intransigeante envers
ces personnes.
C. La coopération
internationale
Le Conseil de l'Europe a à plusieurs fois pris l’initiative, par différents
rapports et rencontres intergouvernementales d’encourager les Etats membres
à considérer l’élimination de la violence comme une priorité. Il les a déjà
incité à coopérer et à adopter des objectifs communs sur le plan européen.
En matière de traite des femmes et de prostitution forcée, la protection
et les moyens d’action concernant ces violences ne peuvent être
correctement traités que si l’on définit exactement le cadre législatif régissant
la prostitution : la criminalisation, la règlementation, la décriminalisation
et la législation. Les pays du Conseil de l'Europe ont tous des regards différents
quant à l’attitude à adopter envers la prostitution et les proxénètes.
Ces hésitations et ces différences de traitement selon les pays profitent au
trafic. Il est donc nécessaire d’harmoniser les législations des pays
européens et particulièrement celles des pays « d’ accueil »
du trafic. Quant aux pays de départ, une action concertée doit être mise en
place, en collaboration avec les forces d’Interpol et d’Europol, pour déceler
les filières et prévenir les jeunes filles. Les contrôles aux frontières
sont malheureusement peu efficaces dans la mesure où la plupart du temps, les
jeunes femmes sont envoyées tout à fait légalement dans les pays
d’accueil et ce n’est que sur place qu’elles se voient confisquer tout
droit. D’autre part, pour les femmes victimes de la traite, il faudrait
assouplir les conditions de droit de séjour (pas d’expulsion si elles se
font connaître), leur donner accès à l’aide et aux services publics et
judiciaires, ainsi que de leur permettre d’ester en justice pour confondre
leur « employeur ». De plus, cette lutte contre la traite des
femmes passe aussi par une lutte contre la mafia et l’économie souterraine.
Commission saisie du rapport : commission sur l'égalité des chances
pour
les femmes et les hommes
Renvoi en commission: Doc. 8238 et renvoi n° 2342 du 4 novembre 1998
Implications budgétaires pour l’Assemblée: néant.
Projet de recommandation adopté par la commission le 29 février 2000
par 15 voix pour et 1 voix contre.
Membres de la commission: Mme Roudy (Présidente),
Mme Busic, Mme Poptodorova, Mme Keltosova (Vice-Présidentes), Mme
Aguiar, M. Anusz, M. Browne (remplaçant: M. Connor), Mme Calner,
Mme Cryer, Mme Dade, Mme Dromberg, Mme Err, M. Felici, Mme
Frimannsdóttir, Mme Gatterer, Mme Gülek, M. Hadjidemetriou, Mme
Herczog, M. Jakic, Mme Jones, Mme Katseli, M. Kofod-Svendsen, Mme
Kulbaka, M. Kurykin, Mme Laternser, Mme Lörcher, Mme Nagy, Mme Ninoshvili, Mme Paegle, Mme Paleckova, M. Popovski, Mme Pozza Tasca, Mme
Pulgar (remplaçante: Mme Calleja), M. Pullicino Orlando, Mme Ringstad,
Mme Serafini (remplaçant: M. Risari), M. Sobyanin, Mme Stanoiu,
Mme Süssmuth, M. Truu, Mme Zapfl-Helbling (remplaçante: Mme Vermot-Mangold),
Mme Zwerver.
N.B. Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en
italique.
Secrétaire de la commission: Mme Nollinger.
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