HOME    Contributions  > EuroWRC FrançaisDoc_Belgique

 


Précédente Accueil Remonter Suivante
 

Home Liste (fr)) Back Next

  Liste Belgique - 3/6  

1.Textes généraux -  2.France - 3.Belgique  - 4.Suisse - 5.Canada

 
LA CAMPAGNE DU RUBAN BLANC
« Des hommes opposés aux violences masculine à l’égard des femmes »


par Jean Paul-Graver

1.  La violence des hommes à l’égard des femmes existe partout dans le monde. Elle touche toutes les sociétés de notre planète.

Elle existe depuis toujours, avec des périodes plus dures que d’autres.
M. Daniel Welzer Lang qui dirige une unité de recherche sur les genres à l’Université de Toulouse et qui est anthropologue de formation nous apprend que même dans les sociétés dites matriarcales, où le nom se transmet par la mère, le pouvoir était aussi aux mains des hommes.
Bref, la violence ferait-elle partie de « l’éternel masculin » ?  
Elle serait innée et donc inéluctable ?
Nous pensons que non.
Toutefois, elle restera inéluctable tant qu’elle sera tolérée et jamais condamnée publiquement, socialement et pénalement.

2. La violence des hommes à l’égard des femmes a son origine dans les rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes.  Elle résulte de la domination des hommes sur les femmes et de la volonté de ceux-ci de maintenir ce rapport de pouvoir.

3. Qu’entendons-nous par violence ?

La violence que nous dénonçons est celle qui est directement liée à la volonté de dominer.
Il se peut que certains et certaines trouvent dans nos propos une part de violence.  Quand on croit très fort à ce que l’on dit, on peut y mettre beaucoup de force.
En aucun cas, il ne s’agit pas dans mon chef de vouloir exercer sur vous une quelconque domination.
Par ailleurs, l’agressivité – à ne pas confondre avec la violence – est nécessaire à la vie.  Notre organisme ne doit-il pas être agressif pour faire face à toutes les agressions extérieures ?

4. On a toujours considéré les violences domestiques comme faisant partie de la sphère privée.  On n’a donc pas à s’en occuper.  C’est un problème privé, point.

Aujourd’hui, il n’est plus possible de taire le problème.  Il faut le placer dans la sphère publique.  La violence des hommes est un problème de société et elle doit être prise en charge aussi par la politique.
Les choses avancent.  Grâce aux combats des groupes féministes, des organismes internationaux ont reconnu que la violence des hommes est liée aux rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes.

5. Des courants opposés à la vision féministe du problème, considèrent que les violences domestiques sont le résultat d’un manque de communication ou d’une mauvaise communication dans le couple.  Il s’agit donc de pratiquer une « thérapie conjugale » pour amener les partenaires à mieux se comprendre et à mieux s’entendre.

Cette pratique, outre qu’elle connaît peu de résultats probants, met sur un même pied l’agresseur et la victime et occulte de ce fait les raisons fondamentales de la mésentente.
Il est clair que dans un couple où existe la violence de l’homme, la communication ne peut être bonne.
Soyons clairs : ce n’est pas parce que la communication est mauvaise que la violence est présente.  Mais au contraire, c’est parce qu’il y a violence que la communication dans le couple n’est pas bonne.
Si l’homme ne prend pas conscience qu’il est violent parce qu’il veut dominer, aucune thérapie ne pourra apporter une solution satisfaisante.

6.  Abordons maintenant rapidement les différentes formes de violences.
La violence conjugale est l’utilisation délibérée et récurrente de plusieurs de ces formes de violences ;

La victime est toujours la même personne ;

Ces comportements violents sont utilisés par l’agresseur dans un but de contrôle et de domination.

La plus visible est la violence physique : frapper, tirer les cheveux, brûler, séquestrer, déchirer les vêtements, étouffer, étrangler, tirer avec une arme, poignarder, tuer.
D’autres violences concomitantes ou qui peuvent marquer le début de l’escalade vers les coups sont les suivantes et qui elles aussi font mal :

Violences verbales : crier, faire des injonctions, interrompre sans cesse l’autre, l’obliger à se taire.

Violences psychologiques
 : lancer des insultes, des remarques vexantes, faire passer l’autre pour une folle, exercer du chantage et des menaces.

Violence économique
 : empêcher de travailler, dévaloriser le travail de l’autre, empêcher d’avoir un compte personnel, distribuer parcimonieusement l’argent pour le ménage, vérifier toutes les dépenses de la femme.

Violence sexuelle
 : contrainte à la sexualité – agression – être ligotée de force pendant les rapports sexuels – être violée après avoir été battue ou injuriée.

7. Voyons maintenant qui sont ces hommes violents.

Ils sont hélas nombreux : à chaque femme maltraitée correspond un homme violent.
Ils appartiennent à tous les milieux sociaux : la grande bourgeoisie n’y échappe guère plus que les classes dites populaires.
Les « allochtones » comme on les appelle si mal à non sens, ne sont statistiquement pas plus violents que les « autochtones ».
L’expérience su refuge de La Louvière où vit cependant une population immigrée importante montre que 80 % des femmes hébergées ont un compagnon violent dont la consonance du nom fleure bien le Belge.
En dehors de quelques cas rares qui relèvent de la psychiatrie, la plupart d’entre eux sont des hommes ordinaires, « normaux », peut-on dire.  Souvent d’ailleurs, au travail et dans la vie sociale, ils sont appréciés, voire  « charmants ».  Evidemment, au domicile privé, il en va tout autrement.
Les confidences de femmes battues nous apprennent que certains d’entre eux connaissent un « raffinement » ou plutôt son contraire dans la cruauté ou la bestialité.

8.  Nous vous proposons de pointer 3 caractéristiques qui sont communes à ces hommes violents.

1.             Ils ont particulièrement bien intégré les stéréotypes de  la masculinité et de la virilité où la violence et domination vont de pair.  « Ils en ont », eux, ce ne sont pas des « femmelettes ».
Dire qu’ils soient sûr d’eux-mêmes, c’est loin d’être sûr cependant.
On retrouve chez eux la même volonté d’exercer leur domination que celle que l’on retrouve chez les guerriers qui, pour bien prouver leur domination sur une population, s’en prennent aux femmes qu’ils martyrisent, violent et tuent.

Ce qui s’est passé récemment en Yougoslavie par exemple, reste hélas dans nos mémoires.

2.             Ils font preuve de violence à cause de leur amour pour leur compagne.  C’est tellement ils l’aiment qu’ils en arrivent à la violence, disent-ils.

L’histoire nous a appris que bien des massacres ont eu lieu au nom de Dieu.
Mais quel Dieu ?
Et voilà que les femmes violentées sont les victimes de l’amour.
Mais quel amour ?
3ème caractéristique : ils n’ont pas pu se contrôler.  Ils ont perdu le contrôle d’eux-mêmes.  Mais bien sûr, la victime y est pour quelque chose : elle a répliqué ou, au contraire, elle se tait.  Le repas n’est pas bon … Tous les motifs sont bons. 
En réalité, plutôt qu’une perte de contrôle, il s’agit d’une prise de contrôle, une façon de réaffirmer qui a raison et qui est le maître.
D’ailleurs, le plus souvent, sauf dérapage, ils savaient jusqu’où aller dans les coups pour ne pas commettre l’irréparable.
Il est évident que si un supérieur ou un policier par exemple l’exaspèrent, il sauront se contenir.
Une quatrième caractéristique fréquente elle aussi.  L’agresseur a tout fait pour que sa compagne soit isolée : il a cassé les liens avec les copines et même avec la famille.
Certaine femmes sont obligées à la clandestinité pour avoir contact avec leurs parents.

9.  Alors, que faire ? Quelles pistes d’actions ?

Très modestement, nous allons essayer de pointer quelques directions vers lesquelles doivent tendre nos efforts.

a)  L’éducation des filles et des garçons.
Elle a évolué évidemment mais fondamentalement, elle reste très stéréotypée : pour les filles, la gentillesse, la douceur, la soumission.  Pour les garçons, la force, l’autonomie, l’indépendance, la domination.
Combien de garçons sont associés aux tâches ménagères ?
Dans les sciences, les représentations sexuelles sont tout autant typées.  Sont considérés comme appartenant au masculin : l’objectivité, la rationalité, la neutralité, l’obstraction, la généralité, l’indépendance, l’autonomie.  Inversement, les caractéristiques associées au féminin sont considérées comme allant à l’encontre de la démarche scientifique : subjectivité, irrationalité, partialité, le concret, le particulier, la fusion, la dépendance.
L’arrivée des femmes sur le marché du travail et le fait que plusieurs d’entre elles accomplissent des études supérieures marquent un réel progrès.
C’est une condition nécessaire mais pas suffisante pour atteindre une réelle égalité.  Il y a tout un travail à faire au niveau des mentalités.

b)  Que faire avec les hommes violents ?
D’abord, faisons remarquer que peu d’hommes agresseurs connaissent une sanction pour leurs actes.  D’où un sentiment d’impunité et la possibilité de continuer leurs violences.
Or, dans les pays où existent des programmes d’aide pour les hommes violents, il faut bien constater que ceux-ci les rejoignent sous la contrainte d’une décision judiciaire.
Il est illusoire de croire que les hommes violents viendront de leur propre initiative suivre un programme à leur intention car, pour eux, le problème n’est pas chez eux.  C’est leur compagne qui doit être prise en charge (cfr la thérapie conjugale où l’homme finit par se présenter pour faire plaisir à sa compagne).

c)  Une prise en charge du problème par la politique
Le Québec constitue une référence pour la problématique des violences conjugales, que ce soit au niveau de la politique d’accueil des femmes battues, d’une pratique féministe à leur égard, de programmes d’aide et d’éducation des hommes violents.
Ce n’est pas un hasard ou une grâce divine qui aurait privilégié le Québec.  Non, le Québec a investi considérablement dans cette problématique.
Notre pays devrait avoir la même volonté politique.
Le plan gouvernemental annoncé nous semble aller dans la bonne voie.
A juste titre, le gouvernement constate qu’il n’est pas possible de mesurer la violence dans notre société.  Il veut se donner les moyens de la connaître.  Fort bien.
Nous lançons un appel pour amener les universités de ce pays à investir également dans ce que l’on appelle « le genre ».
Nous souhaitons qu’on réfléchisse à cette culture de différenciation des sexes où le masculin est porteur de domination et de violence.
Il faudrait investiguer sur une nouvelle masculinité.

10. Conclusion

Sans nous prendre pour Zoro qui enfin est arrivé – nous sommes de toutes façons en retard mais mieux vaut tard que jamais - , nous ne sommes pas peu fiers de mener un combat aux côtés des groupes de femmes pour une société plus fraternelle, plus égalitaire, plus respectueuse des droits de l’homme – des femmes en l’occurrence – un monde sans violence.
Un monde où il n’y aurait pas que les femmes qui auraient gagné quelque chose.

Jean-Claude GRAVER
(présentation au Sénat le 27 avril 2001)
Collectif et refuge pour femmes battues de La Louvière:
 

 


Précédente Accueil Remonter Suivante

up