CFEP - Centre
Féminin d’Education Permanente - Bruxelles/ Belgique
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(2)
Parents
maltraitants :
point de vue pénal à l’égard des parents violents
Réponse et prise en charge de la protection de la jeunesse
Madame De Vroede, Procureur
du Roi au Parquet de la Jeunesse
Direction
de la section Famille-Jeunesse au Parquet, magistrate de liaison en médiation
pénale et magistrate de référence en matière de disparition inquiétante.
Madame Maria Thomas,
Substitut du Procureur du Roi, travaille depuis 1995 à la section mœurs
du Parquet, section Pénale avec une expérience de 10 ans dans
l’administration de la Protection de la Jeunesse.
Le travail du Tribunal de la Jeunesse et du Parquet de la Jeunesse est
principalement celui de la protection à l’égard de l’enfant
victime de maltraitance.
Depuis quelques années, le Parquet de la jeunesse travaille également
au niveau de la prévention,
>> en s’efforçant de mettre en place des réseaux
de collaboration et de coordination avec des services extérieurs ( PMS,
des centres de guidance, de planning familial, de santé mentale…) qui
souhaitent être informés de ce que la justice peut apporter comme réponse
à des problèmes de maltraitance.
>> en participant à des formations destinées aux enseignants et
directions des écoles maternelles et primaires.
>> en organisant avec le Parquet Majeur ( aspect pénal) des
rencontres tous les deux mois avec les équipes SOS des grands centres
hospitaliers de la ville.
>> en coordonnant avec le Service Jeunesse de la Police Communale
(assistant(e)s de police ayant une formation sociale) des enquêtes
sociales auprès des familles.
Les trois instances principales qui travaillent au niveau de la
Protection de la jeunesse sont le Service Jeunesse de la Police, le
Parquet de la Jeunesse et le Juge de la Jeunesse.
Les autres intervenants sont le Conseil d’Aide à la Jeunesse et au
sein du Tribunal, le Service social
dirigé par un responsable du Service de Protection Judiciaire
pour Bruxelles. (voir schéma de l’organisation judiciaire en annexe).
I. Le Parquet de la Jeunesse au regard de la maltraitance :
Le Parquet de la Jeunesse est une plaque tournante qui recueille une
série d’informations provenant de personnes, de services extérieurs;
de la police, de la gendarmerie, des écoles, de l’ONE… , signalant
une situation de mineur en danger.
La maltraitance est un vocable très large qui recouvre la suspicion, la
négligence ponctuelle
mais aussi la maltraitance physique.
Rôle d’investigation avec l’aide du Service Jeunesse de la
Police communale :
Le Parquet entreprend, dans les 24 heures de la dénonciation,
si nécessaire, avec l’aide du Service Jeunesse de la Police
communale des investigations c’est à dire une enquête sociale auprès
de la famille.
Rôle d’orientation :
En fonction de la situation, de la gravité ou du degré de
collaboration des parents, le Parquet peut décider soit de garder le
dossier à « l’information » ( le dossier reste au niveau
du parquet de la jeunesse avec un suivi régulier auprès de la famille)
soit via la police, d’orienter la famille vers un service extérieur.
Rôle d’orientation spécifique vers le
Conseiller d’aide à la jeunesse :
Celui-ci dispose d’un service social. Il a les mêmes missions qu’un
juge de la jeunesse mais il travaille dans le cadre de la protection
sociale et de l’aide volontaire. Avec l’accord des parents et celui
du jeune si celui-ci a plus de 14 ans, il peut proposer une mesure de
guidance, de surveillance, orienter vers un service extérieur, mandater
une équipe SOS ou proposer un placement en institution ou en famille
d’accueil.
Rôle de coercition:
Le Parquet a le monopole de la saisine du Tribunal de la Jeunesse en
matière de mineur en danger. Le juge peut intervenir dans les 24 heures
ou convoquer les parents.
Exemple d’une situation urgente : un bébé de 2 mois est emmené
à l’hôpital. Il présente de multiples fractures et des difficultés
respiratoires. Les équipes SOS de l’hôpital contactent le parquet
après enquête auprès des parents. Ceux-ci ne reconnaissent aucun fait
de maltraitance.
Nous sommes ici dans une situation de protection judiciaire et d’aide
contraignante. Le juge de la Jeunesse doit prendre des mesures pour protéger
l’enfant. En l’occurrence, le juge, dans les 24 heures, a demandé
l’examen de l’enfant par un médecin légiste, rencontré les
parents et décidé d’un placement provisoire de l’enfant à l’hôpital
et ouvert un dossier pénal à l’encontre des parents.
Procédure pénale (mesures que peut prendre le Juge de la Jeunesse)
Mesures de surveillance :
Le juge peut soit laisser l’enfant dans son milieu familial avec une
mesure de surveillance, exercée par le Service de protection
judiciaire, le Service social ou le tribunal, assortie de conditions :
fréquenter un centre de guidance ou une crèche ; venir régulièrement
à la consultation ONE … C’est le délégué du service de
protection judiciaire qui va régulièrement rapporter au juge de la
jeunesse la situation familiale de l’enfant et organiser une
collaboration avec la famille afin de l’impliquer et de susciter sa
prise de conscience du problème.
Investigations :
Le juge peut demander un complément d’enquête auprès du Service
social du tribunal et un examen médico-psychologique auprès d’une équipe
spécialisée.
Maintien de l’enfant dans la famille :
Avec obligation pour le mineur de fréquenter un centre de guidance ou
d’orientation éducative.
Placement qui peut avoir différents objectifs:
Dans un premier temps, il peut représenter une mesure de protection immédiate
de l’enfant ou une mesure d’observation ( cas du placement à l’hôpital
ou une équipe SOS enquêtera auprès de la famille).
A plus long terme, le placement peut être envisagé dans une
institution privée pour mineurs
et en famille d’accueil pour les jeunes enfants.
Le placement d’un enfant dans une institution est souvent la dernière
des solutions et ne représente en aucun cas une mesure définitive. La
possibilité du retour de l’enfant dans sa famille reste l’objectif
prioritaire.
II. La Section « Adultes » du Parquet
Le Parquet Adultes a nettement moins de dossiers de mauvais
traitements que le Parquet Jeunesse car les équipes SOS s’adressent
prioritairement au Parquet Jeunesse qui est habilité à prendre les
mesures urgentes à l’égard de l’enfant mais également parce que
ces équipes désirant travailler avec les parents, évitent de les dénoncer
au Parquet Adultes.
Classement sans suite-renvoi correctionnel.
Le Parquet « Adultes » n’est saisi des faits, d ‘une
part que si le Parquet
Jeunesse estime que ceux-ci sont très graves et qu’il faut requérir
un médecin légiste pour examiner corporellement l’enfant et
d’autre part lorsque la poursuite des parents s’impose.
En matière de preuves, celles-ci étant difficiles à établir en cas
de mauvais traitements, le doute pourra
profiter aux parents et le dossier sera classé sans suite. En
effet, souvent seuls les parents et l’enfant savent ce qui s’est
passé, et s’il y a un doute, on sait qu’au tribunal il y aura
acquittement (telles sont les règles du jeu dans une démocratie).
Toutefois ce n’est pas parce que le dossier est classé en section
Adultes que l’enfant n’est pas pris en charge. Pour un même fait
deux magistrats peuvent s’occuper du même dossier.
La section Adultes doit se demander si le renvoi devant un tribunal est
opportun. La justice des adultes étant très lente, l’audience
judiciaire ne va-t-elle pas casser tout le travail entrepris par la
protection de la jeunesse. Entre temps, l’enfant sera peut-être déjà
réintégré dans la famille, les parents ayant pris conscience des événements
et appris à gérer leur violence.
Il semble donc, souvent, plus opportun de mettre en place une structure
en matière protectionnelle que de punir les parents d’un enfant par
une peine de prison.
Dans les cas où la preuve de maltraitance existe, le Parquet envisagera
soit une médiation pénale, (l’affaire est traitée au
pénal sans un renvoi devant le tribunal) soit dans les cas très
graves, peut décider d’une mise à l’instruction, avec mandat
d’arrêt ou maintien en
liberté sous conditions.
La Médiation pénale :
Procédure assez innovatrice qui concerne les délinquants majeurs, en
vigueur depuis la loi du 10 février 1994. Même dans les dossiers
relativement lourds on peut proposer la médiation. Le législateur était
très optimiste en proposant la médiation comme alternative aux
poursuites ou à la peine d’emprisonnement, partant du constat que
dans la majorité des cas de maltraitances, l’auteur et la
victime se connaissent.
La médiation est une rencontre directe ou indirecte entre auteur
et victime.
Les conditions : l’auteur
doit reconnaître le fait qu’on lui reproche. Il doit être en aveux. Il doit être d’accord avec la procédure
qui nécessite son implication dans cette démarche de réparation.
La victime qui est associée
à la procédure doit également marquer son accord.
Avantages : Auparavant, les victimes devaient se constituer
partie civile pour être associées à la procédure. Dans la médiation,
la victime est associée à la procédure dès le départ. Le procureur
du Roi suspend les poursuites, contacte la victime et l’auteur et
propose une médiation, lieu de rencontre, d’écoute, de propositions
à l’égard de l’auteur. Pour l’auteur, la médiation représente
un avantage car on ne parle pas de condamnation ni de punition mais de négociation,
d’écoute, de participation et réparation et de responsabilisation.
C’est ainsi, par exemple, que la médiation reste très pertinente
dans les situations d’enlèvements parentaux d’enfants au niveau
international car elle permet de ré-instaurer un dialogue entre les
parents.
Dans plus de 50% de dossiers de maltraitance, la demande de la victime
n’est pas une indemnisation financière mais plutôt une rencontre
directe ou indirecte avec l’auteur. La victime attend de l’auteur
des faits, une explication, des excuses ou des regrets.
Exemple d’un cas d’attentat à la pudeur de la part d’un voisin
sur la personne d’un enfant de 8 à 10 ans dont il était en charge.
Les parents de l’enfant ont accepté la médiation avec ce voisin et
exigé du médiateur que le voisin déménage ; qu’il suive une
thérapie avec vérification du médiateur et qu’il participe à des
travaux d’intérêt général à concurrence de 100 heures dans une
ASBL.
Le dossier a été classé. La médiation pénale, dont les conditions
sont respectées, entraîne l’extinction de l’action publique. La
personne qui a satisfait à la médiation en respectant l’accord,
auquel elle a souscrit, ne sera jamais poursuivie devant le tribunal
correctionnel pour le même fait.
La déchéance de l’autorité parentale :
La déchéance est une mesure de protection de l’enfant que le juge
peut prendre à l’égard d’un parent ou des parents. Il ne s’agit
pas d’une sanction, accessoire et automatique, à l’égard d’un père
ou d’une mère qui serait condamné pour des faits qu’il aurait
commis sur son enfant, mais une sanction spécifique qui peut, mais ne
doit pas, être prononcée. Dans la déchéance, les obligations
parentales ( obligation de participation aux frais d’entretien et d’éducation,
etc…) demeurent, mais leurs droits sont totalement ou partiellement
enlevés aux parents. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle, car le
juge peut mais n’est pas obligé de déchoir.
L’enquête du service social du tribunal et/ou les différents
intervenants jouent ici un rôle capital car il s’agit de voir si
cette mesure est dans l’intérêt de l’enfant ou si elle opère
uniquement comme punition à l’encontre des parents. L’enfant perd
un parent et l’autorité est alors exercée par l’autre parent, par
un protuteur ou une autre personne désignée par le tribunal. Nous
rencontrons de plus en plus d’anciens mineurs, en thérapie et très
fragilisés, qui viennent au Parquet de la Jeunesse pour pouvoir
consulter leur dossier et comprendre les raisons qui ont motivé soit le
placement ou la déchéance parentale. Actuellement, deux criminologues
accueillent ces adultes, organisent les entretiens, les amènent
progressivement à consulter leurs dossiers.
En conclusion : quelques ressources locales
Témoignage du conseiller d’aide à la Jeunesse
La majorité des parents mal traitants sont des parents désemparés qui
connaissent des conditions de subsistance épouvantables. La
maltraitance est une conduite surajoutée à ce qu’ils vivent au
quotidien. Quand l’enfant victime de maltraitance est signalé par
l’école ou la police, la plupart des parents s‘effondrent et sont
enfin soulagés d’être arrêté dans ce processus de violence. Les
enfants victimes de maltraitance interrogés souhaitent généralement
l’arrêt de cette maltraitance et la prise de conscience de la douleur
engendrée par les coups de la part du
parent violent mais ne souhaitent pas que l’on envoie son
parent en prison. En précipitant un père en prison, on accélère
davantage le désarroi social de la famille en la privant d’un revenu
et, en culpabilisant l’enfant qui devient le responsable désigné de
cette situation
Depuis 1991, le législateur communautaire a pris un décret d’aide à
la Jeunesse qui met l’accent sur les ressources locales. Actuellement
l’enfant en difficulté peut facilement rencontrer un conseiller
d’aide à la Jeunesse, qui peut grâce à son service social,
convoquer la famille, recevoir le jeune, proposer un programme d’aide
sociale - ou rencontrer une équipe SOS pluridisciplinaire dans un des
grands centres hospitaliers de Bruxelles - ou encore être entendu par
un délégué d’aide à la police. Toutes ces instances peuvent en
dernier ressort dénoncer la situation de maltraitance au Parquet si la
famille ne veut pas collaborer.
Il est important que l’enfant maltraité et sa famille se rendent
compte qu’il existe une synergie entre les différents services et des
réseaux de solidarité au niveau social même si ces lieux ne sont pas
suffisants. |