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CFEP - Centre Féminin d’Education Permanente - Bruxelles/ Belgique
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VIOLENCE ET INTERVENTION DE CRISE. 
Présentation du travail d'une unité de crise.


Monsieur Pierre MINNER, psychiatre de l’Unité de Crise du Centre Hospitalier Universitaire Brugmann.

Madame Caroline BONFOND,
 psychologue à l’Unité de Crise du Centre Hospitalier Universitaire Brugmann.


Différents aspects de la violence dans le contexte psychiatrique :

Fonctionnement de l’unité de Crise de Brugmann.

Situé dans le nord-ouest de la ville de Bruxelles, l’Unité de Crise est en aval de la garde psychiatrique de l’hôpital qui reçoit environ 3.000 personnes par an dont :

- 15% seront directement hospitalisés dans les unités de psychiatrie classique.
- 15% seront envoyés à l’unité de crise.

L’Unité de crise a été créée sur l’initiative du Ministère des Affaires Sociales. Au départ, trois unités furent créées, une à Charleroi ( Vincent Van Gogh), une à Anvers (Stevenberg) et une troisième à Bruxelles (Brugmann.) Il s’agissait d’une expérience pilote. Depuis, une quinzaine de centres de crise existent sur l’ensemble du territoire.

Le but de l’unité de crise est d’assurer une prise en charge extrêmement intensive mais d’une durée de 72 heures maximum. Au terme de ces 72 heures, 80% des personnes réintègrent leur domicile. Pour 10% il s’agissait d’une mauvaise orientation due au manque de lits dans les services psychiatriques de Bruxelles.

Reste 10% de personnes pour lesquelles cette durée de 72 heures est insuffisante.

Nous n’assurons que très peu le suivi des patients qui passent dans l’unité de crise.

L’unité de crise n’a que 6 chambres. Les psychologues y travaillent également le week-end. Le nursing est dit « référent » c’est à dire que les infirmières prennent en charge spécifiquement une personne et participent aux entretiens.

L’unité de crise tranche totalement avec le mode de fonctionnement habituel de la psychiatrie dans la mesure ou elle lutte contre l’hospitalisation et se définit comme une interface entre l’ambulatoire et l’hospitalier.

Contrairement à l’unité de crise de Brugmann, l’unité de crise de UCL est un centre de consultation intégré qui s’organise très vite, au départ du service d’urgence.

Le suivi est cohérent car la personne est revue ensuite, avec sa famille, et est pris en charge dans le cadre d’autres consultations.

Cette interaction très structurée avec l’unité de crise, peut durer six mois.

En psychiatrie il n’y a pas de modèle très explicite. Les modes d’approche sont différents d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre.

Pour une tentative de suicide par exemple, en Flandre on hospitalise la personne durant un mois minimum, alors qu’à Bruxelles, la plupart des tentatives de suicide sont uniquement gérées par la garde et les personnes rentrent ensuite chez elles. Certaines de ces personnes transitent par l’unité de crise et rentrent ensuite chez elles après trois jours.

Travail en trio-thérapeutique :

Au cours de ces 72 heures en unité de crise, les entretiens se tiennent toujours à trois : un post gradué en psychiatrie ; un psychologue et un infirmier psychiatrique.

Chacun a sa spécificité mais parfois les fonctions peuvent se recouvrir expliquant la nécessité d’un travail en collaboration.

Le médecin doit répondre au diagnostic par un ajustement médicamenteux pertinent. L’infirmier psychiatrique doit être vigilant lors des entretiens et doit également faire-part du vécu en salle. Il est très souvent considéré comme la personne de « référence »  pour le patient. Le psychologue doit comprendre la problématique. Ensemble le trio thérapeutique doit s’interroger :

Quels sont les facteurs de stress ?

>> Y-a-t-il déjà eu une décompensation et si oui quels sont ces facteurs ?
>> Quels sont les ressources de la personne ou de son entourage ?
>> Faut-il travailler cette problématique uniquement avec le patient ou faut-il concerner la famille ?


Nous proposons un entretien par jour mais, à la demande du patient, d’autres entretiens peuvent être envisagés.

Toutes ces informations vont nous permettre d’analyser la demande thérapeutique :

Par exemple, le fait de travailler en trois jours l’analyse de la demande thérapeutique d’un patient qui ne se présente que deux fois par an à la garde depuis dix ans et qui ne fait de demandes de traitements que dans l’urgence, de manière très ponctuelle permet de confronter la personne à son suivi thérapeutique qui n’est manifestement pas opérant.

Le trio-thérapeutique permet également de diluer le transfert notamment dans les cas de tentatives de suicide ou l’on peut être mis dans la position du sauveur quand l’entourage de soutien affectif est défaillant. La charge émotionnelle peut être trop forte pour l’équipe soignante qui doit pouvoir passer le relais au terme des trois jours. D’où la pertinence du trio-thérapeutique.

Toute fois dans certaines problématiques telles que les viols, nous envisageons des entretiens individuels.

Raisons de fréquentation de la garde psychiatrique:

Le recours à la garde pour des soins psychiatriques est en forte augmentation depuis 5 ans.

Les raisons en sont multiples:
>> l’afflux vers les grandes villes ;
>> l’augmentation des familles monoparentales ;
>> l’absence de médecins traitants,
>> l’aspect d’immédiateté et d’anonymat qu’offrent les gardes hospitalières,
>> le manque de lits dans la région de Bruxelles ( 2 fois moins de lits par 100.000 habitants à Bruxelles que dans la région flamande)




Type de population :
Quant au taux de fréquentation de la garde, on l’évalue à :

60% d’hommes souffrant de troubles du comportement ( 25% ont un travail salarié alors que leur  moyenne d’âge est de 35 ans.)

Un peu moins de 10%  concernent des tentatives de suicide. 

Dans l’unité de crise on trouve nettement plus de femmes que d’homme,
Soit un peu plus de 60%.

20%,  soit 1 personne sur 5 est admise pour un problème de tentative de suicide dans un contexte que l’on qualifie de trouble de l’adaptation ( pathologie dépressive, anxieuse et parfois délirante mais toujours en rapport avec un événement ne datant pas de plus de 15 jours.)


En psychiatrie, quels que soient les symptômes on différencie très fortement quelqu’un qui présente un tableau clinique où il n’y a pas eu d’évènement précipitant et quelqu’un qui présente le même tableau clinique mais qui a vécu un événement éprouvant.

Avec l’approche de crise nous sommes de plus en plus amené à nous intéresser à un nouveau concept :  l’aspect « réactionnel » aux événements.

Auparavant, en psychiatrie classique, on considérait uniquement les symptômes et on ne s’intéressait pas à l’événement. On se contentait d’établir un tableau clinique avec d’une part la maladie et d’autre part le diagnostic.

On ne faisait, par exemple aucune différence entre la dépression d’une femme survenue suite à la perte de son enfant et celle d’une autre qui n’avait eu aucun événement traumatisant.

Actuellement on attache plus d’importance à l’événement. Cette nouvelle approche a également modifié la frontière entre les personnes considérée comme folles et les autres.

Violence et psychiatrie :

Il n’y a pas de consensus en psychiatrie concernant l’approche de la violence.

On tend à différencier violence et agressivité.

La violence serait plus une réaction énergétique liée à la survie alors que l’agressivité s’apparente plus à une certaine forme de plaisir, un moyen d’assurer une certaine domination.

La question du mal en psychiatrie est délicate.

La psychose en tant que structure est beaucoup plus répandue qu’on ne le croit.  Il est très dangereux de sortir de la norme sociale.

Certaines personnes qui ont fait preuve d’une grande violence peuvent très bien bénéficier d’une prise en charge, même de type psychanalytique.

Toute fois cette décision doit être personnelle et ne peut en aucun cas remplacer une peine de prison. Il est impensable d’imaginer que l’on pourrait remplacer la punition comme norme sociale, par une prise en charge thérapeutique.

En thérapie on ne travaille qu’avec le sujet, ce qu’il est lui-même.

Or si l’on considère, en début de thérapie, que la personne est incapable d’être responsable (ou de le devenir) parce qu’elle a été déclarée irresponsable, on est face à une absurdité.

La psychiatrie est piégée face à de telles  situations ou des personnes ayant commis des actes délictueux graves, sont adressés par les autorités judiciaires, avec obligation d’un suivi psychiatrique.

La question du pardon dans la problématique de la violence pose question.

Il arrive que certaines personnes se présentent comme victimes alors qu’en réalité elles ont été bourreaux et responsables de la violence dont elles se plaignent. Par exemple, un homme violent bat sa femme, Celle-ci le quitte. L’homme fait une tentative de suicide et se présente à la garde comme une victime abandonnée.


La violence sexuelle envers les enfants :

La tendance « analytique » basait son travail uniquement sur ce qui était dit.

Il pouvait s’agir d’un phantasme. Le psychanalyste ne se souciait pas de savoir s’il s’agissait d’une vérité ou pas. Le psychanalyste accordait peu d’intérêt à la véracité, considérant qu’il ne s’agissait pas de son rôle.

Actuellement on considère qu’il y a beaucoup plus de traumatismes réels qu’on ne le pensait.

Dans le courant « systémique », la prise en charge est familiale. On ne considère plus que c’est la personne seule qui est malade mais le système, la famille.

En systémique a existé une dichotomie identique, et certains grands systémiciens ont fini par considérer qu’il existait un certain nombre de cas ou l’on était face à la violence et la méchanceté « vraie », la personne ne souhaitant nullement s’améliorer.

Le risque serait de considérer que tout bourreau a été précédemment une victime. La causalité serait permanente et transmissible de génération en génération ; le choix n’existant plus, chacun étant victime de son destin. On se situe ici dans la problématique de la responsabilité.

La position de victime :

Il est parfois difficile pour le personnel soignant de comprendre le fonctionnement de certaines victimes de violence. Il existe une multitude de situations différentes.

Il y a parfois une auto- agressivité qui est difficile à comprendre.  Un refus de changement avec un aspect particulier lié à la relation.

Par exemple une personne qui vit avec un conjoint violent finit par le quitter et sombre dans une dépression profonde.

On constate dans ce cas une certaine structuration par la violence.

De même on rencontre parfois des couples dits « psychopathes «  Le psychopathe est une personne qui n’est pas vraiment en relation avec l’autre.  L’autre n’existant pas en tant que personne émotionnelle, il se contente de vivre dans la satisfaction de ses besoins immédiats.

Ce genre de personne est rarement déprimé, et vit relativement bien.

Nous restons étonné par le choix de certaines femmes psychotiques, qui ont eu des grosses décompensations relativement stabilisées et qui vont relativement bien malgré une vie vraiment désagréable avec un psychopathe. Elles ne sont plus délirantes et pourtant se font battre par leur mari qui finit par les emmener à la garde ou en consultation. En fait pour le psychopathe, vivre avec une personne qui délire ou non n’a aucune importance pourvu que cette personne lui fasse sa vaisselle, à manger, etc …

Parfois la violence du conjoint est une violence encore présente et l’absence de ce conjoint violent engendre le « vide », le non sens. Il est vrai que l’instinct de vie est accru lorsqu’il faut toujours être sur le qui vive.

La notion de victime/bourreau:

Certaines victimes ayant un vécu d’une extrême violence n’arrivent pas à intégrer cette souffrance d’un point de vue émotionnel et se structure dans le détachement devenant parfois bourreau à leur tour. L’exemple de cette victime d’inceste qui suspendait un couteau sur le berceau de son enfant menaçant de le laisser tomber à la moindre contrariété laisse pressentir la mise en place d’un mécanisme de reproduction du vécu de violence.

Au niveau du processus interactionnel entre victime et bourreau, il existe un temps de travail de l’analyse de la demande, un temps d’intégration et puis il y a un temps d’action. On ne peut pas toujours agir immédiatement.

En psychiatrie, on est souvent confronté à des personnes au désir régressif, au désir de ne pas devenir adulte, de ne pas être un partenaire au sein du couple mais rester une victime.

L’aspect culturel dans l’expression de la violence:

Parfois la violence physique semble parfaitement admise culturellement. Nous sommes parfois confrontés à des situations très difficiles à gérer pour l’équipe thérapeutique.

Par exemple lors d’entretiens avec certaines familles albanaises, l’équipe en ressortait avec un sentiment de peur. La loi du plus fort prévalant, on était confronté à des règlements de conflits au couteau.


Intervention de crise et violences sexuelles:

Dans les cas de viols nous faisons un travail de première ligne.

Après avoir rompu le silence, nous informons la victime des démarches médico-légales utiles: de l’importance du dépôt d’une plainte par exemple.

Nous travaillons au cas par cas.

Prenons le cas d’une jeune adolescente qui avait été victime d’un viol collectif à l’école. Nous avons pris contact avec le directeur de l’école, le médecin traitant, le service d’aide à la jeunesse.

Nous faisons un travail de collaboration afin de réfléchir ensemble au meilleur choix pour la victime. Nous essayons de la mettre dans une position de sujet et face à d’autres intervenants nous faisons en sorte que nous puissions l’épauler dans sa demande.

 


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