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Service des droits des femmes

Assises Nationales contre les violences envers les femmes
En cas de violence - brisez le silence 
(Paris 25 janvier 2001)

Discours de Madame Brigitte GRESY
Madame la ministre, Mesdames, Messieurs,

Il y a dix ans se tenaient au CNIT de la Défense, les premières assises contre les violences faites aux femmes. Avaient alors été soulignées notre méconnaissance de l’ampleur réelle du phénomène et la nécessité de développer des actions en partenariat.

Dix ans plus tard, l’heure est au bilan. Malgré l’immensité de la tâche à accomplir, certaines avancées peuvent être notées : la législation sur les violences faites aux femmes s’est renforcée, des données statistiques fiables grâce à la toute nouvelle enquête ENVEFF sont disponibles, enfin, et ce sera l’objet de mon propos, des partenariats visant à faire travailler conjointement les acteurs concernés ont commencé à se construire au fil des ans.

Dès lors, par l’organisation de ces nouvelles assises, il convient aujourd’hui de renforcer le dialogue entre les différents partenaires, de tirer les leçons des bonnes pratiques mais également de proposer des pistes d’actions pour renforcer l’efficacité d’un cadre d’intervention commun.

Tel est le principal objet des deux tables rondes de cet après-midi, l’une consacrée à la prévention et au traitement judiciaire des violences et la seconde qui tend à apporter des réponses aux victimes en terme d’accompagnement et de soins. Ce partenariat nécessaire à toute action de lutte contre les violences faites aux femmes présente deux caractéristiques majeures : il doit se faire avant tout au niveau local, au plus près du terrain , il rassemble d’autre part des acteurs d’horizon différent, dans une approche multidisciplinaire : non seulement les acteurs institutionnels et donc les principaux ministères concernés mais également le monde associatif, véritable relais de la société civile, les professionnels de la santé et du travail social et les élus, souvent très actifs dans l’accompagnement des femmes victimes de violence.

Permettez-moi de revenir en préambule à quelques éléments de la réflexion de ce matin qui permettent, d’une certaine manière, de poser les bases de tout partenariat en ce domaine. Pour mieux appréhender les différentes formes de violences et tenter de les saisir dans leur complexité, je retiendrai trois idées qui me semblent constituer les fondements mêmes de toute politique de lutte contre les violences faites aux femmes.

1.Les violences faites aux femmes constituent une violence spécifique perpétrée en raison du sexe de la victime. Elles sont générées par des apprentissages et une conformité à des rôles et schémas sociaux différents pour les deux sexes. Il est bien question ici de rapports de domination.

2. Par ailleurs, se déroulant le plus souvent dans la sphère privée, la violence est par essence dans notre société de l’ordre de ce qui se doit d’être caché. En effet, cette violence met à jour des processus, conscients ou inconscients, d’emprise sur le corps des femmes, d’annexion de leur espace physique et symbolique. La principale difficulté pour elles est alors de dire l’indicible. L’un des enseignements de l’enquête ENVEFF a notamment été de mettre en évidence l’ampleur du silence et l’occultation des violences par les femmes qui les subissent. " En cas de violence, brisez le silence " dit le slogan de ces assises. Savoir nommer cette violence pour les victimes mais également pour nos institutions, c’est la désigner, condition indispensable pour en traiter les effets.

3. Le troisième élément de réflexion est bien que les femmes ont besoin de s’appuyer sur une législation les protégeant et leur garantissant la reconnaissance de la gravité de l’acte mais aussi d’un lieu pour se reconstruire tant physiquement que psychiquement.

Le phénomène des violences exercées contre les femmes est donc un problème tant social que politique. En conséquence, les pouvoirs publics se devaient d’agir contre des actes qui portent non seulement atteinte à l’intégrité, à la dignité et aux droits de la personne humaine, mais également aux principes fondateurs de la démocratie. On ne peut réfléchir aux violences sans intégrer en effet la dimension de l’égalité puisque ces dernières traduisent des rapports de force inégaux.

Quelques évènements majeurs ont jalonné ce parcours et je les rappellerai brièvement.

Je commence à dessein par évoquer le rôle des associations qui, en France, ont joué un rôle majeur et ont poussé les pouvoirs publics à agir.

Dans les années 70, la ligue des droits des femmes a ouvert le premier " refuge " pour femmes battues à Clichy, qui porte le nom de " Flora Tristan ", l’une des initiatrices du féminisme en France au XIXème siècle.

Puis, par strates successives, l’action de l’État s’est élargie dans le temps, passant d’une vision réparatrice à une action préventive, visant dans les années 80 à agir au niveau de la loi, à donner la parole aux femmes, à impliquer l’opinion publique et à impulser une politique partenariale. Ce furent pour mémoire :

  • la loi du 23 décembre 1980 sur la répression du viol,
  • la création des permanences téléphoniques de soutien et d’orientation, en 1986, le numéro vert " Viols femmes informations " et en 1987, la permanence d’écoute destinée au victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail,
  • en 1989 est lancée la première campagne nationale d’information contre les violences conjugales en même temps qu’est prise la décision de créer des commissions départementales d’action contre les violences faites aux femmes, actions décisives suivies des premières assises en 1990.
  • Dans les années 90, le dispositif répressif a été renforcé et on assiste à une irruption de droit, comme le dit Madame LORVELLEC, dans l’espace clos du travail et de la famille. L’approche interministérielle de la politique publique a été également réaffirmée. Je cite rapidement là encore la loi sur le harcèlement sexuel au travail en 1992 et les lois modifiant le nouveau code pénal en matière d’agressions sexuelles, de viol et de violences conjugales. La même année, était créée la permanence téléphonique " Violences conjugales – Femmes infos service ".
  • En 1999, la circulaire interministérielle relative à la lutte contre les violences envers les femmes au sein du couple, élaborée en partenariat entre les ministères de l’emploi et de la solidarité, de la justice, de l’intérieur et de la défense a précisé les modalités du partenariat institutionnel.
  • Enfin les travaux récents du Conseil de Sécurité intérieure et la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes sont venus renforcer les dispositions concernant l’information, l’accueil et la prise en charge des victimes de violence.

Sur ce socle d’avancées obtenues pas à pas, de nombreux partenariats institutionnels ont été tissés  : véritable chaînage d’interventions et de compétences s’exerçant dans l’ensemble des domaines relatifs à la prévention et au traitement judiciaire des situations de violence ainsi qu’à l’accompagnement des femmes qui en sont victimes.

Je voudrais revenir un instant sur ce que me semble être le pivot du partenariat entre les acteurs institutionnels et associatifs, je veux parler des commissions départementales d’action contre les violences faites aux femmes qui représentent un lieu politique et stratégique essentiel.

Créées en 1989, ces commissions ont vu leur rôle renforcé par la circulaire interministérielle du 8 mars 1999.

C’est précisément cette dimension partenariale qui donne toute sa légitimité à une instance qui réunit, sous la présidence du préfet de département, les représentants des services de l’État, ceux de la justice, des collectivités locales, des organismes sociaux, enfin des associations spécialisées ainsi que des personnalités qualifiées.

Leur mission est large puisqu’elle englobe l’échange d’informations entre les partenaires publics et privés, le développement des lieux d’accueil, d’écoute et d’hébergement des femmes victimes de violences, la mise en œuvre d’actions dans les domaines de l’information du public, la formation des professionnels, l’amélioration de l’accueil des victimes, du suivi de leurs dossiers et du recueil statistique, enfin l’évaluation des besoins.

Je tiens à saluer ici la mobilisation sur ce thème des déléguées régionales et des chargé(e)s de mission départementales aux droits des femmes et à l’égalité, qui ont la charge d’animer ces commissions.

Un bilan du fonctionnement de ces structures a été établi à la fin de l’année 2000. À ce jour, 58 départements sont dotés de ces commissions, dont 14 ont été constituées au cours de l’année dernière.

Force est de constater que l’implication effective des acteurs institutionnels et sociaux appelés à intervenir dans ce domaine constitue un pré-requis pour la mise en place et le fonctionnement de ces commissions.

La méthode du " mainstreaming ", ou approche intégrée de l’égalité, qui a déjà fait ses preuves notamment dans le domaine de l’égalité professionnelle, doit trouver ici son plein développement.

Je souhaiterais devant vous aujourd’hui citer quelques actions qui me semblent parfaitement illustrer la diversité des partenariats qui peuvent être engagés au niveau local.

En Ile de France, a été constitué, sous l’impulsion de la délégation régionale, un groupe de travail composé de thérapeutes et d’experts afin d’établir des repères et un cadre théorique pour l’aide psychologique aux victimes de viols et autres agressions sexuelles.

Dans le Cher, c’est la prise en compte des particularités du terrain qui a été privilégiée par l’élaboration d’une charte départementale sur les modalités d’accueil et d’aide aux femmes victimes de violence et l’organisation de soirées-débats en milieu rural, avec le concours du ministère de la justice et la participation active de la gendarmerie.

Dans le Tarn, a été mis en place un large partenariat institutionnel s’appuyant sur des protocoles régulièrement actualisés, notamment par l’implication récente des services sociaux et du conseil de l’ordre des médecins, et évalués par un observatoire présidé par la chargée de mission.

Dans l’Ain et en Savoie, on relève une implication exemplaire des parquets dans le suivi des situations de violences, au moyen d’un questionnaire détaillé remis par les officiers de police judiciaire et rempli par la victime, même en l’absence de plainte, et par la mise en place d’injonctions de soins pour l’auteur des violences.

Enfin, en Martinique, on peut citer, parmi des actions diverses, l’utilisation d’un bus-info mis en place en collaboration avec la communes et avec le centre d’information de la jeunesse.

J’arrête là l’énumération car mon propos est de montrer que cette mosaïque d’initiatives représente autant d’exemples de bonnes pratiques et qu’il importe aujourd’hui de les développer.

Pour conclure, je voudrais dire que les partenariats locaux mais également les partenariats nationaux m’amènent à distinguer quatre champs d’actions à l’œuvre aujourd’hui dans toute politique partenariale de lutte contre les violences faites aux femmes :

Le premier champ d’action concerne l’information. Il vise à donner de la visibilité à ce phénomène de violence et à le nommer. Les chiffres, toujours trop importants quand il s’agit de violence, permettent de réelles prises de conscience. Ce fut l’objectif prioritaire de l’enquête ENVEFF. C’est également l’objectif des ministères de la Justice, de l’Intérieur et de la Défense qui cherchent à harmoniser les sources de connaissances disponibles et la première table ronde se fera l’écho de ce travail. Il s’agit également d’informer les femmes victimes de violence sur leurs droits, les recours possibles et les associations de soutien.

Le deuxième champ d’action est préventif. Il s’agit notamment de promouvoir une éducation non sexiste et non violente qui s’illustre par notre partenariat avec le ministère de l’Éducation Nationale sur lequel madame Belloubet-Frier reviendra cet après-midi. De son côté, la police de proximité tend à assurer un rôle de plus en plus préventif qui vient compléter son rôle traditionnel. En terme de prévention, le rôle des médecins est également important et l’enquête ENVEFF a montré à cet égard que les femmes avaient principalement recours au médecin en premier lieu. Les médecins peuvent à la fois constater les violences, aider les victimes à en parler et les orienter sur des structures d’accueil.

Le troisième champ relève du traitement judiciaire des violences dans une optique à la fois d’accompagnement des victimes et de répression des auteurs de violence. Un travail important a été entrepris en ce sens par les ministères de l’Intérieur et de la Défense afin d’améliorer l’accueil et l’écoute des victimes dans les commissariats et les gendarmeries par le développement notamment de la formation initiale et continue des policiers et gendarmes. Le rôle du ministère de la Justice est ici central.

Le quatrième champ enfin est celui de l’action réparatrice. Le rôle des associations et des professionnels de la santé et du travail social est ici fondamental. Afin de mieux évaluer l’impact de la violence à l’encontre des femmes sur leur santé physique et mentale et d’améliorer les conditions de leur prise en charge, un groupe d’experts a été mis en place par le secrétariat d’État à la Santé et aux Handicapés dont la troisième table ronde se fera l’écho. Quant à la violence masculine, elle n’est pas inéluctable. C’est aux femmes et aux hommes de savoir rompre avec un certain conditionnement social et l’engagement des hommes sur le sujet est ici fondamental. Par ailleurs, les réflexions menées sur le logement des plus défavorisés dans le cadre des plans départementaux font également partis du cadre de l’action réparatrice. En effet, hormis les centres d’hébergement spécifiques aux femmes victimes de violence, qui ne sont pas présents sur l’ensemble du territoire, la plupart des autres centres n’offrent pas toujours une infrastructure et un accueil adapté aux besoins des femmes et des familles. D’importants progrès restent à accomplir.

Action informative, préventive, répressive, réparatrice, autant de champs impliquant d’impulser une politique partenariale et de sensibiliser l’opinion publique.

Je voudrais souligner combien ce débat public sur la violence à l’encontre des femmes me paraît fondamental pour rompre le cercle vicieux de l’invisibilité de cette violence. Il y est bien question là encore d’égalité entre les femmes et les hommes.

Et pour finir, je voudrais citer cette phrase de Georges Vigarello, " c’est en confrontant deux sujets, c’est-à-dire deux égaux que la violence peut réellement changer de sens ".

Nommer et compter les violences envers les femmes

L’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France est la première enquête statistique réalisée en France sur ce thème. Maryse Jaspard et l’équipe Enveff, qui en étaient chargées, ont fait paraître leurs premières conclusions dans " Population et sociétés ", le Bulletin mensuel de l’INED. Les chercheur-ses exposent la méthodologie (interroger sur des faits, sans que le terme " violence " soit employé), et commentent les chiffres (dont certains sont communiqués sous forme de tableau), dans trois sphères : espace public, travail, foyer.
Indubitablement, c’est dans le huis-clos conjugal que se perpétuent le plus de violences de toutes natures, où les pressions psychologiques arrivent en première place. L’analyse de ces accablants résultats se poursuit. 
Population et Sociétés n° 364, janvier 2001-02-01
www.ined.fr

L'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff) 
Publication juin 2001 - Extraits
http://www.gip-recherche-justice.fr/dossiers/violencesfemmes.htm 

États des crédits qui concourent aux actions en faveur des droits des femmes: sur le CD-Rom (PDF)
 
http://alize.finances.gouv.fr/budget/jaune01/4232.pdf 

 

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