http://www.eurowrc.org/ > Contributions > EuroWRC Français > Documents France |
|
Liste France - 2/6 |
1.Textes généraux - 2.France - 3.Belgique - 4.Suisse - 5.Canada - 6.Syndicats |
INED, Population et Sociétés n° 364, janvier 2001 Présenté sur: http://www.gip-recherche-justice.fr/dossiers/violencesfemmes.htm L'enquête nationale sur les
violences L'enquête Enveff, commanditée par le Service des Droits des femmes et le Secrétariat d'État aux Droits des femmes* répond aux recommandations faites aux gouvernements, lors de la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995, " de produire des statistiques précises concernant les violences faites aux femmes ". Coordonnée par l'Institut de démographie de l'université Paris I (Idup), elle a été réalisée par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs appartenant au CNRS, à l'Ined, à l'Inserm et aux universités. L'enquête a été réalisée par téléphone de mars à juillet 2000, auprès d'un échantillon représentatif de 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans, résidant en métropole et vivant hors institutions. Afin d'établir une relation de confiance, les questions sur les actes de violence ne venaient qu'à l'issue d'un module recueillant des données contextuelles (caractéristiques familiales, économiques, sociales, résidentielles, etc.), des éléments biographiques et des informations sur l'état de santé. Le questionnaire a été conçu pour faire émerger progressivement les situations de violence et favoriser la remémoration d'événements parfois très anciens. La violence n'était jamais nommée, chaque module recueillant, pour les douze derniers mois, l'occurrence de faits non qualifiés de violents. L'enquête a aussi porté sur les violences les plus graves subies au cours de la vie. Dans les déclarations des enquêtées, des différences de sensibilité entre les générations et entre les groupes sociaux se manifestent notamment au sujet des violences psychologiques. Ainsi, d'après une étude qualitative réalisée auprès des enquêtrices, les répondantes avaient dans l'ensemble tendance à minimiser les situations vécues ; les résultats montrent cependant que les femmes jeunes et les plus diplômées déclarent plus facilement ces faits. Parmi les femmes qui ont échappé à l'enquête, un groupe est certainement très touché par les phénomènes de violence quels qu'ils soient : les femmes hébergées en foyer et dans les centres d'accueil d'urgence ou sans domicile ; l'évaluation maximale de leur nombre est de l'ordre de 14 000 à 15 000 pour la France métropolitaine. Les résultats présentés sont redressés par calage sur les données de l'enquête Emploi de l'Insee (1999) à partir des structures par âge, catégorie socioprofessionnelle, statut d'activité, état matrimonial et type de ménage des femmes résidant en France métropolitaine. * En partenariat avec l'ANRS, la CNAF, le FAS, l'IHESI, l'OFDT, le Conseil régional d'Île-de-France, le Conseil régional de PACA et la mission de recherche Droit et Justice. Nommer et compter les violences envers les femmes : une première enquête nationale en France Comment quantifier les violences, définies comme les atteintes à l'intégrité physique et psychique de la personne ? Essentiellement vécues dans la vie quotidienne, fondées sur un rapport de force ou de domination, les violences restent la plupart du temps de l'ordre du privé, circonscrites à des affaires personnelles. Elles sont souvent occultées, voire déniées par les victimes elles-mêmes. Or, pour compter les violences, il faut les dire, et pour les dire, il faut les nommer : deux impératifs qui nécessitent la mise au point d'une méthode appropriée. L'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff, cf. encadré) est la première enquête statistique réalisée en France sur ce thème. Afin de cerner le phénomène dans ses aspects multiformes, elle prend en compte l'ensemble des violences envers les femmes d'âge adulte, quel qu'en soit l'auteur. Les femmes ont été interrogées au sujet des violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles subies au cours des douze derniers mois dans l'espace public, au travail, au sein du couple ou dans les relations avec la famille et les proches. La violence n'était jamais nommée mais repérée à travers des actes, faits, gestes, paroles. Les agressions physiques et sexuelles peuvent être considérées dès leur première occurrence comme une atteinte à l'intégrité de la personne. Pour d'autres agressions, comme les insultes, le dénigrement, le mépris, les actions de contrôle et les autres pressions psychologiques, c'est la répétition de faits apparemment anodins quand ils sont pris isolément qui finit par engendrer une situation d'emprise sur la personne. C'est pourquoi il faut recourir à des indicateurs combinant le nombre, la nature des faits cités et leur fréquence pour obtenir une mesure graduée des violences. Ainsi, dans la vie de couple ou au travail, le degré maximal de contrainte psychologique, le " harcèlement moral ", est constitué d'actes insidieux, de paroles humiliantes, qui sont répétés. L'espace sexiste des grandes métropoles Dans la rue, les transports en commun ou les lieux publics, l'agression la plus fréquente est l'insulte ou la menace verbale (tableau 1). 13 % des femmes interrogées disent en avoir été victimes au cours de l'année ; pour plus de la moitié d'entre elles, cet affront s'est répété. Dans 25 % des cas, les femmes connaissent la personne qui a proféré l'insulte. Ceci résulte du caractère dual de l'espace collectif qui est à la fois un lieu de contacts ponctuels et un lieu de rencontres et d'échanges habituels. Connus ou non, les trois quarts des auteurs sont des hommes. L'agression verbale est plus fortement répandue dans les grandes villes et surtout en région parisienne, en liaison sans doute avec l'usage plus généralisé des espaces collectifs et des transports en commun. Tableau 1 - Proportion de femmes ayant déclaré avoir subi des violences au cours des 12 derniers mois selon l'âge (en %)
Les agressions physiques - constituées des vols avec violence, coups
et blessures et tentatives de meurtre - (2 %) ont été déclarées plus fréquemment par
des femmes jeunes, en situation de précarité sociale ou d'isolement (chômeuses, femmes
vivant seules). Les agresseurs sont en majorité des hommes (plus de 80 %). Les atteintes sexuelles subies dans l'espace public, déclarées par 2
% des femmes, sont principalement constituées d'avances sexuelles et de pelotage. Les
attouchements sexuels, les tentatives de viol et les viols sont nettement moins
fréquents. Sous l'expression indice global de " harcèlement sexuel ", on a
regroupé l'ensemble des " atteintes sexuelles " (1).
Dénoncé par 8 % des répondantes, cet indice rend compte du climat sexiste qui règne
dans certains lieux publics ; particulièrement prégnant dans la région parisienne (15
%) (figure
1), il est spécialement évoqué par les jeunes femmes (22 % des 20-24 ans). Figure 1 - Indice global de harcèlement sexuel à l'encontre des femmes dans l'espace public selon la taille de l'agglomération (1) Face à la pléthore de mots désignant les violences verbales, la pauvreté du vocabulaire relatif aux " atteintes sexuelles " révèle le déni social du phénomène. Au travail : entre les insultes des clients et la compétition professionnelle Dans l'univers professionnel, deux phénomènes doivent être
distingués : l'un touchant l'ensemble des salariés et sans doute lié à des formes de
gestion du personnel dans un environnement fortement concurrentiel, l'autre à plus forte
connotation sexuelle. Le huis-clos conjugal, haut lieu des violences C'est
dans l'intimité de l'espace conjugal que sont perpétrées le plus de violences de toutes
natures. Les agressions et menaces verbales incluent les insultes, les menaces et le
chantage affectif (s'en prendre aux enfants, menacer de se suicider). Les pressions
psychologiques comprennent les actions de contrôle (exiger de savoir avec qui et où l'on
a été, empêcher de rencontrer ou de parler avec des amis ou membres de la famille),
d'autorité (imposer des façons de s'habiller, de se coiffer, ou de se comporter en
public), les attitudes de dénigrement, de mépris ; l'indicateur de " harcèlement
moral " correspond aux situations où plus de trois de ces faits ont été déclarés
comme étant fréquents. Enfin, les agressions physiques, outre les tentatives de meurtre,
les coups et autres brutalités, prennent en compte la séquestration ou la mise à la
porte. Les agressions sexuelles se limitent ici aux gestes sexuels imposés et au viol.
Les insultes et le chantage affectif ou les menaces se conjuguent
différemment selon la position sociale : les femmes issues des catégories les plus
défavorisées se déclarent plus souvent insultées, tandis que menaces et chantage
s'observent dans tous les milieux. Environ 50 000 femmes de 20 à 59 ans victimes de viol en un an Un indicateur global d'agressions sexuelles a été construit en
tenant compte des violences sexuelles subies au cours des douze derniers mois quel qu'en
ait été le cadre. Il mesure la proportion de femmes qui ont déclaré avoir subi au
moins une fois des attouchements sexuels, une tentative de viol ou un viol ; ces faits
concernent 1,2 % des femmes interrogées. Les viols affectent 0,3 % des femmes. (2) L'estimation est comprise entre 32 000 et 64 000 (intervalle de confiance à 95 %). Maryse Jaspard et l'équipe Enveff : Elizabeth Brown, Stéphanie Condon, Jean-Marie Firdion, Dominique Fougeyrollas-Schwebel, Annik Houel, Brigitte Lhomond, Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles, Marie-Ange Schiltz |