UN VIRAJ ESSENTIEL
La violence interpersonnelle n'épargne pas les couples d'adolescents.
La
prévention commence peut-être à l'école.
Malgré toute l'énergie vouée aux recherches sur la violence, bien des femmes
et des hommes continuent de vivre dans un climat de brutalité interpersonnelle.
Il faut arrêter le problème dès qu'il surgit, estime Francine Lavoie
professeure titulaire à l'École de psychologie de l'Université Laval et
membre du GRIP (Groupe de recherche sur l'inadaptation psychosociale chez
l'enfant). En collaboration avec trois autres membres du GRIP, elle a élaboré
et évalué un programme de prévention de la violence chez les jeunes de niveau
secondaire s'intitulant: VIRAJ (violence dans les relations amoureuses des
jeunes) distribué présentement dans les écoles du Québec. En décembre 1995,
le Journal of interpersonal violence publiait un article concernant l'évaluation
de ce programme de prévention.
L'évaluation s'effectue par la présentation d'un pré-test et d'un post-test
donnés avant et après le programme qui permettra, à la lecture des
changements apportés dans les réponses, d'évaluer la pertinence et les bénéfices
du programme. Une conclusion importante: le programme a pu modifier les
connaissances et les attitudes envers la violence et le contrôle du partenaire
dans les relations amoureuses chez les adolescents ciblés. Les jeunes
comprennent que dans le développement des comportements interpersonnels, la
conscience des droits et des besoins des autres se confronte souvent aux nôtres.
Ceux qui ont participé au programme démontrent maintenant moins de réticence
lorsqu'ils parlent des problèmes de violence qu'ils rencontrent. Un autre
conclusion majeure de l'étude: l'impact important du programme auprès des garçons.
En effet, on remarque une diminution considérable des rapports violents qu'ils
entretiennent avec les autres. On a également constaté que dans les écoles où
le programme a été présenté, les fausses conceptions et les attitudes négatives
face à la violence ont diminué. Les victimes potentielles et les agresseurs à
risques ont bénéficié positivement du programme. Francine Lavoie compte faire
une deuxième évaluation mais cette fois avec un groupe témoin qui n'aura pas
fait le programme mais à qui on présentera tout de même le pré-test et le
post-test. Cette évaluation permettra de mieux voir l'importance et les bénéfices
de l'exposition au programme.
Rêve ou réalité
Le programme VIRAJ s'adresse plus particulièrement aux élèves de troisième
et de quatrième secondaire. Il livre le double message suivant: exercer un
contrôle sur son partenaire au détriment de son développement est
incompatible avec l'amour; à l'intérieur d'une relation de couple égalitaire,
les partenaires ont les mêmes droits et disposent de la même liberté d'agir
et de penser. «Il s'agit donc de promouvoir des attitudes et des comportements
empêchant le recours à la violence», explique Francine Lavoie. Parmi ces
recours à la violence, figurent l'atteinte à la réputation, le chantage émotif,
la jalousie, etc.
«VIRAJ représente un vaccin qu'on procure à tous les jeunes. Pour certains le
remède fournira de bons résultats, tandis que pour d'autres une deuxième dose
sera nécessaire. Sachant que 50 à 75 % des enfants ont été témoins de
violence ou ont été "confidents" d'un acte de violence, nous
voulons, par ce programme sensibiliser les jeunes afin d'en faire de bons récepteurs.
En changeant les normes du groupe, on les rend plus actifs dans la dénonciation
de la violence.»
Convaincue qu'il vaut mieux prévenir que guérir, Francine Lavoie poursuit des
recherches évaluatives sur VIRAJ mais sans l'aide des professeurs le programme
apparaîtra comme une goutte d'eau dans l'océan. Francine Lavoie veut que son
programme ait «l'effet d'une vague» dans les écoles. À son avis, cela ne
pourra être possible qu'avec la collaboration des intervenants scolaires qui
croient eux aussi qu'on peut développer un monde meilleur.
GUYLAINE CHAREST
Stagiaire
|