Pour une approche proféministe
non homophobe des hommes et du masculin

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Pour une approche proféministe
non homophobe des hommes et du masculin

Texte non définitif, soumis à critique,
à paraître dans Welzer-Lang (dir), 2000, Approches proféministes des hommes et des masculinités, Toulouse,
Presses Universitaires du Mirail, Collection Féminin/masculin

Cet article questionne les modalités d'analyse des hommes et du masculin, le cadre théorique et les outils utilisés pour cette analyse, ceci à la lumière de mes travaux précédents et des débats en cours dans différents réseaux qui traitent de ce thème. En particulier il s'appuie sur le travail de synthèse réalisé en vue d'obtenir l'Habilitation à Diriger les Recherches (Welzer-Lang, 1999)[1] et les débats qui traversent le Réseau Européen d'Hommes Proféministes, et l’Université d’été Euroméditerrannéenne des Homosexualités[2]. Il complète les analyses théoriques publiées en 1994 qui définissaient, entre autre, l'hétérosexisme, l'homophobie et les liens avec la domination masculine.

Les relations hommes/femmes, hommes/hommes, considérées comme des rapports sociaux de sexe, semblent être — en tous cas, c'est l'hypothèse qui est défendue ici — le produit d'un double paradigme naturaliste :

            - la pseudo nature supérieure des hommes qui renvoie à la domination masculine, au sexisme et à des frontières rigides et infranchissables entre les genres masculins et féminins.

            - La vision hétérosexuée du monde où la sexualité considérée comme « normale « et « naturelle « est limitée aux rapports sexuels entre hommes et femmes. Les autres sexualités : homosexualités, bisexualités, sexualités transsexuellesé étant elles au mieux définies, voire admises, comme "différentes".

La domination masculine et les rapports hommes/femmes

L'existence de la domination masculine est aujourd'hui devenue une évidence, y compris en sociologie. Le temps où des membres de mon jury de thèse l'analysaient comme un fantasme « archéo-paléo-marxiste « [pour reprendre une expression utilisée lors de la soutenance] semble loin. De nombreux collègues, y compris des hommes sociologues utilisent aujourd'hui ce paradigme pour décrire le social de manière compréhensive[3]. Et l'apport des études féministes pour affiner enrichir l'analyse[4] est aujourd'hui intégré dans de nombreux textes. C'est ainsi qu'un consensus se dégage aujourd'hui pour désigner les rapports hommes/femmes comme des rapports sociaux de sexe. Autrement dit la domination ne doit pas s'analyser comme un bloc monolithique, où tout est joué une fois pour toute, où les relations se reproduisent à l'identique[5]. Mais, que l'analyse soit globale ou qu'elle s'intéresse à un champ spécifique ou aux interactions particulières, elle doit articuler le cadre global, sociétal (la domination masculine), et les luttes objectives ou subjectives des femmes et de leurs alliés qui visent à transformer les rapports sociaux de sexe, donc à modifier la domination masculine.

Les hommes dominent collectivement et individuellement les femmes. Cette domination s'exerce dans la sphère privée ou publique, attribue aux hommes des privilèges matériels, culturels et symboliques. Tout un pan des études féministes actuelles tend d'ailleurs à chiffrer ces privilèges et montre concrètement les effets de la domination masculine[6]. La politique actuelle qui vise, dans nos sociétés, à vouloir diminuer ces « inégalités è ne doit pas nous faire oublier qu'elles perdurent, sous peine de prendre nos rêves pour des réalités et de ne plus rien comprendre du tout.

Je dis inégalités par simplicité, mais méfions nous de ce terme. Il tend à nous faire apparaître les situations des hommes et des femmes comme des résultantes neutres d'un système global où chaque groupe de sexe, chaque genre, serait symétrique et égal dans l'analyse. Et où le système s'imposerait à nous sans possibilité de changements. Il n'en est rien. L'oppression des femmes par les hommes est un système dynamique où les inégalités que vivent les femmes sont les effets des avantages accordés aux hommes. Quant le partage d'une tarte attribue sept parts aux hommes et une aux femmes, la lutte pour l'égalité veut dire que l'on partage la tarte en portions égales. Donc que les hommes en auront moins !

Bien sûr cette analyse doit s'articuler aux autres rapports sociaux, notamment aux divisions hiérarchiques liées aux appartenances de classes sociales, aux groupes ethniques, à l'âge. Bref, nos vies, nos situations matérielles sont le produit d'un ensemble de rapports sociaux.

De plus, comme d'autres[7], j'ai montré l'asymétrie que provoque la domination des hommes. Non seulement hommes et femmes ne perçoivent pas de la même manière les phénomènes pourtant désignés avec les mêmes mots[8], mais surtout l'ensemble du social est divisé selon la même symbolique qui attribue aux hommes et masculin les fonctions nobles, aux femmes et au féminin les tâches et fonctions affectées d'une valeur moindre. Cette division du monde, cette cosmogonie basée sur le genre, est maintenue en état et régulée par les violences : violences multiples et variées qui, des violences masculines domestiques aux viols de guerre, en passant par les violences au travail, tendent à préserver les pouvoirs que s'attribuent collectivement et individuellement les hommes aux dépens des femmes.

Tout ceci est connu, et même si des débats perdurent  — sur la nature des violences[9][9], les rapports entre division par sexe et par genre[10], la place des hommes, l'analyse des transformations actuelles[11]] etc. — un consensus apparaît pour désigner la division entre deux groupes (ou classes) de sexe, en genres, comme fondateur de la domination masculine.

Depuis de nombreuses décennies, les femmes d'abord, puis quelques hommes ont mené des luttes et/ou produit des analyses cherchant à visibiliser et à expliquer ces phénomènes. On se reportera aux textes qui depuis longtemps servent de base à ces analyses, produits par Christine Delphy, Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu et Paola Tabet[12]. Chacune à sa manière montre comment la domination est présentée comme allant de soi, comme un phénomène naturel, intégré en quelque sorte à la division sociale et hiérarchique par sexe. De l'analyse critique de l'oppression des femmes sont nées les luttes contre le sexisme, le patriarcat et le viriarcat[13].

 

La domination masculine et les rapports hommes/hommes

Si la reconnaissance de la domination masculine est aujourd'hui une évidence, et les rapports sociaux de sexe souvent utilisés pour la décrire, ceux-ci sont souvent convoqués comme des rapports sociaux entre les sexes, entre hommes et femmes. Cette division naturaliste et essentialiste est alors reproduite par l'analyse elle-même. Dès 1994 (Welzer-Lang, Dutey, Dorais, 1994), nous avons montré comment le groupe des hommes est lui-aussi structuré par les mêmes processus. J'ai décrit comment l'éducation des garçons dans des lieux monosexués (les cours d'école, les clubs de sport, les cafés mais plus globalement l'ensemble des lieux dont les hommes s'attribuent l'exclusivité d'usage et/ou de présence) structure le masculin de manière paradoxale et inculquent aux p'tits hommes l'idée que pour être un (vrai) homme, ils doivent combattre les aspects qui pourraient les faire assimiler aux femmes. J'ai proposé, en référence aux travaux de Maurice Godelier (1982) de nommer l'ensemble de ces lieux et espaces, la « Maison-des-hommes «. Il n'est pas inutile de reprendre pour partie, ici, ce que j'en décrivais à l'époque, à la lumière de notre étude sur l'homophobie. 

La maison-des-hommes

Dans nos sociétés, quand les enfants-mâles quittent le monde des femmes[14], qu'ils commencent à se regrouper avec d'autres garçons de leur âge, ils traversent une phase d'homosocialité[15] lors de laquelle émergent de fortes tendances et/ou de grandes pressions pour y vivre des moments d'homosexualité. Compétitions de zizis, marathons de branlettes (masturbation), jouer à qui pisse (urine) le plus loin, excitations sexuelles collectives à partir de pornographie feuilletée en groupe, voire même maintenant devant des strip-poker électroniques où l'enjeu consiste à déshabiller les femmes  à l'abri du regard des femmes et des hommes des autres générations, les petits hommes s'initient entre eux aux jeux de l'érotisme. Ils utilisent pour ce faire, les stratagèmes, les questions (la taille du sexe, les capacités sexuelles) légués par les générations précédentes. Ils apprennent et reproduisent alors les mêmes modèles sexuels quant à l'approche et à l'expression du désir.

Dans cette maison-des-hommes, à chaque âge de la vie, à chaque étape de la construction du masculin, est affecté une pièce, une chambre, un café ou un stade. Bref, un lieu propre où l'homosocialité peut se vivre et s'expérimenter dans le groupe de pairs. Dans ces groupes, les plus vieux, ceux qui sont déjà initiés par les aînés, montrent, corrigent et modélisent les accédants à la virilité. Une fois quitté la première pièce, chaque homme devient tout à la fois initiateur et initié.

 

Sur ce thème, Godelier, l'anthropologue, a étudié les Baruyas en Nouvelle Guinée (Godelier, 1982). Chez eux « le sperme est la vie, la force, la nourriture qui donne la force à la vie ". Il montre comment, dans le secret de la maison des hommes[16], les jeunes hommes non encore mariés d'une part et les initiés d'autre part se transmettent par une ingestion de sperme (fellation) les rudiments de la domination des femmes. Toute violation de ce secret est punie très sévèrement et ceux qui résistent à l'initiation y sont contraints par la force, dit le chercheur [17].

 

Apprendre à souffrir pour être un homme. A accepter la loi des plus grands

Apprendre à être avec des hommes, ou ici dans les premiers apprentissages sportifs à l'entrée de la maison-des-hommes, à être avec des postulants au statut d'homme, contraint le garçons à accepter la loi des plus grands, des anciens. Ceux qui lui apprennent et lui enseignent les règles et le savoir-faire, le savoir-être homme. La manière dont certains hommes se rappellent cette époque et l'émotion qui transparaît alors, semblent indiquer que ces périodes constituent une forme de rite de passage.

Apprendre à jouer au hockey, au football, au base-ball, c'est d'abord une façon de dire : je veux être comme les autres gars. Je veux être un homme et donc je veux me distinguer de son opposé (être une femme). Je veux me dissocier du monde des femmes et des enfants[18].

C'est aussi apprendre à respecter les codes, les rites qui deviennent alors des opérateurs hiérarchiques. Intégrer codes et rites, en sport on dit les règles, oblige à intégrer corporellement (incorporer) les non-dits. Un de ces non-dits, que relatent quelques années plus tard les garçons devenus hommes, est que l'apprentissage doit se faire dans la souffrance. Souffrances psychiques de ne pas arriver à jouer aussi bien que les autres. Souffrances des corps qui doivent se blinder pour pouvoir jouer correctement. Les pieds, les mains, les muscles se forment, se modèlent, se rigidifient par une espèce de jeu sado-maso avec la douleur. P'tit homme doit apprendre à accepter la souffrance — sans mots dire et sans "maudire"— pour intégrer le cercle restreint des hommes. Dans ces groupes monosexués s'incorporent les gestes, les mouvements, les réactions masculines, tout le capital d'attitudes qui serviront à être un homme.

Dans les tous premiers groupes de garçons, on "entre" en lutte dite amicale (pas si amicale que cela si l'on en croit le taux de pleurs, de déceptions, de chagrins enfouis que l'on y associe) pour être au même niveau que les autres, puis pour être le meilleur. Pour gagner le droit d'être avec les hommes ou d'être comme les autres hommes. Pour les hommes, comme pour les femmes, l'éducation se fait par mimétisme. Or le mimétisme des hommes est un mimétisme de violences. De violence d'abord envers soi, contre soi. La guerre qu'apprennent les hommes dans leurs corps est d'abord une guerre contre soi-même. Puis, dans une seconde étape, c'est une guerre avec les autres.

Articulant plaisirs, plaisirs d'être entre hommes (ou hommes en devenir) et se distinguer des femmes, plaisirs de pouvoir légitimement faire "comme les autres hommes" (mimétisme) et douleurs du corps qui se modélise, chaque homme va, individuellement et collectivement, faire son initiation. Par cette initiation s'apprend la sexualité. Le message dominant : être homme, c'est être différent de l'autre, différent d'une femme.

De plus j'ai montré comment l'analyse de « la première pièce « de la maison-des-hommes, ce que j'ai nommée le vestibule de la « cage à virilité « est un lieu à haut risque d'abus. Elle fonctionne, semble-t-il, comme un lieu de passage obligé qui est fortement fréquenté. Un couloir où circulent tout à la fois de jeunes recrues de la masculinité (les petits hommes qui viennent juste de quitter les jupons de leurs mères[19]), à côté d'autres p'tits hommes fraîchement initiés qui viennent — ainsi en convient la coutume de cette maison — transmettre une partie de leur savoirs et de leurs gestes. Mais l'antichambre de la maison-des-hommes est aussi un lieu, un sas fréquenté périodiquement par des hommes plus âgés. Des hommes qui font tout à la fois figures de grands frères, de modèle masculin à conquérir par p'tit homme, d'agents chargés de contrôler la transmission des valeurs. Certains s'appellent pédagogues, d'autres moniteurs de sports, ou encore prêtres, responsables scoutsé Certains sont présents physiquement. D'autres agissent par le biais de leurs messages sonores, de leurs images qui se manifestent dans le lieu. Ceux-là sont dénommés artistes, chanteurs, poètes. En fait, parler de "la première pièce" de la maison-des-hommes constitue une forme d'abus de langage. Il faudrait dire : les premières pièces, tant est changeante la géographie des maisons des hommes. A chaque culture ou chaque micro-culture, parfois à chaque ville ou village, à chaque classe sociale, correspond une forme de maison-des-hommes. Le thème de l'initiation des hommes se conjugue de manière extrêmement variable. Le concept est constant mais les formes labiles.

Le masculin est tout à la fois soumission au modèle et obtention des privilèges du modèle. Certains aînés profitent de la crédulité des nouvelles recrues, et cette première pièce de la maison est vécue par de nombreux garçons comme l'antichambre de l'abus. Et cela dans une proportion qui, à première vue, peut surprendre[20]. Non seulement, je l'ai dit, p'tit homme commence à découvrir que pour être viril, il faut souffrir, mais dans cette pièce (ou dans les autres, il ne s'agit ici que d'une métaphore), le jeune garçons est quelquefois initié sexuellement par un grand. Initié sexuellement, cela peut aussi vouloir dire violé. être obligé — sous la contrainte ou la menace — de caresser, de sucer ou être pénétré de manière anale par un sexe ou un objet quelconque. Masturber l'autre. Se faire caresser. On comprend que les hommes à qui une telle initiation est imposée en gardent souvent des marques indélébiles.

Tout semble indiquer dans les interviews réalisées dans l'étude sur l'homophobie, puis dans celle sur la prison (Welzer-Lang, Mathieu, Faure, 1996) que beaucoup d'hommes qui ont été appropriés par un autre homme plus âgé n'ont de cesse que de reproduire cette forme particulière d'abus. Comme s'ils se répétaient : « Puisque j'y suis passé, qu'il y passe lui aussi ". Et l'abus, outre les bénéfices qu'il procure, revêt alors aussi une forme d'exorcisme, une conjuration du malheur vécu antérieurement. Puis, au fil des ans, quand le souvenir de la douleur et de la honte s'estompe enfin quelque peu, l'abus initial fonctionnerait comme élément de compensation, un peu comme l'ouverture imposée d'un compte bancaire ; les autres abus perpétrés représentant les intérêts que vient réclamer l'ex-homme abusé. Cela vaut tant pour les abus réalisés à l'encontre des hommes que dans d'autres lieux à l'encontre des femmes.

D'autres se blindent. Ils intègrent une fois pour toutes[21] que la compétition entre hommes est une jungle dangereuse où il faut savoir se cacher, se débattre et où in fine la meilleure défense est l'attaque.

J'évoque ici les d'abus (dits) sexuels[22]. Ils sont bien réels et en nombre très important. Les recherches futures nous en révéleront les formes, la fréquence et les effets à courts, moyens et longs termes[23]. Avouons pour l'instant notre partielle incurie sur ce thème. D'autres formes d'abus sont quotidiennes, complémentaires ou parallèles par rapport aux abus sexuels. Elles en constituent d'ailleurs souvent les prémices. Des abus individuels, mais aussi des abus collectifs. Qu'on pense aux différents coups : les coups de poing, les coups de pieds, les "poussades". Les pseudo-bagarres où, dans les faits, le plus grand montre une nouvelle fois sa supériorité physique pour imposer ses désirs. Les insultes, le vol, le racket, la raillerie, la moquerie, le contrôle, la pression psychologique pour que p'tit homme obéisse et cède aux injonctions et aux désirs des autres, é Il y a donc un ensemble multiforme d'abus de confiance violents, d'appropriation du territoire personnel, de stigmatisation de tout écart au modèle masculin dit convenable. Toutes formes de violences et d'abus que chaque homme va connaître, tant comme agresseur que comme victime. Petit, faible, le jeune garçons est une victime désignée. Protégé par ses collègues, il peut maintenant faire subir aux autres ce qu'il a encore peur de subir lui-même. Conjurer la peur en agressant l'autre, et jouir alors des bénéfices du pouvoir sur l'autre, voilà la maxime qui semble inscrite au fronton de toutes ces pièces.

Ne nous y trompons pas. Cette union qui fait la force, cet apprentissage du collectif, de la solidarité, de la fraternité — les hommes d'un même groupe peuvent être assimilés à des frères — ne revêt pas que des côtés négatifs. Nonobstant que la maison-des-hommes, la solidarité masculine intervient pour éviter la douleur d'être soi-même victime, cette maison est le lieu de transmission de valeurs qui, si elles n'étaient pas au service de la domination, sont des valeurs positives. Prendre du plaisir ensemble, découvrir l'intérêt du collectif sur l'individuel, voilà bien des valeurs humanistes qui fondent la solidarité humaine.

Toujours est-il que dans la socialisation masculine, il faut pour être un homme, ne pas pouvoir être assimilé à une femme. Le féminin devient même le pôle repoussoir central, l'ennemi intérieur à combattre sous peine d'être soi-même assimilé à une femme et d'être (mal)traité comme tel.

Et on aurait tord de limiter l'analyse de la maison-des-hommes à la socialisation enfantine ou juvénile. Une fois en couple, l'homme tout en « assumant « sa place d'homme pourvoyeur, de père qui dirige la famille, de mari qui sait ce qui est bon, et bien, pour femme et enfants, continue à fréquenter des pièces de la maison des hommes : les cafés, les clubs, voire parfois même la prison, où il faut toujours se distinguer des faibles, femmelettes, des "pédés", bref de ceux qui l'ont peut considérer comme des non-hommes.

Les travaux de Christophe Dejours (1998) et Pascale Molinier (1997)[24]] sont là pour  montrer comment la virilité, outre les bénéfices (privilèges) qu'elle procure aux hommes, est aussi une stratégie de résistance pour lutter contre la peur, le dégoût qu'inspire le « sale boulot « [des ouvriers du bâtiments, ou des cadres chargés de licencier par exemple] ; et aussi comment la virilité ne peut être que transversale aux sphères publiques et privées.

Le masculin, les rapports entre hommes sont structurés à l'image hiérarchisée des rapports hommes/femmes. Ceux qui ne peuvent pas prouver qu'ils « en ont «[25], sont alors menacés d'être déclassés et considérés comme les dominées, comme les femmes. « Ils en sont è dira-t-on à leurs propos «, C'est ainsi qu'en prison, un segment particulier de la maison-des-hommes, les jeunes hommes, les hommes repérés ou désignés comme homosexuels (hommes dits efféminés, travestis), hommes qui refusent de se battre, voire ceux qui se sont fait prendre à violer des dominées[26], sont traités comme des femmes, appropriés sexuellement par les « grands hommes « que sont les caïds, rackettés, violentés. Souvent même, ils sont tout simplement sont mis en position de « femme à tout faire « et doivent assumer le service de ceux qui les contrôlent notamment le travail domestique (nettoyage de la cellule, du linge) et les services sexuels.

Les rapports sociaux de sexe sont transversaux à l'ensemble de la société et hommes et femmes en sont traversé-e-s.

Dans cette perspective j'ai proposé alors de définir l'homophobie comme la discrimination envers les personnes qui montrent, ou à qui l'on prête, certaines qualités (ou défauts) attribuées à l'autre genre. L'homophobie bétonne les frontières de genre.

Lorsque, avec Pierre Dutey, nous avons demandé à quelques 500 personnes à quoi elles reconnaissaient des personnes homosexuelles dans la rue, celles-ci, à une écrasante majorité, ne parlent que des hommes homosexuels (le lesbianisme est invisible). Et qui plus est, elles assimilent aux homosexuels les hommes qui présentent des signes de féminité (voix, vêtements, hexis corporelle). Le hommes qui ne montrent pas des signes redondants de virilité sont assimilés aux femmes et/ou à leurs équivalents symboliques : les homosexuels.

Le paradigme naturaliste de la domination masculine divise hommes et femmes en groupes hiérarchisés, donne des privilèges aux hommes au détriment des femmes, et face aux hommes tentés, pour une raison ou une autre, de ne pas reproduire cette division (ou qui, pire, la refuseraient pour eux-mêmes), la domination masculine produit de l'homophobie pour que, menaces à l'appui, les hommes se calquent sur les schèmes dits alors normaux de la virilité.

 

Les « Grands hommes «

Je viens d'invoquer les caïd en prison, et d'évoquer à leur propos les « Grands-Hommes «. Il se peut que la prégnance de l'analyse marxiste qui a privilégié les classes sociales, ou celle féministe post-marxiste qui nous a fait adopter une analyse analogue pour analyser la domination masculine (Delphy 1970; Guillaumin 1978), doublé du peu d'études sur les hommes et le masculin, ait occulté ce que chaque homme sait. On a beau être un homme, un dominant, chaque homme est lui même soumis aux hiérarchies masculines. Tous les hommes n'ont pas le même pouvoir ou les mêmes privilèges. Certains, que je qualifie de Grands-Hommes ont des privilèges qui s'exercent aux dépens des femmes (comme tous les hommes), mais aussi aux dépens des hommes. L'analyse transversale des rapports sociaux de sexe ouvre d'autres pistes d'analyses et de réflexions qui me semblent importantes et que j'aimerais approfondir.

J'ai utilisé la métaphore/concept de la maison-des-hommes pour décrire la socialisation masculine. Mais, pour l'instant, je n'ai pas abordé la structuration fonctionnelle du masculin. Qui sont les Grands-Hommes ? Comment leur statut est-il rétribué ? En argent, honneur (confortant la virilité dit Pierre Bourdieu) et en statuts de pouvoir.

Empiriquement (cf mes étude sur l'échangisme et le commerce du sexe (Welzer-Lang, 1998 a,b), on sait que pour un homme, le fait d'être vu avec des « belles è femmes fait classer cet homme dans les Grands-Hommes ; au même titre que celui qui a de l'argent et/ou du pouvoir manifeste sur les hommes et les femmes. Chaque homme a ou peut avoir, s'il accepte les codes de virilité, du pouvoir sur les femmes (qu'il reste d'ailleurs à quantifier) ; certains (chefs, Grands-Hommes divers) ont en plus du pouvoir sur les hommes. C'est bel et bien dans ce double pouvoir que se structurent les hiérarchies masculines.

On peut, on doit, aussi articuler ces divisions avec les classes sociales. Un-e cadre, un-e patron-n-e a — de fait — du pouvoir dans l'espace professionnel sur d'autres hommes et d'autres femmes. Sans doute — voir les travaux des sociologues féministes et ceux de François de Singly — il n'est pas indifférent d'être à ce moment-là un homme ou une femme. Il faut encore travailler les liens entre pouvoirs professionnels et pouvoirs (et privilèges) domestiques. Mais tout cela reste encore abstrait.

 

L'entrée « Grands-Hommes è offre aussi d'autres moyens pour étudier la distribution des pouvoirs masculins sur les femmes et les hommes. Prenons l'exemple des légionnaires de Castelnaudary[27]. A leur retour de mission de l'étranger, on leur permet certaines libertés avec l'alcool, et les femmes. Tous ou certains[28] ont droit de « ramener des femmes dans leurs bagages è[29]. Celles-ci, immigrantes illégales, ne parlant pas toujours le français, parfois illettrées, sont alors dépendantes des guerriers qui les ont ramenées. « Faut comprendre, les légionnaires, on les débarque n'importe où, et on leur dit : tuez ! Alors faut bien leur laisser quelques libertés après è m'a dit un gradé supérieur de l'armée. Ces femmes (ou ces garçons), issu-e-s de pays pauvres, sont un privilège associé au statut de guerrier néo-impérialiste. Dans cette région, d'après nos informatrices — et ce que l'on peut vérifier de manière empirique en examinant les plaintes aux services téléphoniques d'aide aux femmes — les hommes-en-armes (légionnaires, mais aussi gendarmes) semblent concentrer plus de plaintes sur leurs pratiques dans le domestique que d'autres hommes. Et en tous cas, parce qu'ils ont une arme à la maison, ils sont plus meurtriers. Ce sont donc les femmes qui paient en dernier lieu le prix des privilèges masculins.

Il y aurait sans doute une grille de lecture à mettre en place pour savoir qui sont les Grands-Hommes et comment se distribuent les pouvoirs masculins, y compris entre Grands-Hommes. En utilisant les travaux de Maurice Godelier, et en les adaptant à nos sociétés, on pourrait distinguer parmi les Grands-Hommes ceux qui ont un pouvoir politique, religieux (ou magique), économique, guerrier, administratif, scientifique, universitaire, mettre en balance ce pouvoir, institué et instituant, avec les privilèges que tirent ces hommes de leurs fonctions dans leurs rapports aux femmes et aux hommes. Puis, comme Maurice Godelier le fait en comparant situation pré-coloniale, colonisation et post-colonisation, on pourrait étudier les évolutions (transformation des fonctions et des pouvoirs, influence de la mixité de certains postes, disparition ou reconversion) que vivent, ou ont vécu les Grands-Hommes. En tous cas, c'est une piste de recherche qui me semble féconde.

Cette question est importante dans l'étude des changements masculins. Certains hommes RMIstes, tout en restant des hommes dans leurs rapports aux femmes suivent une mobilité sociale qui les fait se rapprocher sérieusement de la situation d'exclusion, de précarité de certaines femmes, quand d'autres femmes, en mobilité ascendante tendent à calquer les schèmes de concurrence virile des hommes.

Ce que cache, in fine, l'analyse naturaliste de la division sociale en genres, c'est l'historicité et la contingence de cette division. Qu'il est probable que suite aux luttes féministes et à l'évolution égalitariste de nos sociétés, elle devienne obsolète[30], quitte à être remplacée par d'autres formes de domination entre humain-e-s.

Mais la domination masculine n'est pas le seul paradigme qui conditionne nos représentations et nos pratiques. Nous allons maintenant aborder l'hétérosexualité.

 

L'hétérosexualité : un cadre naturaliste pour diviser hommes et femmes

L'histoire récente des idées en France, notamment celles critiquant les constructions sociales du genre masculin et/ou des sexualités masculines a présenté une double analyse. D'un côté les travaux situés dans ou autour de la sphère féministe, qui privilégient l'analyse des rapports sociaux de sexe, la domination masculine. De l'autre des écrits, inspirés par Michel Foucault (1976, 1984), des historiens comme Philippe Ariès (1973), Jean Louis Flandrin (1981, 1982, 1984)é interrogeant le cadre hétérosexué de la normalité masculine.

On lira avec intérêt dans ce même ouvrage, le texte de Jean-Yves Le Talec rappelant les analyses foucaldiennes sur la nouveauté du concept d'homosexualité. La catégorie « homosexuelle è [pas la pratique désignée sous cette catégorie] est récente. Et c'est parce que les sciences médicales désignent une catégorie déviante, que l'on peut, par la suite, créer son corollaire : l'hétérosexualité. Homo/hétéro, comme homme/femme sont des couples d'opposition qui n'ont de sens que pris ensemble.

L'avènement du scientia sexualis (Foucault,1976) la définition des individus non plus à travers une donnée physiologique (l'appareil génital), mais au travers d'une catégorie psychologique qu'est leur désir sexuel, a contribué à imposer chez les hommes[31] un cadre hétérosexuel présenté, lui-aussi, comme une forme naturelle de sexualité. Assimilant la sexualité, et son lot de jeux, de désirs, de plaisirs à la reproduction humaine, le paradigme hétérosexuel s'est imposé comme ligne de conduite pour les hommes.

C'est ce qui fonde aujourd'hui l'hétérosexisme. L'hétérosexisme — et ici, j'adopte une définition américaine —  est la discrimination et l'oppression basées sur une distinction faite à propos de l'orientation sexuelle. L'hétérosexisme est la « promotion incessante, par les institutions et/ou les individus, de la supériorité de l'hétérosexualité et de la subordination simultanée de l'homosexualité. L'hétérosexisme prend comme acquis que tout le monde est hétérosexuel, sauf avis contraire «[32]].

Mais on aurait tort de limiter ce cadre d'exclusion que crée l'hétérosexisme à l'homosexualité. Toute forme revendiquée de sexualité qui se distingue de l'hétérosexualité est dévalorisée et considérée comme différente de la doxa de sexe qui s'impose comme modèle de l'unique. Il en va ainsi de la bisexualité, des sexualités transsexuellesé

Nous sommes bel et bien en présence d'un modèle politique de gestion des corps et des désirs. Et les hommes qui veulent vivre des sexualités non-hétérocentrées sont alors stigmatisés comme n'étant pas des hommes normaux, soupçonnés d'être des « passifs «, et menacés d'être assimilés et traités comme des femmes. Car il s'agit bien de cela, être homme, correspond au fait d'être actif. Et ce n'est pas un hasard si des violeurs d'hommes rencontrés (Welzer-Lang, 1988), car actifs, et pénétrants ne se vivent pas comme homosexuels. Michaël Pollack le mentionne aussi dans l'ouvrage Les homosexuels et le Sida. Il évoque « la hiérarchie traditionnellement établie [...] entre le « baisé « et le « baiseur «, le premier souffrant de la plus grande réprobation sociale en ce qu'il transgresse le plus clairement l'ordre "naturel" des choses organisé selon la dualité féminin (dominé) et masculin (dominant), de sorte que dans certaines cultures n'est considéré comme « vrai pédé « que celui qui se laisse pénétrer et non celui qui pénètre è (Pollak 1988 : 44).

Là aussi l'hétérocentrisme constitue ses catégories. Elle distingue les dominants que sont les hommes actifs, pénétrants, et les autres, celles et ceux qui sont pénétré-e-s, donc dominé-e-s[33]. Et c'est bel et bien de l'homophobie qui s'applique à ceux, homosexuel-le-s, bisexuel-le-s, transsexuel-le-sé en les dévalorisant parce qu'ils/elles n'adoptent pas, ou sont soupçonné-e-s de ne pas adopter, des configurations sexuelles naturelles.

Dans un premier temps, en 1994, j'ai proposé de qualifier « d'homophobie particulière è, le stigmate qui s'applique aux homosexuels revendiqués. Ceux que l'on repère ou non, mais qui ont l'outrecuidance de se revendiquer de cette pratique décrétée anormale[34]. Il s'agissait non d'une erreur, mais d'une analyse incomplète qui sous-estimait le paradigme hétérosexiste.

En fait, le double paradigme naturaliste qui définit la supériorité masculine sur les femmes d'une part, et celle normant ce que doit être la sexualité masculine, ont en commun de produire une norme politique andro-hétérocentrée et homophobe qui nous dit ce que doit être le vrai homme, l'homme normal. Celui-là, homme viril dans la présentation de soi et dans ses pratiques, donc non efféminé, actif, dominant peut prétendre aux privilèges de genre. Les autres, ceux qui se distinguent pour une raison ou une autre, du fait de leurs apparences, ou de leurs goûts sexuels pour les hommes, représentent une forme d'insoumission au genre, à la normativité hétérosexuelle, à la doxa de sexe (Haicault, 1992), et sont symboliquement exclus du groupe des hommes, pour appartenir aux « autres «, le groupe des dominé-e-s qui comprend femmes, enfants, et toute personne qui n'est pas un homme normal.

On retrouve ici une analyse de Nicole Claude Mathieu sur le masculin comme cadre général, normal, et la spécificité féminine qui peut être étendue au spécifique que constitue toute pratique sociale qui se distingue de la norme.

Dans les sciences sociales aussi, comme dans le sens commun, l'analyse qui prévaut est hétérocentriste. Au mieux, aujourd'hui, suite aux luttes visibilisant l'homosexualité, suite aussi à la compassion due à l'homosexualisation du sida (Defert, 1990), nous voyons en oeuvre un « hétérosexisme différentialiste «, une forme libérale qui accepte le fait qu'il existe des êtres différents : les homosexuel-le-s, et que par conséquent, il est normal, progressiste, de leur accorder quelques droits[35]. Les débats récents, et certainement toujours en cours au moment de la publication de ce texte, sur l'homoparentalité[36] nous montrent les limites objectives de cette analyse naturaliste différentialiste. Au mépris des analyses anthropologiques qui montrent comment la reproduction humaine, et la parentalité sont des phénomènes manipulés socialement pour renforcer la domination masculine (Tabet 1985), la reproduction humaine est naturalisée dans le cadre du couple homme/femme. Exit les mères et les pères célibataires, les — déjà— parents homosexuels, les procréations médicalement assistées Exit aussi les cultures matrilinéaires où le géniteur importe peu. « LA « famille est présentée non plus comme une forme sociale évolutive, mais comme un cadre naturel qui lie un homme et une femme[37]. Que ce soit à propos de l'androcentrisme et l'oubli des femmes dans les analyses, ou à propos des pratiques non hétérocentrées, les sciences sociales auront sans doute à développer une rupture épistémologique dans les années à venir ; elles ont, en tous cas, un devoir d'excuse.

 

Les luttes contre les politiques du mâle

Pour des raisons historiques, luttes des hommes contre la domination masculine, et luttes pour critiquer l'hétérosexisme ont été deux réalités sociales dissociées. Chaque paradigme naturaliste crée et reproduit son propre système hiérarchique de classement où l'homophobie divise, segmente en couples d'opposition, ceux qui ressemblent au portrait du dominant et les autres. On est homme OU femme, mâle hétéro (on dit en général « normal è) OU autre.

Chez les hommes, les mouvements sociaux ont reproduits cette division. D'un côté, après les années 1975[38], sont apparus des groupes d'hommes antisexistes qui débattaient des rapports aux femmes, sexuels ou non, et implicitement affichaient leurs certitudes hétérosexuelles. Ces mêmes hommes, quelques années plus tard, se sont définis en France et en Europe comme Proféministes . Le terme proféministe a été adopté par consensus entre les hommes et les femmes présents au colloque du GREMF en 1996 à Québec. Il est sensé être rassembleur des hommes qui se dénommaient antisexistes, masculinistes[39], marquer la solidarité des hommes avec les analyses féministes et respecter l'autonomie du mouvement des femmes en lui laissant l'exclusivité du terme féministe. Il marque aussi une rupture importante. Les hommes proféministes se reconnaissent comme des personnes construites socialement comme des hommes, donc des dominants avec les femmes. Leur existence questionne la capacité d'alliances et d'analyses communes entre hommes et femmes, dominants et dominées. Le proféminisme européen a tout à la fois problématisé l'oppression des femmes, et l'aliénation des hommes dominants.

D'autres groupes d'hommes sont aussi apparus dans ce que nous pouvons qualifier de nébuleuse antisexiste. On y trouve de nombreux groupes acceptant tout ou partie de la remise en cause féministe. Certains groupes influencés par Robert Bly et le New Age réontologisent masculin et féminin et recherchent la masculinité traditionnelle à travers archétypes et rêves. Présents surtout en Amérique du Nord, d'autres groupes sont centrés sur l'accueil des hommes violents. Quand aux Réseaux Hommes Québec ou Réseaux Hommes en France, Suisse et Belgique lancés par le psychanalyste Guy Corneau, ils oscillent entre une volonté de comprendre l'aliénation masculine produite par les rapports sociaux de sexe et la domination masculine, et une influence des mouvements de développement personnel. Profitant de la popularité de Guy Corneau, ils regroupent des hommes très divers allant des jeunes hommes à la recherche de nouvelles figures de militantisme à des hommes aigris de la vie. Le mérite de ces réseaux est d'accompagner les changements massifs du côté des hommes. Et il n'est pas utopique de prévoir l'institutionnalisation, sous une forme ou une autre, de structures venant aider les hommes qui confrontés à l'inadéquation entre construction sociale du masculin et (nouvelles) exigences des femmes, aient besoin d'aide.

Enfin, autour des mouvements “squats" et de différents regroupements libertaires et antifachistes, se sont créés dernièrement plusieurs collectifs anti-sexistes (Nantes, Lille, Paris, Lyon, Montpellier), qui reproblématisent — de manière mixte ou non — les luttes contre le sexisme, l’homophobie et la lesbophobie. La revue Star [40] présente régulièrement leur analyse.

D'autre part, et dans des espaces distincts des premiers, nous avons vu des hommes qui, du FHAR aux luttes sur le PACS, en passant par l'abrogation des lois restrictives contre l'homosexualité[41], ont lutté contre l'hétéronormativité et ses effets discriminatoires. Comme groupe dominé, les homosexuels masculins ont mis en exergue les conditions d'oppressions : répression dans de nombreux pays dont la France, droits distincts des autres hommes leur donnant l'impression d'être considérés comme des citoyens de second ordre, agressions dans l'espace publique, invisibilisation dans les livres scolaires contribuant à l'isolement. 

Entre les deux courants, rien ou bien peu de choses[42]. Quelques essais de rencontres, mais plus souvent un groupe, les gais, qui s'affirment — avec raison — dominés et refusent d'entrevoir que même dominés, ils restent des hommes donc dominants par rapport aux femmes, de l'autre des dominants qui disent s'assumer comme tels, mais ont continué longtemps à ne problématiser que l'évolution des rapports hommes/femmes. Or, pour être complète, l'analyse critique du masculin doit assumer la critique de l'ensemble du modèle mâle. Le fossé entre ces deux tendances critiques a même été renforcé par la misogynie de certains hommes homosexuels, ou par l'utilisation de diatribes homophobes contre certains gais efféminés (les « folles «) qui reproduisent pour certains, par jeu et dérision, les stéréotypes de la féminité.

Pour les femmes, la situation sans être identique — les femmes lesbiennes se sont pour la plupart définies comme féministes depuis longtemps — montre aussi la difficulté d'articuler ce double paradigme. Les récents travaux du séminaire toulousain « Gais, lesbiennes, bisexuel-le-s, transgenres, queers ; Orientation et identités sexuelles, questions de genre « nous ont montré la complexité des rapports entre femmes lesbiennes et féministes non lesbiennes au sein du mouvement des femmes. Les homosexuelles ayant l'impression d'avoir souvent été invisibilisées par les autres féministes.

Et nous sommes aujourd'hui confronté-e-s à un manque. Un manque pour analyser les constructions sociales du masculin dans leur entièreté, un manque pour comprendre les évolutions des hommes dans leur rapports aux femmes ET dans leurs rapports aux hommes.

Le masculin dans tous ses états et tous ses éclats ?

Le paysage social des hommes a changé. Bien sûr, il y a les (quelques) hommes progressistes ou égalitaristes qui prennent en charge tout ou partie du travail domestique, notamment quand ils vivent seuls. Ceux qui luttent, avec les femmes, pour la parité en politique (voir l'article d'Alain Lipietz dans ce livre), ceux qui confrontés au double standard asymétrique du propre et du rangé, ou de l'amour[43]] essaient de négocier vaille que vaille, une entente égalitaire avec les femmes, ceux qui élevés dans la mixité se sont très tôt confrontés avec la nécessité de trouver une démarche commune avec leurs amies femmes, les quelques centaines d'hommes proféministesé

Mais, ce ne sont pas les seules transformations visibles. La prégnance des nouvelles figures de transgenders[44] aperçues dans les études sur la prostitution, les brouillages momentanés ou continuels[45][des identités sexuées et sexuelles rencontrés par exemple derrière les écrans du minitel rose, les centaines de SNAG (Sensitive New Age Guys), comme on les appelle en Australie[46], sans même parler des drag queens, ces hommes qui s'habillent en femmes, et qui ne se définissent ni comme homosexuels, ni comme travestis, nous sommes en présence de nouvelles figures du désordre (Balandier, 1988) qui semble régner dans la masculinité.

Les modèles, les revendications et le vécu de l'ensemble de ces hommes affichent une variété extrême, mais ils ont en commun de remettre objectivement et/ou subjectivement les définitions homophobes et hétérosexistes de « la è masculinité, de transgresser les définitions sociales de la masculinité. Les frontières de genre ont tendance, du côté des hommes, à se décomposer, à exploser et le masculin s'affiche dans tous ses états.

 

Que se passe-t-il ? Plusieurs hypothèses paraissent intéressantes pour expliquer ces changements, dont l'histoire nous dira s'il s'agit d'un phénomène de mode passager ou d'une véritable transformation du masculin comme genre. Les luttes de femmes et le féminisme ont contesté, avec un succès important mais jamais définitif, la suprématie masculine. Certes, la domination perdure, mais tendanciellement elle s'effrite et perd son acuité oppressive. Dans le même temps, le genre masculin a recherché d'autres contenus, d'autres valeurs. Ce qui ne veut pas dire d'ailleurs — et de loin — qu'il n'y ait pas recomposition de la domination masculine, et que la remise en cause de la masculinité soit linéaire ou qu'il faille oublier l'articulation entre rapports sociaux de sexe et structuration en classes sociales..

Ainsi comme le fait remarquer, avec raison François de Singly (1993), il faut se méfier des micro-changements appelés trop vite « Révolution conjugale «. Utilisant Georg Simmel, il ajoute : « le masculin est moins perceptible que le féminin dans la mesure où le premier peut plus facilement se déguiser en intérêt général : les  contenus culturels complètement neutres en apparence  masquent  l'essence masculine è (p. 59). Et de prendre la virilité, et ses changements, en exemple.

« La dévaluation de la virilité, de ses démonstrations de force physique, était possible dans la mesure où les groupes sociaux les plus concernés par les luttes autour de la question des sexes étaient les classes moyennes et supérieures, groupes où ce capital physique et symbolique occupait une place secondaire dans la structure des richesses masculines.

Tout se passe comme si la renégociation des rapports entre les sexes s'était opéré sur le dos des milieux populaires. La valeur physique des ouvriers — leur seule richesse — tout comme les valeurs ménagères des mères au foyer du peuple, ont servi de repoussoirs conjoints aux hommes et aux femmes des milieux des cadres progressistes. Au moment où ces derniers souriaient lorsqu'ils entendaient parler de luttes sociales, une vieille lune, ils y participaient en s'engageant dans la lutte contre l'ancien, contre les vestiges de la force masculine (du côté masculin) ou de la routine (du côté féminin). (1993 : 59) «.

De manière concomitante, et ceci s'est accéléré avec l'homosexualisation du sida, le mouvement gai a contesté les bases homophobes du masculin et certaines hiérarchies des rapports entre hommes. Quoique les gais, comme je l'ai indiqué, ne soient pas les derniers à vouloir cacher l'émergence de ce qui est qualifié de féminin chez les hommes, le FHAR (et ses célèbres "gazolines"), le GLH, le CUARH (Comité d’Urgence Anti-Répression Homosexuelle) à l'époque militante, le commerce gai et les associations de lutte contre le sida aujourd'hui, ont visibilisé d'autres modèles de "la" masculinité. Bien entendu, là aussi, ces transgressions de la masculinité, ces variations du masculin ne signifient pas ipso facto des remises en cause des rapports sociaux de sexe (ou de genre). Janis Raymond l'avait déjà signalé pour les transsexuelles (1981) ; la difficulté de certains gais à accepter que ce que vivent les femmes homosexuelles soit différent de ce qu'eux-mêmes vivent est un autre exemple[47]. Comme le souligne très justement Nicole-Claude Mathieu (1994) : « On ne sait pas s'il existe une catégorie "hommes", il n'est question que de masculin è.

 

Quand on examine certaines formes d'émergence de nouvelles figures masculiné à la lumière des rapports sociaux de sexe, les exemples de non-remise en cause des positions de dominance masculine sont nombreux : dans le contexte de la prostitution, les transgenders ont la prétention, car hommes, d'en savoir plus que les femmes sur les demandes des hommes-clients, de savoir mieux répondre à leurs demandes. Certains des hommes qui s'autodéfinissent comme « féministes « ne se gênent pas pour donner des leçons de féminisme à leurs amies tout en refusant de parler d'eux comme hommes. Les drag queens se disent plus belles que les femmes. Quant aux hommes du minitel, ces femmes télématiques, ils organisent des espaces où ils peuvent éviter les confrontations avec des femmes et croire qu'hommes et femmes ont la même quête instrumentale de désirs et d'érotismes. Et bien entendu j'aurais pu aussi décrire les revendications des "pères divorcés" qui, pour certains, veulent contrôler non pas leur paternité (ce qui fut le cas des militants d'ARDECOM), mais la contraception et le droit à l'avortement de leur compagne. Certains revendiquent même une moindre crédulité en cas de plainte féminine pour viol. Bref, transgresser socialement les catégories sociales de la masculinité, remettre en cause l'unicité du modèle, marque sans doute une crise profonde de l'identité masculine confrontée aux effets du féminisme et des contestations gais. Cela traduit aussi des transformations des rapports intra-genre qui peuvent ne pas avoir de conséquences dans les rapports inter-genre, les rapports sociaux de sexe entre hommes et femmes.

Toujours est-il que la contestation par les féministes de la domination masculine avait fait craindre à certain-e-s l'apparition d'un modèle de l'unique (L'un est l'autre), de l'androgyne indifférencié. C'est bel et bien le contraire qui apparaît, ici du côté des hommes. Transgenders, transgenres, drag queens, SNAG, gender fuckersé en sont autant d'exemples. Opposées à la dualité des modèles de masculinité et de féminité, les remises en cause maintenant masculines du sexisme et/ou de l'homophobie et/ou du patriarcat/viriarcat, voient apparaître de nouveaux modèles, multiples, où les luttes internes aux rapports sociaux de sexe trouvent d'autres lieux de débats.

 

Quels outils pour étudier ces transformations

Comment analyser ces transformations, ces fluctuations, ces apparentes transgressions de modèle ? Quels outils théoriques utiliser pour savoir ce qui dans ces évolutions correspond à de véritables changements, ou ce qui relève de changements cosmétiques, voire des formes de récupération d'un pouvoir mâle, hétéronormé ou non, contesté par les féministes ?

L'analyse féministe et proféministe, notamment l'analyse matérialiste permet d'étudier, ce que A.-M. Daune Richard et A.-M. Devreux (1990) appellent « les mobilités sociales de sexe «. Après avoir fait valoir l'intérêt de l'outil mobilité sociale utilisé dans l'analyse des classes sociales, elles ajoutent à propos de rapports sociaux de sexe :

Faire fonctionner un outil "mobilité" qui analyse les processus de catégorisation issus d'un rapport social suppose donc non seulement de ne pas s'enfermer dans un des champs du social mais ‑ et c'est un corollaire quasi obligé ‑ de ne pas s'enfermer dans des catégories descriptives et donc mesurable, des catégories taxinomiques. Non que celles ‑ ci soient inutiles: loin s'en faut et nous sommes les premières à les utiliser, mais pour ce qu'elles offrent: elles donnent des photographies des comportements, des descriptions structurelles mais sans en révéler la signification sociologique et en particulier le sens, la représentation que les acteurs donnent aux places occupées par eux et par les autres dans le rapport[48].

Daune Richard, Devreux, 1990 : 126-127

 

Autrement dit, l'analyse des transformations, des mobilités masculines, doit aussi intégrer le point de vue subjectif des personnes, ici les hommes. Savoir, donc, mesurer ce qu'il en est des rapports entre hommes et femmes, offre une méthode d'analyse pour comprendre en partie les changements actuels. Mais comment, dans cette perspective mesurer les changements entre hommes, la prise de distance de certains avec le noyau dur, homophobe, hétérosexiste, des catégories de sexe ? Les analyses féministes et proféministes, utile pour étudier les transformations positives ou négatives des rapports sociaux de sexe, semblent ne pas suffire[49].

 

Le mouvement queer

C'est sans doute face à ce manque qu'est apparu dernièrement aux Etats Unis, puis timidement en France[50], la théorie queer. On en lira une rapide présentation dans ce même ouvrage réalisée par Marie-Hélène Bourcier et l'analyse critique de ce courant réalisée par Sylvie Tomolillo devrait être publiée bientôt.

Les queers [que ce soit les mouvements activistes ou la queer theory] se définissent comme anti-assimationistes et veulent regrouper tous ceux, et toutes celles qui adoptent des identités sexuelles et/ou des identités de genre en différence avec les normes hétérosexuelles : gais, lesbiennes, transgenres, bisexuelsé Le tout, en contestant la mise en catégories elle-même. Critiquant en même temps le binarisme de la mise en catégorie homme/femme, et l'hétérosexisme du classement dans les catégories elles-mêmes, l'analyse queer visibilise une partie des changements actuels. Encore faut-il, pour apercevoir ces changements queeriser les recherches effectuées : accepter de dépasser le simple discours des hommes recueilli dans les grandes enquêtes sur la sexualité pour aller voir ce qui se passe sur le trottoir, donc dépasser l'opprobe morale, le stigmate (Pheterson, 1992) que provoque l'appartenance au groupe des personnes prostituées, écouter les transexuel-le-s et ce qu'ils/elles révèlent de nos mises en catégories fixistes, enquêter dans les lieux de consommation sexuelle pour se rendre compte de l'inefficacité de nos taxinomies, etc. Bref quitter nos laboratoires pour être au plus près des gens, de leurs discours et de leurs pratiques. Ce qui n'est pas, loin s'en faut, la méthodologie la plus en vogue dans les études sur les sexualités aujourd'hui. Comme le faisait remarquer un Grand Sociologue lors des péripéties qui ont émaillé le passage de mon Habilitation à Diriger les Recherches : « Etudier le comportement d'un atelier de production automobile est, en sociologie, courant ; appliquer la même méthode à des militants d'extrême droite ou aux adeptes d'une secte est, de plus courageux ; suivre la même voie pour les prostitués ou des couples échangistes devient scandaleux et suspect de perversité «.

On peut imaginer que le terme, le mot-image ou le concept queer, francisé, devienne rapidement fédératif du désordre en cours dans les analyses critiques du masculin. Pierre Bourdieu remarquait (1997) que le mouvement gai et lesbien manquait de porte-parole emblématique. Se pose aussi le manque de signal, de drapeau[51][51] des mouvements contestant l'hétéronormativité, englobant dans son sein, gais et lesbiennes des nouvelles générations militantes, mais aussi l'ensemble des personnes qui veulent se situer en dehors de ce binarisme sexuel. A ce propos, il n'y a qu'à penser au large public présent aux Lesbian and gais Pride en France, pour se rendre compte de l'écho de ce type de problématique qui dépasse largement les seules populations homosexuelles.

Un renouvellement problématique

L'adoption d'une problématique critique quant au double paradigme naturaliste qui structure le masculin offre aussi un renouvellement des débats en cours dans les sciences sociales ou ailleurs. La prise en compte d'une analyse non-hétéronormative ouvre les espaces de discussion, questionne nos présupposés sur les hommes et le masculin. Pour l'instant, dans les textes qui se veulent progressistes et non-excluants, ceux qui mettent en avant un hétérosexisme différentialiste, une note de bas de page nous informe que l'auteur-e considère que son analyse est aussi valable pour les homosexuel-le-s[52]. Bien sûr qu'ils/elles existent. Mais la question n'est pas tant de visibiliser leur existence que d'intégrer leur présence dans les analyses, de questionner les présupposés naturalistes qui organisent leur invisibisation.

Il en est ainsi dès que l'on aborde la sexualité masculine. Il devient alors impossible, en intégrant les diverses sexualités que vivent les hommes, de prétendre que l'excitation se réduit à l'érection, ou que la jouissance est toujours éjaculation. Réintégrant des formes de sexualité en général qualifiées de « passives «, non-pénétrantes, l'analyse est obligée de questionner ce que cache le discours actuel, quelle forme de corps est mis en scène dans les discours usuels, comment le discours, dit savant ou militant, reproduit les valeurs homophobes et sexistes. Changer nos paradigmes critiques, du moins accepter de lier les analyses antisexistes et non hétéronormatives, offre des outils pour déconstruire nos représentations univoques, et bien souvent uniformes, des hommes et du masculin. L'écoute des hommes (et des femmes) qui aujourd'hui vivent, mettent en scène ou suggèrent d'autres types de sexualité et de genre[53], y contribue.

 

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Daniel WELZER-LANG Email : dwl(AT)univ-tlse2.fr
Maître de Conférence
Equipe Simone - SAGESSE
(Savoirs, Genre et Rapports Sociaux de Sexe)

Maison de la Recherche
Université de Toulouse-Le Mirail
F-31058 Toulouse cedex 1

 

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