Programmes pour les femmes violentes

      Contributions    

Précédente Remonter Suivante

   

Programmes pour les femmes violentes 

http://www.csc-scc.gc.ca/  

Cet examen de la documentation a été préparé à la demande du SCC, dans le cadre de l'Initiative concernant les délinquantes sous responsabilité fédérale. Il a été conçu pour être d'assez grande envergure et équitable sur le plan des disciplines traitées et, de plus, pour examiner les programmes particuliers et les méthodes d'évaluation destinés aux femmes délinquantes qui ont agi avec violence.

En se fondant sur les documents étudiés, la section qui suit offre certains conseils concernant l'élaboration de programmes qui mettent l'accent sur la colère, l'agression et la violence des femmes. Comme il a été souligné précédemment, il est rarement utile de parler de femmes violentes, étant donné la diversité des comportements impliqués et la diversité des facteurs circonstanciels et situationnels. De manière plus adéquate, ces programmes devraient être basés sur les hypothèses qui suivent.

1. Certaines femmes, par suite de leurs expériences, ont une plus grande propension que d'autres à employer la violence ou à le faire dans certaines circonstances, et à s'en servir contre elles-mêmes. Ceci n'est pas la même chose que de les étiqueter comme violentes et d'anticiper de la violence de leur part.

2. Le contexte situationnel dans lequel des incidents violents se produisent est de toute première importance et il est nécessaire d'élaborer des méthodes et des programmes de gestion qui aideront les détenues et le personnel à développer une meilleure compréhension de la manière d'anticiper, d'éviter et d'élaborer des réponses de substitution.

3. Plusieurs femmes condamnées pour des infractions violentes avaient rarement utilisé la violence auparavant. Pour ces femmes, ainsi que pour les autres, il pourrait être valable de créer des programmes qui puissent contribuer à développer la compréhension de l'emploi de la colère et de l'agression par les femmes, et de la façon dont elles peuvent être utilisées de manière constructive dans nos vies, ainsi que de la peine qui accompagne la violence.

4. L'exploration des sources de violence familiale et des mauvais traitements aux enfants et de leur abandon, peut être utile aux femmes qui ont fait l'expérience de relations comportant de mauvais traitements, ainsi que pour développer la compréhension de l'exploitation des enfants par des femmes.

 

Les programmes existants

Comme pour les instruments de mesure, l'élaboration de bien des programmes reliés à la violence, y compris ceux concernant la gestion de la colère ou destinés aux donneurs de coups, a été faite pour des hommes. En Amérique, il existe dans des établissements pour femmes ou dans la communauté quelques programmes concernant la gestion de la colère et la compréhension de la violence. Un certain nombre de programmes concernant les femmes à risque ou violentes avec les enfants ont été identifiés dans la communauté, mais peu d'entre eux fonctionnent selon une perspective basée sur les femmes ou utilisent des démarches novatrices. On n'a identifié aucun programme pour les femmes dans des établissements psychiatriques.

En général, il existe peu de témoignages sur l'évaluation de programmes concernant les femmes et sur le plan de leur efficacité à long terme. Un certain nombre de programmes faisant appel à une démarche basée sur les femmes reposent sur des évaluations de fin de programme qui, d'après Kendall (1993), donnent habituellement de bonnes et positives réactions. L'évaluation faite par Kendall des programmes féministes à la Prison des femmes (1993) tient une place à part, comme étant l'une des rares tentatives d'envisager les conséquences de ce travail avec des femmes dans le cadre d'une prison.

Un certain nombre de programmes, mentionnés dans des documents récents, semblent orientés par les buts immédiats de la gestion de l'établissement et la réduction de la violence, plutôt que par des objectifs à plus long terme. Ceux-ci comprennent un programme de gestion de la colère pour les femmes (Smith et al., 1994), de formation à des aptitudes cognitives pour les femmes (Haworth, 1993) et des programmes pour la réduction des voies de fait dans les hôpitaux psychiatriques et les établissements correctionnels (Rice et al., 1989), la formation à la résolution de conflits, pour les détenues et le personnel (Love, 1994), et la thérapie par les animaux de compagnie (Haynes, 1994).

Il semble que certaines de ces démarches aient eu du succès pour réduire la fréquence des voies de fait ou des incidents agressifs dans des établissements, y compris des prisons. Toutefois, certains de ces programmes qui ont été utilisés avec des femmes ne montrent aucune preuve de sensibilisation aux différences entre les sexes. Le programme de gestion de la colère destiné aux femmes incarcérées, décrit par Smith, Smith et Becker (1994), a utilisé l'American Psychiatric Associations's DSM III pour expliquer pourquoi les gens se mettent en colère, et ne tentent nullement de replacer la colère dans le contexte de la vie des femmes et des modèles de socialisation. (Caplan (1991) fait une critique du manque de bases scientifiques pour décider de ce qui est un comportement « normal » pour des femmes, et du processus d'élaboration de certaines classifications du DSM, pour les femmes.)

Une bonne partie de la concentration actuelle des programmes de traitement dans les établissements pour hommes soulignent fortement le ciblage des délinquants et l'identification d'un important besoin comme critère d'entrée dans le programme. Dans un exposé des caractéristiques des programmes réussis, Coulson et Nutbrown (1992) soulignent ce qu'ils appellent les caractéristiques structurelles des programmes, comme la formation à des aptitudes cognitives, qui se sont révélées un succès. Celles-ci comprennent une motivation et un renforcement positifs des clients (« c'est votre affaire que de les motiver, ne blâmez pas les clients »); « apprendre en le faisant », en employant de nombreuses activités structurelles; l'utilisation de matériel provenant de sources diverses; l'intégration des composantes dans le programme et l'utilisation de la répétition; la participation active de l'enseignant; le travail dans le monde quotidien des clients; la surveillance des progrès et l'évaluation du programme. Toutes ces composantes semblent être utiles à l'élaboration de programmes pour les femmes.

Il y a néanmoins une insistance sur l'utilisation d'instructions « soigneusement préparées » et d'un programme solidement structuré, qui est tourné vers une clientèle spécifique et en grand besoin. Ceci a en partie pour but de faciliter une évaluation soigneuse du programme. Ces composantes suggèrent toutefois de la rigidité dans la façon d'aborder l'élaboration de programme, qui est incompatible avec certains facteurs primaires identifiés comme importants par les femmes (Beleneky et al., 1986; Smolick, 1990; Kendall, 1993). Ceux-ci incluent l'utilisation du soutien et de l'expérience des pairs, l'élaboration de programmes autour des besoins des femmes particulières participant à un programme, le besoin d'avoir du temps et de la souplesse pour traiter de questions personnelles soulevées par des femmes et la réduction de la hiérarchie entre l'enseignant et les clients. Coulson et Nutbrown font aussi valoir que « définir et s'occuper des délinquantes comme des victimes d'imperfections supposées des structures sociales et économiques ne leur apportera rien, si ce n'est un nouvel ensemble d'excuses » (p. 206), suggérant que la notion de mise en contexte des expériences des femmes ne fait pas partie de leur but ou qu'elles peuvent mal comprendre les concepts des programmes élaborés spécifiquement pour les femmes.

 Démarches propres aux femmes

Axon (1989) et plus récemment Kendall (1993) ont examiné de manière approfondie l'élaboration d'un programme général pour les femmes. Kendall a apporté un exposé clair des composantes d'une démarche basée sur la femme, pour la programmation destinée aux femmes individuelles et en groupes, et nous ne les répéterons pas ici. Elle a également étudié les difficultés de l'élaboration de programmes dans un cadre carcéral et certaines incompatibilités entre la philosophie d'une démarche basée sur la femme et les régimes carcéraux.

Kendall souligne les principes de la thérapie féministe comme philosophie — plutôt que comme méthode — de traitement, qui forme la base de bien des programmations basées sur les femmes. Celle-ci tente de réduire la distance entre le conseiller et le client, elle est centrée sur la mise en contexte de la vie et des actions des femmes et le travail avec leurs expériences. Cette démarche peut être utilisée avec les programmes de groupe, en guidant et en formant des groupes de soutien à l'effort personnel, et pour l'assistance socio-psychologique individuelle.

Cette façon d'aborder l'élaboration de programmes destinés aux femmes utilise en partie la compréhension récente de la manière dont les femmes abordent les idées. Dans leur étude de la façon dont les femmes abordent la connaissance et l'apprentissage, Belenkey, Clinchy, Goldberger et Tarule (1986) font remarquer que :

« Les éducateurs peuvent aider les femmes à élaborer leurs voix propres authentiques s'ils mettent l'accent sur le lien plutôt que sur la séparation, sur la compréhension et l'acceptation plutôt que sur l'évaluation, et sur la collaboration plutôt que sur le débat; s'ils ont égard à la connaissance qui surgit des expériences pratiques et lui donne le temps d'apparaître; si, au lieu d'imposer leurs propres attentes et des exigences arbitraires, ils encouragent les élèves à évoluer selon leurs propres structures de travail basées sur les problèmes qu'elles poursuivent. Ce sont les leçons que nous avons apprises en écoutant les voix des femmes. » (p. 229)

Kendall (1993) mentionne quelques programmes de travail de groupes féministes dans les prisons de femmes (Smolick, 1990), qui sont pertinents pour traiter de la colère et de la violence, et auxquels le lecteur est invité à se reporter pour une discussion plus détaillée. À la Bedford Hills Correctional Facility (État de New York), le programme traitant la violence familiale apparaîtrait comme un programme exemplaire et ayant du succès, bien qu'il n'ait pas été évalué systématiquement. Même si le cadre du programme traite de la violence familiale, il inclut un travail avec les femmes condamnées pour des crimes relatifs aux enfants. Ce programme est volontaire, sans filtrage systématique en dehors des antécédents de violence dans leur vie et autodéterminé par des femmes individuelles sur le plan de besoins et des problèmes qu'elles considèrent comme pressants. Il offre une diversité de groupes, dont un groupe de soutien par les pairs, aux femmes condamnées pour avoir tué un enfant ainsi qu'une assistance socio-psychologique individuelle et une formation du personnel; et le personnel du programme peut assurer une médiation dans les situations de violence au sein de l'établissement. Le groupe de soutien par les pairs aux femmes condamnées pour la mort d'un enfant (Kaplan, 1988) semble être particulièrement efficace, en donnant un soutien aux femmes les plus sujettes à être des victimes dans l'établissement.

Kendall traite aussi d'un groupe de la colère pour les femmes délinquantes au Renz Correctional Facility (Columbia, Missouri) (Wilfley, Rodon and Anderson, 1986), conçu pour aider les femmes à reconnaître, à accepter et à exprimer leur colère de manière constructive.

Le Peer-Support Programme élaboré à la Prison des femmes (Pollack, 1993) a été conçu pour fournir un réseau d'assistance socio-psychologique et de soutien aux femmes qui se blessent volontairement (Heney, 1990) et il se relie clairement aux besoins des femmes qui ont agi violemment. L'évaluation que Pollack fait du programme suggère que les pairs conseillères et celles qui reçoivent des conseils éprouvent plus d'assurance et d'emprise et une confiance et une compréhension plus grandes.

Dans son étude des programmes exemplaires pour les femmes, Axon (1989) souligne un certain nombre de programmes américains des prisons de femmes, qui traitent des questions de violence et d'agression. Ceux-ci comprennent un programme, Alternative to Violence, adapté d'un programme élaboré pour les hommes (on ne sait jusqu'à quel point cette adaptation a été bien faite) et utilisé dans un certain nombre de prisons de femmes. Il assure deux ateliers de trois jours pour développer des aptitudes en relation avec l'utilisation de la colère et un atelier avancé de suivi consacré à des facteurs contribuant à la violence, comme la peur et la colère. Elle mentionne aussi un programme pour les femmes délinquantes sexuelles qui fait partie du programme Genesis II à Minneapolis (Mathews, Matthews and Speltz, 1989). Le Virginia Child Protection Newsletter (1989) donne aussi une gamme de renseignements sur les programmes et les démarches de traitement des femmes délinquantes sexuelles.

Immarigeon et Chesney-Lind (1992) font état d'autres programmes américains qui sembleraient avoir une certaine pertinence. Ils comprennent un programme à base communautaire, Our New Beginnings, à Portland (Orégon), élaboré par des femmes purgeant une peine dans les années 1980, qui comprend des services d'assistance, et le programme The Women at Risk, en Caroline du Nord, qui se déroule en quatre groupes de cycles de 12 semaines, en enseignant la résolution de problèmes et les techniques pour élever des enfants, qui ne se fondent pas sur la violence ou un comportement d'autodestruction.

Un programme de prévention de la violence familiale, Home Improvement - Tools for Building Better Relationships, a été piloté par Jane Katz et Cheryl Hall au centre correctionnel de Burnaby (Katz, 1994). L'intention initiale était d'inciter les femmes à parler de la violence dans leur foyer, en mettant l'accent sur des moyens d'élever des enfants non violents. Les femmes ont trouvé qu'il était trop difficile et trop pénible de parler de leurs enfants puisqu'elles n'ont que peu de contacts avec eux. Un programme plus large a été alors élaboré pour traiter de la violence dans n'importe quelle relation familiale.

Le manuel qui en découle pour un programme de 16 séances utilise une vaste gamme de renseignements et de ressources, bien qu'une bonne partie de celui-ci ait été adapté à partir de programmes destinés à des hommes violents. Les auteurs notent aussi que la plupart des femmes ont reconnu qu'elles ont subi de mauvais traitements et qu'elles en ont infligés, et ils soulignent qu'il « existe peu de ressources matérielles disponibles pour les femmes violentes ». D'après leur expérience dans l'administration de ces programmes et les réactions des femmes qui y ont pris part, les auteurs font un certain nombre de recommandations pour des programmes ultérieurs, dont plusieurs ont déjà été relevées par Kendall (1993), comprenant :

• le besoin d'un programme plus long que la séance de huit fois trois heures, orienté en vue de développer la confiance avec les facilitatrices et à l'intérieur du groupe;

• la possibilité donnée aux participantes d'apporter une contribution au contenu et à la présentation du programme;

• de la souplesse pour traiter des problèmes personnels et la capacité d'entreprendre un travail individuel lorsque la nécessité s'en fait sentir, à partir des séances de groupe;

• l'importance de la confiance et de l'assurance de confidentialité, faisant que les renseignements personnels ne se retrouveront pas dans le dossier des participantes;

• l'importance d'une orientation et d'une sensibilisation du personnel.

Un prometteur programme de groupe pour les femmes qui exploitent leur partenaire (Women for Change Program, 1994) a été récemment élaboré par The Elizabeth Fry Society de Winnipeg, au Manitoba, et il est en attente d'un financement. Il place l'utilisation de la violence par les femmes au sein de leur propre expérience de la violence; il est basé sur la compréhension des comportements violents, l'aide à l'identification des signes précurseurs de la violence, le développement d'une prise de conscience de ses propres expériences d'apprentissage en tant que femme, l'estime de soi et la gestion de la colère. Le programme prévoit onze séances faisant appel à des documents écrits, sonores, physiques et visuels, prend en compte les expériences actuelles et passées et insiste sur l'importance clé de la confidentialité pour les membres du groupe et les facilitatrices.

À Halifax, un programme novateur pour les femmes incarcérées et la communauté, intitulé The Coverdale Community Chaplaincy Project (1992, 1994), comprend un travail de gestion de la colère fait en groupe ou individuellement. Le projet a d'abord été conçu pour les femmes présentant des antécédents de mauvais traitements et il offrait un service d'assistance féministe et pastoral. Le projet n'a pu obtenir des fonds afin de se poursuivre, une fois terminé le financement fédéral, en 1994, mais il a développé une compétence très importante et des outils pour traiter de la colère des femmes, ainsi qu'une expérience des difficultés de travailler sur la gestion de la colère au sein d'un établissement carcéral.

D'autres ressources peuvent avoir de la valeur pour élaborer des programmes. Nobody: Making Peace with Motherhood (1994) est une étude basée sur l'expérience de huit femmes en conflit avec la loi, qui ont abandonné leurs enfants ou en ont perdu la garde, de manière permanente ou temporaire. Presque toutes les femmes se sont battu avec la dépendance de l'alcool ou de la drogue. L'étude donne un exposé détaillé, en leurs propres termes, de leurs expériences personnelles d'enfant et d'adolescente, des relations, de la maternité, du soin et de la perte des enfants. Même si cette étude ne concerne pas directement le comportement violent ou les mauvais traitements, elle fait un exposé de lecture facile qui met en contexte le comportement des femmes, tout en apportant un commentaire d'accompagnement et une discussion. Puisqu'elle est basée sur l'expérience de femmes délinquantes, elle fournit de précieuses ressources pour une diversité de programmes, dont ceux qui sont relatifs à la violence familiale et à l'emploi de la colère par les femmes.

Une étude, basée sur l'expérience de femmes purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité ou à long terme, apporte aussi certains conseils pour l'élaboration de programmes, bien que ne traitant pas spécifiquement des comportements violents (Jose-Kampfner, 1990). À partir de discussions avec 70 femmes purgeant des peines de longue durée, Jose-Kampfner étudie leurs réactions d'après les étapes vécues par des patients en phase terminale (Kubler-Ross) — choc, refus, colère, dépression, marchandage, acceptation et espoir — et examine en profondeur ces étapes comme fondement d'un travail avec les femmes. Axon (1989) mentionne également l'utilisation de ce genre de démarche ailleurs aux États-Unis.

 Démarches et sources hors du cadre carcéral

En dehors des programmes préparés pour les femmes délinquantes, un certain nombre d'auteurs ont élaboré des démarches basées sur les femmes, pour traiter de la colère des femmes (par exemple, Lerner, 1985; Bass and Davies, 1988; Wilt, 1993; Estes, 1992; Miller, 1994; voir aussi Kendall, 1993). Leur travail fait partie d'une tendance orientée vers la reconnaissance des problèmes de sexe dans la psychologie de l'assistance. Par exemple, Betz et Fitzgerald (1993), dans un examen de la thérapie et de l'assistance socio-psychologique individuelle, soulignent que la thérapie féministe est une perspective qui est conforme avec la théorie d'intervention à base non biologique. Ils étudient l'utilisation des démarches individuelles et de la diversité en relation avec l'assistance aux femmes, aux hommes, aux groupes raciaux et minoritaires, à une clientèle d'homosexuels et de lesbiennes.

Un certain nombre de démarches s'occupant de la colère ont été élaborées avec des clients privés (souvent de la classe moyenne) en thérapie individuelle. Elles font habituellement une distinction entre les femmes qui réfrènent ou intériorisent leur colère et celles qui l'expriment verbalement ou utilisent la violence, et elles mettent l'accent sur les fonctions positives de la colère. Estes (1992), par exemple, est une analyste disciple de Jung, qui se sert des mythes et des histoires comme de « remèdes » pour aider les femmes à se comprendre et à avoir pleins pouvoirs sur elles-mêmes. Elle voit la colère, surtout celle qui provient des expériences passées, comme une « force créatrice » à utiliser pour se changer, se développer et se protéger.

Lerner (The Dance of Anger, 1985) écrit à propos des femmes et pour les femmes qui font l'expérience de la colère, en donnant un guide pour modifier les types de relations. Elle étudie la raison pour laquelle les femmes qui expriment leur colère sont vues comme menaçant les autres, et insiste particulièrement sur l'analyse de leurs relations familiales. Sa démarche comporte la compréhension des sources de la colère, l'apprentissage d'aptitudes de communication plus positive, l'apprentissage de l'observation et de la cessation de modes improductifs d'interaction, et l'anticipation et le traitement des résistances au changement de la part des autres. Le guide met l'accent sur des tâches et des exercices pratiques qui peuvent être employés pour élaborer une utilisation plus constructive de la colère.

The Courage to Heal (Bass and Davies, 1988), fondé sur le vécu des femmes, a été rédigé particulièrement pour les femmes qui ont été exploitées sexuellement dans leur enfance. Contrairement à plusieurs ouvrages, on y reconnaît que les femmes utilisent la violence. Les auteurs étudient les liens entre la colère, les troubles nutritionnels, la toxicomanie et d'autres formes d'automutilation, dont le suicide et les taillades, comme des réactions à l'exploitation sexuelle. Ils donnent des conseils pratiques pour modifier des types de réactions, y compris la colère, ainsi qu'une importante bibliographie des ressources. Les auteurs considèrent la colère « comme la colonne vertébrale de la guérison », qu'elle ait été réfrénée ou exprimée dans un comportement violent.

« [Certains] survivants ont été en colère toute leur vie. Ils ont grandi dans des familles ou des circonstances où l'opposition des uns contre les autres était telle qu'ils ont appris très tôt à se battre pour leur survie... Parfois, la démarcation entre la colère et la violence s'est estompée et elle est devenue une force destructrice. »

« Peu de femmes ont, de tout coeur, embrassé la violence comme une force positive... Mais la colère n'a pas à être réfrénée ou destructrice. À la place, elle peut être une réaction saine à une violation et une puissante énergie transformatrice. » (p. 122-123)

Dorothy Wilt (citée par Thomas, 1993) met de l'avant une approche thérapeutique des femmes qui réfrènent leur colère et de celles qui l'expriment. Elle se sert des perspectives de développement et de féministes pour analyser les sources de la colère, pour élaborer une compréhension de la gestion de la colère, pour enseigner des techniques pour la traiter, des techniques calmantes ou expressives et l'élaboration de réactions assurées plutôt qu'agressives.

Dans Women Who Hurt Themselves, Dusty Miller (1994) avance son programme de thérapie individuelle en trois étapes, s'appliquant aux femmes qui s'infligent de mauvais traitements à elles-mêmes plutôt qu'aux autres, comme réaction à un traumatisme de l'enfance. D'après son expérience comme psychologue clinicienne, elle examine les femmes qui se font tort à elles-mêmes par des actions comme l'alcoolisme, la dépendance des drogues, les troubles de l'alimentation, les blessures volontaires, les régimes excessifs ou la chirurgie esthétique. Elle voit les traumatismes de l'enfance comme survenant non seulement de l'exploitation sexuelle, mais des mauvais traitements physiques ou psychologiques, des expériences d'abandon ou d'intrusion de l'enfance, et les exemples de malversation contre soi-même comme reproduisant les maux qu'elles ont endurés. Ils représentent « une demande de la protection qu'elles n'ont pas reçue lorsqu'elles étaient enfants » (p. 9). Miller dénomme ce modèle Syndrome de reproduction des traumatismes (TRS : Trauma Reenactment Syndrome) et fait valoir que l'on porte souvent un mauvais diagnostic sur plusieurs de ces femmes. Son programme de traitement identifie trois étapes thérapeutiques qu'elle nomme, cercle extérieur, cercle intermédiaire et cercle intérieur. Elle insiste sur l'importance de l'élaboration de réseaux de soutien au cours du processus, mais suggère qu'il s'agit d'un travail de longue durée.

La restriction la plus importante de certains de ces documents vient de qu'ils sont à base communautaire et non conçus pour des femmes qui sont en conflit avec la loi, et qu'ils ne traitent pas des conséquences résultant du fait de travailler ou de se trouver dans un cadre carcéral. Dans certains cas, le langage utilisé peut demander un niveau élevé d'alphabétisation et peut être inapproprié, rédigé pour un public de la classe moyenne et à propos d'une clientèle qui peut se payer une thérapie privée. On y prend aussi pour acquis que les clientes auront accès à une assistance socio-psychologique à long terme et on souligne qu'il peut falloir un certain nombre d'années pour qu'un travail efficace soit accompli. On y trouve une insistance sur le besoin de trouver parfois des exutoires à la colère, y compris l'expression physique (crier, hurler, faire du sport) ainsi que la relaxation et des activités qui soulagent (prendre un bain chaud, aller magasiner, parler avec des amis), ce qui présuppose une grande liberté et un accès à d'autres systèmes et ressources de soutien. Ces sources ont donc besoin d'être utilisées et adaptées avec soin.

 Programmes communautaires pour les mères qui maltraitent leurs enfants

En dernier lieu, il existe toute une gamme de programmes communautaires conçus pour prévenir les mauvais traitements et l'abandon des enfants. La plupart des programmes élaborés pour les mères qui maltraitent leurs enfants ont une base psychologique et sont destinés à modifier certains comportements prédisposants. Les buts des traitements, surtout ceux qui concernent les mères violentes, renforcent souvent les rôles et le comportement féminins traditionnels. Par exemple, on demande souvent à une femme qui veut que ses enfants reviennent d'un placement, de nettoyer sa maison et d'améliorer son apparence. Même les groupes d'effort personnel, qui ont tendance à avoir plus de succès que les programmes de traitement, en travaillant avec des parents violents, sont plus enclins à aider les femmes à devenir de meilleures épouses, mères, petites amies, qu'à les aider à développer leurs propres forces et intérêts. Même si certains praticiens ont élaboré des démarches novatrices, comme l'utilisation de la formation péremptoire, dans l'ensemble, ce domaine n'a guère dépassé les manières traditionnelles de travailler avec les femmes (Washburne, 1983).

Une étude ontarienne (Hornick and Clarke, 1986) a utilisé des « thérapeutes profanes » qui agissent comme aides, modèles de rôle et amis, en conjonction avec un traitement de service social. On a trouvé que cette méthode était la plus efficace pour changer les types de comportement et les croyances parmi les mères violentes et à risque élevé, et plus rentable. Dans un examen de 21 études rendant compte des résultats de traitement de parents violents ou négligents (presque toujours des mères), Wolfe et Wekerle (1993) indiquent que les interventions centrées sur les parents, visant la compétence à élever des enfants et la gestion des tensions, sont les plus utiles. D'autres cibles d'intervention comprennent les aptitudes à élever des enfants, le fonctionnement général d'une famille, les aptitudes à l'interaction positive avec les enfants, les aptitudes sociales, la gestion de la colère, l'isolement social et les capacités à tenir la maison en ordre. Dans presque toutes les études, on rend compte de certains résultats positifs, mais il n'y a que deux études de suivi, de sorte que les effets à long terme ne sont pas connus.

En dehors du traitement à base psychologique, d'autres programmes ont été élaborés en réaction à la fréquence élevée de cas d'isolement social signalés parmi les mères violentes connues. Un programme d'une demi-journée durant une période de 23 semaines, pour accroître les réseaux sociaux, comporte la gestion du stress et de la colère, la conversation avec soi-même pour accroître l'estime de soi, la résolution de problèmes et l'assurance (Lovell and Hawkins, 1988). Même si les réseaux sociaux en dehors du groupe n'ont pas augmenté de façon significative pendant cette période, les chercheurs ont trouvé quelques améliorations de la qualité et du nombre des réseaux sociaux au sein du groupe.

Le programme le plus novateur, qui peut avoir certaines applications dans les programmes de groupe en établissement, est un programme de groupe de 12 semaines pour aider les femmes violentes à faibles revenus à édifier des bases plus efficaces de soutien social (Lovell, Reid and Richey, 1992). Des séances ont été conçues pour augmenter les aptitudes interpersonnelles, dont la conversation de base, l'autoprotection et l'affirmation de soi. Le projet se servait de la métaphore, d'aides visuels, d'humour et de techniques de réduction du stress. Les séances de groupe étaient structurées autour d'une « carte routière relationnelle », comme métaphore de l'amitié. On a trouvé cette démarche moins menaçante que la rétroaction directe ou la confrontation. Même si le groupe était expérimental, il a obtenu une évaluation positive et une participation élevée.

 Conclusion

Cet examen suggère qu'il existe un besoin et une possibilité d'élaborer une certaine programmation novatrice dans les établissements de femmes qui s'occupent des femmes et de la violence. Ceci comprend un besoin d'élaborer :

a. des documents-ressources concernant la colère et la violence des femmes;

b. des documents-ressources qui sont orientés vers la vie et les antécédents des femmes, sur le plan de leur expérience de la violence, des différences raciales et culturelles, et du conflit avec la loi, selon leurs réalités;

c. des documents-ressources concernant la façon dont la violence et les conflits se développent dans les établissements;

d. des ressources qui utilisent les expériences des femmes elles-mêmes et des femmes qui sont passées par le système et qui ont appris à traiter avec la colère et la violence;

e. des moyens novateurs de faire participer les femmes aux processus d'apprentissage, en utilisant par exemple le théâtre ou le film, qui élaborent des solutions de rechange pour l'apprentissage, la compréhension et la canalisation de la colère et de l'énergie.

En dehors de l'assistance socio-psychologique et des programmes de soutien par les pairs, ces ressources pourraient être utiles pour élaborer, à l'intention du personnel et des détenues :

1. des programmes d'éducation et de sensibilisation qui insistent sur les moyens qu'ont les femmes de connaître et de comprendre la colère, les modèles sexués de socialisation, les modèles de classe et de race, la violence familiale, les mauvais traitements aux enfants, l'utilisation constructive de la colère;

2. des programmes de groupe et individuels pour les femmes qui se servent de la violence et de la colère plus que les autres, la relaxation, la maîtrise, la résolution de conflits, le soutien des pairs.

En conclusion, Kendall (1993, 1994) soulève en particulier plusieurs questions concernant l'élaboration de programmes en prison. Plusieurs des problèmes auxquels font face les femmes ayant des antécédents de perturbation et de violence ne peuvent être traités dans des programmes de groupe à court terme ou par de brèves périodes d'assistance socio-psychologique individuelle. Ils peuvent demander un soutien et des ressources supplémentaires importants. On ne peut s'attendre à ce que le « changement » soit rapide s'il se rapporte à toute une vie d'expériences de la violence. Il n'est peut-être pas prudent de s'attendre à de clairs résultats à long terme. Kendall fait valoir également le danger des démarches thérapeutiques et de l'assistance individuelle qui placent le problème dans la personne elle-même. Il existe encore un déséquilibre de pouvoir beaucoup trop grand entre le personnel et les détenues. Même si les programmes sont basés sur les femmes, si elles n'ont pas le choix d'y participer, les femmes peuvent ne pas en profiter.

La question de la confidentialité et de la confiance est aussi essentielle (Axon, 1989; Kendall, 1993) et l'ampleur du fait selon lequel les femmes se sentiront capables de se mettre au jour et de faire confiance aux programmes conduits par le personnel de la prison est cruciale. Et finalement, si les programmes visent des femmes particulières, ces femmes peuvent ne pas vouloir y prendre part et s'identifier elles-mêmes de cette façon. On doit envisager si le fait de sélectionner des femmes identifiées, peu importe la méthode, comme ayant des problèmes avec l'utilisation de la violence est la meilleure manière d'aborder l'élaboration de programmes

 

Précédente Remonter Suivante