HOME           Men Program

Précédente Accueil Remonter Suivante

Étude de divers programmes 
de traitement pour hommes violents
2000 - 2005

par
R. Karl Hanson et Suzanne Wallace-Capretta
Ministère du Solliciteur général du Canada

Les opinions exprimées n’engagent que les auteurs et ne sont pas nécessairement celles du ministère du Solliciteur général du Canada. Ce document est disponible en anglais. This report is available in English under the title: A Multi-Site Study of Treatment forAbusive Men

Vous pouvez également l’obtenir sur le site Internet de Solliciteur général Canada : http://www.sgc.gc.ca 


Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
Nº de cat.: JS42-90/2000-F
ISBN: 0-662-84608-7

Table des matières

Sommaire 
Étude de divers programmes de traitement pour hommes violents 
Méthode 

Programme A 
Programme B
Programme C
Programme D

Sujets

Évaluation du risque

Critères de la récidive
Analyse

Résultats 
Discussion 
Bibliographie 

Sommaire

La présente étude a porté sur l'efficacité relative de quatre programmes de traitement destinés aux hommes violents (n = 230). On a déterminé les résultats en se basant sur les nouvelles arrestations pour actes de violence après une période de suivi moyenne de 58 mois. Il y avait peu de différence quant aux taux de récidive entre les programmes (cognitivo-comportemental, humaniste, proféministe, éclectique). On a observé le taux de récidive le plus élevé dans le programme dont la mise à exécution était la plus faible. En général, les hommes violents qui récidivent tendent à avoir les mêmes problèmes de mode de vie que les récidivistes en général (toxicomanie, déménagements fréquents, condamnations antérieures). Les hommes violents qui n'ont pas achevé leur traitement présentaient un risque accru de récidive, mais cela peut être attribué surtout à la tendance accrue qu’ont les délinquants à risque élevé d’abandonner un programme de traitement.

Étude de divers programmes de traitement pour hommes violents

La violence des hommes à l'endroit de leur conjointe est un grave problème social. Les enquêtes sur la victimisation aboutissent régulièrement à la conclusion qu'entre 3 % et 14 % des femmes disent avoir été victimes de voies de fait commises par leur conjoint au cours de l'année précédente (Johnson et Sacco, 1995; Smith, 1987; Straus et Gelles, 1986). Un certain nombre de lignes de conduite ont été mises en œuvre dans le but de combattre la violence perpétrée par les hommes, y compris des programmes de sensibilisation du public, l'arrestation obligatoire et l'imposition par les tribunaux de programmes de traitement. Cette dernière mesure est maintenant si répandue que de nombreuses sphères de compétence ont adopté des normes détaillées au sujet des programmes de traitement destinés aux agresseurs. Ces normes peuvent préciser par exemple le nombre obligatoire de séances (de 12 à 52 semaines), l'orientation du traitement (p. ex., féministe, cognitivo-comportemental) et les méthodes de traitement (p. ex., de groupe) (Austin et Dankwort, 1999; Dankwort et Austin, 1999).

Toutefois, les normes ont été élaborées en l'absence de preuves scientifiques rigoureuses. Il y a très peu de preuves de l'efficacité d'une forme particulière de traitement pour agresseurs et encore moins qui montrent la supériorité d'une méthode de traitement. Bien que certains auteurs aient signalé les effets d'un traitement (p. ex., Palmer, Brown et Barrera, 1992), d'autres n'ont constaté aucune différence significative entre les hommes traités et un groupe témoin (p. ex., Dunford, 1997). Une récente méta-analyse a abouti à la conclusion que [TRAD.] « l'effet du traitement est au mieux minime » (Lévesque, 1998, p. 29). Les études servant à comparer divers programmes ont ordinairement abouti à la conclusion que les participants à ces divers programmes de traitement affichent à peu près tous les mêmes taux de récidive (Gondolf, 1999; Saunders, 1996).

Selon Gondolf (1999), la similitude des résultats produits par quatre programmes signifierait que ceux-ci sont à peu près également efficaces étant donné qu'ils satisfont à des normes minimales. Même si les programmes examinés par Gondolf (1999) variaient quant à leur durée et au nombre de services accessoires (p. ex., counseling en matière d'alcoolisme), ils satisfaisaient tous aux normes d'État, étaient basés sur des principes de traitement analogues (cognitivo-comportementaux) et semblaient avoir été menés avec un niveau élevé d'intégrité de traitement. Les programmes choisis étaient tous bien établis et respectés et comportaient une période de formation et de surveillance des programmes nouveaux et auxiliaires menés dans les collectivités visées. Nous ne savons toutefois pas si une gamme plus diversifiée de programmes produirait les mêmes résultats.

La recherche sur le traitement des hommes agresseurs peut être considérée comme un sous-ensemble de la recherche sur le traitement des délinquants en général (p. ex., sur les voleurs, les personnes reconnues coupables de conduite en état d'ébriété et les hommes violents en général). Des méta-analyses ont abouti à la conclusion que les formes les plus efficaces de traitement pour les délinquants en général sont celles qui utilisent des techniques comportementales ou cognitivo-comportementales et qui visent des objectifs de traitement pertinents (Andrews et coll., 1990; Lipsey, 1995). La recherche sur les délinquants en général nous a également appris qu’un traitement produisait des effets plus marqués lorsqu’il était administré à des délinquants présentant un risque élevé de récidive que lorsqu’il l’était à des délinquants à faible risque (Andrews et coll., 1990; Andrews et Bonta, 1998).

La présente étude a porté sur les taux de récidive des hommes participant à quatre programmes de traitement pour agresseurs. Nous avons choisi les programmes qui produisaient un échantillon d'une taille convenable (100 cas présentés par année) et qu'on acceptait de soumettre à l'évaluation. Un cinquième programme a été éliminé parce qu’on n’a pu y maintenir le nombre nécessaire de participants. Nous n'avons pas choisi des programmes exemplaires, mais plutôt des programmes représentatifs de l'éventail de programmes normalement offerts. Ceux-ci variaient quant à leur durée (de 12 à 25 semaines), leur orientation (existentielle, cognitivo-comportementale, éclectique) et leur intégrité. Trois programmes semblaient présenter un niveau acceptable d'intégrité de traitement et étaient exécutés d'une manière correspondant aux principes officiellement énoncés; toutefois, dans le cas du quatrième, tant les évaluateurs externes que les responsables du programme eux-mêmes étaient conscients de la nécessité d'assurer au personnel une formation et une surveillance accrues. Cette variation inattendue a donc permis d'examiner l'importance de l'intégrité de traitement.

Compte tenu des recherches menées auprès des délinquants en général, nous nous attendions à ce que les programmes faisant appel à des techniques cognitivo-comportementales bien exécutées produisent les effets les plus marqués. Nous nous attendions également à une interaction entre le niveau de risque et la méthode de traitement. Normalement, les délinquants à risque élevé profitent le plus d'un traitement cognitivo-comportemental structuré et le moins, d'une psychothérapie de groupe non structurée. Une observation en ce sens aurait reflété une interaction analogue qu'a constatée Saunders (1996), à savoir que les agresseurs antisociaux bénéficient surtout d'un programme cognitivo-comportemental, tandis que les agresseurs dépendants bénéficient le plus d'interventions de groupe non structurées et axées sur le processus.

Les quatre programmes étaient menés dans différentes régions du Canada, de sorte qu'on pouvait raisonnablement s'attendre à des divergences dans les lignes de conduite au sujet des hommes dirigés vers ces programmes de traitement. Nous avons donc tenté de garder fixes, pour l'étude, les différences antérieures dans le risque de récidive. Diverses échelles du risque pour les hommes agresseurs ont été proposées, mais aucune d'entre elles n'avait été validée au moment de la conception de l’étude (1992). Le risque antérieur a donc été déterminé à l'aide d'une mesure bien établie du risque de récidive générale, soit l'inventaire du niveau de service - révisé (LSI-R; Andrews et Bonta, 1996). Le LSI-R est un des outils les plus exacts de prévision de la récidive en général parmi les populations carcérales générales (Gendreau, Little et Goggin, 1996). Il comporte un certain nombre de points liés à un mode de vie instable et antisocial, soit des caractéristiques qui, d'après les recherches, sont liées aux formes les plus graves de violence à l'endroit du conjoint (Hanson, Cadsky, Harris et Lalonde, 1997). La présente étude avait donc pour but supplémentaire d'examiner l'exactitude du LSI-R comme moyen de prévoir la récidive consistant en voies de fait contre la conjointe.

 

Méthode

On peut voir au tableau 1 les caractéristiques des quatre programmes de traitement. L'information est basée sur un dépouillement de la documentation, l'observation de séances de traitement (trois ou quatre par programme) et des entrevues enregistrées avec la plupart des agents de programme et certains participants. Les visites ont toutes été effectuées par le premier auteur, sauf à un endroit, pour le Programme A, où cette tâche a été confiée à un chercheur à contrat. Les sources de renseignements supplémentaires au sujet du Programme A incluaient des observations enregistrées de 20 séances de traitement consécutives et des entrevues avec sept femmes dont le conjoint participait au programme. L'information suivante est un condensé des descriptions plus fouillées des programmes que les surveillants de chaque programme ont examinées (on peut obtenir sur demande des descriptions complètes). Les descriptions des programmes s'appliquent uniquement à la période à l'étude (1993-1995).

Tous les programmes comportaient un traitement de groupe pour hommes destiné à combattre la violence conjugale. À chaque endroit, les groupes se réunissaient environ deux heures par semaine. Les objectifs énoncés du traitement étaient à peu près les mêmes pour tous les programmes (p. ex., combattre une attitude de tolérance à l'égard de la violence conjugale, favoriser des relations fondées sur le respect).

Tableau 1. Caractéristiques des programmes de traitement

 

Programme A

Programme B

Programme C

Programme D

Modèle de traitement

éclectique

féministe/
psycho-éducatif

humaniste
existentiel

cognitivo
comportemental

Structuration

faible

modérée

faible

élevée

Nombre de séances

25

18

12+

14

Nombre de clients par groupe

4-8

4-10

8-12

8-12

Délai d'attente avant le traitement

< 2 semaines

plusieurs mois

< 2 semaines

< 2 semaines

Attrition antérieure au programme

3,4 %

46,1 %

13,4 %

4,0 %

Formation et expérience du personnel

modérées

faibles-modérées

modérées-élevées

modérées

Intensité de la surveillance clinique

modérée

faible

modérée

élevée

Cohésion du personnel

élevée

faible

élevée

modérée

Cohésion dans les groupes

élevée

faible-modérée

modérée-élevée

modérée-élevée

 

Programme A

Ce programme était offert par un organisme indépendant ayant pour mandat d'intervenir auprès des hommes violents. Il s'agissait d'un programme de traitement éclectique de 25 semaines inspiré des techniques et principes des méthodes de traitement féministes, cognitivo-comportementales, psychanalytiques et systémiques. La prestation même du programme n'était pas structurée, les thérapeutes choisissant les méthodes qu'ils estimaient les plus adaptées aux problèmes présentés chaque semaine par les participants.

Le programme était offert par six employés réguliers et des étudiants stagiaires venus périodiquement prêter main-forte. La plupart des thérapeutes détenaient une maîtrise ou un baccalauréat en sciences sociales et avaient reçu une formation sur place. Les étudiants et les thérapeutes ayant moins d'expérience étaient jumelés à un employé chevronné. En plus de la supervision prévue, les employés se réunissaient fréquemment pour discuter des cas. Les responsables du programme organisaient également des conférences périodiques axées sur la recherche et le traitement ayant pour thème la violence familiale et des sujets connexes.

Les séances que nous avons observées étaient menées dans une atmosphère de respect et de cohésion. Même si le contenu variait selon les séances, la plupart des interventions visaient à aider les participants à acquérir des habiletés à communiquer d'une manière non agressive et à favoriser des relations d'intimité satisfaisantes. On avait couramment recours aux jeux de rôles. Il était rarement question de sujets féministes comme le patriarcat et les stéréotypes défavorables aux femmes. L'accent était plutôt mis sur la conscience de soi, la responsabilité personnelle et la maîtrise de soi.

Programme B

Ce programme était administré par un organisme de counseling général offrant des services aux particuliers, aux familles et aux couples. S’inspirant de la méthode des groupes psycho-éducatifs employée pour le programme Duluth (Pence et Paymar, 1993), il était toutefois plus souple. Ce programme relativement nouveau a évolué durant l'étude. Initialement, les participants devaient achever deux cycles de 12 séances, mais en 1994, on a regroupé ces cycles pour offrir une série de 18 séances. Le programme était clairement proféministe, l'accent étant mis sur un changement de mentalité et, à un moindre degré, sur l'amélioration de l'habileté à entretenir une relation.

Le programme était exécuté par deux conseillers à temps plein et quatre agents à contrat placés sous la surveillance administrative d'un gestionnaire de programme à temps partiel. Il s'est produit beaucoup de roulement parmi le personnel durant l'étude. Le gestionnaire de programme initial, qui n'avait pas de formation clinique et n'assurait pas de surveillance clinique, a été remplacé par un conseiller qualifié travaillant pour l'organisme de counseling d'accueil. La plupart des prestataires détenaient un baccalauréat en service social, et leur expérience de travail auprès des hommes agresseurs variait (certains étaient très qualifiés tandis que d'autres en étaient à leurs premières armes). Les prestataires de services à contrat ne bénéficiaient d'aucune supervision clinique permanente et communiquaient rarement entre eux. L'organisme d'accueil a reconnu la nécessité d'améliorer la supervision et la formation du personnel et a pris des mesures pour remédier à la situation vers la fin de la période visée par l'étude. Il ne faudrait donc pas généraliser les observations et les appliquer au fonctionnement du programme postérieur à l'étude.

Une observation des groupes a semblé indiquer que le programme était exécuté de façon irrégulière durant la période visée par l'étude (1993-1995). Les groupes avaient une orientation plutôt éducative (c.-à-d., les hommes prenaient des notes et présentaient leurs devoirs). On a toutefois moins bien réussi à faire participer les hommes au processus de groupe. Certains thérapeutes avaient de la difficulté à mener les discussions, qui comportaient parfois de longues périodes de justification de soi et de tentative de blâmer la victime. On a noté des problèmes de cohésion thérapeutique dans deux des trois groupes observés.

Étant donné que les hommes devaient attendre plusieurs mois entre l'évaluation initiale et le traitement, le Programme B est le seul pour lequel on a enregistré des niveaux élevés d'attrition avant même le début des séances (on trouvera des détails supplémentaires dans Rooney et Hanson, sous presse).

Programme C

Ce programme de traitement pour hommes agresseurs était offert dans un immeuble abritant un foyer pour femmes battues et relevait du même directeur exécutif que le foyer. Les hommes dirigés vers le programme dans le cadre d’une ordonnance de probation devaient participer aux séances pendant 12 semaines et pouvaient ensuite devenir des clients de plein gré. Ces derniers assistaient à des groupes ouverts (éventuellement pendant plusieurs années) dans le but d'opérer des changements de personnalité à long terme. Le programme suivait l’orientation humaniste/existentielle décrite par Yalom (1985). Au début du traitement, certains thérapeutes utilisaient des méthodes comportementales et éducatives, mais presque tout le traitement était axé sur un processus de groupe courant. On explorait dans les groupes des thèmes comme le manque d'estime de soi, les « blessures causées par le père » et les traumatismes vécus pendant l'enfance. Les méthodes thérapeutiques employées étaient inspirées de la Gestalt (p. ex., deux chaises), de la régression expérientielle et de l'interprétation du comportement durant la séance (voir Greenberg, Rice et Elliott, 1993). Les thérapeutes estimaient qu’en revivant des événements marquants de l'enfance dans un contexte thérapeutique, leurs clients pouvaient prendre de nouvelles décisions devant les libérer de leur attitude de victime et promouvoir un mode de vie non violent.

Le programme était administré par trois thérapeutes à temps plein et deux thérapeutes à contrat placés sous la direction d'un surveillant clinique à temps plein. La plupart des thérapeutes avaient une maîtrise en travail social ou en psychologie. Les employés étaient engagés enthousiastes et convaincus que leur démarche était la meilleure façon de changer le comportement d'hommes violents.

Une observation des groupes a révélé que les séances étaient menées en accord avec les principes à la base du programme. La cohésion du groupe allait de modérée à élevée, c'est-à-dire que les hommes et les animateurs semblaient travailler ensemble pour mettre fin à un comportement de violence. Souvent, les participants réagissaient aux propos des autres (p. ex., « Essaies-tu de me dire, Bernard, que c'était vraiment sa faute à elle? »).

Programme D

Ce programme est offert depuis 1981 par un centre de counseling général. D'une durée de 14 semaines, il est basé sur un modèle du changement cognitivo-comportemental explicite présenté par Bandura (1973) et Meichenbaum (1977). Dans ce contexte, l'agression était considérée comme un mode d'apprentissage dysfonctionnel, et les thérapeutes s'employaient à enseigner aux clients les attitudes et habiletés nécessaires pour vivre sans violence. Le programme était destiné à des hommes violents et à un petit nombre de femmes violentes, qui participaient aux mêmes groupes que les hommes. Les femmes violentes ont été exclues de la présente évaluation.

Le programme était exécuté par six à huit conseillers à contrat placés sous la surveillance d'un gestionnaire de programme (un psychologue). Les conseillers avaient un baccalauréat ou une maîtrise en service social et avaient suivi une formation en counseling général. La plupart avaient suivi une formation sur la violence conjugale par l'entremise de l'organisme d'accueil. Certains anciens clients du programme avaient suivi une formation structurée et étaient devenus des animateurs de groupe rémunérés. L'exécution du programme était suivie de près, chaque séance étant décrite dans un manuel.

Une observation des séances a révélé que le programme était exécuté tel que prévu. Les groupes présentaient un niveau de cohésion allant de modéré à élevé, et les participants semblaient travailler ensemble pour combattre leur comportement de violence. Chaque séance comportait une période d'enseignement et d'exercices structurés et des discussions de groupe ouvertes. On a constaté des divergences entre les animateurs quant à l’attention accordée au processus de groupe, mais les groupes n'ont jamais perdu leur concentration ni dégénéré en séances servant à reporter le blâme sur la victime.

 

Sujets

Le tableau 2 présente les caractéristiques des hommes qui ont assisté à au moins une séance de traitement. Dans l'ensemble, les hommes avaient environ 35 ans et touchaient un revenu annuel moyen de 30 000 $. Entre 50 % et 80 % étaient mariés, le Programme A comportant le moins d'hommes mariés (46 %). La plupart des hommes n'avaient pas été obligés par le tribunal de participer à des séances de counseling, mais la proportion de ceux qui étaient obligés de le faire variait considérablement, soit entre 5 % pour le Programme D et 41 % pour le Programme B. Dans l'ensemble, 24 % des membres de l'échantillon avaient à leur dossier une condamnation antérieure pour voies de fait (non compris l’infraction répertoriée) et 54 % avaient été reconnus coupables d'une infraction (y compris l'infraction répertoriée).

Tableau 2. Caractéristiques des participants aux programmes de traitement

 

Programme A

Programme
B

Programme
C

Programme D

F/X 2

Taille de l'échantillon

54

41

83

72

 

Âge

35,8 (8,8)

37,8 (9,8)

34,7 (8,7)

36,1 (9,1)

1,08

Revenu moyen ($)

24 300

30 000

30 000

30 400

1,17

Marié, actuellement ou par le passé (%)

46,2a

77,8b,c

62,8a,c

83,8b

21,6***

Dirigé vers le programme par le tribunal (%)

12,5b

41,2a

31,5a

5,2b

24,2***

Condamnations criminelles (%)

42,3

61,8

61,8

50,0

6,0

Condamnations antérieures pour voies de fait (%)

26,9

23,5

30,3

13,2

6,3

LSI-R

14,3 (8,0)

10,5a (6,1)

15,9b (8,3)

12,0a (5,7)

6,40***

***p < 0,001.

Remarque : Les écarts-types sont indiqués entre parenthèses. Les valeurs ayant différentes lettres en exposant diffèrent les unes des autres d'après des tests post-hoc. Les variables dichotomiques ont été analysées à l'aide de X 2 et du test post-hoc de Bonferroni; les variables continues ont été soumises à une analyse de la variance (F) et au test post-hoc de Scheffé.

Évaluation du risque

Le risque de récidive a été déterminé au moyen d'une version fondée sur l'auto-évaluation de l'inventaire du niveau de service - révisé (Andrews et Bonta, 1996; Motiuk, Motiuk et Bonta, 1992). Le LSI-R a été conçu pour évaluer le risque et les besoins des délinquants sous surveillance dans la collectivité. Basées sur un modèle de l'apprentissage social de la criminalité, les sous-échelles du LSI-R englobent des facteurs comme les antécédents criminels, des problèmes liés à l'emploi/l'instruction, les relations, la toxicomanie et des attitudes de tolérance de la criminalité. Des recherches antérieures ont révélé que la cohérence interne (coefficient alpha = 0,72), le coefficient d'objectivité (r = 0,94) et la stabilité temporelle au cours d'une période de trois mois (= 0,80) du LSI-R étaient tous acceptables (Andrews, 1982; Andrews, Kiessling, Mickus et Robinson, 1986). Il s'agit d'une des meilleures mesures de la récidive en général (Gendreau et coll., 1996), bien qu'on n'ait pas encore examiné sa relation avec la récidive consistant en voies de fait parmi les hommes agresseurs.

Suivant les recommandations des auteurs de l'inventaire, on a adapté légèrement la version du LSI-R employée pour la présente étude afin de l'axer sur les problèmes liés aux voies de fait à l'endroit de la conjointe. Ainsi, plutôt que d'essayer de déterminer les attitudes de tolérance à l'égard de toutes formes de crime, on a cherché à déterminer la tolérance des hommes pour les voies de fait à l'endroit de la conjointe (p. ex., « Il ne devrait pas être illégal de frapper quelques fois sa femme ou sa conjointe »). Les hommes ont été invités à remplir le LSI-R au moment de leur évaluation initiale ou lors de séances de groupe organisées à cette fin juste avant le début du traitement.

Pour l'échantillon à l'étude, la cohérence interne du LSI-R était de 0,90 (coefficient alpha). Le niveau global de risque de récidive criminelle était situé dans la gamme faible à modéré (la gamme 0 à 13 est considérée comme celle des « risque/besoins faibles » pour les détenus du sexe masculin). On a toutefois constaté des différences entre les programmes, les cas à risque le plus élevé étant issus du Programme C (moyenne = 16) et ceux à risque le plus faible, du Programme B (moyenne = 10) et du Programme D (moyenne = 12).

Critères de la récidive

Les renseignements sur la récidive ont été obtenus le 11 février 1999 des dossiers sur les antécédents criminels de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Ces dossiers renferment des renseignements sur les arrestations et condamnations fournis par tous les services de police du Canada. Bien que les dossiers de la GRC soient les plus complets du Canada et ceux qu'on utilise à des fins officielles, ils ne renferment pas certains renseignements sur les antécédents criminels (surtout au sujet des anciennes infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité). En outre, il ne faut pas s'attendre à ce que les dossiers sur les antécédents criminels incluent tous les cas de violence physique, d'autant plus que la plupart des hommes n'ont pas été condamnés pour les infractions qui les ont amenés à suivre un programme de traitement. Il est toutefois probable que les cas entraînant les blessures les plus graves à la victime attirent l'attention de la police. Par conséquent, une nouvelle arrestation était considérée comme un bon indicateur d'une récidive grave de violence (grande spécificité), mais l'absence d'une nouvelle arrestation ne signifiait pas nécessairement que les hommes n'avaient pas commis d'actes de violence (faible sensibilité).

On a obtenu des dossiers d'antécédents criminels valables pour 114 des 250 hommes qui ont commencé le traitement. Des 136 hommes sans dossier, 116 étaient réputés ne jamais avoir eu de casier judiciaire, tandis que pour 20 cas (8,0 %) on estimait que les données manquaient. Les dossiers étaient considérés comme manquants si les hommes avouaient avoir des condamnations antérieures pour actes de violence ou des condamnations actuelles (pour toute infraction). La répartition des cas manquants était à peu près la même pour les quatre programmes (p > 0,22). Dans l'ensemble, on possédait une information de suivi valable pour un échantillon global de 230 hommes.

L'information sur la récidive était basée sur des accusations et des condamnations appartenant à trois catégories : voies de fait, tout acte de violence et toute récidive. Les « voies de fait » incluaient les infractions de violence dont la conjointe était la victime la plus probable. Elles comprenaient toutes les infractions de voies de fait de même que les menaces, le harcèlement criminel et le harcèlement téléphonique. Les infractions avec armes (p. ex., le fait de braquer une arme à feu) étaient également incluses dans cette catégorie si elles étaient combinées à l’une des infractions susvisées.

« Toute récidive avec violence » incluait les voies de fait de même que les autres infractions de violence comme les voies de fait contre des agents de police, les voies de fait avec tentative de résister à l'arrestation, la cruauté envers les animaux, l'incendie criminel, le vol qualifié et les infractions avec armes connexes. L’unique récidiviste reconnu coupable d'homicide involontaire a été inclus dans cette catégorie étant donné que l'identité de la victime était inconnue. La catégorie « toute récidive » incluait les infractions de violence susmentionnées de même que les infractions sans violence (p. ex., vol) et les manquements aux conditions de la mise en liberté sous condition.

Analyse

Pour neutraliser la variabilité dans les périodes à risque, on a estimé les probabilités de récidive à l'aide d'une analyse de survie (Allison, 1984). L'analyse de survie sert à calculer la probabilité de récidive pour chaque période tant que le délinquant n'a pas récidivé. Dès qu'il récidive, le délinquant est éliminé de l'analyse pour les périodes subséquentes. La date de début de la survie correspondait à la date de l'évaluation initiale, soit, dans la plupart des cas, une semaine ou deux avant le début du traitement. La date de fin de l'analyse de survie était la date de réception des dossiers (11 février 1999). Dans deux cas, la date de fin de la période de survie était antérieure étant donné que les délinquants s'étaient vu imposer des peines de longue durée, ce qui les empêchait de récidiver. Toutefois, la plupart des récidives n'ont pas entraîné une réincarcération, ou alors ont entraîné une réincarcération de courte durée.

Résultats

Des 230 hommes pour lesquels on disposait de données sur la récidive, 36 (15,7 %) ont récidivé en commettant des voies de fait, 39 (17,0 %) en commettant une autre infraction de violence et 56 (24,3 %) en commettant une autre infraction. La période de suivi variait entre 39 et 73 mois (moyenne de 57,6, ET = 7,7). Très peu d'hommes ont récidivé en commettant une infraction de violence n'ayant aucun lien avec la violence conjugale (2 cas); par conséquent, les analyses subséquentes portent uniquement sur les constatations pour toute récidive avec violence. Le lecteur peut toutefois supposer que les analyses basées sur le critère plus restrictif de la récidive par voies de fait produiraient des résultats équivalents.

Dans l'ensemble, les taux de récidive étaient à peu près identiques pour les quatre programmes (voir le tableau 3). Le programme dont la mise à exécution était la plus faible, soit le Programme B, a produit des taux de récidive un peu plus élevés que les autres programmes, mais les différences globales n'étaient pas significatives pour la récidive avec violence (X 2 [3] de Wilcoxon = 1,22, p > 0,70) ou la récidive générale (X [3] de Wilcoxon = 1,37, p > 0,70).

 

Tableau 3. Taux de récidive pour les différents programmes

 

Programme A

Programme B

Programme C

Programme D

Total

Taille de l'échantillon

52

34

76

68

230

Récidive avec violence (%)

15,4

23,5

17,1

14,7

17,0

Toute récidive (%)

25,0

32,4

22,4

22,1

24,4

Période de suivi (mois)

54,6 (6,2)

55,7 (9,6)

57,9 (7,8)

61,3 (5,3)

57,5 (7,7)

Remarque : L'écart-type est indiqué entre parenthèses.

Comme on peut le voir au tableau 4, un certain nombre de caractéristiques particulières sont liées au risque de récidive. En général, les récidivistes tendent à être jeunes et célibataires, à toucher un faible revenu, à avoir été dirigés vers le programme par le tribunal, à avoir des antécédents criminels et à avoir un score relativement élevé sur le LSI-R. Les mêmes facteurs permettaient de prévoir la récidive générale et la récidive avec violence, sauf, curieusement, que la relation entre la récidive avec violence et les condamnations antérieures pour voies de fait n'était pas significative (r = 0,10, p > 0,11).

Comme on pouvait s'attendre à une grande intercorrélation des facteurs de risque, des régressions logistiques par degrés ont été effectuées pour cerner un ensemble réduit de variables expliquant la variance la plus particulière. Vu l'absence de données, on disposait, pour faire ces analyses, d'une information sur seulement 146 hommes. Les deux meilleurs prédicteurs de la récidive violente étaient l'âge et les scores obtenus sur le LSI-R (X 2 [2] = 22,5, p < 0,001); pour toute récidive, les meilleurs prédicteurs étaient toute condamnation criminelle et les scores sur le LSI-R (X 2 [2] = 26,1, p < 0,001). Aucune autre variable n'ajoutait de manière significative à la variance après que ces variables étaient prises en considération.

Tableau 4. Corrélation entre les facteurs de risque et la récidive avec violence et générale

 

Récidive avec violence

Toute récidive

Âge

-0,26***

-0,16*

Revenu

-0,18*

-0,17*

État matrimonial (célibataire)

0,20**

0,16*

Traitement imposé par le tribunal

0,21**

0,18*

Toute condamnation

0,23***

0,34***

Condamnations antérieures pour voies de fait

0,10

0,28***

LSI-R

0,30***

0,38***

* p < 0,05, ** p < 0,01, *** p < 0,001.

En raison des différences antérieures quant au risque de récidive entre les quatre programmes de traitement, nous avons effectué les analyses suivantes pour déterminer si ces différences persistaient une fois le risque neutralisé. Ces analyses ont été effectuées à l'aide de la régression de Cox (voir Cox et Oakes, 1984), une version de l'analyse de survie qui permet de neutraliser les caractéristiques antérieures des sujets de même que la durée d'exposition au risque.

On peut voir à la figure 1 un tracé graphique de la fonction de survie pour la récidive avec violence qui neutralise les facteurs de risque antérieurs. Les courbes de cette figure sont lissées pour être conformes à l'hypothèse de danger proportionnel qu'exige la régression de Cox; les données brutes non rajustées produisaient des courbes de survie qui se chevauchaient durant les deux ou trois premières années. La différence spécifique entre le Programme B et les autres programmes était presque significative (Wald = 3,50, dl = 1, p = 0,06). Les différences globales entre programmes pour ce qui est de la récidive violente demeuraient non significatives (Wald = 3,78, dl = 3, p = 0,29). On a obtenu des résultats analogues en utilisant la récidive comme variable dépendante et les condamnations criminelles antérieures et les scores sur le LSI-R comme covariables. La différence entre le Programme B et les autres programmes était presque significative (Wald = 2,84, dl = 1, p = 0,09), mais la différence générale entre les programmes était non significative (Wald = 4,00, dl = 3, p = 0,26).

Figure 1. Courbe de survie lissée pour la récidive avec violence après neutralisation de l'âge et des scores obtenus sur le LSI-R.

 

Mois de suivi

Contrairement à toute attente, le programme cognitivo-comportemental bien exécuté, c'est-à-dire le Programme D, ne s'est pas révélé supérieur aux autres programmes (Wald < 1 pour la récidive avec violence et toute récidive). On n'a pas non plus constaté l'interaction escomptée entre la structure du programme et le risque. Les délinquants obtenant un score d'au plus 13 sur le LSI-R étaient considérés comme étant à faible risque tandis que ceux dont le score était de 14 ou plus étaient considérés comme étant à risque élevé. On estime toutefois que les scores compris entre 14 et 23 traduisent un risque relativement faible par rapport aux échantillons généraux de criminels (Andrews et Bonta, 1995), mais on a choisi ce seuil plus indulgent pour avoir des cellules d'une taille convenable. Des analyses basées sur d'autres seuils n'ont pas produit des résultats différents.

Les taux de récidive des délinquants à risque élevé étaient à peu près tous identiques, que les hommes aient participé au programme cognitivo-comportemental (45 % toute récidive, 30 % récidive avec violence, n = 20, Programme D) ou aux deux autres programmes basés sur une psychothérapie de groupe non structurée (40 % toute récidive, 29 % récidive avec violence, n = 58, Programmes A et C). Les taux de récidive des délinquants à faible risque étaient aussi à peu près tous identiques, que ces derniers aient participé aux programmes structurés (11 % toute récidive, 7 % récidive avec violence, n = 45, Programme D) ou aux programmes non structurés (9 % toute récidive, 8 % récidive avec violence, n = 66, Programmes A et C). Toutes les tendances qui pouvaient se dégager des données étaient en fait contraires à celles qui avaient été prévues. On a exclu de cette analyse le Programme B étant donné qu'il était difficile, en raison des problèmes liés à l'exécution du programme, de déterminer le genre de traitement offert.

Des 230 hommes qui ont commencé le traitement, 138 l'ont achevé tandis que 92 l'ont abandonné. Les taux d'attrition à même le programme étaient à peu près identiques pour tous les endroits (X 2 [3] = 0,58, p > 0,90). Les hommes qui n'ont pas achevé le traitement affichaient des taux de récidive plus élevés pour les actes de violence (26,1 % contre 10,9 %; X 2 [1] de Wilcoxon = 8,65, p = 0,003) et toute récidive (32,6 % contre 18,5 %; X 2 [1] de Wilcoxon = 5,68, p = 0,02) que les délinquants qui ont achevé le traitement. Les effets de l'attrition étaient toutefois sensiblement réduits lorsqu'on neutralisait les différences antérieures dans le niveau de risque (les hommes à risque élevé étaient plus portés à abandonner, voir Rooney et Hanson, sous presse). Lorsqu'on neutralisait l'âge et les scores sur le LSI-R, l'effet de l'attrition sur la récidive avec violence tombait à Wald = 2,92 (dl = 1), p = 0,09; le fait de neutraliser les condamnations antérieures et les scores sur le LSI-R ramenait l'effet de l'attrition sur toute récidive à Wald = 2,48 (dl = 1), p = 0,12.

Discussion

L’étude a porté sur l'efficacité relative de quatre programmes de traitement pour hommes violents. Malgré de grandes différences dans l'orientation et l'exécution des programmes, nous avons constaté relativement peu de différences dans les taux de récidive des participants. Les hommes qui ont bénéficié d'une psychothérapie de groupe humaniste et non structurée ont réussi aussi bien ceux qui ont fait l'objet d'interventions cognitivo-comportementales structurées. Le seul facteur qui expliquerait les différences entre les groupes semble davantage lié à l'intégrité du programme qu'au contenu de celui-ci : les hommes les plus portés à récidiver sont ceux qui ont participé à un programme présentant des déficiences marquées sur le plan de la formation et de la surveillance du personnel (même si l'effet n'était que marginalement significatif).

En l’absence de différences observables entre les méthodes de traitement, il est difficile de dire si les programmes sont tous aussi efficaces ou tous aussi médiocres les uns que les autres. On pourrait dire que ces résultats appuient l'hypothèse du dodo, c'est-à-dire « tout le monde gagne et tous doivent remporter un prix » – voir Wampold, (1997). Ou encore, on peut dire que l'absence de différences entre les groupes montre que nous n'avons pas encore découvert de traitement efficace pour les hommes violents. Il est difficile d'interpréter les résultats étant donné l'absence d'un groupe témoin non traité. En outre, les programmes différaient les uns des autres d'une foule de façons qui peuvent avoir influencé leur efficacité. En effet, il y avait des différences non seulement sur le plan des principes de base et de l'intégrité du traitement, mais aussi des différences quant à leur durée, au financement et à l'appui offert par d'autres organismes communautaires. En outre, des variations régionales dans le traitement accordé par le système de justice pénale aux cas de violence conjugale peuvent obscurcir toute différence réelle dans l'efficacité du traitement. Il est aussi difficile de faire des affirmations au sujet de l'absence de différences entre les groupes en raison de la taille relativement petite des échantillons (faible efficacité statistique).

Néanmoins, la difficulté à prouver la supériorité du traitement cognitivo-comportemental pour les hommes à risque élevé contredit les conclusions de méta-analyses sur l'efficacité du traitement destiné aux criminels en général (Andrews et coll., 1990; Andrews et Bonta, 1998). Il y a plusieurs interprétations possibles. Premièrement, il se peut que le nombre de délinquants à risque élevé ait été trop faible pour qu'on puisse vérifier convenablement cette hypothèse; la plupart des hommes inclus dans l’étude présentaient un risque relativement faible comparativement aux échantillons de criminels en général. Deuxièmement, les thérapies dites non structurées peuvent avoir inclus les éléments nécessaires d'une intervention cognitivo-comportementale efficace (p. ex., changement d'attitude et renforcement des capacités). Ainsi, une observation directe des groupes participant au Programme A a révélé une utilisation fréquente des jeux de rôles, même si cette technique de renforcement des capacités constituait un élément secondaire des principes généraux de traitement.

Il faut peut-être aussi considérer les hommes violents comme un type particulier de délinquants réagissant à des formes de traitement spéciales. Nos résultats vont toutefois à l'encontre de cette hypothèse étant donné les grandes ressemblances que nous avons constatées entre les hommes violents et les autres types de délinquants. Signalons notamment que les facteurs qui permettent de prévoir la récidive parmi les criminels en général (voir Gendreau et coll., 1996) ont aussi permis de prévoir la récidive générale et la récidive avec violence parmi les hommes violents inclus dans cette étude. Les récidivistes tendaient à être jeunes et célibataires, à toucher un faible revenu et à avoir déjà été condamnés au criminel. Les problèmes de mode de vie liés à la récidive chez les criminels en général (p. ex., logement déficient, toxicomanie, conflits familiaux) permettaient aussi de prévoir la récidive avec violence chez les hommes agresseurs. En effet, le LSI-R (une mesure combinée du risque et des besoins criminogènes) était le meilleur prédicteur de la récidive.

Des détracteurs pourraient soutenir que toute similitude apparente entre les hommes violents et les criminels en général est un artifice découlant de l'utilisation des mêmes critères de résultats, c'est-à-dire les dossiers officiels de récidive avec violence. Compte tenu des taux élevés de violence non décelée, il se peut que les facteurs de risque soient liés surtout à la probabilité d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale plutôt qu'à une violence constante. Pour régler cette question, il faudrait avoir des données dont nous ne disposions pas pour la présente étude, soit des comparaisons entre les prédicteurs d'indicateurs de violence non liés au système de justice pénale (p. ex., déclarations du conjoint) et les prédicteurs de la récidive que traduisent les casiers judiciaires officiels. Il semble néanmoins probable que la plupart des infractions décelées étaient liées à la violence conjugale étant donné l'absence quasi totale d'infractions de violence complètement étrangères à la violence conjugale (deux sur 39).

La présente étude a produit des preuves indéniables du fait que les délinquants qui n'achèvent pas leur traitement risquent davantage de récidiver que ceux qui l'achèvent. Parmi plusieurs explications possibles, la plus simple est que les hommes présentant le risque le plus élevé sont aussi les plus susceptibles d'abandonner le traitement (voir Cadsky, Hanson, Crawford et Lalonde, 1996; Rooney et Hanson, sous presse). Dans la présente étude, les effets de l'attrition sur la récidive n'étaient plus significatifs lorsqu'on neutralisait les facteurs de risque antérieurs. Par conséquent, les chercheurs et les artisans de la politique devraient se montrer extrêmement prudents lorsqu'ils utilisent des comparaisons entre délinquants ayant achevé et délinquants ayant abandonné un programme pour juger de l'efficacité des programmes de traitement. Peu importe la manière dont on explique les conséquences de l'abandon d'un programme, cette constatation a des retombées pratiques indéniables : les prestataires de services (et les victimes éventuelles) doivent redouter les hommes qui n'achèvent pas leur traitement.

Une fois neutralisés les niveaux de risque, le taux rajusté de récidive avec violence des hommes qui ont participé au Programme B était d'environ 21 % contre un taux rajusté de 12 % pour les participants aux autres programmes. Même si cette différence ne satisfait pas au critère traditionnel de 0,05 de signification statistique, elle correspond à l’effet faible de traitement signalé dans d'autres études. Dans sa méta-analyse (1998), Levesque a constaté que le taux de récidive moyen établi à partir des dossiers officiels était de 14,3 % pour les groupes traités, soit sensiblement plus bas que le taux de récidive de 21,8 % obtenu pour les groupes témoins (basé sur 11 études). L'importance de l'effet constatée dans la présente étude (h de Cohen = 0,24) était en réalité légèrement supérieure à l'importance de l'effet moyenne de h = 0,19 obtenue par Levesque (1998). Les adversaires du traitement pourraient soutenir qu'aucun des programmes n'était efficace et que le programme mal exécuté a en fait empiré la situation des hommes. Toutefois, compte tenu des faibles effets de traitement positifs signalés dans d'autres études, on peut aussi dire que les résultats montrent qu'un traitement bien exécuté peut réduire les taux de récidive des hommes violents. Reste toutefois à savoir quels sont les éléments essentiels d'une intervention efficace.

Bibliographie

ALLISON, P. D. (1984). Event history analysis : Regression for longitudinal event data, Beverly Hills, CA, Sage.

ANDREWS, D. A. (1982). The Level of Supervision Inventory (LSI) : The first follow-up, Toronto, ON, Ministère des Services correctionnels de l’Ontario.

ANDREWS, D. A. et J. BONTA (1996). LSI-R : Inventaire du niveau de service – révisé, Toronto (Ontario), Multi-Health Systems.

ANDREWS, D. A. et BONTA, J. (1998). The psychology of criminal conduct (2éd.), Cincinnati, OH, Anderson.

ANDREWS, D. A., KIESSLING, J. J., MICKUS, S. G. et ROBINSON, D. (1986). « The construct validity of interview-based risk assessment in corrections ». Canadian Journal of Behavioural Sciences = Revue canadienne des sciences du comportement, vol. 18, p. 460-470.

ANDREWS, D. A., ZINGER, I., HOGE, R. D., BONTA, J., GENDREAU, P. et CULLEN, F. T. (1990). « Does correctional treatment work? A psychologically informed meta-analysis ». Criminology, vol. 28, p. 369-404.

AUSTIN, J. B. et DANKWORT, J. (1999). « Standards for batterer programs : A review and analysis », Journal of Interpersonal Violence, vol. 14, p. 152-168.

BANDURA, A. (1973). Aggression : A social learning analysis, Englewook Cliffs, NJ, Prentice-Hall.

CADSKY, O., HANSON, R. K., CRAWFORD, M. et LALONDE, C. (1996). « Attrition from a male batterer treatment program : Client-treatment congruence and lifestyle instability », Violence and Victims, vol. 11, p. 51-64.

COX, D. R. et OAKES, D. (1984). Analysis of survival data, London, RU, Chapman et Hall.

DANKWORT, J. et AUSTIN, J. B. (1999). « Standards for batterer programs in Canada, A history and review », Canadian Journal of Community Mental Health = Revue canadienne de santé mentale communautaire, vol. 18, p. 19-38.

DUNFORD, F. W. (juin 1997). The research design and preliminary outcome findings of the San Diego Navy Experiment. Présenté à la 5e International Family Violence Research Conference, Durham, New Hampshire.

GENDREAU, P., LITTLE, T. et GOGGIN, C. (1996). « A meta-analysis of the predictors of adult offender recidivism : What works! », Criminology, vol. 34, p. 575-607.

GONDOLF, E. W. (1999). « A comparison of four batterer interventions systems : Do court referral, program length, and service matter? », Journal of Interpersonal Violence, vol. 14, p. 41-61.

GREENBERG, L. S., RICE, L. N. et ELLIOTT, R. (1993). Facilitating emotional change : The moment-by-moment process, New York, Guilford Press.

HANSON, R. K., CADSKY, O., HARRIS, A. et LALONDE, C. (1997). « Correlates of battering among 997 men : Family history, adjustment and attitudinal differences », Violence and Victims, vol. 12, p. 191-208.

JOHNSON, H. et SACCO, V. F. (1995). « Researching violence against women : Statistics Canada's national survey », Canadian Journal of Criminology = Revue canadienne de criminologie, vol. 37, p. 281-304.

LEVESQUE, D. A. (1998). Violence desistance among battering men : Existing interventions and the application of the transtheoretical model of change, thèse de doctorat inédite, Département de psychologie, University of Rhode Island.

LIPSEY, M. (1995). « What do we learn from 400 studies on the effectiveness of treatment with juvenile delinquents? », dans J. McGuire (éd.), What works : Reducing reoffending (p. 63-78), Chichester, England, Wiley.

MEICHENBAUM, D. H. (1977). Cognitive-behavior modification, New York, Plenum.

MOTIUK, M. S., MOTIUK, L. L. et BONTA, J. (1992). « A comparison of self-report and interview-based inventories in offender classification », Criminal Justice and Behavior, vol. 19, p. 143-159.

PALMER, S. E., BROWN, R. A. et BARRERA, M. E. (1992). « Group treatment program for abusive husbands : Longterm evaluation », American Journal of Orthopsychiatry, vol. 62, p. 276-283.

PENCE, E. et PAYMAR, M. (1993). Education groups for men who batter : The Duluth model, New York, Springer.

ROONEY, J. et HANSON, R. K. (sous presse). « Predicting attrition from treatment programs for abusive men », Journal of Family Violence.

SAUNDERS, D. G. (1996). « Feminist-cognitive-behavioural and process-psychodynamic treatments for men who batter : Interaction of abuser traits and treatment models », Violence and Victims, vol. 11, p. 393-413.

SMITH, M. D. (1987). « The incidence and prevalence of women abuse in Toronto », Violence and Victims, vol. 2, p. 173-187.

STRAUS, M. A. et GELLES, R. J. (1986). « Societal change and change in family violence rates from 1975 to 1985 as revealed by two national surveys », Journal of Marriage and the Family, vol. 48, p. 465-479.

WAMPOLD, B. E., MONDIN, G. W., MOODY, M., STICH, F., BENSON, K. et AHN, H. (1997). « A meta-analysis of outcome studies comparing bona fide psychotherapies : Empiricially, "all must have prizes." » Psychological Bulletin, vol. 122, p. 203-215.

YALOM, I. D. (1985). The theory and practice of group psychotherapy (3e ed.), New York, Basic Books.


Précédente Accueil Remonter Suivante
 
 

 

 
up