Editions Feuilles Familiales - Namur / Belgique
Virilités nouvelles

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Les feuilles familiales

Editions Feuilles Familiales (Namur) Belgique- Rédacteur en chef: José Gérard

http://www.couplesfamilles.be


DOSSIER: VIRILITES NOUVELLES

 

SOMMAIRE

Résumé:

Les hommes, les vrais, sont-ils une espèce en voie de disparition? Les féministes ont-elles définitivement eu raison des derniers machos? Comment se situent désormais les hommes face aux images de virilité du passé? Les ont-ils abandonnées avec soulagement ou ressentent-ils l'évolution comme une douloureuse perte d'identité?

Après plusieurs décennies de luttes féministes, les hommes commencent à prendre véritablement la mesure des changements. Car si les femmes ont dénoncé leur domination par les hommes et ont conquis une nouvelle place dans la société, c'est tout l'édifice de la division des rôles qui s'en est vu remis en cause. Certains en sont ébranlés ou résignés, d'autres s'accrochent aux images du passé, d'autres encore prennent résolument le parti des femmes et se disent proféministes. La plupart s'interrogent sur ce qu'ils ont à être aujourd'hui, parce qu'il n'ont plus guère d'évidences à leur disposition.

 

En interrogeant des hommes et des femmes de tous les jours, en questionnant les images que véhicule la culture

d'aujourd'hui, en donnant la parole à ceux qui ont étudié le domaine, ce dossier voudrait, plutôt que définir de nouvelles identités figées, ouvrir des pistes de réflexion et promouvoir un partenariat entre femmes et hommes pour l'avènement d'une humanité nouvelle.

 

Editions Feuilles Familiales Rue d'Insevaux 5 - 5020 Malonne (Namur) Belgique- +32 (0)81 45 02 99 - Rédacteur en chef: José Gérard

http://www.couplesfamilles.be

 

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D1 L'HOMME EN QUESTION

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L’homme en question

PATERNITE AUJOURD’HUI :
DE LA FONCTION A LA RELATION

 

La paternité est-elle constitutive de l’identité de l’homme? Et, si oui, que signifie cette paternité? A ce niveau également, les conceptions ont beaucoup évolué en quelques générations.

 

Délicate mise en cause

Quand quelque chose nous tient fort à coeur, il nous arrive souvent de perdre une large part de notre lucidité. Notre objectivité s’évanouit. Nous craignons découvrir une vérité qui nous aurait échappé et qui nous obligerait à mettre en cause notre façon d’être et d’agir.

Ainsi de la paternité. Tenter d’expliciter sa nature, c’est s’exposer d’emblée à une levée de boucliers. Mettre en effet en cause la manière d’être parents, c’est toucher à des comportements souvent profondément ancrés et à des convictions quasi inébranlables.

 

Pourtant, être parents n’est pas un comportement qui serait inscrit dans nos gènes. C’est un comportement culturel tissé de choix multiples. Mais alors, que faisons-nous de "l’instinct maternel"? Et parle-t-on "d’instinct paternel"?

Le "naturel" : une norme ou des éléments de choix?

La création et son évolution nous apparaissent aujourd’hui comme un long tâtonnement. Ne serait-il pas une longue histoire d’amour? La vie à la recherche de possibilités toujours nouvelles et meilleures d’entrer en relation avec d’autres êtres. Vus sous cet angle, l’accouplement et la mise au monde par les vivipares sont d’extraordinaires trouvailles. Ils ne sont toutefois rien de plus.

 

Manque-t-il en effet d’exemples de femelles et de mâles qui, après la naissance de leur progéniture, n’ont d’autre souci que de les dévorer?

 

Pas chez les humains, rétorquera-t-on.

Que dire alors de ces jeunes mères d’une société au sein de laquelle, il n’y a pas si longtemps encore, le premier né était sacrifié? Ce n’était pas par sauvagerie, comme notre désir de tranquillité d’esprit nous pousserait à le croire, mais parce que, dans cette culture, les premiers nés étaient censés porter en eux tous les esprits mauvais de la descendance de la femme.

 

Dans le passé, les attitudes parentales ont été multiples et chaque fois considérées comme normales, ou même comme indispensables à la survie et à l’équilibre de la société.

 

La nature est là comme un appel, comme un outil, mais aucun mode d’emploi ne l’accompagne. Ce n’est pas rien de se rendre compte que la paternité, comme la maternité d’ailleurs, sont à inventer par ceux et celles qui mettent au monde. Il y aura à chaque fois lieu de choisir. De choisir ou de subir.

Subir, lorsque ces comportements ne sont que la reproduction de ce qui est dicté par la société et les habitudes. Et il est vrai que la plupart ne font que reproduire l’image parentale qu’ils ont connue à travers leurs propres parents, même si c’est parfois en creux, lorsqu’ils rejettent cette image, mais ne font que l’inverser.

Choisir lorsque, conscients de ce que leur incombe la responsabilité d’inventer leur manière d’être parents, certaines et certains s’interrogent sur leurs comportements et leurs motivations.

Ainsi donc, s’engager dans la parenté -- et donc dans la paternité –, c’est partir à la recherche constante d’un mode personnel de relation à l’enfant, compte tenu de ce que nous avons nous-mêmes connu et de ce que nous pouvons apprendre, mais à chaque fois revisité par nous.

 

 

Les parents et l’enfant

La relation entre les partenaires du couple ne sera pas sans un impact privilégié sur la manière de vivre la parenté.

Il n’est pas à démontrer que la relation à la mère sera par exemple différente suivant qu’il s’agira d’une femme mariée dont le couple est heureux et stable, d’une mère célibataire, d’une veuve ou d’une divorcée. Cela ne teindra pas seulement aux circonstances, mais à la relation même qui s’établira, dans ces circonstances, entre la mère et l’enfant.

Malgré l’évolution heureuse et sensible que nous avons connue au cours des cinquante dernières années, dans de nombreux couples encore, la femme et l’homme, quoiqu’on en dise par ailleurs, assument des rôles bien définis et parallèles à peu de choses près à ce que vivaient leurs parents et leurs grands-parents.

L’un comme l’autre n’en sortaient alors qu’en cas d’extrême nécessité, comme la maladie ou la mort du conjoint. Il n’en va pas autrement aujourd’hui pour grand nombre encore.

 

Les rôles parentaux en découlaient naturellement, avec des contenus très fonctionnels, découlant d’une vision prétendue "naturelle" des humains :

- femme, tu as été créée avec une matrice et des seins, tu mettras donc au monde dans la souffrance et tu nourriras. Tu seras intuitive, tendre et douce parce que tu es femme et à toi reviendra le souci de l’éducation. Tu seras la mère ;

- homme, à toi la force des muscles et la puissance de la logique. A toi aussi l’aptitude au commandement. Tu protégeras donc, tu jugeras de ce qui est bon pour chacun et tu diras la loi en conséquence. Tu seras le père.

 

La Parenté nouvelle

Peu à peu cependant, il est apparu que cette conception masquait dans sa rigueur, et dès lors laissait en friche, une part importante des capacités de réalisation et de relation des hommes comme des femmes.

Certes la femme est et restera la mère biologique et ce n’est pas rien, mais elle est aussi bien autre chose et bien plus que cela.

Certes aussi, l’homme peut être ce géniteur nourricier, premier témoin de la loi qui dénie la possibilité de toute puissance fusionelle dans laquelle l’enfant baigne depuis sa conception, mais lui également est bien autre chose et bien plus que cela.

 

Du long cheminement de cette découverte -- dont de tous temps des femmes et des hommes ont heureusement vécu sans en être bien conscients –, c’est le lien amoureux entre la femme et l’homme qui s’est transformé.

Avec plus ou moins de bonheur, femmes et hommes se sont débarrassés de leur chrysalide fonctionnelle, plus ouverts à une relation à toute la personne, et de leur conjoint ou partenaire, et de l’enfant.

Désormais pour eux, le rêve de parenté n’est plus de reproduire une image reçue de la mère ou du père, mais d’être femme et homme dans une relation particulière aux enfants considérés comme des êtres en devenir dès leur conception.

C’est une véritable réinvention toujours en cours et qui ne va pas sans tâtonnements et sans erreurs de parcours.

 

Père où es-tu?

Les sciences humaines nous ont appris que la relation de chacun des parents à l’enfant était une rencontre interpersonnelle déterminante dans la formation de la personnalité. Les rôles masquaient souvent ce qui nous est devenu une évidence.

Il faut donc inventer des comportements nouveaux qui ne sont plus dictés d’abord par les fondements biologiques. Une telle exigence entraîne des réajustements concrets importants et une totale conversion de pensée.

Pourquoi par exemple, dans la petite enfance, ne fallait-il privilégier que la relation à la mère? Le père n’avait-il pas à manifester lui aussi sa présence et sa tendresse dès les premiers jours?

 

La conversion se fit en effet peu à peu et l’on voit aujourd’hui bien des nouveaux pères pouponner et jouer avec leurs tout petits.

Il arrive toutefois qu’entre le père et la mère, une lutte un rien jalouse puisse se faire jour à ce jeu nouveau. Aux mamans poules viennent alors livrer concurrence, de tendresse certes, mais aussi de surprotection, des papas poules qui, pour se faire aimer, en oublient qu’ils sont d’abord l’amant de la mère et non des enfants. Que de même la mère est d’abord leur "aimée" et non possession fusionelle de ces petits bouts à qui tout serait dû.

 

C’est que dans ce jeu renouvelé de la parenté, il ne faut pas perdre les règles fondamentales du jeu lui-même, celui d’ouvrir l’enfant à la vie. Or, face à ces règles-là, l’homme n’est pas "une femme comme les autres". Ce n’est pas lui qui porte l’enfant. Ce n’est pas lui qui le nourrit. A ce titre, il a le privilège mais c’est aussi son rôle, de dire cette loi première : pour vivre, il faut quitter la fusion maternelle. De même la mère aura pour rôle de témoigner que cette loi vaut également par rapport à lui, son conjoint, et pas seulement par rapport à elle.

 

Dire la loi

Mais dire et donner à vivre de cette loi là n’a rien à voir directement avec le fait de faire respecter les règles de vie en commun.

Si cette loi que la psychanalyse a appelé "l’interdit de l’inceste" est première et si son apprentissage et son respect sont directement et indissolublement liés au fait d’être mère et père biologiques de l’enfant, "l’interdit de tuer", lui -- c’est-à-dire la nécessité de respecter les autres dans ce qu’ils sont et de vivre avec eux en harmonie et en recherche d’une société humaine toujours plus épanouissante pour tous, personnellement et collectivement –, ne relève pas de la fonction du seul père.

Toute l’ambiguïté, sinon la confusion, vient de ce que le langage courant a confondu le père avec cette "fonction dite paternelle", comme il a confondu la mère avec la "fonction dite maternelle" de tendresse et de chaleur humaine.

 

Si le père comme la mère ont un rôle bien spécifique et non interchangeable à jouer en ce qui concerne la transmission de cette loi, ils ont tous deux, avec leur personnalité propre de femme et d’homme, à assumer les "fonctions maternelles et paternelles".

A ce titre-là, ils ont l’un et l’autre à "dire la loi" et à bien s’entendre tous deux pour la dire, car l’enfant cherchera toujours à satisfaire le désir dont l’accès lui est interdit et à obtenir chez maman la permission refusée par papa, ou inversement. Il sait bien, lui, que cette loi-là n’est pas exclusive du père.

 

Des fonctions parentales

Il ne s’agira donc plus à proprement parler de la "fonction maternelle ou paternelle" mais de la "fonction parentale". Appliquée en effet à toute la relation à l’enfant, cette conception d’une présence à lui qui soit double mais non différenciée en termes de rôle, exige une prise en charge par l’un et par l’autre, de toutes les "fonctions parentales", de la tendresse indispensable pour s’accepter à la découverte tout aussi indispensable de la loi et des lois.

Toutes. C’est-à-dire de la conception à tous les aspects relationnels et éducatifs, en passant par une grossesse et une naissance vécues pleinement par tous les deux. Il ne s’agit là en rien d’une manifestation fusionelle, mais de la prise en charge différenciée mais commune, d’une "mise au monde" décidée ensemble.

Plus de place donc dans la relation à l’enfant pour les "affaires de femmes" ni pour les "choses à régler entre hommes".

 

De la paternité nouvelle à une conjugalité nouvelle

Ce mode "conjoint" de relation à l’enfant entraîne ou est le fruit d’une perception de la relation du couple totalement différente de celle qui a régi les familles pendant des générations, une perception qui induit un "déclivage" de tous les comportements.

Il n’est plus pensable par exemple, dans une telle perspective, qu’il y ait des travaux ou des préoccupations exclusivement et définitivement réservés aux filles et aux femmes tandis que d’autres le seraient aux hommes. Adieu les vaisselles féminines. Adieu les fusibles masculins. Le travail est du neutre et peut se décliner par tous.

 

Mais même une telle rupture avec les clivages du passé ne suffit pas à transformer les mentalités. Il y faudra plusieurs générations. C’est qu’elle reste superficielle lorsqu’elle n’implique pas une compréhension en profondeur de la mutation qui s’opère et en conséquence, une transformation des relations entre femmes et hommes dans la cellule conjugale et familiale d’abord, mais aussi dans l’ensemble de la vie sociale.

 

S’il est vrai que la famille est la meilleure communauté humaine connue à ce jour pour transmettre aux générations nouvelles les fruits des expériences passées de l’humanité, c’est là que naîtra le plus sûrement la révolution des mentalités.

Facette importante et innovante de nos nouvelles virilités, la paternité en chemin aujourd’hui inventera une place toute neuve dans le couple, tant pour la femme que pour l’homme, une place toute neuve aussi dans tous les secteurs de la société. Il reste bien du chemin à parcourir, mais des comportements nouveaux germent partout qui peu à peu gagnent toutes les couches de la société.

 

Ce chemin de paternité ne sera jamais établi une fois pour toutes. Il appartiendra à chaque génération d’y effectuer quelques pas nouveaux dans la direction d’un plus d’humanité. Et cela, ce n’est ni "la voix du sang", ni l’"instinct maternel", ni la "fibre paternelle" qui l’apprendra. Aucun chemin n’est tracé. Il se trace au gré de nos pas.

Jean Hinnekens

 

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D2 MASCULINS PLURIELS

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Masculins pluriels

VIRILITÉ AU QUOTIDIEN

 

Que devient la virilité dans la vie familiale, au contact des tâches ménagères et de l’éducation des enfants? Et quel type d’hommes les femmes souhaitent-elles à domicile? C’est un peu la question que s’est posée Sophie, trente ans.

 

Un homme qui participe à la vie familiale

Dans le Petit Dictionnaire Universel, à virilité on trouve : "Caractéristiques physiques de l’homme adulte de sexe masculin. Puissance sexuelle chez l’homme. Energie, fermeté".

Il est vrai que, pour la plupart des gens, un homme représente une certaine force morale, physique, une constitution légèrement plus forte.

 

Mais aujourd’hui, on demande beaucoup d’autres choses à l’homme que d’être fort et protecteur. Les femmes souhaitent les voir partager leurs tâches quotidiennes aussi bien dans le ménage que dans l’éducation des enfants. Elles souhaitent les voir à leurs côtés, dans une relation de vis-à-vis. Et je pense que l’on commence à y arriver. En effet, dans les jeunes ménages que je connais, la plupart des hommes participent de façon active à la vie familiale. Les femmes travaillant de plus en plus, ils trouvent logique et normal de donner un coup de main. Je ne dis pas que tous les hommes font le repassage (mais j’en connais!), ni que tous nettoient la maison (j’en connais aussi!), mais je ne connais pas beaucoup de femmes ayant un homme à la maison qui bricolent la machine à laver, entretiennent la chaudière, coupent du bois, font des tranchées dans le jardin... Ce qui compte à mon sens c’est que les tâches soient partagées : pendant que tu donne le bain au petit, moi je range le lave-vaisselle ; on range ensemble la maison ; pendant que tu repasses, je vais travailler au jardin avec les enfants... Je pense que nous arrivons de plus en plus à cette forme d’équilibre.

 

Bref, être un homme viril ne suffit sûrement plus. On souhaiterait de la part des hommes qu’ils osent enfin exprimer leurs sentiments, leurs envies, leurs chagrins. Un homme qui pleure n’est plus considéré comme quelqu’un de faible, mais plutôt comme quelqu’un de plus humain! Les larmes de chagrin sont le propre de l’être humain! Je crois que dans la génération des nouveaux jeunes adultes et ceux en passe de le devenir, ces changements seront de plus en plus présents.

 

Les mamans éduquent les hommes de demain!

Ce sont les mamans d’aujourd’hui, par l’éducation qu’elles donnent à leurs petits garçons, qui font les hommes de demain. Je trouve aberrant de voir encore de nos jours dans les catalogues de jouets que l’on reçoit en période de Saint-Nicolas, Noël, Pâques, les jouets classés par sexe et de façon très significative! Les poupées, dinettes et magasins pour les filles ; les voitures et les figurines plus laides et plus violentes les unes que les autres pour les garçons! Mon fils aime jouer à la dinette et au magasin, et sa cousine aime beaucoup piloter sa voiture électrique! Les petites filles et les petits garçons ont toujours aimé partager leurs jouets, mais quand moi j’étais petite, on estimait qu’il n’était pas très normal qu’un garçon joue à la poupée (Mon dieu! Va-t-il être "normal" à l’âge adulte? Je n’ai pas envie qu’il devienne une "femmelette"! ). Tandis que les filles étaient traitées avec beaucoup moins d’inquiétude de "garçon manqué".

 

De nos jours les garçons reçoivent des jouets dits "de filles" et vice versa. Pourquoi aller contre leurs envies? Je crois que si nous voulons des hommes plus ouverts, exprimant leurs sentiments et un équilibre entre l’homme et la femme, c’est à la base qu’il faut commencer. La petite fille materne sa poupée, le petit garçon a envie de s’occuper de cette poupée aussi, même si c’est d’une manière différente. Il n’est pas rare de voir un groupe de jeunes enfants, filles et garçons, se battre parce qu’ils ont tous envie d’habiller ou de donner le biberon à la même poupée! Les garçons seront peut-être toujours plus attirés par les voitures, mais il est ridicule de leurs refuser une poupée sous le seul prétexte que c’est un jouet "de fille"!

 

La publicité pour les enfants

Tout doucement, les publicistes prennent conscience de cela. Entre les dessins animés de l’après-midi, les enfants sont bombardés de publicités pour des jouets (sauf chez Bla-Bla, qui clame haut et fort que la pub, c’est "burg!!!"). Parmi celles-ci, j’en ai épinglé deux qui reflètent ce changement. Il s’agit de deux grandes marques de jouets. Dans la première, on y voit un petit garçon tout content d’avoir reçu une jolie poupée dans un biberon (elle a un ensemble bleu). Il téléphone à une petite fille, qui a également reçu une jolie poupée dans un biberon (elle a un ensemble rose!), pour lui demander ce qu’il doit faire maintenant. "Tu lui donnes le biberon, tu la changes et puis tu la bordes dans son lit".

La deuxième montre une cuisine/magasin d’enfant où il y a deux petites filles et un petit garçon qui s’affairent.

 

Il y a du sentiment dans ces deux publicités. Sentiment que l’on ne retrouve pas dans la publicité typique du jeu pour le garçon, qui est soit matérielle : le camion qui se transforme en robot, le super garage à cinq étages avec alarme, la voiture téléguidée qui bondit, se retourne, fonce à toute allure, et ne tient jamais en place (Maxence, 3 ans : "Qu’est-ce qu’elle a, la voiture, maman?"), soit assez violente et effrayante : les figurines de dinosaures de Jurassic Park et autres monstres en tous genres.

En ne proposant aux petits garçons que ce genre de jouets, comment pourrait-on espérer du changement chez l’homme adulte?

 

Les hommes dans la pub

Dans la publicité s’adressant aux adultes, les hommes sont représentés pour moi de deux façons. L’homme d’une trentaine d’année, ayant une femme et deux enfants(!), qui s’active aux tâches ménagères : nettoyage du sol, cuisine, vaisselle (cette publicité pour une marque de produit vaisselle ou l’on voit un clan de Siciliens dont le patriarche revendique la place des hommes à la vaisselle est vraiment un symbole de ce changement), change du bébé... Cet homme n’est pas spécialement beau (en tout cas ce n’est pas ce que l’on voit en premier), ni bâti à la Rambo. Il est généralement beaucoup plus proche de la réalité et l’homme réel s’y identifie plus facilement.

 

Mais vous avez toujours l’image de l’homme aventurier (généralement un peu plus vieux) qui n’a apparemment pas de famille, et qui brave tous les dangers pour une bouteille de bière ou qui traverse le désert pour un chocolat! Cet homme est bien sûr bien bâti : muscles, stature, beauté.

 

Cependant, je pense que cette image ne cadre pas du tout avec la réalité et que les hommes et les femmes en sont tout à fait conscients. S’il existe des hommes répondant à cette image, ils sont en minorité. L’aspect physique, donc la virilité, n’est généralement pas un critère de choix pour la femme qui recherche une relation durable. Avoir un relation avec un bellâtre qui n’est que cela (ils sont souvent assez narcissiques!), c’est peut-être flatteur lors de sorties. Mais le même à la maison face à la réalité? Je demande à voir!

 

Il me semble bien plus important d’avoir une relation avec un homme qui se roule par terre pour jouer avec les enfants, s’en occupe et vous épaule dans la gestion de la vie familiale.

Alors, à bon entendeur, salut!

Sophie

 

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Masculins pluriels

VIRIL, MOI NON PLUS

 

Je n’ai pas le pedigree du héros des magazines.
Je n’ai pas la clope du cow-boy, le cheval non plus.
Ma voiture ne fait pas fantasmer nos voisins.
Le golden boy ferait la moue devant ma penderie.
Mes mensurations sont banales.
Je ne suis pas adepte des graphiques qui cassent la baraque, qui en jettent ...
Je n’ai pas la rage à décrocher la floche : les podiums olympiques, c’est pas mon truc.
Je reste à l’écart des modes idiotes qui nous prennent pour des cons.
J’ai le cheveu rare, je ne mets pas mon budget en péril avec du cosmétique.
Je ne veux pas transformer mon éphémère safari terrestre en chasse aux trésors
(brols en tous genres, la plupart du temps complètement inutiles).
Ce qui me fait vibrer est ailleurs..

Oui, d’accord, j’ai un GSM en bandoulière, je surfe sur internet, pire je découpe les points de fidélité sur les paquets de chicorée Pacha.
J’aime les défis, le risque, j’aime pas m’ennuyer.

 

Je tente de rester sur la vague.
J’aime séduire sans écraser, je cultive ma méthode, mon imaginaire, mes objectifs dans mes bulles particulières.
Je ne vais pas faire une conférence de presse là-dessus, ni écrire un livre de recettes, c’est ma compote à moi.
Mon sentier, c’est de chercher l’équilibre sur le grand fil au-dessus d’un monde passionnant, décevant et tourmenté.
Je me casse en quatre pour dénicher des espaces où reprendre souffle.
A la recherche de soi, dans des voyages intérieurs.
Affiner sans relâche une complicité de couple avec nos quatre garçons en orbite, c’est déjà tout un programme.

Au boulot, apporter le meilleur de soi-même par fierté personnelle, mais aussi pour mettre sa pierre à la perpétuelle construction du monde.
Glisser entre les lignes un peu de sens et d’éthique n’est pas interdit.
L’important pour moi dans ce domaine, c’est de me regarder dans les yeux et conclure que j’ai tenté le plus juste sur les chemins du bien.
Afin de cueillir dans le regard des autres une lumière qui ne trompe pas.
Je passe aussi une partie de mes loisirs à faire de la résistance à la bêtise, à l’arbitraire, à l’injuste... tout azimut.

 

Tenter de semer une terre promise pour chacun, même si les fruits sont maigres ; ce sont de petits pas dans la bonne direction.

Ma virilité à moi passe par ces chemins.
Même si la pub voudrait bien trafiquer ma libido.
Même si les adeptes du marché me regardent en coin.
Même si les sociologues du marketing ne savent où me loger.
Malgré le contexte et l’âge je reste un indien avec un mal de chien à avaler la soupe du grand capital.

 

Je consulte les étoiles, j’y vois beaucoup trop d’éphémère, de vide, de pleurs...
Beaucoup de détresse, de solitude...

 

Si tous les indiens se donnaient la main, il y aurait peut-être d’autres étoiles...
Mais il faudrait d’abord se botter les fesses de tant de peur, de tant de sur place et de faux semblant.
L’air du temps veut que l’on montre les dents, le monde à besoin de coeur.
En famille, je revendique virilement le droit :
de ne pas figurer au Guiness Book des normes, des records et des standards.
De courir les bois sans chronomètre.
D’aller taquiner le sommet des montagnes et même les nuages si je veux.
De pédaler à perdre le souffle au travers du paysage.
D’aider nos enfants à trouver leur rivière dans la masse globale.
Et mettre dans leur besace pour le voyage un bouquet de sagesse à repiquer.
En couple, je reste en dehors des clichés tout cuit et je mijote sans cesse la tendresse à toutes les sauces.

Michel Piron

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D3 IMAGES DE VIRILITE

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Images de virilité

 

UN HOMME A PHOTOGRAPHIER?

Sylvie Derumier est photographe. Parmi les modèles qu’elle photographie, des hommes. Nous lui avons demandé comment, en tant que photographe, elle se situait face au corps de l’homme et quelle image elle souhaitait en donner.

 

Quand il s’agit d’un homme...
Est-il beau? Est-il viril?
Un homme à photographier, pour moi, c’est aussi une femme.
Un homme se présente, se dévoile, se dénude, se met à nu... corps et âme.
Un homme est là, sous les spots, sous le regard de l’autre, sous mon regard de femme.
Toute idée même de virilité disparaît. Impossible de jouer le jeu. La situation fragilise.

 

Comme dans le langage, on dit "les hommes" et cela contient aussi éventuellement des femmes.
En photo, l’homme c’est aussi la femme.
C’est avant tout un être. C’est un homme, oui, mais avec ce regard-là, c’est aussi une femme et cette hanche pourrait être celle d’une jeune fille et cette rondeur de fesse pourrait être féminine...
C’est comme cela que je le perçois, c’est comme cela que lui veut se montrer.
Parfois je cherche la part de féminin en l’homme. Parfois, j’ajouterai tel ou tel accessoire pour accentuer une idée de virilité.
La photo n’est pas le réel, c’est le fruit de mon regard, de mon imagination, d’un fantasme, le fruit d’une rencontre entre un artiste et un modèle.
La séduction est là, avant la prise de vues. Impossible de photographier s’il n’y a pas un minimum d’attrait, d’intérêt, de plaisir.

 

C’est "quelqu’un" à photographier, c’est une personne, c’est d’abord une rencontre particulière.
Le courant passe ou ne passe pas.
Un échange, une émotion, un plaisir esthétique : le grain de la peau, une rondeur, une brillance, une blancheur... un détail me fait signe, me donne envie de "peindre" en noir et blanc. Ce signal est fonction de mon humeur du jour, de mon histoire, de mes amours, jamais neutre.

 

En photo, c’est avant tout un être mais c’est aussi une chose. Le corps à photographier, nu ou habillé, devient un "objet" à éclairer, à mesurer. Pour lequel je cherche le meilleur cadrage, la meilleure lumière.
Est-il un homme, est-il une femme? C’est l’un et l’autre, c’est ni l’un ni l’autre.

 

Il y a dix ans, j’ai photographié beaucoup d’hommes nus, par plaisir, par désir, par révolte. J’étais en colère contre l’inégalité de traitement de l’image de l’homme et de la femme. L’homme était peu présent et la femme souvent traitée débilement. Et si l’on traitait l’homme comme elle? Et si l’on s’enivrait d’un plaisir d’images d’hommes?

 

Dans le même temps j’étais fâchée contre l’image de femme dans la publicité : objet de consommation, toujours "femme impeccable", toujours contente. J’ai donc eu le souci de travailler, aussi bien avec des hommes que des femmes, mais en quittant la "neutralité" du corps, en y associant l’idée d’émotions voire de souffrance.
Nous sommes tellement conditionnés par de multiples images.
Le corps de l’homme semble toutefois moins sous pression que celui de la femme. C’est toujours encore l’homme dominateur...

Nous voyons du changement dans l’image. Est-ce le reflet d’un changement plus profond?
La virilité n’est pas dans l’image "papier", nous savons combien la photo est menteuse, truquée, manipulée et manipulatrice. La virilité, elle est dans l’être entier, dans l’acceptation de soi, corps et âme, avec ses parts de féminin (tout en sachant que ce qui est féminin/masculin est très variable selon la culture...), dans la confiance en ses capacités, dans le désir d’aller plus loin, plus haut, plus fort, plus avant. Cette virilité-là fait partie d’ailleurs du monde des femmes aujourd’hui.

 

Sylvie Derumier

 

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Des hommes, autrement

DE L’ARCHITECTURE AU PRO-FEMINISME

 

Roland Mayerl est architecte. Aujourd’hui actif dans une association qui s’intéresse aux questions urbaines du point de vue des femmes, il participe au réseau européen des hommes pro-féministes. Il a accepté de nous décrire son itinéraire personnel.

 

De l’architecture communautaire aux relations hommes/femmes

Originaire de Strasbourg, j’ai une formation d’ingénieur architecte, et c’est par ce biais que je me suis intéressé pour la première fois à la question des rapports hommes/femmes. Un professeur suédois m’a fait découvrir l’habitat communautaire dans les pays nordiques. Cette expérience, qui remonte au début du siècle, prévoit des services intégrés, dans le but de libérer les femmes, afin qu’elles puissent être plus actives sur le marché du travail, mais aussi pour que les enfants soient mieux éduqués et qu’ils soient plus aptes à entrer dans la société active.

 

C’est avec ma première épouse, une Finlandaise, architecte elle aussi, que j’ai découvert ces initiatives passionnantes. Certaines dataient du début du siècle, d’autres des années quarante et jusqu’aux années septante, avec certains projets de "micro-démocraties" qui furent récompensés à l’époque. Nous avons rencontré des habitants, des architectes, toute une série de personnes actives à la fois dans la conception et la gestion de ces habitats, et ceci de manière égalitaire entre hommes et femmes. Les services qu’ils géraient en commun étaient assez évolués : restaurant, garderie d’enfants, laverie, petites boutiques, etc.

 

Le dialogue avec ces habitants nous a sensibilisés, en tant qu’architectes, à la problématique homme/femme dans la vie quotidienne : le rapport aux enfants et la répartition des tâches ménagères entre hommes et femmes. Pour nous, ce type d’habitat proposait des solutions tout à fait intéressantes, parce que ces questions étaient discutées, parce qu’il existait un climat qui favorisait ce débat sur l’influence de l’architecture sur le mode de vie. Ces habitants très motivés nous ont sensibilisés à ces questions et cela nous a amenés à considérer les rapports hommes/femmes du point de vue de l’architecture. Nous avons imaginé des projets, même au plan européen : des montagnes de croquis, quelques expositions... mais cela est resté à l’état de théorie.

 

Une épouse venue du Nord

Le deuxième déclic me vint de mon épouse, venue d’un monde nordique nettement en avance sur nous du point de vue de l’égalité des chances entre hommes et femmes. Elle était véritablement scandalisée du statut des femmes en France. Dans les années 65-70, il lui fallait la signature du mari pour pouvoir sortir du territoire français avec son enfant et c’est le nom de l’époux qui devait figurer sur son carnet de chèques. A l’époque, il n’était plus pensable en Finlande qu’une publicité puisse associer le corps d’une femme avec une voiture. Les groupes de pression des femmes étaient tellement forts que c’était tout à fait inimaginable. Alors, quand elle découvrait en France des publicités souvent très sexistes et en tout cas pas valorisantes pour les femmes, elle était choquée, me partageait sa révolte et essayait de sensibiliser notre entourage aux problèmes d’égalité des chances et de sexisme. C’est par sa révolte que j’ai peu à peu appris à discerner les inégalités hommes/femmes. J’ai bénéficié de son regard critique sur le quotidien, la répartition des tâches ménagères, l’éducation des enfants, la gestion de la ville, les services offerts, la publicité, la radio, les services bancaires ou administratifs, etc. Dans tous ces domaines, j’ai d’abord été un peu étonné ou choqué par ses réactions, puis j’ai été amené à réagir, parfois un peu forcé, et je me suis dit progressivement qu’elle avait raison, pensant à mon tour : "Ce n’est pas juste!". Evidemment, puisque je pensais que ce n’était pas juste, je suis devenu solidaire, j’ai découvert toute une littérature sur la question. J’ai rencontré des femmes motivées, engagées, sensibles à cette problématique et j’ai été pris dans l’engrenage, dans un processus de déconstruction de mes habitudes, qui font que l’on vit souvent de manière un peu aveugle en tant qu’homme. Cette nouvelle manière d’aborder le monde, ce processus de déconstruction me furent très profitables, puisqu’ils m’ont amené à mieux me comprendre moi-même, mais aussi à mieux comprendre l’autre, c’est-à-dire l’autre moitié de soi, les femmes. Mais ce processus est toujours en cours. En tant qu’homme, on est tellement imprégné par cette culture masculine, soumis à cette pression de signes et d’images masculines qu’il est très difficile d’en sortir.

 

La dimension du genre

Autre étape dans mon cheminement. J’ai divorcé en 84, et ce moment difficile de rupture a eu certaines conséquences positives. Je me suis ouvert à d’autres horizons. J’ai voyagé aux Etats-Unis et au Canada, où j’ai découvert des mouvements d’hommes et de femmes, en particulier dans le milieu universitaire, qui prenaient en compte cette dimension du genre. Et ce domaine était non seulement exploité dans les recherches universitaires, mais aussi mis en oeuvre par certaines administrations, par certaines villes pour essayer d’améliorer le cadre de vie de tous. Ainsi Montréal, en 1984, avait déjà un département "Femmes et ville". C’est là que j’ai rencontré des femmes remarquables, qui m’ont expliqué comment on mettait en place une analyse de la ville du point de vue du genre. Et cette découverte m’a amené à essayer de promouvoir ces idées en France et en Europe. J’en ai parlé à beaucoup de féministes et j’ai eu l’occasion de faire des recherches sur le mode de prise de décisions des femmes et des hommes en matière d’architecture urbaine. Ce fut le démarrage plus scientifique de ma démarche.

 

Ne pas être le seul homme...

Très minoritaire en tant qu’homme dans toutes ces organisations de femmes, je me suis dit que ce n’était pas possible d’être le seul homme. Peu à peu j’ai donc essayé de trouver d’autres hommes un peu au diapason, et en tout cas sur le même chemin de la compréhension de soi-même et des autres. Récemment, j’ai pu obtenir des subsides qui ont permis de travailler de façon plus systématique sur le sujet et aussi de prendre contact avec des associations d’hommes de par le monde, qui se posent le même genre de questions. On s’est alors demandé comment on allait se nommer, se situer par rapport aux autres hommes, par rapport aux femmes. Aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zelande, où ces groupes d’hommes existent depuis les années septante, ils ont pris de nom de "pro-féministes".

 

Pro-féministes, c’est-à-dire qui reprennent à leur compte les approches féministes, tout en n’étant pas féministes puisque ce sont des hommes, mais qui ont en tout cas une volonté de profiter des démarches ou des processus de déconstruction qui ont été développée par les féministes pour essayer de travailler eux-mêmes sur les questions de violence à l’égard des femmes, des enfants, sur le sexisme, la masculinité, etc.

 

Tous les groupes d’hommes ne se disent pas pro-féministes. Il y a des mouvements de pères qui, eux, sont parfois plutôt anti-féministes. Les pro-féministes sont pour un dialogue entre les hommes et les femmes, pour une volonté d’égalité des chances entre les hommes et les femmes, au point de vue du travail, de la répartition des tâches, ils sont contre la violence domestique, contre le sexisme, la publicité sexiste, contre la prostitution marchande, contre la violence à l’égard des enfants, en quelque sorte pour une culture de la paix, pour un mieux-être des hommes et aussi des femmes.

 

Ce processus passe par deux aspects. Essayer d’abord de comprendre ce qu’est le féminisme, être au courant de la littérature, des recherches, des approches faites par les différentes tendances féministes. Essayer du même coup de comprendre ce qu’est la masculinité, mais dans le sens large du terme : comment apprendre à parler de soi et à sortir du silence, comprendre ce qu’est un couple, ce qu’est le rapport aux enfants, le rapport au travail, du point de vue de l’homme.

Ce sont des questions multiples et les réponses ne sont pas faciles. On s’engage plutôt dans un processus, dans une volonté de débuter une démarche intérieure en vue d’un mieux-être entre les êtres humains.

 

Qu’est-ce que la virilité?

Parmi ces questions, celle de la virilité, de l’identité masculine. Homme, on est homme! Les femmes sont les femmes! Et je ne sais pas si l’on perd véritablement sa virilité. Il y a une différence et il ne s’agit pas de la gommer. Il s’agit plutôt d’être vigilant et d’essayer de découvrir les excès qui font mal. L’homme a le droit d’assumer sa virilité et s’il rencontre des partenaires qui se satisfont d’une virilité traditionnelle, tant mieux pour lui.

 

Ce qui peut être dangereux, ce sont les images véhiculées par les médias, par les contes de fées ou les livres d’école, parce qu’ils engendrent des rapports de force préjudiciables à l’égalité des chances. On trouve encore très souvent des publicités scandaleuses, qui utilisent des images stéréotypées de la virilité et de la féminité pour faire acheter. Si vous interrogez des jeunes de 15 ou 20 ans, ils disent souvent que, pour eux, il n’y a pas de problèmes, qu’ils se sentent tout à fait égaux entre garçons et filles. Ils ne se rendent pas toujours compte que les rapports de force ou la prédominance masculine se construisent peu à peu, de façon souterraine, dans les milieux de travail, à la lecture des journaux, etc. Il faut prendre conscience des rapports de force qu’une certaine idée de la virilité peut engendrer et y rendre ses enfants attentifs. Et nous essayons aussi de multiplier les interventions des réseaux d’hommes pour les dénoncer, main dans la main avec les féministes elles-mêmes.

 

Cette prise ce conscience permet de prendre du recul, de mieux comprendre ses réactions et peut-être de les dompter pour se forger peu à peu un nouveau personnage. Un personnage plus entier, plus correct, plus vrai, animé de la volonté de mieux vivre avec l’autre. Ce n’est pas facile. Il s’agit d’un travail sur soi, éventuellement avec d’autres hommes. Pour ma part, je n’ai malheureusement rencontré que très peu d’hommes avec qui je pouvais discuter de ces questions. Ces sujets restent tabous, ils embêtent les hommes, qui ne savent pas comment les aborder. Ils craignent toujours de perdre leur virilité. Perdre quelque chose : voilà l’angoisse des hommes, une angoisse orchestrée par les médias, et même la campagne orchestrée autour du Viagra va dans ce sens. Essayons plutôt d’avoir une virilité constructive, acceptable ou acceptée par les partenaires. Le tout est de savoir où est la frontière.

 

Une nouvelle image de la virilité

A titre individuel, étant sensibilisé à ces questions, mes comportements changent peut-être. J’essaie d’être plus à l’écoute des femmes, moins autoritaire dans l’affirmation, par exemple par le ton de la voix et la manière de me comporter. Beaucoup d’hommes d’action adoptent encore une attitude très autoritaire, qui bloque en fait toute communication. Intervenant dans beaucoup de mouvements féministes, c’est un comportement que je ne peux pas me permettre. Je suis donc en apprentissage permanent. Non pas pour me mettre en retrait, mais pour être à l’écoute, pour être capable de dialoguer sur ces questions. Cela change l’image de l’homme qui a toujours raison, que l’on rencontre encore malheureusement beaucoup, même chez les jeunes.

 

Pour ma part, dans ma vie professionnelle, je pense que je réfléchis aujourd’hui différemment aux priorités que je me donne. Au début, ma priorité allait à mon travail. Aujourd’hui, elle va parfois à mes enfants ou à d’autres choses. Dans les relations avec mes enfants, j’espère aussi être plus à l’écoute, je passe plus de temps avec eux. Je donne aujourd’hui d’autres priorités dans l’usage de mon temps.

 

Si je devais définir positivement ma vision de la virilité aujourd’hui, je ferais allusion à la culture de la paix, de la paix intérieure. Parce que la virilité ou la masculinité à outrance, qui figure encore dans l’image des guerriers, amène souvent à des heurts ou à des frustrations. Elle rend solitaire ou elle amène à se rapprocher d’autres hommes "virils", mais dans une fausse communauté, très superficielle. Mettre un bémol à sa virilité, à sa masculinité apprise à travers les années, permet de s’intéresser à soi-même, de comprendre l’autre et ouvre à la découverte du monde.

 

Des pressions extérieures

Mais cette nouvelle manière d’être un homme n’est pas toujours bien accueillie. Les pressions extérieures sont multiples. Par exemple, le fait que je passe plus de temps à la maison et que je m’occupe beaucoup des enfants interpelle les gens. D’un côté, ils trouvent cela sympathique, mais ils ne peuvent pas s’empêcher de faire certains jeux de mots ou allusions, du genre : "Toi, tu ne travailles pas...". Je me retrouve en fait dans la situation de ma mère, qui s’occupait des tâches ménagères et des enfants, avec un statut pas très valorisant. Et quand j’ajoute que mon travail professionnel est de m’occuper d’une association pro-féministe, vraiment, cela ne fait pas très sérieux. Pourtant, au niveau international, je suis souvent en contact avec des départements qui traitent de problèmes de genre, de masculinité, très organisés et très influents et qui interviennent de façon de plus en plus importante dans les budgets d’aménagement de villes, par exemple. A ce niveau, de plus en plus d’hommes sont partie prenante et l’on ne rencontre plus ces sous-entendus.

Je fais fi de ces pressions, mais beaucoup d’hommes les subissent et elles freinent le changement de mentalité. D’autant qu’elles viennent parfois des femmes elles-mêmes, qui ne sont pas toutes féministes.

Roland Mayerl

 

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Des hommes, autrement

UN RESEAU EUROPEEN D’HOMMES PROFEMINISTES 

www.europrofem.org 

 

La première fois que l’on entend le terme "proféministe", cela étonne. Cela ne fait pas encore partie de notre vocabulaire. Pourtant, ces hommes existent et se sont même dotés d’un réseau au niveau européen. En voici une présentation succincte.

Contre la domination masculine

Depuis plusieurs décennies, la domination masculine et le patriarcat ont été mis en cause par les femmes et le mouvement féministe. A travers des groupes militants, des études universitaires, des réseaux de solidarité, des actions positives, des femmes féministes ont dénoncé l’inégalité économique, sociale et politique qui leur est faite en Europe et ailleurs, les violences qu’elles subissent et la réclusion dans la sphère domestique.

 

Ce mouvement a ébranlé bien des hommes. Certains ont résisté à la perte de leur privilèges, d’autres s’y sont résignés. D’autres enfin, minoritaires mais de plus en plus nombreux, se sont joints depuis une vingtaine d’années à la lutte pour l’égalité entre femmes et hommes. Ils ont créé des groupes d’hommes, des centres pour hommes violents, des revues, des réseaux, des actions contre la guerre et la "virilisation obligatoire" des esprits, ils ont affirmé leur volonté de parvenir, en soutien et à leurs côtés, à une société non-sexiste.

 

Qu’est-ce que le proféminisme?

Ce terme est assez nouveau pour les francophones. Il a été adopté lors d’un colloque féministe à Québec en 1996. Auparavant, les groupes et intellectuels qui intègrent aujourd’hui le proféminisme se définissaient de manière variable : certains parlaient d’anti-sexisme, d’autres de masculinisme, de luttes anti-patriarcales. Le terme "proféministe" marque plus clairement le soutien aux luttes et à la réflexion féministes faites par les femmes des mouvements ou des universités, et le positionnement en tant qu’hommes conscients de la domination masculine et de la nécessité de la comprendre pour la faire régresser. Les proféministes veulent arriver à vivre des relations où le "genre" (le sexe social, le fait d’être éduqué comme homme ou comme femme) ne soit plus une variable hiérarchique et discriminante.

 

La mise en réseau

Les hommes proféministes sont encore isolés les uns des autres dans de nombreux pays d’Europe, parcellisés dans des groupes multiples sans lien entre eux. Cette situation empêche débats et échanges et luttes communes entre hommes et avec les femmes. C’est pourquoi le Réseau européen des hommes proféministes se propose de créer des liens entre tous les hommes qui soutiennent sous une forme ou une autre la lutte contre le patriarcat et la domination masculine.

 

Dans un premier temps, le Réseau a créé une banque de ressources sur Internet pour visibiliser les groupes existants, les revues, les études sur les hommes et le masculin, les réseaux et les hommes déjà engagés dans des réflexions et actions antisexistes.

 

Ce site Internet souhaite promouvoir l’échange de réflexions et la circulation transversale des informations et des contacts qui aident concrètement la transformation des rapports sociaux de sexe, notamment sur les thèmes suivants : violences sur les femmes, les enfants, les hommes, sexualités, santé physique et mentale des hommes, travail, nouvelles valeurs des masculinités, prévention du sida, paternité, contraceptions masculines, etc.

 

Grâce à ce site, le Réseau voudrait aussi favoriser l’éclosion au niveau européen d’un débat entre hommes ainsi qu’entre femmes et hommes progressistes. Ce débat doit accompagner l’émergence d’une nouvelle manière de vivre les rapports hommes/femmes en suscitant l’émergence d’initiatives.

Le réseau s’est également doté d’un bulletin bilingue (français et anglais) pour promouvoir ses objectifs.

 

L’adresse Internet du Réseau : http://www.europrofem.org

 

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A TRAVERS LA CULTURE

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A travers la culture

SUR LES ECRANS

 

Trois films récents, trois visages différents de l’homme aujourd’hui.

 

Dieu seul me voit
de Bruno Podalydes, France, 1988.

Suite de petits bouts de vie du personnage principal, il s’agit d’une histoire difficile à raconter, où presque rien d’important ne se passe.

 

Albert Jeanjean est tout l’opposé du battant qui sait ce qu’il veut. Au contraire, il est particulièrement indécis. On le voit en rue, en assesseur au bureau de vote, en donneur de sang, chez des copains, chez lui ou au resto. Partout il hésite sur ce qu’il doit faire. Il est un Monsieur tout-le-monde, mâtiné de Woody Allen et de Mr Bean, version soft. Une particularité : lorsqu’il s’émeut... il vomit! En outre, il séduit les filles presque malgré lui. D’où la meilleure manière pour lui de savoir de quelle fille il est vraiment amoureux, c’est de penser à celle qui le ferait vomir ou non.

 

On aura compris qu’il s’agit d’une comédie, souvent irrésistible, parfois carrément loufoque, sans l’air d’y toucher. Mais l’image qui demeure après le film est celle du portrait au quotidien d’un représentant type de la nouvelle espèce d’hommes fragiles et attachants, face à des femmes qui, elles, sont de plus en plus décidées.

 

Bref, un film qui, sans être clinquant ou racoleur, est tout à fait dans l’air du temps, fait de repères flous et de choix difficiles.

William Lay

 

My name is Joe
de Len Loach, Angleterre, 1998.

 

Avec Peter Mullan, qui obtient à Cannes le prix d’interprétation.

Nous voilà immergés dans la crise économique et sociale. Glasgow, ville industrielle d’Ecosse où la proportion de chômeurs est particulièrement élevée. Le chômage conduit à tout, du meilleur au pire. Ici, nous voyons vite un groupe d’hommes jeunes, pleins de vie et de dynamisme. Seule une équipe de foot leur permet de retrouver leurs marques, de se construire des repères, de croire que la vie est possible.

 

Joe, 35 ans, ancien taulard, ancien alcoolique, prend à coeur son rôle de leader, d’animateur bénévole et marginal. Cela pourrait tourner à l’étalage de bonnes intentions, c’est un peu comme cela que cela démarre. Très vite, cependant, l’étoffe exceptionnelle du caractère de Joe se révèle, il a de l’imagination, s’amuse en faisant jouer les autres et réussit à tomber amoureux. Sa vulnérabilité à l’amour se dévoile peu à peu dans une relation banale d’entraide, il va retapisser le living de l’assistante sociale du coin. Pas si banale en fait, tous deux ont choisi un chemin de solidarité, leur méfiance amusée et réciproque l’un vis-à-vis de l’autre se teinte d’un sentiment d’intérêt grandissant. Peu à peu se nouent des liens profonds que les épreuves partagées risquent de faire basculer dans le rejet, l’issue de cette relation reste incertaine.

 

Joe, vulnérable, encore convalescent de son assuétude à l’alcool fait une rechute. Sous ses yeux, acculé par ses créanciers, celui qu’il voulait sauver se tue.

 

Nous sommes loin du macho pur et dur, Joe est un faible qui cache une force et une détermination à sortir du marasme les hommes de son équipe. Sa vulnérabilité, sa perméabilité à l’assistante sociale, à ses compagnons sont sa force et créent son avenir au delà des rechutes et des vicissitudes.

Monique Laurent*R

 

La vie est belle
de Roberto Benigni, Italie, 1998.

 

Guido est serveur au Grand Hôtel, mais rêve d’ouvrir une librairie. Mais en 1938, l’administration de l’Italie fasciste ne facilite pas le moins du monde les citoyens juifs.

Malgré les réticences de sa famille, une maîtresse d’école, pourtant fiancée à un disciple de Mussolini, se laisse séduire par l’anticonformisme et la fantaisie gaffeuse de Guido.

 

Cinq années passent, et les voilà qui ont un fils, Giosué. Quand les lois raciales entrent en vigueur, Giosué commence à se poser des questions. Mais son père fait tout pour épargner l’horreur à son enfant. Et ce, même lorsque tous deux sont déportés vers un camp de concentration. Guido redouble d’imagination pour masquer à son enfant l’horreur de leur situation, décrivant leur vie au camp comme un grand jeu dont le vainqueur remportera un char.

 

Au-delà de l’exploit qui consiste à aborder sans fausse note la tragédie des camps de concentration nazis sous la forme de la comédie, Bénigni nous propose aussi dans ce film une image d’homme qui s’éloigne des stéréotypes du guerrier ou du résistant héroïque qui ont généralement cours dans les films qui évoquent la guerre. Guido est un clown, certes, mais il met ses talents au service de son enfant, pour le protéger de l’horrible. Il va pourtant jusqu’au sacrifice de sa vie, avec une dernière pirouette de clown, comme les héros les plus classiques. Un beau film qui nous montre que la force intérieure d’un homme ne doit pas nécessairement se traduire en dureté ou en violence, mais peut se décliner avec persuasion sous le mode de la tendresse et de la douceur.

 

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A travers la culture

QUELQUES LIVRES

 

La littérature récente est abondante sur les questions qui touchent à l’identité masculine. Vous trouverez ci-dessous une sélection d’ouvrage qui proposent des angles d’approche différents.

 

Peut-on être un homme sans faire le mâle?
de John Stoltenberg, éditions de l’Homme, 1995.

 

Le thème principal de ce livre proféministe : la virilité est un mythe, et tout ce que nous connaissons ou reconnaissons comme la "virilité" - l’identité, les comportements réservés au sexe masculin, l’engagement à être "l’homme de la situation" - ne peut coexister avec un moi humain authentique, passionné et intégré.

 

Moi viril et moi humain authentique divisent les hommes de l’intérieur. C’est pourquoi ils agissent souvent comme s’ils étaient divisés en deux - comme le Dr Jekyll et Mr Hyde. C’est pourquoi même des hommes "bons" adoptent parfois des comportements blessants.

Ce livre propose un modèle nouveau et audacieux d’identité personnelle pour tout homme qui veut vraiment actualiser son moi humain et vivre en homme conscient.

 

Ce livre s’articule autour d’une vingtaine de questions auxquelles il tente de fournir des réponses novatrices. En voici quelques-unes :

- Comment puis-je avoir moins peur des autres hommes?
- Comment puis-je améliorer mes relations avec les femmes de ma vie?
- Comment puis-je être quelqu’un si je ne suis pas un vrai homme?
- Comment puis-je améliorer mes rapports avec mes amis de sexe masculin?
- Pourquoi la communication se rompt-elle parfois dans ma vie amoureuse?
- Comment puis-je améliorer mes relations sexuelles?

 

L’aspect systématique et parfois simpliste de cet ouvrage d’origine américaine irritera parfois certains. Néanmoins, la conviction de l’auteur et l’humour qui traverse son livre arrivent à rendre accessible et sympathique l’approche proféministe de la virilité.

 

Il éclairera en tout cas les hommes qui se sentent encombrés des mensonges qui entourent la virilité comme les femmes qui espèrent un changement dans cette direction.

 

L’image de l’homme
L’invention de la virilité moderne
de George L. Mosse, éd. Abbeville, 1997.

 

Force, courage, sang-froid, honneur : les attributs de la virilité, qu’ils soient physiques ou moraux, semblent immuables. Ils forment une image mentale et publique qui imprègne toute la culture occidentale. Mais quand ce stéréotype est-il né? Comment a-t-il évolué? Pourquoi eut-il la vie si dure? Quels objectifs politiques et sociaux a-t-il servis? A-t-il un avenir?

 

C’est un historien, qui enseigne à l’Université de Madison et à celle de Jérusalem, qui étudie ces questions. Il situe l’invention de la virilité moderne au dix-huitième siècle, quand la bourgeoisie adapta l’idéal chevaleresque à son usage. Il analyse les avatars du "vrai homme" : le duelliste, le soldat moderne, le gymnaste, le scout, l’aventurier, le "nouvel homme" fasciste... Mis en avant tour à tour par les conservateurs, par les nationalistes, par les nazis, par les communistes, l’idéal viril s’est renforcé en s’inventant des "contretypes" fantasmatiques : le Juif, l’efféminé, l’hystérique. Mais il fut ébranlé, après la dernière guerre, par les mouvements de libération des femmes et des homosexuels, par les nouveaux idéaux de la jeunesse. Cette "image de l’homme" est-elle en train de vaciller?

 

Un livre qui passionnera ceux qui apprécient une mise en perspective historique, parce qu’il offre en fait une relecture de l’histoire contemporaine sous l’angle de l’idéal masculin proposé dans la société.

 

Etre un homme
Pour une nouvelle identité masculine
de Sam Keen, éd. J’ai Lu, coll. Bie-être 7109, 1995.

 

Un ouvrage intéressant parce qu’il s’interroge sur l’identité de l’homme d’aujourd’hui et qu’il est écrit <<pour des hommes qui ont compris que leur condition échappait aux modèles anciens>> mais qui, même s’il s’appuie sur une enquête, livre surtout les aspirations de l’auteur, sympathiques lorsqu’elles appellent un homme qui ne soit plus guerrier, mais inquiétantes lorsqu’elles le voient se désintéresser de la vie publique. Les quelques extraits de la conclusion de l’ouvrage, que vous trouverez ci-dessous, vous donneront une idée des thèses développées par l’auteur, rédacteur d’une grande révue de vulgarisation psychologique américaine..

 

<<Durant l’époque de la Grèce antique, qui vit naître la démocratie, la notion d’humanité trouvait sa définition dans la participation de l’homme à la vie politique. Au cours de la rédaction de ce témoignage, nous marquâmes de nombreuses pauses pour suivre les événements de la révolution chinoise durant laquelle des milliers de jeunes gens affrontèrent, les mains nues, les chars et les soldats. Leur exemple nous incita à nous demander ce qu’il peut advenir d’une nation dont les "hommes idéaux" sont contraints de rester dans l’ombre. Une éthique de l’épanouissement de l’individu peut-elle suffire à créer un sens assez puissant de la communauté pour permettre de préserver les libertés? Nous en doutons. Nous avons relevé qu’un nombre insignifiant (0,02%) des individus considère que l’homme idéal trouve son sens initial dans la politique et seulement 6,8% dans la religion, alors que Jésus et Gandhi se situent au faîte de la liste des hommes admirables. En outre, les neuf premières places sont occupées par des figures politiques chez les hommes et les six premières chez les femmes. De toute évidence, nous admirons complaisamment les visionnaires et les révolutionnaires mais nous ne manifestons guère l’envie de devenir leurs émules. Plus prosaïquement, nous préférons les hommes aux préoccupations plus terre à terre et d’un abord plus facile.

 

Chaque fois que des idéaux, des paradigmes ou des points de vue changent et que les rôles génériques permutent entre eux, nous devons nous attendre à des gains mais aussi à des pertes. A la longue, l’homme idéal a fini par échapper à l’extraversion compulsive qui modelait l’esprit de l’homme depuis l’invention de la compétition et du chronographe. Il a perdu quelques-uns de ses engagements dans le monde public, comme sa recherche frénétique du succès et son obsession du pouvoir tout en gagnant son droit d’accès au monde intérieur des sensations, de la réceptivité et de la spiritualité. Délaissant sa tour d’ivoire d’où culminaient sa force, son inflexibilité et son assurance, il est à présent pétri de sensibilité et tenaillé par le doute. Comme le suggère Steve, de Pennsylvanie : "L"homme idéal n’a rien du bloc de granit. Il est plutôt fluide comme l’élément aquatique, apte à changer de forme, prêt à bouillir ou à geler tout en restant lui-même. Il peut se plier aux exigences d’une situation en prenant tour à tour le rôle de dirigeant autoritaire et de diplomate chevronné. Sa faculté à percevoir les besoins du moment est un trait de caractère essentiel et inhérent à sa personne."

 

Bien que nous n’ayons pas encore trouvé le point de contact entre nos aimables vertus et nos qualités passionnelles et sauvages, il semblerait que nous souhaitions cesser d’associer la masculinité à la violence.(...)

 

Nous pensons que la vision de l’homme idéal présentée ici -- plus aimable, plus réceptif et apolitique -- est largement répandue dans la culture nord-américaine. Karen L., par exemple, qui écrit des romans d’amour, nous explique que l’image du héros grand, ténébreux, énigmatique, puissant et lunatique a évolué vers celle de l’homme prospère -- mais pas nécessairement riche –, amical, compréhensif et plein d’humour. Le macho type John Wayne semble être en perte de vitesse et son opposé Alan Alda ne fait pas davantage le bonheur des éditeurs. Mais il est tout aussi possible que nos découvertes sur l’homme idéal nous en apprennent plus sur les idéaux des hommes et des femmes qui éprouvent un intérêt marqué pour les sentiments et la vie intérieure (et qui par conséquent lisent Psychology Today) que sur la grande masse de la population.

 

Le sexe des émotions

de Alain Braconnier, éd. Odile Jacob,1998

 

Le livre d’un psychiatre, professeur à l’Université de Paris V, qui s’interroge sur le caractère sexué du langage émotionnel, dont les différences apparaissent dès les premiers mois de la vie.

 

Selon le livre, s’il existe de nombreux sentiments communs aux deux sexes, la science et l’expérience montrent que, dans leur vie affective, hommes et femmes diffèrent parfois considérablement. Les émotions féminines et les émotions masculines peuvent s’opposer. Ignorer ces différences est souvent plus dangereux que de les reconnaître.

 

L’auteur dit ainsi : "Je ne peux pas dire avec certitude ce qui est à l’origine de mon intérêt pour la psychologie humaine. Mais je sais que les conceptions traditionnelles sur la trop grande émotivité féminine et le nécessaire contrôle des émotions masculines sont erronées. J’ai compris que la plus grande liberté qu’il restait à conquérir n’était pas la liberté sexuelle mais celle de pouvoir exprimer ses émotions, toutes ses émotions, dès la plus tendre enfance. Mon expérience professionnelle m’a d’ailleurs rapidement conduit à vérifier les méfaits psychiques et physiques que les préjugés communément admis pouvaient entraîner."

 

Rendant compte d’études approfondies menées sur les émotions féminines et masculine, cet ouvrage bouscule quelques idées reçues. Gardons-nous pourtant des conclusions hâtives, catégoriques et dogmatiques. La vie affective est une mosaïque. Elle n’est ni entièrement féminine ni entièrement masculine. On ne peut réduire la nature humaine à des chromosomes distincts ou à des attributs sexuels. L’éducation, l’expérience mais aussi la sensibilité propre à chacun rendent les hommes et les femmes aussi riches que complexes. Nos émotions nous différencient autant qu’elles nous unissent. Sans elles que deviendrait alors le mystère si troublant de la rencontre?

 

L’inutile Adam
de Eric Vilain, éd. Médialogue, 1996

 

Ecrit par un jeune pédiatre généticien, ce livre s’interroge sur le phénomène biologique du sexe.

 

La constitution biologique de l’homme le rend plus fragile que la femme, dont l’espérance de vie est plus grande. Dans la majorité des espèces animales, la plupart des fonctions reproductrices sont assumées par les femelles et le coût biologique de la production des mâles est très élevé... mais, pour de mystérieuses raisons, la nature a privilégié un système engendrant autant de mâles que de femelles.

 

Cependant les fondements d’une masculinité dominante et la structure dualiste homme-femme s’effritent lentement dans les sociétés modernes. L’éternel combat des hommes pour assurer leur domination dans la société et la famille semble chaque jour un peu plus voué à l’échec.

 

Peut-être l’homme n’est-il plus qu’un objet de luxe en quête de plaisirs futiles. Et la femme observe, attentive, cet être fragile à la fois attendrissant et inutile.

 

La peur de l’autre en soi
Du sexisme à l’homophobie.

Sous la direction de Daniel Welzer-Lang, Pierre Dutey et Michel Dorais, VLD éditeur, 1994.

 

Quelle est cette peur de l’autre en soi? Qu’est-ce que l’homophobie? C’est l’appréhension de cette femme qui sommeille en chaque homme, de cet homme qui dort en chaque femme, de cet homosexuel ou cette homosexuelle qui, sait-on jamais, n’attend peut-être qu’à s’éveiller en nous. En ces temps où l’égalité dans les rapports entre hommes et femmes n’est pas encore acquise, où le besoin de droits égaux pour les personnes d’orientation homosexuelle se fait de plus en plus pressant, où les préjugés alimentés par la peur du sida banalisent discrimination, où la montée de l’extrême droite donne cours à une intolérance renouvelée face aux différences, comprendre cette peur de l’autre est une nécessité pour qui veut combattre sexisme et homophobie. Cette part de mystère, donc de menace, que recèle l’autre dans sa différence, ne l’avons-nous pas tous redoutée en notre for intérieur?

 

Dans cet ouvrage, des chercheurs, chercheuses et intervenants de France, du Québec et d’Allemagne joignent leurs réflexions. Dans une première partie, Daniel Welzer-Lang décrit comment la construction même du masculin structure l’homophobie, Michel Dorais critique la recherche scientifique sur les causes de l’homosexualité et Pierre Dutey interroge le sens des mots utilisés pour désigner l’homosexualité et sa phobie. Dans une seconde partie, d’autres chercheurs explorent les traces individuelles, sociales et politiques de l’homophobie, notamment lorsque cette dernière s’appuie sur le sexisme. A partir de cas concrets issus de leurs enquêtes ou de leur pratique, ils montrent les conséquences de l’homophobie sur la condition des hommes, des femmes et des jeunes.

 

Identification et identités dans les familles
Individu? Personne? Sujet?

Sous la direction de Robert Steichen et Paul Servais, éd. Académia Bruylant, 1998.

 

Les familles dans lesquelles naissent et grandissent les humains ont comme tâche d’en faire des adultes. Elles sont les contextes spécifiques où se reproduisent les organismes, se constituent les individus, se développent les personnes et se structurent les sujets et où ces éléments s’agencent en une identité singulière.

 

Les familles sont supposées procurer à cet effet les objets des besoins, les modèles d’identification, les valeurs, idéaux et surtout le langage porteur d’un désir autonome. Ces tâches sont de plus en plus relayées par les substituts institutionnels mais les familles restent sans doute les synthétiseurs les plus efficaces de ces fonctions.

Cet ouvrage propose une réflexion pluridisciplinaire sur les définitions et les concepts, la transmission, l’histoire et les destins, l’identification aux modèles et les fonctions parentales. 

Il se divise en autre partie :

 

- Des propositions de définitions de l’identité et de l’identification, qui se réfèrent aux concepts de la sociologie, de l’anthropologie et de la psychanalyse.
- Les dynamiques qui mettent l’identité à l’épreuve de la transmission des destins familiaux, des mouvements de l’histoire, de leur inscription dans les mémoires et du face-à-face avec la mort.
- Les facteurs déterminants de la construction de l’identité, tels que les réseaux de sentiments, la coexistence des langues et les particularités de la relations maître-élève
- Mes fonctions parentales en tant que productrices d’identité.

 

La guerre des sexes : un avenir?
de Patrick Traube, éd. C.D.R.S., 1990

 

A l’instar de la plupart des collectivités humaines, nous vivons, de toute évidence, dans une société patriarcale dont l’organisation est fondée sur la préséance et la dominance du mâle. Ce constat un fois posé, restent les nombreuses questions qu’il soulève : la domination de la femme est-elle une constante universelle des rapports entre les sexes? Dans l’affirmative, est-ce à dire que la domination d’un sexe par l’autre relève d’une Nature Humaine immuable et permanente? Naît-on homme ou femme... ou le devient-on? Comment d’édifier l’identité sexuée de l’individu? Peut-on imaginer une éducation qui serait non-sexiste?

 

Le mouvement féminin apporte réponses à ces questions. Mais que recouvre exactement le terme "féminisme"? Comment définir les différents féminismes? Féminismes et masculinismes sont-ils porteurs d’une promesse de Nouvelle Alliance entre les sexes? C’est de toutes ces questions que ce petit ouvrage entend débattre, en évitant, autant que faire se peut, les écueils de l’idéologie et les séductions du prophétisme.

 

(Cet ouvrage peut être obtenu au CCV2, 067/22.05.67)

Violences. Une stratégie patriarcale
Chronique féministe n? 62, mai/juin 1997

 

A l’origine de ce dossier, l’équipe de l’Université des Femmes pensait réfléchir à la question de l’éthique sexuelle, aborder la sexualité de manière positive, dire ce que les femmes voulaient plutôt que ce qu’elles ne voulaient pas. Il est vite apparu qu’une éthique féministe de la sexualité ne pouvait se concevoir actuellement que dans la lutte contre ce qui empêche les femmes de disposer de leur corps et de dire leur sexualité. C’est pourquoi les violences sexuelles constituent le thème majeur de ce dossier. Parce que les féministes n’ont pas fini de tenter de faire admettre que la sexualité patriarcale est violence. Que cette sexualité-là n’est pas inscrite dans la nature des hommes, mais construite socialement. Quelle continue de torturer dans l’inceste, le viol, les abus sexuels, la prostitution, la pornographie. Qu’elle est renforcée par l’exploitation capitaliste

 

La virilité en Islam
sous la direction de F. Benslama et N. Tazi, éd. de l’Aube, 1998.

 

On analyse et on conteste de plus en plus la position de la femme dans le monde musulman. Mais au fond, pourquoi ne pas se pencher sur la source du problème, la virilité? Cet ouvrage propose une réflexion qui a pour but de permettre de faire évoluer cet état des choses.

 

Ces petites et grandes choses qui font une vie
de Jean de Bay, Bernard Gilson éditeur, 1998

 

Un recueil qui rassemble une trentaine de courts récits autobiographiques, qui nous plongent au coeur de la vie d’un homme. Tantôt graves, tantôt amusants voire cocasses, ces récits sont toujours riches de sens. Narrant les mille et une facettes de nos existences, ils sont comme une "sorte de terreau, source inépuisable de leçons en tous genres" ; plus profondément, ils nous interpellent "parce qu’il n’est d’éthique, voire d’anthropologie crédible, pertinente, qu’élaborée à partir de ce réel continu que sont nos vies, tout simplement".

 

Parce que ces récits parlent beaucoup de la soif de rencontre, et en particulier de la soif de rencontre de l’autre sexe, ils disent le chemin d’une personne particulière à la recherche de la manière la plus juste et la plus heureuse possible d’être un homme au travers des aléas de l’existence. C’est en ce sens que ces récits sont souvent attachants.

 

Quand l’exclu devient l’élu
Vie partagée avec les sans-abris
de Michel Collard et Colette Gambiez, éd. Fayard, 1998

 

Le sujet de ce livre pourra sembler un peu périphérique par rapport au thème de ce dossier. Pourtant, en croisant des sans abris dans les rues de nos villes, je me demande souvent comment ils arrivent à garder une fierté et une identité d’hommes et de femmes dans un tel dénuement. Sans doute parce que d’autres, comme les auteurs de ce livre, ont choisi de devenir eux-mêmes en les rejoignant. Au-delà des séparations entre les sexes, ils nous proposent de nous mettre dans les pas de Jésus, lui pour qui la figure centrale de l’humanité est l’homme écrasé et rejeté, le faible et l’abandonné.

 

Depuis 15 ans, Michel Collard et Colette Gambiez, en réponse à un appel aux consonances évangéliques et franciscaines, partagent jour et nuit et de ville en ville la vie des sans-logis. Les mains nues, ils se laissent tout simplement rencontrer et recevoir par eux dans une présence étonnamment amicale et fraternelle. Ils sont les hôtes des sans-toit. Le monde à l’envers!

 

C’est à la lumière de ce vécu au quotidien que les auteurs nous livrent de l’intérieur l’existence dramatique de leurs compagnons et qu’ils nous révèlent aussi leurs aspirations les plus profondes, répondant ainsi à bien des questions. Un livre témoin, riche en réflexions et analyses, qui s’adresse à tous.

 


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