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Dimension
de genre
15fr_gen.htm
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100 ANNEES DE FEMINISME ET
APRES
5 octobre 2000
Sélection de textes
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Mots clés pour une recherche sur Internet :
féminisme, feminist
genre, gender issues
égalité des chances
mainstreaming
pouvoir
hommes – femmes
homophobie, sexisme, viol, harcèlement sexuel, violence, humiliation …
Sites femmes / women health /
justice / children
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Une première définition
du féminisme
Le féminisme dénonce, met en évidence, une absence de droits, une inégalité
entre hommes et femmes que rien ne peut justifier.
La place des femmes dans la société n'est pas ce qu'elle devrait être. De
plus leur infériorité n'a rien de "naturel ", car c'est
l'organisation sociale qui en est responsable.
Le féminisme analyse le monde à partir du statut des femmes, dénonce les
injustices qu'elles subissent et proposent des solutions pour venir à bout de
ce qu'il considère comme un fléau social, une entrave à l'harmonie.
C'est un mouvement militant pour l'amélioration et l'extension du rôle et des
droits de la femme dans la société.
http://www.ac-grenoble.fr/saulaie/femmes/feminism.htm
Le féminisme
http://gallica.bnf.fr/themes/PolXVIIIIe.htm
Le terme féminisme s'impose à la fin du XIXe
siècle pour signifier l'aspiration collective des femmes à l'égalité entre
les sexes au sein d'une société soumise jusque-là à la prééminence de
l'homme. Dès le XVe
siècle, Christine de Pisan (1365-1431) avait relevé l'importance de l'éducation
des femmes. Mais c'est la Révolution française qui leur permettra d'affirmer
le droit à un statut social et politique équitable dans le cadre de la
nouvelle société en gestation : en 1791, Olympe de Gouges publie la Déclaration
des droits de la femme et de la citoyenne. Toutefois, le code Napoléon
consacre en 1804 l'incapacité juridique de la femme. Il faudra attendre la
Constitution de 1946 pour que l'égalité des sexes soit inscrite dans le droit
français.
Au XIXe siècle, le
mouvement en faveur de l'émancipation des femmes s'est poursuivi de façon
discontinue à la faveur des événements politiques auxquels les femmes ont
participé de façon très active, avec une alternance de temps forts (1830,
1848, 1870) et des périodes de latence voire de recul (au lendemain de la
guerre de 1914).
L'émergence des doctrines utopistes en 1830, saint-simonienne et fouriériste
notamment, fait ressortir le rôle déterminant des femmes dans le progrès
social et donne un nouvel essor au mouvement.
Mais les rapports avec la gauche sont ambigus car on peut noter l'antiféminisme
de Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) et l'hostilité des syndicats au travail féminin.
Aussi, après avoir lié leur sort à la lutte des travailleurs pour une société
socialiste, à la suite de Flora Tristan (1803-1844), les femmes en viennent à
penser, avec l'américaine Margaret Fueller, que leur libération ne pourra
venir que d'elles-mêmes. Le deuxième sexe publié en 1949 par Simone de
Beauvoir répond à cette aspiration. Désormais le combat politique passe par
la dénonciation des éléments culturels sur lesquels est fondée la domination
masculine.
La fin des années 1960 marque un renouveau des mouvements féministes qui
apparaissent dans tous les pays occidentaux. En France, le Mouvement de Libération
des Femmes (MLF) créé en 1970 dénonce l'oppression des femmes et milite en
faveur de la liberté sexuelle et de l'avortement. L'apaisement des années 1980
ne signifie pas la fin des combats, qui se poursuivent afin d'inscrire dans la réalité
sociale, économique et politique (principe de parité) les droits formels
reconnus aux femmes. Le féminisme qui avait d'emblée revêtu d'emblée un
caractère universel comme en témoigne la Conférence de Pékin en 1995. Il
sera relayé par l'Organisation des Nations Unies (ONU) un excellent vecteur
pour la cause des femmes.
Gratien
Du Pont, sieur de Drusac. Controverses des sexes masculin et féminin. Suivi
de: requeste du sexe masculin contre le sexe féminin. - Toulouse, Jacques
Colmiès, 1534.
Gratien
Du Pont, sieur de Drusac. Controverses des sexes masculin et féminin. Suivi
de: requeste du sexe masculin contre le sexe féminin. - s.l., s. n., 1536.
François
Poullain de La Barre. De l'éducation des dames pour la conduite de l'esprit
dans les sciences et dans les moeurs. - Paris, Jean Du Puis, 1674.
François
Poullain de La Barre. De l'égalité des deux sexes . - Paris, Jean Du
Puis 1676.
François
Poullain de La Barre. De l'excellence des hommes contre l'égalité des sexes.
Claire
Démar. Appel d'une femme du peuple, sur l'affranchissement de la femme.
Suivi de : Ma loi d'avenir, par Claire Démar, 1833, ouvrage posthume. -
Paris, Chez l'auteur, 1833.
Jules
Simon. L'Ouvrière. - Paris, Calmann-Lévy, 1861. Julie
Daubié. La Femme pauvre au XIXe siècle. 3 vol. - Paris, Ernest Thorin, 1869-1870.
Léon
Richer. Le Divorce, projet de loi précédé d'un exposé des motifs et suivi
des principaux documents officiels se rattachant à la question avec une
lettre-préface de Louis Blanc. - Paris, Le Chevalier, [1870].
Agénor-Etienne
comte de Gasparin. Les Réclamations des femmes. - Paris, Michel Lévy Frères,
1872.
Léon
Richer. Le Livre des femmes. - Paris, Librairie de la bibliothèque démocratique,
1872.
Léon
Richer. Le Code des femmes. - Paris, E. Dentu, 1883.
Jules
Simon. La femme du vingtième siècle. - Paris, Calmann-Lévy, 1892.
Maria
Deraismes. oeuvres complètes ("Eve dans l'humanité",
"Les droits de l'enfant", etc.). 2 vol. - Paris, Félix Alcan, 1895.
Malwida
Rivalier von Meysenbug. Mémoires d'une idéaliste. 2 vol. -
Paris, Fischbacher, 1900.
Collectif. Cinquante
ans de féminisme (1870-1920). - s.l., 1937.
Voir aussi
Hubertine Auclert
(dir.). La Citoyenne (1881-1891). Cote BnF micr. D-1307.
Jeanne Deroin (dir.). L'Opinion des femmes (1848-1849). Cote BnF Fol-Lc2-1933.
Léon Richer (dir.). Le Droit des femmes
(1869-1891). Cote BnF microfilm m-648.
Léon Abensour. Le Féminisme sous le règne de Louis-Philippe et en 1848. Préface
de M. Jules Bois. - Paris, Plon-Nourrit, 1913. Cote BnF : microf. 8- R-
26327
Léon Abensour. La Femme et le féminisme avant la Révolution. - Paris,
Ernest Leroux, 1923. Voir le document imprimé sous la cote BnF 4-LL1-107.
Léon Abensour. Histoire générale du Féminisme. Des origines à nos jours.
- Paris, Librairie Delagrave, 1931. Voir le document sous la cote BnF 8-R-30390
(microf. M-13993) ou le reprint de 1979 sous la cote 8-Z-49609 (49).
Léon Abensour. Le problème féministe. Un cas d'aspiration collective vers
l'égalité. Un cas d'aspiration collective vers l'égalité. -
Paris, Editions Radot, 1927. Voir la microfiche BnF m. 14830 (1).
Léon Abensour. Les Vaillantes : héroïnes, martyres et remplaçantes.
Avec une préface de Louis Barthou. - Paris, M. Imhaus et R. Chapelot, 1917.
Voir le document sous la cote BnF 8-G-9886.
Jules Bois. La Jeunesse de demain. [Conférence du journal Le Passant
prononcée à Marseille le 2 avril 1891]. - Marseille, impr. J. Evesque et Cie,
1891. Voir le document sous la cote BnF Z-Barrès-16468 ou Rés. P-Z-1982.
Clothilde Dissard. Opinions féministes à propos du congrès féministe.. de 1896.
- Paris, V. Giard et E. Brière, 1896. Voir la microforme M-14306.
Geroges Duby et Michelle Perrot (dir.). Histoire des femmes en Occident.
- Paris, Plon, 1991. Le document se trouve en libre-accès à la BnF, site de
Tolbiac, salle D, cote 030.79 DUBY Conférence mondiale sur les femmes.
Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes : Beijin, 4-15
septembre 1995. - New York, Nations Unies, 1996. IV-239 p. Le document se
trouve en libre-accès à la BnF, site de Tolbiac, salle D - publications
officielles, cote 061.112 SOCI r
FÉMINISME ET WOMEN'S STUDIES
VIEILLES HISTOIRES
http://www.pum.umontreal.ca/revues/surfaces/vol3/bowlby.html
Parler du féminisme
et des women's studies, c'est parler, semble-t-il, de deux êtres, ou de deux entités, qui ont
beaucoup en commun, qui sont liés comme deux soeurs inséparables. Oui, mais...
du moment où on les met ensemble, ils (ou elles) se disputent; c'est le féminisme
qui gagne, tandis que les pauvres women's studies sont reléguées dans
la position conservatrice, symbole de l'assimilation ou de la normalisation d'un
mouvement qui se voulait radical et marginal. Car les women's studies
font partie de l'institution universitaire; le féminisme, en s'identifiant à
elles, rejoint le pouvoir, sinon le patriarcat en personne.
Mais qu'est qu'on fait là-dedans, à l'intérieur de ces nouveaux départements
de women's studies? Là aussi, la critique n'hésite pas. C'est très
simple, dit-on (dit le 'on' qui s'identifie avec un féminisme authentique, non
contaminé): les women's studies, c'est une célébration naïve des
femmes et de leur histoire qui ne remet pas en question le statut de l'objet étudié.
Les femmes ont toujours été exclues de l'histoire 'patriarcale', qui ne
s'intéresse qu'aux hommes et aux faits valorisés par les hommes. Le projet des
'women's studies' serait donc d'offrir les moyens de réparer cet état
de choses. L'addition des women's studies comblerait un manque qu'on
vient de percevoir; elle ne changerait rien à la structure générale des
connaissances.
En tant que discipline académique, les women's studies s'ajoutent sans
difficulté à la liste des matières ou des 'majors' sans rien changer, selon
les critiques, aux pratiques ou aux présupposés des autres disciplines. Elles
s'intègrent à l'institution et aux dispositifs épistémologiques existants.
Ce serait un peu comme si on ajoutait un état supplémentaire à l'union des États-Unis.
Comme dans le cas de Hawaï: ça peut avoir l'air un peu différent, un peu
exotique, même un peu lointain par rapport aux autres disciplines, mais ça
s'intègre tout de même. Les petites frontières des états restent les mêmes
et le grand ensemble imaginaire de l'Amérique se trouve renforcé. Il y a du
nouveau à l'horizon, mais ce nouveau n'est pas menaçant; au contraire, il sert
à faire voir que le grand état est assez fort pour s'imposer comme norme à la
fois politique, juridique, économique, et imaginaire (l'idée de la nation américaine).
Les Women's Studies, bien sûr, se veulent féministes, mais pour leurs
opposants, ou leurs opposantes, ce qu'elles représentent - -- ou ce qu'elles
représentaient au début (j'ai l'impression que cela a changé) --, c'était un
féminisme bien limité, dans tous les sens du terme (enfermé dans son propre
petit département, incapable de se faire vraiment radical). Selon cet autre féminisme
qui, aux États-Unis du moins et parfois en Angleterre, s'est souvent représenté
comme 'français' (il y a là une ironie sur laquelle je reviendrai), le féminisme
cesse d'être féministe du moment où il perd son statut marginal d''outsider'
par rapport à toutes les disciplines, ou par rapport aux institutions. Si le féminisme
fait partie de l'institution, s'il s'incorpore comme une connaissance parmi les
autres, il ne modifie plus rien à l'ensemble; il devient lui-même une
institution et cesse d'être un mouvement -- mouvement politique, mouvement théorique,
mouvement tout court au lieu de fixité.
On se trouve plongé d'emblée dans toutes sortes de difficultés
linguistiques. Les women's studies, ça ne se traduit pas. Qu'est-ce que
ça veut dire, au juste? Qu'on étudie les femmes? Qu'il s'agit des études pour
les femmes? Que c'est ce que les femmes étudient ou devraient étudier?
En anglais, il n'existe pas d'adjectif convenable -- pas d'équivalent, par
exemple, à 'Afro-American Studies' ou à 'lesbian and gay studies'.
'Womanly Studies', ça poserait certains problèmes. On a donc recouru à cette
lourde formulation de 'women's studies', et il paraît que le nom, malgré
ses ambiguïtés grammaticales, n'a fait que renforcer l'idée d'une solidité
immuable, que ce soit du côté de l'objet ou du sujet (étudier les femmes, études
des femmes ou pour les femmes).
…/…
Commençons par les mots (il n'y a que les mots, après tout). Ce qui s'est
appelé féminisme, en France, ne correspond pas à ce qui a été appelé féminisme
français aux États-Unis ou en Angleterre.
Le féminisme appelé féminisme en France représente ce que Julia Kristeva,
dans son essai intitulé 'Le temps des femmes', a appelé une logique de
l'homologation.
Selon cette logique, les femmes auraient demandé accès au droit de
participation à la démocratie. Comme d'autres groupes exclus des démocraties
modernes, selon des critères de propriété, d'âge ou de race, les femmes ont
revendiqué une égalité qui les ferait reconnaître en tant que sujets
politiques, juridiques, ou économiques (le droit au travail aux mêmes termes
et au même salaire que les hommes).
Pour Kristeva, ce féminisme-là n'est pas à rejeter, loin de là, mais
il ne représente qu'une première étape.
La revendication de l'égalité implique à la fois la neutralité de
l'espace, pour lequel on veut gagner l'entrée, et la possibilité de comparer
les femmes aux autres groupes qui pourraient demander ce même accès. Mais pour
Kristeva, cet espace n'est jamais neutre: il est masculin. La différence
sexuelle est très précisément incommensurable avec les autres formes ou catégories
de différenciation.
Elle est fondamentale: première
des différences, à la fois sur le plan du développement individuel et sur le
plan ontologique. Mais ceci n'implique pas qu'on devrait recourir à l'idée
d'une différence sexuelle déjà donnée, que ce soit par la nature ou par la
culture: c'était la deuxième étape. Par l'utilisation d'un modèle
psychanalytique, Kristeva est plutôt amenée à souligner, d'abord, le manque
de correspondance entre les termes de 'femmes' et de 'féminité', ou d''hommes'
et de 'masculinité'; puis, le manque de symétrie entre le féminin et le
masculin, catégories qui ne sont pas nées égales, même si elles pourraient
le devenir.
La troisième étape -- après la revendication de l'égalité, et suite à la
contre-revendication d'une différence nette entre les hommes et les femmes --
renoncerait à la lutte collective au profit des recherches menées au niveau
individuel -- par la voie de la psychanalyse, ou de la maternité, ou des expériences
esthétiques, par exemple -- où chaque femme aurait la possibilité d'explorer
et de développer les déterminations de sa propre subjectivité.
Là, il ne s'agit plus de féminisme, français ou autre, selon les termes de
Kristeva. Il s'agirait, peut-être, d'une sorte de post-féminisme, terme
souvent utilisé en France pendant les années 80. Néanmoins, ce que Kristeva
n'appelle pas le féminisme fait partie de ce qu'on appelle ailleurs le féminisme
français; et ce qu'elle appelle féminisme serait plutôt ce qui est dévalorisé
par les partisanes non-françaises du 'French feminism'
…/….
Je simplifie, mais c'est aussi l'effet rétroactif.
Quand on essaie de reconstruire l'histoire, surtout l'histoire d'une pensée,
on simplifie et les changements ont l'air d'avoir été inévitables: comme si
les enjeux s'étaient présentés sous la même forme à ce moment-là que
maintenant où ils donnent l'impression d'être des questions dépassées ou des
erreurs corrigées.
Ce n'est pas que la question de l'essentialism soit elle-même réglée.
Mais elle ne constitue plus une accusation portée contre des textes réunis
sous l'étiquette de 'French feminism'. On a maintenant tendance à y
voir plus de complexité, voire la complexité même. On distingue désormais
différents écrivains, alors qu'on les assimilait auparavent sous la seule
rubrique du féminisme français. Les différends se sont modifiés. Car autour
du milieu des années 80, une nouvelle opposition s'est développée dans
laquelle 'French feminism' a joué le rôle du provocateur -- le
marginal, le subversif -- au lieu de représenter la stabilité d'une féminité
essentielle, déjà donnée.
Cette opposition nouvelle oppose au féminisme français le féminisme dit
'anglo-américain'. La solidité et la fixité, ici, sont du côté des Anglo-Américaines
(rapport évident avec l'opposition feminism/women's studies):
pauvres lourdes femmes, encombrées qu'elles sont par leur croyance naïve en
l'existence des femmes (pas forcément l'essence des femmes, on va le voir) et
leur croyance bien trop fidèle en l'existence d'un patriarcat dont l'entreprise
consisterait à leur refuser l'accès aux droits et aux libertés dont jouissent
déjà les hommes. Ce qu'on voit maintenant du côté des Françaises, c'est au
contraire une complexité et une sophistication de la pensée qui vise à garder
ouvertes les possibilités d'un changement global dans les façons de faire et
d'être (mais il faut concéder que cette division temporelle n'est qu'une
reconstruction faite après-coup: le rejet, au début, n'était ni général et
ne faisait pas toujours au nom de l'essentialism.).
Ici aussi, on revient à une tradition bien établie où tout ce qui est du côté
anglo-américain est censé être naïf, simple, 'common-sense',
pragmatique; tandis que tout ce qui est du côté français est censément élégant,
original, philosophique au sens propre (c'est-à-dire au sens propre à ceux qui
se servent de ce type d'opposition). Bien sûr, cette opposition est toujours présentée
au bénéfice de ce qui est nommé français (qui a donc gagné d'avance). Mais
ce qu'il faut dire aussi, c'est que selon les présupposés théoriques des adhérentes
du féminisme français, cette forme d'opposition binaire correspond à quelque
chose de bien simple: déjà hiérarchisée, l'opposition n'en est pas une,
parce qu'elle n'utilise les catégories négatives associées à l'anglo-américain
que pour mettre en valeur les termes positifs associés au français. La
bataille a déjà eu lieu, au moment même où elle vient à être désignée.
… / ….
En parlant non seulement de la théorie féministe, mais aussi de la théorie
en général, en particulier de la déconstruction, on fait souvent appel, sans
l'expliciter, à la notion de domestication. On dit d'une nouvelle pensée
qu'elle risque d'être 'domestiquée' si elle est reçue dans le monde académique,
ou encore si elle est diffusée couramment dans cet espace qu'on appelle 'le
monde'.
Les mouvements, dans les deux cas, sont inversés: dans le premier, il s'agit
d'une entrée 'dans' l'institution à partir du dehors; dans le deuxième, d'une
pénétration dans un monde représenté comme un dehors. Mais, dans un autre
sens, cela revient au même: une originalité se perd en s'assimilant à ce dont
on avait commencé par se différencier. Ce qui était, ou aurait pu être,
authentique, sui generis, différent de la norme, est incorporé, assimilé,
et perd tout pouvoir critique, toute différenciation.
La notion de domestication a été souvent utilisée, par exemple, en parlant
du destin d'un féminisme 'en vrac', radical, qui aurait perdu ses capacités de
lutte et de critique à partir du moment où il s'est loué un appartement ou un
département à l'université.
Ou pour parler de la déconstruction: à partir du moment, dit-on, où tous les
départements de littérature comparée, d'anglais, etc., ont chacun leur petit
théoricien, alors la théorie n'est plus qu'une spécialité parmi les autres,
une nouvelle addition -- même pas un supplément, au sens de Derrida -- à la
liste des options à choisir pour le succès professionnel. Ou encore: dès
qu'un certain 'tout le monde', et pas uniquement un petit monde d'experts, a
appris des slogans hors contexte sur la nouvelle théorie, ou dès que cette théorie
est diffusée sous forme de 'introductory books' ou textes de /pp. 16-17/
présentation, on a également affaire à une domestication qui signifie alors
la distorsion et la simplification de quelque chose de complexe.
Il y a deux sortes d'ironies, semble-t-il, dans ces utilisations de l'idée de
domestication. L'une s'applique à la théorie en général, y compris la théorie
féministe qui s'appuie sur la philosophie française. L'autre s'applique plus
particulièrement au féminisme. Envisageons d'abord ce qui concerne les théories
post-structuralistes. Car raconter une histoire où quelque chose -- telle théorie
-- est perçu d'abord comme originel, authentique, puis s'aliène, se perd,
s'assimile, ne serait pas une histoire racontable pour la déconstruction pure
et dure, si elle existe -- (mais on sait, bien sûr, que ni la pureté ni la
dureté ne sont des concepts chers aux déconstructeurs pour qui le pur est
toujours un petit peu impur, et le dur sans doute trop manifestement
phallogocentrique).
Cette histoire d'une domestication de la théorie ne fonctionne pas justement
parce qu'elle présuppose cela même que la déconstruction déconstruit, à
savoir la notion d'une présence originaire et intégrale qui n'aurait qu'après
coup, ou de façon contingente, différée de soi-même. Car la déconstruction,
comme la théorie féministe ou toute autre théorie, est toujours déjà
domestiquée, si par là on entend qu'elle n'est jamais sans rapport avec ce
qu'elle vient penser ou déconstruire. Ce qui n'implique pas qu'on ne peut pas,
ou qu'on ne devrait pas, essayer de marquer des distinctions entre les différentes
conditions ou possibilités de domestication. Au contraire, du moment où on n'a
plus recours à l'idée d'une pureté ou d'une présence originelles comme critères,
il est d'autant plus important de faire de telles distinctions entre les
utilisations -- les destins ou les domestications -- possibles.
Voilà pour l'ironie qui se cache derrière cet usage de la notion de
domestication par rapport à la théorie en général. Quant à la théorie féministe,
l'ironie tient non pas à la structure narrative, mais à la signification du
mot. Car la domestication, pour les femmes, n'est pas un thème quelconque. En
fait, on pourrait dire que presque toute l'histoire de la pensée féministe
occidentale des deux siècles passés est inséparable d'une répudiation de la
domesticité, vue comme symbole ou symptôme privilégiés du refoulement et de
l'oppression des femmes. Le domestique, en tant qu'espaces privé et familial,
représente tout ce à quoi les femmes ont à échapper pour devenir libres et
pour entrer dans la vie et l'espace publics. C'est là une tradition qui remonte
à la fin du dix-huitième siècle -- je pense à Mary Wollstonecraft -- et qui
persiste jusqu'aux grands textes du féminisme de notre siècle. Pensez au
chapitre du Deuxième Sexe sur le mariage. La maison, pour Beauvoir, est
une quasi-prison: là-dedans la femme n'arrive à rien faire, justement parce
qu'elle ne cesse d'y répéter les mêmes tâches domestiques, des tâches sans
fin et sans reste, sans produit qui dure.
…. / ….
.
Rachel Bowlby
Department of English
Sussex University
Les jeunes femmes ont-elles tourné le dos au féminisme?
Extrait de la revue Options, automne 1997, no 16, p. 49 à 59
http://www.ceq.qc.ca/travail/jeunes/femini.htm
par Geneviève Guindon, sociologue diplômée de l'Université de Montréal
et consultante à La coopérative Convergence à Ottawa
À une époque où les féministes militantes, comme le grand public, se
demandent quelle est la place du féminisme aujourd'hui et quel sera son avenir,
il est essentiel d'étudier l'influence que celui-ci exerce auprès des jeunes
femmes. Et ce, encore plus à un moment où un grand nombre d'entre elles
semblent s'en dissocier...
Afin de dessiner un portrait adéquat du féminisme
et de discerner l'orientation qu'il prend, il importe donc de s'arrêter aux
opinions et aux perceptions qu'entretiennent des jeunes femmes à son égard, d'où
le motif de cette recherche. *
Le rapport au féminisme n'est pas le même selon les générations. Celui-ci
est perçu et compris différemment selon l'âge et les expériences de vie des
individus. Comme le souligne la journaliste américaine Paula Kamen, les jeunes
ont leur propre vision du féminisme (1),
en raison du contexte social, économique et politique dans lequel elles ont
grandi et de celui dans lequel elles vivent présentement.
Afin d'amasser l'information nécessaire pour traiter du sujet, j'ai utilisé
deux méthodes différentes et complémentaires. D'abord, j'ai fait une
recension des écrits québécois, canadiens et américains publiés de 1985 à
1995. En deuxième lieu, dans le but de recueillir un matériau d'analyse plus
riche, j'ai choisi de faire des entrevues auprès de petits groupes composés de
deux ou trois participantes. Pour les fins de cette recherche, j'ai défini le
groupe cible comme étant celui des étudiantes universitaires âgées entre 20
à 25 ans. Les entrevues ont été réalisées au printemps 1994 auprès de 14
étudiantes francophones provenant de domaines d'études variés et fréquentant
l'Université de Montréal, l'Université Concordia et l'Université d'Ottawa.
Je tiens à préciser que mon mémoire ne constitue pas un sondage. Il ne prétend
pas établir les opinions et les perceptions que l'ensemble des femmes de moins
de trente ans ont à l'égard du féminisme. La recherche que j'ai effectuée
vise plutôt à explorer et à découvrir différentes dimensions de la
question, à partir d'un petit groupe parmi elles.
L'opposition au féminisme
L'opposition au féminisme est un thème important du discours des jeunes femmes
que j'ai interrogées. J'observe cinq raisons pour lesquelles elles manifestent
leur désaccord:
- la méconnaissance du féminisme;
- pour être féministe, on doit se
sentir lésée;
- le féminisme, c'est pour une
autre génération;
- le féminisme égal radicalisme
et revendications;
- le féminisme est exclusif aux
femmes.
Voyons maintenant en quoi consistent leurs arguments.
La méconnaissance du féminisme
Les jeunes femmes des années 1990 connaissent très peu l'histoire du féminisme.
Près de la moitié des étudiantes qui se sont prêtées aux entrevues en ont
pris connaissance au sein de leur milieu familial. Certaines disent alors ne pas
vouloir se battre pour la reconnaissance de leurs droits, comme elles ont vu
leur mère le faire, et refusent d'être des superfemmes comme ces dernières.
L'autre moitié des jeunes avouent avoir eu peu de contacts avec le féminisme.
L'information qu'elles détiennent provient principalement des médias et, d'après
leurs dires, c'est une image extrémiste et déformée qui est projetée.
Pour être féministe, on doit se sentir lésée
Les étudiantes croient que, pour se dire féministe ou pour souscrire au
mouvement des femmes, on doit avoir vécu une expérience personnelle de
sexisme. Or, leur première réaction, lorsqu'on les interroge sur ce sujet, est
de dire qu'elles n'ont pas subi de contraintes du fait qu'elles sont de sexe féminin.
La pensée féministe dénonce l'oppression individuelle et collective des
femmes. À l'ère de l'individualisme, les jeunes femmes n'adhèrent pas à
cette idée d'expérience commune.
Il est vrai que trente ans de revendications féministes ont transformé les
conditions de vie des Québécoises et des Canadiennes. Certaines formes de
discrimination ont néanmoins subsisté malgré les changements. La différence
avec le sexisme des années 1960, ou de celui qui se manifeste dans d'autres
pays et cultures, est qu'il est plus subtil, plus difficile à percevoir.
Le féminisme, c'est pour une autre génération
Les étudiantes affirment que le féminisme ne reflète pas la réalité des
jeunes femmes des années 90 et que le mouvement ne répond pas à leurs
besoins. Celui-ci est d'ailleurs associé aux femmes de la génération de leur
mère. Les jeunes femmes prétendent qu'elles ont d'autres façons d'interpréter
le monde, selon leurs propres expériences.
Comme l'expriment Tonia, 24 ans:
Je trouve regrettable que les femmes qui ont milité pour la cause féminine
pendant des années nous imposent leur façon de voir le féminisme. Pour nous
autres, il y a des choses qui sont acquises. Oui, il y a encore du travail à
faire... mais ne nous demandez pas d'être comme vous! De revendiquer comme vous
avez revendiqué! On est de différentes générations, avec différentes
mentalités.
et Brigitte, 21 ans:
[...] les personnes qui militent maintenant pour le féminisme sont celles
qui militaient dans les années 1970. Elles peuvent bien dire comment elles étaient
traitées dans les années 1970, mais moi j'étais même pas née!
Féminisme égale radicalisme et revendications
Suite à des entrevues réalisées auprès de jeunes Franco-ontariennes, Colette
Godin conclut: «Toutes s'accordent pour dire que le mot "féministe"
fait peur. Il charrie une image de radicalisme qui fait reculer de nombreuses
jeunes femmes ou qui, du moins, les empêche d'affirmer leurs convictions par
rapport au mouvement des femmes.» (2)
En effet, selon mes propres observations, l'une des raisons principales pour
laquelle les jeunes femmes se dissocient du féminisme s'explique par le fait
que le mouvement est relié au radicalisme. Mais le terme «radical» semble
avoir perdu sa signification originale et théorique. De la transformation du
système à partir de sa base (ou de ses racines), il réfère maintenant à des
caractéristiques péjoratives: exagération et agressivité.
Les étudiantes avancent également que le féminisme entraîne des
revendications. Là-dessus, elles n'ont pas tort: pendant toute son histoire, le
mouvement féministe a exigé de meilleures conditions de vie pour les femmes.
Pour mieux les comprendre, il importe de situer ces revendications dans le
contexte sociohistorique où elles ont été réclamées. À la fin des années
1960 et durant les années 1970, la conjoncture était favorable à l'action
politique et contestataire. Mais, pendant les années 1990, on retrouve peu de
mouvements de mobilisation sociale et politique. Malgré quelques rares activités
mobilisatrices, il n'est pas vraiment de mise au Québec (ou en Ontario) de
poser des actions radicales, de gauche ou progressistes. Le néolibéralisme et
la recrudescence de l'individualisme des années 1980 ont plus ou moins encouragé
la perte de crédibilité des actions collectives.
Toutes
s'accordent pour dire
que le mot «féministe» fait peur
Le féminisme présuppose donc
une action militante. Or, une grande majorité de femmes dans la vingtaine ne
sont pas prêtes à investir leurs énergies dans une action collective et
politique. D'autant plus qu'elles ne veulent pas remettre en question le système
dans lequel elles fonctionnent et qu'elles considèrent leur convenir assez
bien. Elles préfèrent travailler à partir du système social déjà existant.
Si quelques étudiantes ont souligné le bien-fondé des activités radicales
passées, la plupart d'entre elles jugent que le radicalisme et l'action de
revendiquer sont des moyens extrémistes utilisés pendant les années 1970
et qui ne s'adaptent pas à l'époque présente.
Le féminisme est exclusif aux femmes
Un grand nombre de jeunes femmes voient le féminisme comme un mouvement
composé exclusivement de femmes et à cela, elles s'objectent fermement. Elles
insistent sur la participation des hommes au sein du mouvement féministe et sur
l'engagement de ceux-ci pour contrer le sexisme. Comme le dit une étudiante: «[Le
sexisme], c'est un problème de société. Il faudrait que tout le monde puisse
s'impliquer.»
Les femmes de moins de trente ans ont des façons de comprendre les rapports
hommes-femmes qui diffèrent de celles des générations précédentes. Ce qui
s'explique: le tissu social s'est modifié depuis le début du féminisme de la
deuxième vague. Il faut également souligner le fait que la cohorte des 20 à
25 ans n'a pas eu à vivre la colère contre les hommes qu'ont exprimée les féministes
au début du mouvement. Depuis les années 1960, les rôles traditionnels ont été
remis en question, les mentalités se sont (en partie) transformées. Les jeunes
femmes, du moins celles que j'ai interrogées, ont eu comme modèles ou
partenaires des hommes qui étaient en accord avec des valeurs féministes.
L'approbation du féminisme
Les jeunes femmes réprouvent donc des idées et des pratiques qu'elles
associent au féminisme. Mais parallèlement à cela, elles sont en accord avec
certains autres éléments. En effet, pour un grand nombre de jeunes femmes, le
féminisme sous-entend les concepts de droits des femmes, d'égalité, de choix
et d'indépendance. Une réaction tout aussi commune que l'opposition au
radicalisme sera d'associer le féminisme au principe d'égalité entre les
sexes. Lorsqu'on développe la question du féminisme, même les étudiantes qui
ont eu une première réaction négative s'accordent pour dire que «les féministes
veulent l'égalité entre les hommes et les femmes». Pour elles, cela est une
chose tout à fait justifiable, voire désirée. Le commentaire de Lisa, 21 ans,
peut être révélateur des sentiments ambivalents que plusieurs jeunes femmes
entretiennent à l'égard du féminisme:
Je me considère féministe jusqu'à un certain point. Je trouve qu'on
devrait avoir l'égalité, mais on ne devrait pas pousser pour faire des
affaires radicales.
Par ailleurs, toutes les étudiantes interrogées ont soulevé l'importance que
les revendications féministes ont eue pour elles et pour l'ensemble de la société.
Elles n'hésitent pas à souligner la part importante que le mouvement féministe
a jouée dans la mise en vigueur d'améliorations sociales pendant les dernières
décennies.
Au niveau personnel, les étudiantes disent que le féminisme a permis de
surmonter les obstacles, d'acquérir une confiance en elles, d'être respectées
en tant que femmes et de faire reconnaître leurs capacités. Elles acceptent la
pensée féministe qui consiste à rejeter l'infériorisation des femmes, même
si elles ne comprennent pas toujours comment cette infériorisation se
manifeste.
Adopter des valeurs féministes
Plusieurs femmes de moins de trente ans hésitent à se dire féministes mais
adhèrent à certains principes du mouvement. Effectivement, des valeurs prônées
par le féminisme s'imbriquent dans leurs activités quotidiennes. Par exemple,
les étudiantes perçoivent les femmes comme des êtres à part entière, tout
comme elles désirent établir des rapports égalitaires avec les hommes. Même
si elles connaissent peu les éléments du discours de l'idéologie féministe
radicale (remise en question des institutions du mariage et de la famille), les
étudiantes se sont approprié la liberté de se marier ou pas, d'avoir des
enfants ou non. Rappelons qu'une des revendications féministes est de ne pas
cantonner les femmes aux rôles traditionnels de mère et d'épouse et de leur
permettre de faire des choix. En ce sens, le mouvement aura atteint un de ses
objectifs: les jeunes femmes, du moins celles interrogées dans le cadre de ma
recherche, se sentent autonomes et libres de déterminer leur vie.
Peut-on dire alors que les jeunes femmes sont féministes malgré ce qu'elles en
disent?... À mon avis, on peut comprendre les raisons qui conduisent les jeunes
femmes à refuser l'appellation «féministes». Certains éléments du féminisme,
ou qu'elles associent au féminisme, les éloignent du mouvement - mais
il faut aussi savoir ce que «se dire féministe» signifie.
Le mouvement féministe préconise un important changement social, soit la
transformation ou l'élimination des mécanismes producteurs de l'oppression des
femmes. De façon théorique, se dire féministe suppose qu'on a réfléchi sur
la question et qu'on a pris position. Or, peu de jeunes femmes ont observé la
place sociale qu'occupent les femmes. Cette question n'est pas nécessairement
une de leurs priorités, elles sont suffisamment préoccupées par leurs études,
leur travail, leur carrière, leurs relations amoureuses.
Dans la pratique,
être féministe c'est avoir un intérêt pour les questions concernant
directement les femmes. C'est aussi appuyer la transformation sociale que le
mouvement sous-entend et assumer les responsabilités et les risques que cela
implique: le risque d'être démarquée de l'ensemble des jeunes et de la
population, le risque de se faire harceler, narguer, exclure et de faire l'objet
de discrimination. Être féministe, donc, c'est adhérer à des valeurs, des
principes; c'est s'opposer aux rapports de pouvoir entre les hommes et les
femmes; c'est dénoncer les manifestations de sexisme. Être féministe, ce
n'est pas seulement croire dans l'égalité entre les sexes, mais c'est aussi
faire quelque chose pour l'atteindre.
Le désengagement des jeunes femmes...
l'avenir du mouvement féministe
Quand on demande aux
jeunes femmes si elles considèrent le féminisme nécessaire et, si oui,
pourquoi, elles répondent qu'il reste du travail à faire. Elles précisent
qu'il existe toujours des inégalités; que les femmes sont encore traitées
comme inférieures. Alors qu'une étudiante n'a «pas peur que ça dégénère»
si le féminisme venait à disparaître, une autre craint que la situation
sociale des femmes pourrait se détériorer. Plusieurs d'entre elles
reconnaissent donc que le féminisme est nécessaire aujourd'hui et qu'il le
sera également demain.
Ainsi, les étudiantes voudraient que le mouvement féministe se poursuive, mais
elles rejettent son approche. Elles aimeraient que le féminisme réoriente ses
objectifs et ses activités. Elles proposent alors des stratégies qui, selon
elles, correspondraient plus à la réalité des années 1990.
Anne, 24 ans: Le mouvement féministe a changé (depuis les années 1970) et
devrait peut-être se réorienter. C'est sûr qu'il faut des extrémistes. Sauf
que dans la société d'aujourd'hui, je me demande si ça vaut la peine d'être
aussi extrémiste et s'il n'y aurait pas d'autres moyens d'arriver à ses fins.
Peut-être plus de discussions, moins la revendication, plus les compromis.
En fait, si les
jeunes femmes éprouvent la nécessité de redéfinir le féminisme, c'est pour
l'adapter à leur réalité. Elles désirent intégrer, au sein même de la
problématique féministe, les hommes, certes, mais aussi les jeunes et les
femmes vivant une double discrimination (les femmes de culture minoritaire, les
femmes ayant un handicap, etc.). Elles veulent qu'on reconnaisse les différences
et la multiplicité des points de vue. Les participantes au forum des jeunes féministes
qui a eu lieu à Lachute, en 1994, parlent d'offrir plusieurs images du féminisme.
Le mouvement
féministe a joué une part importante dans la mise en vigueur d'améliorations
sociales pendant les dernières décennies
Dans
les années 1990, les jeunes femmes veulent choisir les principes auxquels elles
adhèrent et puisent du féminisme ce qui leur plaît. Comme l'exprime l'une
d'entre elles: «Je vais écouter ce que les féministes disent et je vais écouter
d'autres choses.» Pour plusieurs, se dire féministe, c'est porter une étiquette
et elles refusent cette association, tout comme elles refusent de brandir un
drapeau. Les jeunes femmes veulent donc contrôler leur engagement politique et
social. Ce faisant, elles s'éloignent du lien émotif et politique qu'entraîne
une participation au sein du mouvement féministe.
Aux États-Unis, on observe la création du mouvement Third Wave, un
mouvement féministe composé de jeunes femmes, qui comprend la participation
des jeunes hommes et qui s'attaque aux différentes formes d'oppression:
sexisme, racisme, pauvreté.
En fait, un type de féminisme que les jeunes Québécoises et Canadiennes
souhaitent voir.
Aussi longtemps que les femmes subiront des injustices, il y aura des jeunes
femmes qui s'intéresseront au féminisme et à ses diverses formes
d'expression. En effet, des femmes de moins de trente ans participent à des
activités féministes: La rue, la nuit, femmes sans peur, la Marche des
femmes contre la pauvreté, etc. Mais les jeunes militantes représentent
toujours une faible proportion de leur groupe d'âge. Pour la majorité des
jeunes femmes, les questions soulevées au sein du mouvement ne sont pas
particulièrement stimulantes; le mode de fonctionnement non plus. Il importe
alors de se demander jusqu'à quel point les jeunes femmes se sentent concernées
par les activités et les revendications féministes des années 1990.
Il est possible que les positions des jeunes femmes dont on a étudié les
propos se modifient avec le temps et les expériences de vie. Une expérience
personnelle de sexisme, notamment sur le marché du travail, peut être un
catalyseur pour le développement d'une conscience féministe.
Je prétends toutefois
que connaître les opinions des jeunes femmes permet d'entrevoir l'avenir du
mouvement. Comment donc le mouvement féministe se poursuivra-t-il si les jeunes
femmes, à l'heure actuelle, n'ont pas de conscience féministe? Que se
passera-t-il lorsque les femmes qui militent au sein du mouvement aujourd'hui
n'auront plus d'énergie à investir dans l'action politique? Le militantisme féministe,
qu'il soit collectif ou personnel, disparaîtra-t-il?
C'est ici que les rapports entre générations au sein même du mouvement des
femmes prennent toute leur importance. En effet, si les femmes déjà actives
dans le mouvement s'inquiètent du désengagement des plus jeunes, elles
devraient se préoccuper davantage des réalités et des besoins de ces dernières.
M. A. Vevick, une jeune militante, décrit la nécessité d'une collaboration
entre les «vieilles» féministes et leurs cadettes. Elle soulève l'importance
d'accueillir les femmes qui désirent se joindre au mouvement et de les
encourager dans leurs découvertes.
(3)
Pour rejoindre les plus jeunes, il faudra aborder des questions qui les touchent
et les informer par le moyen d'activités qui les intéressent. Afin de
permettre aux femmes qui ne se sentent pas concernées par le discours et les
actions féministes actuels de s'y intégrer, il faudra également être disposées
à modifier le fonctionnement du mouvement. Ainsi, à moyen ou long terme, le
mouvement féministe comme organisation politique et sociale devra subir des
transformations qui lui seront sans doute bénéfiques.
Il est donc essentiel d'inviter les jeunes femmes aux réunions, aux rencontres,
aux activités du mouvement des femmes. Il faut également leur permettre de
s'exprimer et accorder une importance significative à leurs prises de position,
même si elles ne coïncident pas toujours avec les principes préconisés par
le féminisme de la deuxième vague.
Le contenu de cet article est tiré du mémoire de
maîtrise que Geneviève Guindon a déposé au Département de sociologie de
l'Université de Montréal en janvier 1996 et qui a pour titre Les opinions
et perceptions de jeunes femmes à l'égard du féminisme. Il a fait l'objet
d'une présentation lors du colloque La jeunesse au carrefour: quelles
perspectives pour l'avenir?, qui s'est tenu lors du Congrès de
l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences (ACFAS) à
Trois-Rivières, les 12 et 13 mai 1997.
(1)
KAMEN, Paula (1991), Feminist Fatale: Voices from the «Twentysometing»
Generation Explore the Future of the «Women's Movement», New York, Donald
I. Fine, p. 103.
(2)
GODIN, Colette (1990), «Que pensent Danièle et ses copines. Le mouvement féministe
et la relève» in Femmes d'action, vol. 19, no 3, p. 19.
(3)
VEVICK, M.A. (1990), «Young Feminists Looking for Learning» in Women's
Education des femmes, vol. 8, no 1, p. 25.
Diotima
serves as an interdisciplinary resource for anyone interested in patterns of
gender around the ancient Mediterranean and as a forum for collaboration among
instructors who teach courses about women and gender in the ancient world.
www.stoa.org/diotima
Pas mort, le féminisme!
Le
mouvement fortement revendicateur des dernières décennies pourrait même,
à la faveur d'un rapprochement
avec les mâles, se transmuer en une puissante force humaniste
http://www.ulaval.ca/scom/Au.fil.des.evenements/2000/03.23/feminisme.html
Ceux et celles qui estiment que le féminisme est mort et enterré
auraient dû assister au débat sur les orientations de ce mouvement, organisé
récemment par l'Association des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures
(AELIÉS), entre Diane Lamoureux, Françoise David et Denise Bombardier. Ils
auraient compris que cette idéologie peut encore susciter passions, et
affrontements.
Trois femmes approximativement de la même génération, trois expériences de
vie, et trois visions du féminisme. L'auteure et animatrice de télévision
Denise Bombardier veut bien reconnaître avec Diane Lamoureux, professeure au Département
de science politique, les acquis, arrachés par les femmes à coup de lutte sur
un système dominé par les hommes jusqu'aux années 1970. Mais elle dénonce
tout aussi rapidement la stratégie féministe visant à faire des femmes des
victimes du système patriarcal, en évoquant les travers du "féminisme
exarcerbé."
"À l'occasion du massacre de Polytechnique, en 1989, certaines ont laissé
entendre que la majorité des hommes étaient des Marc Lépine potentiels",
avance une Denise Bombardier plutôt coupante. Un peu plus tard dans le débat,
elle dénonce également le traitement médiatique biaisé des drames familiaux,
où selon elle la femme apparaît souvent comme une victime passive. Une
affirmation qui fait sortir de ses gonds la présidente de la Fédération des
femmes du Québec. "Il me semble qu'au contraire, dans ce genre d'affaires,
on dit exactement la même chose pour l'homme et la femme, martèle Françoise
David. La victimisation, ça m'agace. Il y a peut-être des excès, mais les
groupes de femmes insistent depuis vingt ans pour que les femmes aient le droit
et la responsabilité d'affronter la réalité, et qu'elles s'affirment."
Le féminisme et la chambre à coucher
Si Diane Lamoureux et la responsable de la FFQ s'entendent pour estimer que
le féminisme peut aider les femmes à réduire l'écart salarial qui les sépare
encore des revenus masculins, ou à accéder davantage au pouvoir, Denise
Bombardier s'inscrit en trouble-fête dès qu'on aborde la question des rapports
intimes entre les sexes. Selon elle, "le féminisme constitue une idéologie
pour femme seule ou sans enfants", car le partage des tâches dans le
couple relève d'un jeu de pouvoir subtil. Ainsi, les femmes auraient une
attitude de possessivité vis-à-vis des enfants, qui empêcherait les
institutions d'évoluer vers des rapports vraiment égalitaires.
Françoise David renchérit à ce sujet en reconnaissant que certaines femmes éprouvent
des difficultés à partager les enfants avec leurs anciens compagnons.
"Mais cela ne doit jamais constituer un prétexte à la démission des pères",
affirme-t-elle haut et fort. Selon la présidente de la Fédération des femmes,
le thème de la maternité fait d'ailleurs partie intégrante du discours féministe,
même si plusieurs personnes dans l'assistance ont le sentiment que le sujet a
longtemps été occulté par le mouvement. Elle rappelle ainsi que la FFQ a mené
de longs combats pour les garderies et les congés de maternité, et que les
différentes factions en faveur de la reconnaissance du travail des mères à la
maison, ou celles qui prônent une activité extérieure, se sont réconciliées.
Un mouvement pluriel
Au contraire de Denise Bombardier qui dénonce le manque de discours
critique du féminisme sur lui-même, Françoise David souligne la richesse de
ce mouvement qui s'inscrit au coeur des revendications sociales. "Il existe
plein de sortes de féminisme", indique-t-elle en mentionnant notamment
l'importance des femmes en région, la lutte des femmes immigrantes pour les
programmes d'embauche, les revendications du comité des jeunes, et celles du
mouvement des lesbiennes.
Confrontée de son côté à des jeunes étudiantes qui refusent d'endosser le féminisme
de leur mère, Diane Lamoureux appelle de ses voeux une ouverture accrue du féminisme
qu'elle juge insuffisamment subversif. "Il faut réinventer le féminisme",
indique-t-elle, tout en soulignant que les rapports entre les hommes et les
femmes se sont complexifiés, depuis le temps où l'on considérait ces dernières
"comme des carpettes." Finalement l'avenir du mouvement féministe
passe peut-être par un rapprochement vers la gent masculine, pour devenir une
force humaniste s'élançant à l'assaut des inégalités de toutes sortes.
PASCALE GUÉRICOLAS
"Le féminisme
est cette théorie extrémiste qui prétend instaurer l'égalité des
sexes."
Voilà comment on pourrait
résumer l'image du féminisme que nous renvoie le petit écran. Quand, il y a
vingt ans, Sheila et Danielle Gilbert gloussaient sur un plateau télévisé que
Non!, Grand Dieu, elles n'étaient pas féministes, elles étaient bien les
seules sur le plateau, et leurs airs offusqués faisaient rire tout le monde.
Aujourd'hui, les airs offusqués " hé attention, hein! Je ne
suis pas féministe!" ont gagné du terrain; il est de bon ton quand on
est une femme sur un plateau télévisé de mettre en garde de son "non féminisme"
dès que le problème du sexisme est abordé (ce qui arrive d'ailleurs de moins
en moins souvent depuis 10 ans : est-ce que le sexisme a disparu, ou est-ce que
le fait qu'on le cache aujourd'hui ne montre pas plutôt un retour en arrière,
une régression sexiste?)
" Attention, je ne suis pas féministe!", crient les
chanteuses, les actrices, comme elles crieraient "Attention, je ne suis pas
folle!", "Je ne suis pas une tarée", "Attention je suis
raisonnable!", "Attention, je suis sensée!".
Mais quelle est donc cette doctrine honteuse et extrême qui effraie à ce point
les mass-media ?
"
Féminisme : doctrine qui préconise l'égalité entre les sexes"
(Micro Robert 1995)
Donc, si on traduit, à la télé, quand les femmes disent "
Attention, je ne suis pas féministe!", elles disent : "
Attention, je ne suis pas pour la doctrine qui préconise l'égalité entre les
sexes!", donc " Attention, je ne suis pas pour l'égalité
entre les sexes!", ou " Attention! Je suis pour l'inégalité
entre les sexes!".
Les voilà, les
vraies paroles de tarées.
Il apparaît clairement, quand on connaît la vraie définition du mot
féminisme (et non l'image déformée qu'en veut donner, entres autres, la télé),
que les féministes ne sont ni folles, ni irraisonnables, mais qu'au contraire
selon cette définition c'est la personne non féministe qui n'est pas très
sensée, et n'a pas vraiment les pieds sur terre...
Les médias, et plus particulièrement la télé, se sont attelé à salir
l'image des féministes en invitant, par exemple, des "féministes"
repenties, expliquant qu'elles ont exagéré mais ne recommenceront plus. C'est
cette image là, faussée et inexacte (pour en être persuadé/e il suffit de
lire des livres de vrai/e/s féministes), que nous avons reçut, nous, la
"jeune génération".
Par exemple, je me
souviens avoir dit, vers dix ans, une fois qu'on avait abordé ce sujet avec des
camarades:
"Je ne suis pas féministe: je suis juste pour l'égalité entre les
sexes."
Je ne pouvais pas remarquer la contradiction dans ma phrase, car pour moi, les féministes
étaient des femmes qui exagèrent et qui veulent faire le monde à l'envers. C'était
l'image que m'avait transmise les médias (et à l'époque il ne me serait
jamais venu à l'idée de mettre en doute les médias).
Les médias portent systématiquement la suspicion sur les féministes,
qui seraient, selon eux, prisonnières d'une idéologie (celle de l'égalité?!),
toujours partisanes et incapable de juger de façon "neutre".
Car parler du sexisme n'est pas "neutre". Ce qui est
"neutre", c'est de ne pas en parler, de systématiquement éviter le
thème, car parler de sexisme est en France tabou (en Allemagne par exemple non;
les journaux, la radio, etc n'ont pas pris l'habitude française de systématiquement
éviter le thème).
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