III. Comment parler de violence 

là où l'on s'aime?

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Violences

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Il n'y a pas d'amour sans haine

Par Philippe Beague

 " L'amour ne se commande pas et ne saurait par conséquent être un devoir", nous dit André Comte-Sponville. Voilà une vérité qui se passerait volontiers sous le manteau et dont la petite odeur de soufre vient titiller les narines de notre bonne conscience tout empreinte de "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". Cela n'en reste pas moins une vérité et nous la cacher n'aurait pour conséquence que de nous empêcher de penser, donc de regarder en face les conditions de notre humanité et l'effort, toujours recommencé, de vivre ensemble.

Quand il s'agit d'enfants, la bonne conscience nous pousse singulièrement vers la mauvaise foi. L'instinct maternel, l'amour maternel, le sacrifice, l'abnégation, le dévouement, l'adoration d'une mère (parfois d'un père) pour son enfant font partie des évidences universelles... et de notre imaginaire, et tout comportement qui ne colle pas à ces images d'Épinal soulève illico reproche et opprobre des bien nantis de l'amour parental.

Ne serait-il pas plus juste et, au fond, plus respectueux de nous-mêmes, et de nos enfants, de nous méfier des évidences admises, si lourdes à porter en société, et de reconnaître simplement ce qui dort en nous et que nous n'aimons pas... mais qui recèle une sagesse insoupçonnée?

L'instinct maternel n'existe pas

L'instinct maternel n'existe pas. En tout cas, pas sous la forme que nous aimerions tant lui donner: un amour immédiat, inconditionnel, inextinguible, sans limites.

C'est l'enfant qui, peu à peu, va "faire" de cette femme et de cet homme une mère et un père. Longue histoire, unique, singulière et totalement mystérieuse, même pour les super-psys au sommet de leur savoir! Histoire où la morale n'a rien à voir, où le "bon" et le "mauvais" (bonne mère, mauvaise mère) ne peuvent se mesurer par d'autres que cet enfant-là qui, seul, pourra un jour en être juge. Histoire en tout cas toujours marquée par l'ambivalence: l'attirance et le rejet, l'émerveillement et le dégoût, l'attendrissement et la colère, l'amour et la haine.

Face à ce désir qui monte peu à peu en nous d'être parent de cet enfant au fur et à mesure qu'il nous apprivoise, combien d'obstacles surgissent pour le tempérer, le décourager, voire parfois l'annihiler. Était-il vraiment attendu, ce rose bébé, ou nous a-t-il pris de vitesse? Ou bien s'est-il tellement fait attendre qu'il a fallu subir l'intrusion du corpus scientifique pour qu'il daigne naître? Pourquoi donc a-t-il mis 22 heures pour sortir du ventre de sa mère en la déchirant au passage? Y a-t-il mis du sien en faisant des manières pour prendre le sein ou en venant si tôt qu'il a fallu rentrer sans lui? Pourquoi a-t-il les oreilles en aéroglisseurs de ce beaufrère qu'on n'a jamais aimé? Nous fait-il un cadeau en commençant sa vie par une jaunisse, une infection exceptionnelle, une malformation cardiaque ou un bec de lièvre? Et cette impression de dévoration quand il se précipite sur le mamelon (du sein de ma femme!) et les nuits sans sommeil et les peurs de mal faire et sa présence obsédante, ses exigences et tout ce que nous avons rêvé qu'il serait - garçon, les yeux verts, déluré, pas geignard, pas pleurnichard, pas timide, gentil mais pas nouille... - et qu'il n'est pas!

Alors pourquoi tant de mères vivent-elles comme une monstruosité d'être déçues, découragées, épuisées, indifférentes? Pourquoi tant de pères sont-ils gênés des rêves criminels qu'ils font la nuit? Pourquoi vit-on avec tant de culpabilité cette agressivité qui monte en nous et nous fait dire tout bas (quand on ose le dire) ou à tout le moins penser: "j'ai - envie - de - le je ter - par - la - fe - nê - tre" ?

A chacun de trouver sa réponse à cette question; mais la poser, c'est d'abord reconnaître tout simplement que chaque jour, avec nos parents, notre conjoint, nos voisins, nos collègues mais aussi avec nos enfants, nous avons affaire au désir de destruction et que la grandeur de l'homme est de n'y point céder.

 

Amour-haine, gage d'attachement

Comme les profils de Janus, amour et haine ne peuvent se séparer et vouloir l'ignorer nous rend moins homme. Qui fait l'ange fait la bête, dit-on.

Un peu facétieux, Gainsbourg répond "moi non plus" à celle qui lui dit "je t'aime". Mais ce raccourci n'est-il pas toujours un peu vrai? Pourquoi aller jusqu'à dire qu'il y aurait sagesse cachée dans cette pulsion dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle est inacceptable? Que passant à l'acte dans la violence la haine soit répréhensible, soit. C'est toute la question de l'expression de la haine et de l'agressivité qui est chaque jour à travailler, les lois et la morale sont là pour nous le rappeler.

Mais la haine en elle-même n'est pas qu'une bête à écraser. Elle est aussi ce qui permet de ne pas glisser dans le magma fusionnel d'un amour qui ne nous permettrait plus de savoir qui est l'un et qui est l'autre. Un amour confiture où aucun fruit ne serait distinct des autres.

Dans le cas qui nous occupe, ce serait un amour où l'enfant tellement aimé de ses parents ne pourrait jamais quitter le cocon familial, vivre sa vie, aller vers d'autres, parce que ni lui ni ses parents ne seraient capables d'accepter la séparation. Si l'enfant était réellement tel que nous le rêvons, répondant à toutes nos sollicitations, obéissant à tous nos ordres, devançant nos désirs, pourrait-il porter le nom d'être humain à part entière? Il ne serait que "clone" de nous-mêmes.

Est-ce d'ailleurs vraiment de l'amour que le vouloir à notre image? Se sent-on vraiment aimé de quelqu'un qui sait mieux que nous ce dont nous avons besoin, qui n'écoute pas notre désir, qui ne nous laisse pas être ce que nous sommes sous prétexte que, nous aimant, il connaît mieux que quiconque ce qui est notre bien?

Aimer un enfant (un ami, un conjoint), c'est lui laisser la place d'être ce qu'il est ou ce qu'il tend à être. Et la haine qu'il provoque en nous, en n'étant pas exactement à la hauteur de nos aspirations, nous rappelle chaque fois que nous sommes différents, à jamais différents et donc enrichissants l'un pour l'autre, révélateurs l'un de l'autre.

Cette déception-là et la haine, sa jumelle, sont précieuses pour peu que nous osions nous l'avouer et - pourquoi pas? - le dire à l'autre.

Secret de polichinelle d'ailleurs, car un enfant sait mieux que nous ce que nous étouffons en nous: "Je t'aimerai toujours, mais je ne t'airne pas tout le temps."

Accepter, reconnaître ce sentiment, c'est aussi permettre à l'enfant de l'assumer pour lui-même. Obéir à papa et avoir le droit de lui en vouloir, oser dire qu'on n'aime pas ce nouveau petit frère... La haine parlée ne devra pas resurgir en cauchemars, en terreurs nocturnes ou en violence "inexpliquée".

Françoise Dolto disait un jour: "Peut-être qu'il faudrait dire aux parents qu'ils ne doivent pas trop aimer leurs enfants." Surprenant? Non! Sans doute voulait-elle pointer cette irrémédiable dualité en l'homme et qu'il est préférable de l'utiliser plutôt que de la craindre ou de la nier.

Puisqu'il est beaucoup question de nouvelle orthographe, nous pourrions proposer à l'Académie d'écrire désormais: je t'haime et nous t'haimons. Ce serait un pas symbolique supplémentaire vers la vérité, celle qu'André Comte-Sponville évoquait tout à l'heure.

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Parent : les risques du métier

Par Reine Vander Linden

Mathieu, 4 ans et demi, râle. Sa mère vient de lui défendre par trois fois de chipoter dans sa boîte à coudre. Il trouve ailleurs des ciseaux et revient en menaçant: "Je vais te piquer et te couper, et ton sang va sortir, et je te couperai ta veine à ton cou pour que tu sois morte."

Fanny, 10 ans, traite sa mère de tous les noms. Ses copains l'attendent dehors et elle ne retrouve plus ses baskets. Sa mère est vraiment "la pire des idiotes" de ranger ses affaires qui traînent.

Bernard, 14 ans, a dépassé son père en taille. Ça hurle souvent entre eux deux au sujet des permissions, du fric, des exigences scolaires, ... Quand Bernard est "chauffé", il perd son contrôle. Il crie et cogne.

Pour un parent, être pris à partie par ses enfants relève des risques du métier. S'opposer, se différencier de l'adulte ne se fait pas toujours en douceur. Mais jusqu'où est-on dans les limites de l'acceptable et du respect réciproque? Moins le parent connaît ses limites et clarifie ses exigences en tant que parent, plus l'enfant, et plus tard l'adolescent, cherchera auprès de lui, en le poussant à bout, des points de résistance. À la longue, l'absence de balises et d'interdits venant de l'adulte risque d'être ressentie par le jeune comme un manque d'intérêt à son égard.

"Mes parents étaient hyper cool, ils me disaient: 'Tu fais ce que tu veux, tu prends des joints, c'est ton affaire.' Mais, merde, je me serais démoli, cela aurait été encore bon..."

Le piège est de ne pas être en mesure, comme père ou comme mère, de faire l'exercice de réfléchir à ce qui prête à la violence mais d'y réagir en direct avec les mêmes moyens que ceux employés par son enfant. Comble de l'absurde, cette réaction en direct "tu m'agresses, je te gifle" s'accompagne alors de façon implicite du message suivant: "Tu n'as pas le droit de magresser, moi, ton parent-digne-derespect. " Simon, 5 ans, dans un accès de colère, vient de frapper sa mère qui lui rend la pareille en lui disant: "Tu ne peux pas frapper." Du haut de sa logique de petit bonhomme, il répond: "Mais alors, toi, pourquoi tu frappes ?"

Pour sûr, certains enfants sont habiles à faire sortir leurs parents hors d'eux-mêmes. Les lamentations de ces derniers ("Mon fils me tue", "Pourquoi est-il si difficile avec moi ?") ou, à l'inverse, leurs réactions en direct ont comme impact d'alimenter la spirale et de confirmer à leur enfant son pouvoir d'anéantissement.

La violence entraîne la violence...

Faire remonter jusqu'à sa pensée les émotions et les réactions qu'elle provoque est la seule façon de la déjouer.

Et puis, la violence ne s'engendre pas unilatéralement, elle est bien inscrite dans un ensemble de relations à renégocier continuellement.

Vous êtes exaspérés ? A bout?

Chaque parent est confronté à son enfant, différent du rêve qu'il s'en était fait. Et, en lui, à son idéal de père ou de mère. Rien n'est jamais comme on l'avait projeté. Et on se découvre soi-même en deçà de la barre d'un idéal imaginaire.

L'enfant parfait n'existe pas. Le superparent non plus.

La déception guette. S'y ajoutent souvent la fatigue, des motifs de stress ou d'inquiétude, et la tension monte. Si, dans ce contexte, les parents croient que certains comportements de leur enfant, qui sont des comportements tout simplement enfantins, sont dirigés contre eux "Il m'a eu un zéro en calcul!", "Il m'a cassé un plat!" - l'escalade devient inévitable. Troubles du sommeil, difficultés alimentaires, échecs scolaires peuvent être ressentis comme des refus de l'amour, comme du rejet, de l'agressivité.

Quand rien ne va plus, pourquoi ne pas le dire? À temps. Les enfants comprennent.

"Tenez-vous à carreau, je suis d'une humeur massacrante ce soir!"

On peut aussi appeler à l'aide, chercher un relais. La fatigue qui s'accumule amène des parents aimants à sortir de leurs gonds. "Le téléphone peut sauver une vie", lit-on sur les cabines téléphoniques. Il peut aussi sauver une relation et préserver des enfants dont un parent est à bout. Appeler sa meilleure amie, un copain, une soeur, un frère ou un parent, déverser son trop-plein de bile ou lui demander de prendre en charge son enfant une nuit ou un jour ou deux... Eux sont de taille à éponger un excès de nervosité. L'enfant pas.

Trop de parents, cependant, sont seuls: personne avec qui parler, à qui confier leur enfant le temps de souffler, de se reprendre, à qui dire la peur de la violence qu'ils sentent monter en eux... Il manque d'endroits où pouvoir faire halte ... dans le respect de ce qu'on vit de difficile ...

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Y a-t-il péril en la demeure?
Des parents sous-pression. La tension monte. 
Parfois, ça explose.

Rencontré pour vous

Luc Van Campenhoudt sociologue, professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles) et a l'Université catholique de Louvain

Propos recueillis par Martine Gayda

La famille, premier lieu de socialisation. De conflits aussi.

Augmentation des séparations et des unions libres, multiplication des familles monoparentales et recomposées: la famille contemporaine vit des bouleversements. Elle ne se caractérise plus d'emblée par sa stabilité.

Dureté du contexte socio-économique; nécessité (quasi généralisée) pour les deux conjoints de gagner leur vie; incitations répétées à la consommation,... :les pressions que la famille subit de l'extérieur se diversifient, s'intensifient. Plus fortes également, les attentes de la société dont l'homme et la femme sont l'objet, les exigences qu'eux-mêmes développent vis-à-vis du bonheur: il faut atteindre son épanouissement personnel; tous les jours, il faut faire carrière et réussir sa vie conjugale et parentale.

La place de l'enfant au sein de la famille s'est, elle aussi, modifiée. Elle est plus centrale. Le lien parent-enfant, surtout dans la classe moyenne, se sentimentalise: on se manifeste davantage de la tendresse.

Scène de la vie ordinaire: comment exercer huit heures par jour un boulot souvent exténuant et faire face à l'angoisse née de la précarité, puis, de retour à la maison, être relax avec tout son petit monde, se montrer disponible pour jouer avec ses enfants ou pour les aider à terminer leurs devoirs? Comment être, de surcroît, un amoureux ou une amoureuse acceptable? Comment concilier tout cela? Pas évident! Les tensions ont plus que jamais des motifs de se manifester. Certains les gèrent, se construisant par exemple un univers clos, isolé dans lequel ils se retranchent quand ils estiment la pression alentour trop forte. Mine de rien (car souvent stressants), les déplacements entre maison et boulot ont cet effet pour certains adultes; nombre de jeunes, eux, ont leur musique et le walkman. Parfois, les tensions dégénèrent, la violence explose. C'est connu: plus on dramatise (dans les deux sens du terme) l'amour, plus on dramatise le conflit; on ne hait bien quelqu'un que si on l'a beaucoup aimé et qu'il nous a beaucoup déçu.

Est-ce parce que l'adolescence est l'âge de tous les défis? Est-ce parce que les parents parlent des difficultés de leurs enfants et les enseignants de celles de leurs élèves, alors qu'on entend rarement les jeunes évoquer les problèmes des adultes? Quoi qu'il en soit, de tous les membres de la famille, les jeunes apparaissent les plus paumés et leurs conduites jugées violentes (attitudes provocantes, échanges d'insultes, comportements enragés, ... ) sont stigmatisées. Et pourtant... Si crise et danger il y a, ils impliquent sans doute d'abord les adultes, pressés, stressés par la vie moderne. Les parents sont souvent plus désorientés que leurs enfants.

Crimes, viols, coups et blessures,... : le haut lieu de ces délits est la maison. L'endroit le plus dangereux dans la société contemporaine, d'après les statistiques. Mais, au delà de ce qui est condamnable par la loi, c'est surtout à travers les paroles et dans le refus de communiquer que la violence s'exprime le plus systématiquement sous le toit familial. Quand un mari dit à son épouse: "Je n'ose plus te montrer tellement tu es moche... " Quand un parent lance à son enfant: "Tu es un nul absolu, je suis honteux de t'avoir engendré ... ". Quand un fils répète à son père: "T'as même pas de boulot! De quoi j'ai l'air devant mes copains ?" Règlements de comptes qui, s'ils se déroulent en public, font plus mal encore. Paroles fatales, qui blessent à vie. Actes insidieux qui s'exercent dans la durée. Humiliations.

Aimer sans abuser
ou
l'enfance respectée

Parfois, la violence familiale prend la forme de l'abus sexuel, de l'inceste. Le silence qui camoufle la maltraitance subie par l'enfant est, pour lui, une violence de plus. Pouvoir parler et savoir sa souffrance reconnue sont indispensables pour en sortir. Pour aider les adultes bouleversés par les événements tragiques de 1996 et 1997, Le Ligueur et Le journal de votre enfant ont réalisé une brochure. Elle est disponible gratuitement grâce à l'aide de la Fondation Roi Baudouin, du Fonds Houtman et de Ia Communauté française. Rens.: Ligue des Familles, tél. 021507 72 41 (Liliane Morenville) ou 507 72 57 (Godelieve Reynaert).

Témoignages:

"Je n'ai pas supporté de perdre la face ... "

"J'ai vu rouge quand il m'a rétorqué que, de toute façon, je ne pouvais pas l'aider pour ses devoirs, que j'étais trop bête... Humiliée par un enfant de 9 ans? Alors qu'à son âge, je devais sans cesse encaisser les affronts de mes parents...J'ai frappé, terriblement fort; ça faisait tellement de bien... Mais, lorsque, le soir, je l'ai vu avec la joue tuméfiée, j'ai eu honte. Perdre la face une fois de plus? Je lui ai interdit d'aller en classe le lendemain et d'en parler à quiconque. De toute manière, j'avais eu raison; il n'avait pas à me parler sur ce ton, il n'est qu'un enfant après tout...Les jours qui ont suivi, j'ai eu l'impression qu'il cherchait toutes les occasions de déclencher ma colère. Dans une tension extrême, je les guettais, ces occasions, je les attendais même. je ne céderais pas, il me devait le respect.

La spirale s'est emballée, la tension en moi était parfois si forte que les coups que je donnais me soulageaient. je pouvais reprendre pied. Mais la honte me rongeait sournoisement.

Ce qui devait arriver arriva: l'école découvrit ce que mon fils et moi cherchions, dans une complicité non dite, à cacher. Ce furent la peur, la panique, puis un soulagement terrible. Le monde extérieur allait peut-être enfin mettre un terme à notre besoin de destruction mutuelle.

Après, longtemps après, je m'interroge sur les raisons qui m'ont poussée à lancer un appel à l'aide par l'intermédiaire des coups. Plus tôt, beaucoup plus tôt, nous aurions pu parler et ne jamais en arriver là.,,

Marie-Claire

 

"A cause d'une paire de chaussures au milieu du salon ... "

"La bombe est de nouveau tombée sur ma tête. Elle ne m'a pas loupé. J'avais retiré mes chaussures au milieu du salon. Alors elle est arrivée sur moi avec ses yeux rouges et gros, et j'en ai reçu jusqu'à ce que ma tête soit rouge et grosse comme ses yeux. C'est dégueulasse parce que Kevin non plus n'a pas retiré ses chaussures à la porte mais lui n'a rien eu. je crois... je sais... que je dois être plus méchant et que c'est pour ça que je mérite des baffes mais c'est dégueulasse. Je vais bien voir ce soir à la salle de bains quand j'aurai laissé traîner mes affaires comme Kevin le fait toujours qui sera puni. De toute façon, je sais que je suis plus moche que Kevin et que c'est pour ça que ma mère essaie de m'éduquer."

Comment accepter l'inacceptable?

Comment un enfant peut-il donner une explication à la violence qui vient de ceux dont le rôle est de le protéger ? Encaisser la violence sans chercher à y donner un sens est anéantissant.

Dans une relation de subordination et de dépendance à ses parents, l'enfant n'a que deux voies possibles d'explication: soit il est responsable d'une faute qui justifie la violence -punition ("Je suis mauvais", "À un moment de mon existence, j'ai dû faire du tort à mes parents"); soit il interroge sa filiation dans son imagination et se crée tout un "roman familial" ("On a dû se tromper à la maternité et échanger mes parents contre d'autres; j'ai sûrement quelque part un bon père, une bonne mère qui, un jour, si je les retrouve, pourront me consoler"; "Je suis un enfant adopté et on ne m'a rien dit; ma vraie bonne mère m'attend").

Il n'est en effet pas simple d'accepter l'injustice d'être né sous une mauvaise étoile ou d'avoir des parents en difficulté.

Le silence que l'enfant garde sur sa situation a, lui aussi, un sens. Peut-être se retientil de parler pour protéger ses parents, qu'il sent particulièrement fragiles. Peut-être craint-il qu'en se révoltant, il ne fasse éclater sa famille. Il préfère alors le silence au dévoilement.

Reine Vander Linden

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Il court, Il court, le stress

Par Reine Vander Linden et Martine Gayda

Au fil d'une journée, la tension monte, le stress s'accumule... l'as besoin de faire un dessin. Chacun a déjà vécu de ces heures où les êtres et les choses se sont donné le mot pour que tout aille de travers. Ça bout a l'intérieur. Et, parfois, ça explose.

Les enfants punching-balls?

Pour se décharger, on n'a rien trouvé de mieux que de se montrer... infernal - chacun selon ses modes de communication privilégiés - avec ses proches.

Les proches? Ce sont principalement, pour les parents, les enfants. Eux qui sont peutêtre à cent lieues des raisons de la montée (le la tension ambiante.

Un enfant ça agace énormément

Les enfants, du fait même qu'ils sont des enfants, peuvent, au cours de telles journées catastrophes mais pas seulement, fatiguer, exaspérer, irriter...

Le bus de l'école s'impatiente et ça se chamaille pour des pacotilles. C'est l'heure du bain et ça s'éclabousse à qui mieux mieux. On souffle enfin et le petit dernier renverse tous ses jouets sur le château fort à peine érigé de l'aîné.

Menus faits de la vie quotidienne qui prêtent à sourire après coup, mais sur 1e moment...

 

Les enfants miroirs

Les enfants, reflets des travers d'adultes. Susceptibles, nerveux, à l'amour-propre hypertrophié, superactifs,... tout ce qui, précisément, dérange les parents en eux-mêmes.

Les enfants, images de notre société...

Il faut avoir de beaux enfants. Tout à la fois têtes et jambes. Stimulés au plus haut point. Cool. Il faut être disponible. Mais les parents courent tellement après le temps qu'ils ont l'impression, parfois, souvent, d'être des parents par intermittence. Le senliment de culpabilité n'est pas loin. Combien de mères et de pères n'organisentils pas leur vie autour de leurs enfants tout en s'en voulant de n'être pas là tout le temps!

Combien ne rêvent-ils pas d'offrir le maximum de bien-être à leur descendance! Mais ils se saignent déjà à mort...

Combien ne craignent-ils pas de mal faire! jadis, les modèles parentaux se puisaient essentiellement dans le cercle familial et dans l'entourage immédiat. Les parents d'aujourd'hui sont en présence d'un choix plus vaste. Mais plus le champ des exemples possibles s'étend, plus ils se sentent hésitants, incertains.

 

Les enfants porte-parole des pubs ?

Un terrain favorable pour les publicitaires. Dans le but de toujours mieux vendre, la pub se veut bonne conseillère dans les questions d'éducation. N'y a-t-il pas eu, en matière alimentaire, le petit fromage qui faisait grandir aussi vite et bien qu'un gros steak ?

D'une manière générale, les publicitaires savent pertinemment qu'ils peuvent compter sur les enfants pour atteindre leurs parents. Et voilà, pour ceux-ci, un nouveau coup de massue! Avec de belles batailles en vue. Et du stress en plus. Ne pas acheter un vêtement de la marque branchée à son adolescent n'est-ce pas d'office le marginaliser, pis: le pénaliser? Et refuser au petit dernier les bonbons qu'il convoite près de la caisse du supermarché n'apparaît-il pas comme un acte cruel, monstrueux? En tout cas, s'il pleure ou trépigne, gare aux regards réprobateurs alentour!

Qu'est-ce qui est bon? Qu'est-ce qui est juste? Où est le bien? Où est le mal? 

Éternelles questions... Les parents voient leurs repères ébranlés. Beaucoup d'entre eux, surtout ceux pris dans des difficultés matérielles ou fragilisés dans leur histoire de couple, ont vite fait de se sentir écartelés entre une myriade de messages plus ou moins implicites, de consignes éducatives. À ne plus savoir où donner de la tête! Décidément, plus rien ne semble aller de soi... Jusqu'à ne plus oser se fier à ses convictions profondes, à son intuition... Tout simplement. Les enfants, relayant les messages ambiants, avec leurs reproches perpétuels, sont un miroir qui renvoie aux parents le reflet de leur propre désarroi. Comment alors se faire davantage confiance? Une ressource: s'arrêter et prendre le temps de s'interroger. Parler de ses questions et de ses doutes avec d'autres parents. Cela permet de se rendre compte que d'autres éprouvent ce qu'on croyait être le seul à ressentir, d'avoir du recul par rapport à ce que l'on vit. Cela aide à mieux cerner et définir la tension qui surgit en soi. Certes, tout cela prend du temps, alors que, déjà, on a la fâcheuse tendance à le compter... Retour au stress. Un cercle vicieux?

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Si tu veux ... (Quand le couple s'écroule)

Par Sabine Van Trimpont

Il: Veux-tu que nous allions au resto?

Elle: Si tu veux.

Il: Chinois ou italien?

Elle: Comme tu veux.

Il: Ou plutôt... on se fait un ciné?

Elle: Ce qui te fait le plus plaisir.

Il et Elle: au début de la constitution du couple. Recherche d'unité: "Ce que tu veux, je le veux; ce que tu aimes, je l'aime. "
Parce que leur amour est infini.

Il et Elle : se sont disputés. Alors, Il essaie d'arranger les choses. Il attend qu'Elle se prononce. Le "si tu veux" est froid et cassant.

Il et Elle : bien plus tard. Il se moque bien du resto ou du ciné. Il vérifie que le couple a encore un intérêt pour Elle.

Couple en questionnement, en insécurité parfois. L'homme et la femme peuvent être coincés dans le silence des non-dits. Alors, la violence gagne du terrain et il arrive que le couple fasse payer à l'enfant l'évolution de sa vie amoureuse.

Dans la famille, le père et la mère se mettent à crier sur l'enfant... À taper même. Allez donc expliquer à ce gosse que cette violence ne lui est pas destinée mais que ce sont l'homme et la femme - le couple - qui, faute de pouvoir exprimer leur agressivité mutuelle, la projettent sur lui.

"Cet enfant me tue... " "Ta es comme ton père!" L'enfant désemparé a peur, ou alors il s'oppose et la violence augmente. Certaines situations ainsi vécues dans l'enfance laissent des traces douloureuses, physiquement, psychiquement, affectivement.

Les désirs et les illusions, les attentes et les désillusions que chaque partenaire a à l'égard de l'autre sont des petites mines posées dans la relation, sans le savoir... La famille devient alors un fameux champ miné. Quand ça explose, l'enfant souffre...

Un bébé, ça ne se secoue pas !

Combien d'adultes ne s'amusent -ils pas à lancer, en répétant le mouvement, un nour risson en l'air ou à le faire tournoyer! Pour le voir rire aux éclats ou sourire. Ou pour dis traire la galerie. Combien de parents, aussi, exténués par une journée de travail, dépassés par les événements, inexpérimentés ou tout simplement démunis, ne secouent-ils pas leur bébé qui pleure! Pour l'apaiser, lui, et... se calmer, eux. Leur sensibilité est à fleur de peau.

Il arrive parfois à ces parents de débarquer avec leur bébé aux urgences d'un hôpital. Ils ont observé chez lui des difficultés respiratoires, des problèmes digestifs (diminution de l'appétit, vomissements, constipation, ... ), des troubles neurologiques (irritabilité, convulsions, somnolence, ). Parfois, mais c'est plus rare, ils craignent un léger traumatisme. Alors qu'en réalité, leur enfant souffre d'avoir été secoué. Tenu par le thorax, il a été pris dans un mouvement de va et-vient, sa tête oscillant en tous sens, ses bras et ses jambes balayant l'air.

On l'oublie trop souvent, un bébé est fragile. Trois raisons notamment à cela:

- à la naissance, le cerveau n'est pas encore parfaitement terminé (son processus de maturation se poursuivra plusieurs années durant). Comme il ne remplit pas totalement la boîte crânienne, il cogne contre les parois de celle-ci quand le bébé est secoué; cela peut provoquer des hématomes;

- a les muscles du cou sont mous, faibles et, donc, incapables de bien soutenir le crâne;

- la tête du bébé est grande et lourde proportionnellement à tout son corps; elle équivaut à un quart de l'ensemble de l'orga nisme, alors qu'à l'âge adulte, elle n'en représente plus que 10 %.

Dès lors, secouer un bébé peut s'avérer dangereux...

M.G.
Étude des docteurs Christine Bonnier et Marie-Cécile Nassogne, du service de neurologie pédiatrique des Cliniques universitaires Saint-Luc (Bruxelles).