Belgique: Plan national d'action 
contre la violence à l'égard des femmes (2001)

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Violences

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PLAN NATIONAL D'ACTION CONTRE LA VIOLENCE A L’EGARD DES FEMMES :
NOTE DE L’ETAT FEDERAL
Bruxelles, le 11 mai 2001

I. LE CADRE

La reconnaissance de l’existence d’une violence à caractère sexué, c’est à dire d’une violence qui s’exerce ou se subit en fonction de l’appartenance à un sexe, a considérablement progressé aux cours des dernières décennies, sous l’effet de plusieurs dynamiques : avancées du féminisme, avancées de la conception universaliste des droits humains, actions d’organisations non gouvernementales, études scientifiques, sensibilisation des pouvoirs publics, travaux des institutions internationales,…

Les débats menés sous l’égide des Nations Unies, notamment, auront largement contribué à faire reconnaître l’ampleur et le caractère universel du phénomène, la diversité de ses manifestations et son exacerbation en cas de conflits ou de crise.

Le lien entre le statut inégal réservé aux femmes et la violence à leur encontre a été mis en évidence, pour la première fois au niveau d’une conférence mondiale, à Mexico City en 1975. Au cours de cette première conférence mondiale consacrée à la situation des femmes, l’Assemblée générale des Nations unies a déterminé des domaines à investir aux plans économique, politique, social et culturel, afin d’agir contre un « ordre » social préjudiciable à l’égalité, au développement et à la paix : coopération internationale, participation au processus de décision politique, enseignement, formation, emploi, santé, famille, logement, recherche et médias,…

La Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1979 et est entrée en vigueur en 1981. L’instrument prévoit les engagements à remplir par les Etats pour que les femmes jouissent des droits et des libertés fondamentales à égalité avec les hommes, dans tous les domaines.

Au fil de ses travaux, l’institution internationale a mis en évidence la nécessité d’agir parallèlement sur les causes de l’inégalité et de développer des instruments spécifiques pour lutter contre la violence en tant que phénomène sexué. Ainsi, l’Assemblée générale a adopté, en décembre 1993, la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, qui invite notamment les Etats à « examiner la possibilité d’élaborer des plans d’action nationaux visant à promouvoir la protection de la femme contre toute forme de violence, ou d’inclure des dispositions à cet effet dans les plans existants, en tenant compte, le cas échéant, de la coopération que sont en mesure d’apporter les organisations non gouvernementales, notamment celles qu’intéresse plus particulièrement la question ».

 

Un protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes a été approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 6 octobre 1999, pour conférer au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes la compétence de recevoir et traiter les plaintes lorsque les recours internes aux Etats parties ont été épuisés. La Belgique a figuré parmi les premiers Etats à signer ce protocole.

La quatrième Conférence mondiale sur les femmes qui s’est déroulée à Pékin en 1995 a adopté une plate-forme d’action identifiant la lutte contre la violence à l’égard des femmes comme un des douze domaines d’actions stratégiques où des actions doivent être prises par les gouvernements, la société civile y inclus les ONG et les partenaires sociaux et par les organisations internationales et régionales. Les engagements pris au cours de cette conférence ont fait l’objet d’une évaluation au cour d’une session extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIè siècle », qui s’est tenue à New York du 5 au 10-06-2000. La Belgique y a répété l’importance qu’elle accorde à la ratification universelle de la Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes et à son protocole facultatif additionnel. Elle a marqué son soutien au projet de protocole sur le trafic des personnes et en particulier le trafic des femmes et des enfants, complémentaire à la Convention contre le crime transnational organisé. Elle a encore rappelé le caractère capital d’instruments tels que la recommandation du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle ou le statut du Tribunal pénal international.

Le document final adopté à l’issue de cette conférence contient les aspects soulignés comme prioritaires pour la Belgique, tels que la lutte contre la violence domestique, la traite des femmes et des jeunes filles, les pratiques traditionnelles telles que les mutilations génitales, l’importance de la ratification du statut du Tribunal pénal international, ainsi que de premières références aux crimes commis au nom de l’honneur, aux mariages forcés, aux violences racistes, au viol marital, à la violence liée à la dot, ou encore, aux actions pour aider les auteurs à briser le cycle de la violence. Le même document final rappelle l’intérêt d’« élaborer et appliquer à tous les niveaux appropriés des plans d’action visant à éliminer la violence à l’égard des femmes », ainsi que l’importance de promouvoir une politique visant explicitement à « intégrer la problématique hommes-femmes dans les politiques et programmes de prévention de la violence ». Il engage les Etats à combattre la violence sexuée dans ses différentes manifestations, dont « les tabassages et autres formes de violence familiale, les sévices sexuels, l’esclavage, la prostitution forcée et le harcèlement sexuel ainsi que la violence à l’égard des femmes résultant de préjugés culturels, de racisme et de discrimination sociale, de la xénophobie, de la pornographie, du nettoyage ethnique, des conflits armés, de l’occupation étrangère, de l’extrémisme religieux et du terrorisme ».

Cette définition complète celle contenue dans la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies (résolution numéro 48/629), en vertu de laquelle "les termes "violence à l'égard des femmes" désignent tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuels ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation de liberté, que ce soit dans la vie publique ou la vie privée." (…) La violence à l'égard des femmes s'entend comme englobant, sans y être limité, les formes de violence énumérées ci-après :

a) la violence physique, sexuelle ou psychologique exercée au sein de la famille ou au foyer, les violences liées à la dot, le viol conjugal, les mutilations génitales et autres pratiques traditionnelles préjudiciables à la femme, la violence non conjugale et la violence liée à l'exploitation ;

b) la violence physique, sexuelle et psychologique exercée au sein de la collectivité, y compris le viol, les sévices sexuels, le harcèlement sexuel et l'intimidation au travail, dans les établissements d'enseignement et ailleurs, le proxénétisme et la prostitution forcée;

c) la violence physique, sexuelle et psychologique perpétrée ou tolérée par l'Etat, où qu'elle s'exerce"

 

Les travaux entrepris par le Conseil de l’Europe ont abouti à plusieurs textes de référence. La violence à l’égard des femmes constitue une des priorités du Conseil de l’Europe depuis que les Ministres, réunis lors de la troisième Conférence ministérielle ont condamné toutes formes de violence à l’égard des femmes, assimilées à des violations des droits de la personnes. Cet engagement a été confirmé dans la Déclaration finale du deuxième sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement en 1997, qui exprime leur détermination à combattre la violence contre les femmes et toute forme d’exploitation sexuelle des femmes. Cette priorité s’est notamment traduite par l’adoption le 19 mai 2000 d’une recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres sur la lutte contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelles et l’élaboration d’un projet de recommandation sur la protection des femmes et des fillettes contre la violence. Citons encore la Recommandation du Conseil de l’Europe concernant la violence à l’encontre des femmes en Europe (1450) adoptée par l’Assemblée parlementaire en avril 2000 pour inviter le Comité des Ministres à élaborer un programme européen de lutte contre la violence à l’encontre des femmes, ainsi que la Recommandation n°R (2000) 11 sur la lutte contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle, déjà évoquée. Cette dernière recommandation souligne la nécessité de mettre en place une stratégie paneuropéenne pour combattre ce phénomène et qui contient des mesures pratiques directement applicables par les Etats membres du Conseil de l’Europe. On mentionnera encore le travail en cours pour l’adoption d’une recommandation relative à la protection des femmes et des fillettes contre la violence.

Au niveau communautaire, on rappellera que le traité instituant l’Union retient, en son article 2, la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes parmi les moyens à rencontrer pour l’accomplissement de sa mission. L’article 3 du traité précise que la Communauté cherche à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les actions destinées à accomplir sa mission.

Une première approche a été réalisée à travers l’élaboration d’une politique visant à combattre le harcèlement sexuel. L’action de l’Union européenne s’est étendue, pour établir une politique communautaire destinée à lutter contre les violences envers les femmes et la traite des femmes. Un instrument essentiel à cet égard est le programme STOP, créé pour renforcer la coopération contre la traite des femmes et des enfants. Il a été suivi par l’initiative DAPHNE et le nouveau programme DAPHNE (2000-2003), visant tous deux à améliorer l’information et la protection des victimes de violence.

Suite à la résolution du Parlement européen de 1997, qui préconise l’organisation d’une campagne européenne de tolérance zéro à l’égard des femmes, et dans le cadre du suivi de la Quatrième Conférence mondiale, la Commission européenne a mené en 1999/2000 une campagne européenne de sensibilisation à la violence à l’égard des femmes, en accordant particulièrement l’attention à la violence domestique. La stratégie-cadre communautaire en matière d’égalité entre les femmes et les hommes (2001-2005), dont le programme d’action a été adopté par le Conseil le 20 décembre dernier, prévoit un objectif opérationnel spécifique pour lutter contre la violence liée au genre et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. La conférence de lancement de ce programme se tiendra sous présidence belge.

En Belgique, comme indiqué plus loin, les progrès enregistrés au plan de la législation, au niveau de la reconnaissance de la victime ou encore en matière de traitement des auteurs sont incontestables. Le caractère persistant de la violence à l’égard des femmes et des fillettes nécessite cependant une mobilisation des efforts permanente.

L’adoption d’un plan d’action national spécialement consacré à la lutte contre cette violence sexuée apparaît, dans cette perspective, un moyen à investir pertinent.

La Conférence interministérielle de l’Egalité des chances, qui a été installée par la Vice-Première Ministre et Ministre de l’Emploi et de l’Egalité des chances le 14 novembre 2000, a proposé que l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions, s’engagent dans l’élaboration d’un tel plan.

Le gouvernement fédéral dans son ensemble entend participer à la réalisation de cette proposition, qui s’inscrit pleinement dans sa conception de la politique de l’égalité des chances.

 

II. FONCTIONS D’UN PLAN NATIONAL D’ACTION CONTRE LA VIOLENCE A L’EGARD DES FEMMES.

L’élaboration d’un plan national d’action contre la violence à l’égard des femmes doit permettre de rencontrer plusieurs objectifs. Il doit notamment viser à :

· reconnaître l’importance de la violence fondée sur le sexe, à travers un texte officiel qui dénonce le phénomène fermement et en tant que tel ;

· inscrire l’action des pouvoirs publics en la matière dans une politique générale de promotion de l’égalité des sexes et prévoir la systématisation du « gender mainstreaming » dans la mise en œuvre des mesures ;

· présenter le plus exhaustivement possible les moyens existants pour agir par rapport à la violence, dans une perspective :

- d’information des différents acteurs concernés et d’une collaboration accrue entre eux (autorités fédérales, communautaires, régionales et locales, départements ministériels, magistrature, parquets, police, barreau, milieux médicaux, services d’aide, ONG,…) ;

- d’évaluation de la législation et des programmes mis en place ;

- de fixation d’objectifs nouveaux, installation d’expériences pilotes et présentation de bonnes pratiques ;

Un tel document, parce qu’il est destiné à être actualisé régulièrement, suppose de disposer de moyens d’évaluation des politiques efficaces.

Plusieurs voies doivent être explorées à cet égard :

· organisation d’une méthodologie permettant de suivre les faits délictueux à travers les procès-verbaux de police, les étapes de l’enquête, les décisions judiciaires et l’éventuel suivi judiciaire prévu ;

· collecte des données auprès d’organismes susceptibles de fournir une mesure des « chiffres noirs »(hôpitaux, services d’aide et d’accueil,…) ;

· coordination en matière de recherches et études ;

· recours à des instances compétentes pour formuler des avis aux parlements et aux gouvernements.

 

Des décisions relatives à ces points sont présentées dans ce plan.

Il est notamment proposé de renforcer la capacité d’expertise du Forum national pour une politique d’aide aux victimes en le dotant d’un statut. Le Forum rend déjà des avis en la matière que ce soit d'initiative ou suite à une demande de toute autorité intéressée. Il fonctionne suite à une Résolution de la Chambre des Représentants visant à améliorer l’aide aux victimes d’actes de violence (1434/1-93/94). Les entités fédérées seront interrogées sur la question de l’opportunité à formaliser le rôle du Forum.

Il faut encore signaler que le lobby européen des femmes réalise une recherche sur le rôle et le fonctionnement d’un Observatoire européen sur la violence à l’encontre des femmes. Cette recherche s’inscrit dans le cadre du programme « DAPHNE » et a reçu le soutien de la Ministre en charge de l’Egalité des chances.

 

III. PREMIERES LIGNES D’ORIENTATIONS AU NIVEAU DE L’ETAT FEDERAL

1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

La législation relative à la violence physique, sexuelle et psychologique a considérablement évolué au cours des dernières années.

Le législateur s’est attaché à renforcer les dispositions pénales et à sanctionner comme telle la violence résultant d’un abus de pouvoir à l’intérieur du couple, de la famille ou, plus largement, dans le cadre de relations où l’auteur détient un ascendant sur la victime.

 

A cet égard, on rappellera plus spécialement :

- La loi du 24 novembre 1997 visant à combattre la violence au sein du couple, qui introduit dans le code pénal la notion de crime et délit commis contre un conjoint comme une circonstance aggravante aux délits aux articles 398 à 405, portant sur l’homicide volontaire non qualifié de meurtre et de lésions corporelles volontaires. Le conjoint est défini au sens large et vise aussi la personne avec qui on a eu une relation mais dont on est séparé. Cette loi permet au procureur du Roi de constater une infraction dans un domicile, à la requête de la victime de l’infraction (qu’elle soit ou non le chef de la maison). Elle permet à des associations qui ont pour objet l’aide aux victimes d’agir en justice, avec l’accord de la victime. Elle a abrogé l’article 413 du code pénal qui considérait l’adultère comme une cause d’excuse en matière de violence conjugale.

Signalons dans ce volet relatif à la violence entre partenaires que le viol entre époux et entre personnes du même sexe est reconnu par la loi du 4 juillet 1989 modifiant certaines dispositions relatives au crime de viol.

- La loi du 28 novembre 1998 visant à reconnaître la cohabitation légale, qui a introduit un article 1479 au code civil qui permet au juge de paix de prendre, si l’entente entre deux cohabitants est sérieusement perturbées, des mesures urgentes et provisoires, telle que l’écartement de la résidence commune. Cette loi a ainsi étendu aux cohabitants les dispositions prévues pour les couples mariés par l’article 223 du Code pénal.

- La loi relative à la protection pénale des mineurs du 28 novembre 2000, qui renforce notamment la protection pénale des mineurs en matière d’infractions à caractère sexuel (prostitution, atteinte à l’intégrité sexuelle, viol, homicide volontaire non qualifié de meurtre et lésion corporelle volontaire) et incrimine toute forme de mutilations des organes génitaux féminins.

Le harcèlement a été pris en considération à travers l'introduction dans le Code pénal d'un article 442 bis. Le harcèlement sexuel sur les lieux de travail a été principalement pris en compte par la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes complémentaires de sécurité sociale. Cette loi a adapté en droit belge la directive du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (97/80/CE). Elle prévoit le renversement partiel de la charge de la preuve en cas de discrimination fondée sur le sexe et assimile le harcèlement sexuel à une discrimination sur base du sexe. Le gouvernement a considéré nécessaire de compléter ce dispositif afin de mieux prendre en compte le phénomène de la violence au travail sous toutes ses formes. Les nouvelles perspectives dans ce domaine sont présentées ci-après.

Le phénomène de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle a également retenu une attention particulière. Les travaux entrepris au Parlement et au Gouvernement au cours de ces dernières années ont doté la Belgique d’un arsenal législatif et réglementaire, présenté au niveau européen comme des plus complets. Ce dispositif, organisé autour de la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et la pornographie enfantine, est décrit plus loin. Par « traite des êtres humains », la loi vise « le fait de permettre l’entrée ou le séjour d’un étranger sur le territoire belge et d’user à l’égard de cet étranger de manœuvres frauduleuses, de violence, de menace ou de contrainte, ou encore d’abuser de la situation particulièrement vulnérable de cet étranger en raison de sa situation administrative illégale, d’un état de grossesse ou de maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale ». Elle sanctionne plus sévèrement toute forme de prostitution des mineurs et contient une clause d’exterritorialité qui permet de poursuivre quiconque est trouvé en Belgique en ayant commis à l’étranger des faits de mœurs sur les moins de 16 ans.

Le cadre législatif et les pratiques se sont encore attachés, au cours des dernières années, à améliorer la reconnaissance de la victime, à travers le développement d’une politique d’assistance policière et judiciaire aux victimes. L’Etat fédéral, compétent pour cette matière, et les entités fédérées, compétentes pour l’aide aux victimes, ont développé des pratiques de collaboration, plus ou moins formalisées (accords de coopération notamment en matière d'assistance aux victimes). Une structure, le Forum national pour une politique d’aide aux victimes, a été installée pour permettre les échanges entre tous les départements concernés.

Signalons encore, en matière de victimologie, qu'une directive ministérielle relative à l'enregistrement audiovisuel de l'audition des mineurs victimes ou témoins d'infractions est en cours de finalisation Cette directive vise à mettre en pratique les principes y relatifs, contenus dans la loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs. Elle détermine ainsi principalement les compétences des intervenants (magistrats, fonctionnaires de police, experts) et donne des instructions pratiques aux services de police et aux magistrats du ministère public concernant les modalités et le déroulement de l'audition.

La politique judiciaire a aussi développé une logique de réparation vis-à-vis de la société et de la victime recourant davantage à la prévention, dans le respect de la victime comme de l’auteur de l’infraction, à travers les mesures et les peines alternatives. La médiation en matière pénale et familiale est également investie.

En matière de violence sexuelle, dans le double objectif de répondre aux risques de victimisation secondaire et au problème de l’administration de la preuve, la Justice a prévu l’utilisation d’un « set d’agression sexuel ». Des certificats médicaux spéciaux pour les cas de violence physique et de violence sexuelle ont été mis à la disposition des médecins. Des campagnes d’information en direction de ceux-ci sont régulièrement réalisées.

L'accueil des victimes dans des locaux de la police adéquats a été initié. Un accès à des formations spécifiques pour le personnel de police a été prévu.

 

L’Etat fédéral et les Provinces ont recruté, conjointement, du personnel chargé du développement d’une politique de l’égalité des chances au niveau local. Parmi ces agents, les « coordinatrices provinciales » ont notamment cherché à impliquer les différents intervenants concernés dans l’élaboration de programmes locaux pour améliorer la lutte contre la violence dont les femmes sont victimes et pour coordonner leurs efforts. Des actions vers un large public, les autorités locales, des cours dans les écoles de police, des séminaires pour médecins généralistes, ou des actions visant à rassembler les acteurs locaux dans des groupes de travail, ont ainsi été installés.

On rappellera encore que la violence familiale, les délits sexuels et la traite des êtres humains sont des points spécialement visés par les Plan national de Sécurité et Plan fédéral de sécurité et de politique pénitentiaire.

Dans le cadre de la décision du gouvernement de systématiser la politique de gender mainstreaming, et comme suite aux recommandations de la conférence de suivi « Pékin +5 », chaque ministère s’est fixé un objectif stratégique en matière d’égalité des femmes et des hommes. Une cellule d’experts a été désignée pour accompagner l’implantation de politique de gendermainstreaming au niveau fédéral. Le Ministre de l’Intérieur et le Ministre de la Justice se sont fixés comme objectif stratégique en matière d’égalité la lutte contre la violence faite aux femmes.

La Belgique a encore fait de la lutte contre la violence un axe important de sa politique internationale et de sa politique de coopération au développement.

 

2. PREMIERES LIGNES D’ACTION RETENUES

Compte tenu de ce qui a été exposé, le gouvernement estime que la priorité ne va pas, actuellement, à l’élaboration de nouvelles législations. Un certain nombre de législations utiles ont été adoptées récemment ou sont en cours d'adoption.

Il convient avant tout :

- de veiller à l’application des dispositions existantes,

- de réaliser leur évaluation,

- de poursuivre dans certaines voies, telles que la formation des personnels concernés, la collaboration les autorités et les départements concernés, la systématisation du « gender mainstreaming » (examen systématique des situations vécues par les femmes).

Dans le cadre de cette note, le Gouvernement s'engage à systématiser le gendermainstreaming dans toute politique relative à la lutte contre la violence.

Il s'agit notamment de mener une action en matière de :

- Lutte contre la violence domestique;

- Prostitution et traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle;

- Lutte contre la violence pratiquée au sein de la collectivité, en ce compris dans l'espace public, sur les lieux de travail, …;

- Relations internationales et Coopération au développement;

- La lutte contre la violence domestique, et plus particulièrement la violence conjugale, ainsi que la lutte contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, sont deux domaines déterminés comme prioritaires pour les deux années à venir. Les départements ministériels concernés mèneront toutes les collaborations nécessaires pour accomplir ces progrès attendus et rencontrer les objectifs qui sont développés dans les deux importants chapitres que la présente note consacre à ces matières.

La présente note ne prétend en effet pas être exhaustive sur les différents domaines à investir afin de mener une lutte globale contre les différentes formes de violence sexuelle. Il s'agit de lancer un processus, tout en déterminant des premiers domaines prioritaires.

Le Gouvernement actualisera la présente note au terme d'un an et procédera à son évaluation au terme de deux ans.

 

En matière de lutte contre la violence domestique

La violence domestique est sans aucun doute la forme de violence à l’égard des femmes et des fillettes la plus répandue. La violence conjugale, en particulier est un phénomène important qui témoigne, de manière symptomatique, de ce que la violence à l'égard des femmes qui résulte du statut inférieur qui leur est encore réservé et de la persistance de schémas socioculturels sexistes.

Une étude publiée par le Centre universitaire du Limbourg en 1998, confirme que l’essentiel de la violence vécue par les femmes est intra-familiale. 68,1°/° des femmes interviewées ont déclaré avoir connu la violence physique ou sexuelle. Ce chiffre se monte à 73 °/° chez les hommes. Les hommes font davantage état de violence physique que les femmes - respectivement 69,2 et 57 °/° - , les femmes font davantage état de violence sexuelle – 43,9°/° pour 25°/° chez les hommes. Dans 76 °/° des cas, la violence physique dont les femmes font état est intra-familiale, et dans 28 °/° des cas, elle est attribuée au partenaire. La majorité des cas de violence physique déclarés par les hommes se déroulent hors du foyer. Parmi les répondants masculins concernés par la violence physique, seuls 2°/° font état de violence de la part du partenaire. Le pourcentage de femmes se déclarant victimes de violence physique ou sexuelle grave de la part du partenaire est de 13,4°/°. L’étude confirme également la présence de violence conjugale dans tous les milieux sociaux. Elle souligne toutefois la précarité parmi les facteurs de risque. Les situations de précarité correspondent à une augmentation de la violence dirigée contre les autres ( davantage masculine) et contre soi-même (davantage féminine).

L’Etat fédéral et les Entités fédérées devront faire de la lutte contre la violence domestique une priorité dans le plan national d’action de la lutte contre la violence à l’égard des femmes . Ils veilleront à renforcer leurs collaborations sur ce point, en particulier en matière de prévention, de sanction, d'assistance aux victimes et de traitement des auteurs.

Au niveau fédéral, les décisions suivantes ont été prises :

• Actions reposant sur la collaboration de plusieurs Ministères :

- lancement, en septembre 2001, d’une campagne « La violence conjugale est un délit », orientée vers le grand public, et déclinée sous forme de folders distribués par les intervenants concernés (services de police, magistrature, parquets, maisons de Justice, milieux hospitaliers et médecins, ONG,…). Le message principal de la campagne consistera à rappeler que d'une part, la victime n'est ni méprisable, ni coupable, et d'autre part que le coupable peut être aidé. Il sera demandé aux Communautés de s’associer à cette campagne, en particulier pour mener des opérations vers les écoles. Un Comité d’accompagnement, composé d’experts désignés par les autorités participant à l’opération, suivra la préparation de cette campagne. La possibilité d'ouvrir une ligne verte durant la campagne, au niveau national, sera examinée;

- désignation d’agents de liaison en matière de lutte contre la violence au sein des administrations concernées.

• Mesures à réaliser avec la collaboration des Ministres de l’Egalité des chances, de l’Intérieur et de la Justice :

- installation d’un groupe de travail pour la production de statistiques criminelles et judiciaires pertinentes pour mesurer le suivi judiciaire en matière de violence domestique ;

- suivi de l’expérience pilote menée dans l’Arrondissement d’Anvers, avec le soutien financier de la Ministre de l’Egalité des chances et de la Province d’Anvers, en vue de son extension éventuelle.

 

· Mesures du Ministre de l’Intérieur :

- Rédaction d’un répertoire des pratiques de prévention les plus significatives et proposition de modules d’intervention, de sensibilisation et de formation par le Secrétariat permanent à la politique de prévention ;

- Création au sein de la police fédérale d’une cellule Egalité, chargée notamment de faire des propositions pour favoriser l’égal accès des femmes et des hommes dans le recrutement, la sélection et la promotion ;

- Poursuite de la formation à la gestion de la violence des futurs policiers et des policiers par les cours de base et de la formation continuée;

- Installation d’un bureau d'assistance aux victimes par zones (soit 196). Aujourd’hui, 84 Bureaux d’assistance aux victimes sont recensés. Pour mémoire ces services ont une fonction de soutien et de sensibilisation vis-à-vis de tous les agents de leur corps. Ils veillent à ce que les membres du corps reçoivent une formation adaptée à la situation locale en matière d’assistance aux victimes. Ces formations sensibilisent les policiers à la « dimension de genre ». Les locaux d’accueil et d’audition spécialement équipés pour l’accueil des victimes d’actes de violences physique et sexuelle sont généralement logés dans les bureaux d’assistance aux victimes. Une victime féminine est traitée, dans la mesure du possible, par un agent féminin.

 

· Mesures du Ministre de la Justice :

- Evaluation du set d’agression sexuelle ;

- Mise à l’ordre du jour du Collège des procureurs généraux de la question de la politique judiciaire en matière d’infraction à la loi du 24 novembre 1997 et d’expériences novatrices menées pour assurer le suivi judiciaire des cas de violence domestique;

- Mise à l’ordre du jour du Conseil Supérieur de la Justice de la question de la formation spécifique de la magistrature ;

- Le Ministre de La Justice et la Ministre de l'Egalité des chances proposeront aux Entités fédérées d'établir conjointement un répertoire des services organisant une aide aux auteurs de violence, pertinente pour les problèmes de violence conjugale. Ce répertoire devra permettre de recourir aux services les plus adéquats dans le cadre des décisions relevant de la médiation pénale et des peines alternatives. L'état des lieux qui sera ainsi entrepris permettra également d'évaluer l'offre de services et de rechercher, le cas échéant, les moyens de la renforcer.

 

· En collaboration avec la Ministre de l'Egalité des chances:

- Installation d’une formation spécifique des assistants de justice, avec l’appui de la Vice-Première Ministre en charge de l’Egalité des Chances (intervention pour du personnel qualifié). Un des objectifs est d’implanter le gendermainstreaming dans les maisons de Justice ;

- Participation du Ministère de l’Egalité des chances aux projets créés par le plan fédéral de sécurité suivants : projet 1 ( recherche scientifique), projet 7 (accueil des victimes), projet 19 (prévention de la violence au sein des familles), projet 70 (maison de Justice).

- Le Ministre de la Justice et la Ministre de l’Egalité des chances proposeront au Conseil des Ministres un projet de statut pour le Forum national pour une politique d’aide aux victimes. Le projet sera concerté avec les entités fédérées.

 

· Mesures de la Ministre de la Santé publique :

- Sensibilisation des milieux médicaux, principalement les médecins de famille et médecins / infirmiers des services d’urgence, à la problématique de la violence intrafamiliale ;

- Diffusion de la « fiche médicale en matière de violence » et de la « fiche médicale en matière de violence sexuelle» sur laquelle les médecins de famille peuvent noter des informations pertinentes relatives à la victime / leur patiente ;

- Etude sur un instrument permettant aux médecins d’examiner s’il s’agit ou non de violences ;

- Secret professionnel contre obligation de déclaration : on rappellera que l’article 20 de l’AR du 31.05.85 prévoit qu' un médecin a l’obligation de faire rapport à chaque fois qu’il constate que son / sa patient(e) est victime d’un délit. L’obligation de mention constitue une exception au secret professionnel. Il semble judicieux d’entamer une vaste discussion de société sur cette question délicate.

En concertation avec les Régions, on examinera si et comment un système de centres de médecins de confiance peut être mis sur pied. En outre, il faudra répondre à cette question : quelles fonctions un tel centre devra-t-il assumer ? Les médecins (mais aussi assistant(e)s sociaux(ales) et autres) sont écoutés par les centres de médecins de confiance pour faire mention de cas de maltraitance, sans que cela ne doive directement engendrer l’étape vers la justice. Les centres prennent contact avec la victime de maltraitance et discutent pour savoir quelles sont les démarches suivantes pouvant être entreprises. L’objectif est de soutenir la victime de manière discrète. A ce propos, on rappellera que l’éventuelle « aide à l’auteur des faits » ne peut être négligée.

 

En matière de violence au travail

Selon une étude européenne portant sur les conditions de travail , 2°/° des travailleurs européens déclarent être ou avoir été confronté au harcèlement sexuel et 9 °/° au harcèlement moral. Les travailleuses sont davantage victimes : 4°/° se déclarent concernées par le harcèlement sexuel et 10°/° par le harcèlement moral.

Comme indiqué plus haut, la prise en considération du harcèlement sexuel s’est principalement traduite par la loi du 7 mai 1999 sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l’accès à l’emploi et aux possibilités de promotion, l’accès à une profession indépendante et les régimes complémentaires de sécurité sociale. Le gouvernement a voulu compléter ce dispositif de manière à couvrir le phénomène de la violence au travail sous toutes ses formes, à améliorer les procédures internes à l’entreprise, à faciliter les solutions internes par la conciliation et en cas d’échec, à faciliter l’obtention d’une réponse judiciaire, au civil et au pénal.

Le gouvernement a ainsi adopté, en mars 2001, un projet de loi relatif à la protection des travailleurs contre la violence, le harcèlement moral et sexuel au travail.

Le projet comporte deux volets : prévention et information, d’une part, répression, d’autre part.

En ce qui concerne le volet « prévention et information », le projet prévoit la modification du plan de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail de manière à insérer dans le plan global de prévention les mesures prises par l’employeur pour protéger les travailleurs contre la violence au travail, à confier au conseiller en prévention un rôle en matière de conseil et d’accompagnement et de renforcer l’intervention de l’Inspection médicale du travail dans le travail de prévention. Les conseillers en formation recevront une formation adéquate. Pour assurer aux conseillers une protection adéquate afin qu’ils exercent leurs missions en toute indépendance vis-à-vis de l’employeur et des travailleurs, le gouvernement a adopté, également en mars 2001, un projet de loi portant protection des conseillers en prévention.

Le volet « répression » du projet de loi relatif à la protection des travailleurs contre la violence, le harcèlement moral et sexuel au travail porte sur le droit d’agir en justice de l’intéressé(e), de son organisation syndicale et de certaines associations publiques et privées qui ont pour objet statutaire la lutte contre les faits de violence et de harcèlement, prévoit une répartition de la charge de la preuve et assurera à la victime une protection contre le licenciement au dépôt de la plainte , ainsi que la protection des témoins appelés à témoigner dans les litiges.

Ces nouveaux dispositifs supposeront de prendre diverses décisions relatives à leur mise en œuvre pratique. Les informations à cet égard seront communiqués lors de l'actualisation de la présente note.

On rappellera qu'entre temps, les services publics et les entreprises du secteur privé sont tenus de prendre des dispositions pour prévenir le harcèlement sexuel sur les lieux de travail.

En ce qui concerne le Département de la Défense, une enquête récente a mis à jour des problèmes précis.

C'est pourquoi ce Département à d'ores et déjà pris les initiatives suivantes :

Une politique en matière de protection du personnel contre le harcèlement sexuel au sein des Forces armées a été mise en place en application d'un Ordre Général J-821 du 24 avril 1997 et note JSP-P du 05 mai 1997.

La circulaire AGC du 6 mai 1996 détermine la politique en la matière applicable aux agents civils. Cette politique suit les recommandations du Conseil pour l'Egalité des chances.

Le 13 novembre 2000, le Ministre de la Défense a souhaité donner la parole aux femmes du personnel militaire de manière à ce qu'elles lui fassent part des initiatives qui permettraient d'améliorer leurs conditions de travail. Parmi celles-ci, certaines ont trait à la violence, au harcèlement dont des membres de la communauté militaire sont victimes. L'amélioration du système passe par la mise en place d'un service indépendant de "personnes de confiance". La demande est de permettre le respect de l'anonymat, de la vie privée. Le personnel du service doit être en mesure de donner des conseils d'ordre psychologique et juridique. De plus, le service devra faire l'objet d'une campagne de communication permettant à chacun, chacune de connaître le service et ses compétences.

 

Traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle

Le gouvernement fédéral a fait de la lutte contre la traite des êtres humains sensu lato (exploitation économique et exploitation sexuelle) une de ses priorités.

Afin de s’occuper du phénomène de la traite des êtres humains , il convient de

prendre en compte que les femmes en sont majoritairement victimes, principalement par le développement de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle.

Le rapport annuel de 1999 du Centre pour l’Egalité des chances et la lutte contre le racisme donne le chiffre de 334 cas signalés de victimes de la traite des êtres humains par les centres d’accueil spécialisés en Belgique, dont 50% sont des cas de traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle.

Parallèlement aux travaux menés sur la traite des êtres humains au sein de la task force, un débat va s’ouvrir sur la politique de migration .

La Belgique devra entamer un vaste débat sur la problématique de la prostitution. plusieurs pays européens ont modifié leur législation (Suède, Hollande) ou discutent de cette opportunité. La prostitution est un phénomène qui suscite des débats et des réactions sociales. La complexité de la problématique nécessite une longue et minutieuse approche. Ce travail devra être entrepris au sein de notre pays notamment afin de lutter contre la prostitution forcée.

La prostitution peut être régie par trois systèmes juridiques : le système prohibitionniste, le système réglementariste et le système abolitionniste.

En Belgique, la prostitution ne constitue plus une infraction depuis 1948. En revanche, les manifestations de la prostitution contraires à l’ordre public, le racolage ainsi que le proxénétisme continuent à être condamnés. Le code pénal condamne le proxénétisme de façon générale, et prévoit des peines plus élevées notamment lorsqu’il se double d’un moyen de contrainte. L’achat de services sexuels ne constitue pas une infraction.

Les causes profondes de la prostitution forcée, d’une part le profit avec des groupes criminels organisés ou non et d’autre part des facteurs socio-économiques - notamment la féminisation de la pauvreté- , la discrimination à l’égard des femmes, le chômage, l’absence d’éducation et d’accès aux ressources, doivent être traitées si l’on veut définir et mettre en œuvre une politique qui englobe tous les aspects du problème.

La traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle doit être spécifiquement combattue. Elle représente un phénomène multidimensionnel où des facteurs de poussée et d’attraction n’ont de cesse d’interagir. Ces facteurs sont liés à la mauvaise situation économique des pays d’origine et à la demande belge de renouvellement régulier en matière de prostitution.

Le Premier Ministre a installé, en décembre dernier, une Task Force « traite des êtres humains ». Tous les Ministres et le Centre pour l’Egalité des chances et la lutte contre le racisme sont impliqués dans cette task force. Elle a pour mission de fixer à court terme les conditions essentielles d’une politique intégrée qui englobe tant l’aspect administratif que le pilier du droit social, le pilier pénal et l’assistance aux victimes. Le but est de mettre en place des liaisons transversales entre les différentes sources d’information. Son rôle vise à faire état de la situation et à étudier les améliorations possibles sur la politique de lutte contre la traite des êtres humains.

L’ampleur du phénomène de la traite avoisinerait, selon les Nations Unies et l’Organisation international des migrations environ 4 millions de victimes dans le monde et 500.000 d’entre elles pénétreraient chaque année en Europe occidentale.

 

Selon plusieurs indicateurs, le nombre de victimes des la traite s’accroît et le flux de personnes provenant de l’Europe centrale a sensiblement augmenté.

La Belgique reste, malgré les efforts déployés ces dernières années et une législation assez complète en la matière, une plaque tournante de la traite des femmes.

Le centre pour l’Egalité des chances, dans son rapport annuel 2000 sur la lutte contre la traite des êtres humains signale que les réseaux sont sans cesse plus nombreux et plus insidieux.

La traite des êtres humains exige une approche intégrale, intégrée et multidisciplinaire, tant au niveau national qu’au niveau international. Une approche intégrée doit veiller à ce que tous les départements concernés tendent vers une seule et même option de politique dans un souci d’harmonisation. Une approche intégrale s’axe tant sur la prévention que sur la répression et réunit autant que faire se peut les pays d’origine et les pays de destination dans le cadre d’une politique commune. C’est l’essence des accords de coopération bilatéraux conclus avec une série de pays d’Europe orientale. Il va de soi qu’il est particulièrement souhaitable que l’Union européenne intègre ce point de politique dans la préparation de l’adhésion de pays candidats Etat membre à l’Union européenne.

Il s’avère nécessaire d’aligner au maximum notre politique nationale en matière de phénomènes internationaux telle la traite des êtres humains sur la politique menée au niveau international, en premier lieu sur la politique de l’Union européenne, ses instruments et sa réglementation.

1- Actions de la Belgique

1.1. Rappel de la législation

En Belgique, la traite des êtres humains s’appuie sur :

· La loi du 13 avril 1995 sur la traite des êtres humains et la pornographie enfantine apporte un outil novateur en vue de lutter contre la traite des êtres humains. Cette loi pénale permet une interprétation large de la traite des êtres humains puisqu’elle peut viser, outre l’exploitation sexuelle, le phénomène dans son ensemble et par là même également la traite en vue de l’exploitation économique.

Dans la législation, on pointera les articles qui incriminent la traite des êtres humains suivants:

- l’article 77 bis de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers qui introduit clairement une incrimination relative à la traite des êtres humains en tant que telle. Il réprime la contribution à l’entrée d’un étranger sur le territoire belge lorsque, pour cette entrée, on fait usage de violence, de menaces ou d’une forme quelconque de contrainte, ou lorsqu’on a été abusé de la situation particulièrement vulnérable de cette personne ;

- l’article 380 bis du Code pénal qui vise à réprimer l’embauche en vue de la prostitution, même de son « consentement . Il introduit également la notion de proxénétisme hôtelier qui punit le fait de vendre, de louer ou de mettre des chambres à disposition pour la prostitution ;

- l’article 379 du Code pénal qui concerne la débauche, la corruption et la prostitution des mineurs ;

- l’article 380 quinquies du Code pénal qui réprime la publicité pour des pratiques à caractère sexuel, lorsqu’elles s’adressent explicitement à des mineurs d’âge ;

- l’article 10 ter du Code d’instruction criminelle qui permet de poursuivre le belge et l’étranger, trouvés en Belgique, pour des faits commis à l’étranger. Il s’agit notamment de la répression du tourisme sexuel ;

 

1.2. Autres initiatives internes

A côté de ces dispositions législatives, d’autres initiatives ont été prises, notamment la mise en place et le renforcement de certaines structures en vue de la mise en œuvre de ces législations. Citons entre autres :

- Le Centre pour l’Egalité des chances et la lutte contre le racisme.

L’article 11 de la loi du 13 avril 1995 confie à ce centre la mission de « stimuler la lutte contre la traite des êtres humains.

Ce rôle a été défini par un Arrêté Royal du 16 juin 1995 qui prévoit :

- que le centre doit élaborer un rapport annuel indépendant et public d’ évaluation sur l’évolution et les résultats de la politique de lutte contre la traite internationale des êtres humains ;

- de confier au centre la mission de veiller à la collaboration et la coordination entre les centre d’accueil spécialisés pour l’accueil et l’accompagnement des victimes de la traite des êtres humains ;

-  il attribue au Centre la possibilité de se constituer partie civile, en son nom propre et au nom des victimes, dans un procès de la traite des êtres humains.

L’arrêté royal du 16 juin 1995 (art.11) prévoit une procédure d’agrément pour que les centres d’accueil spécialisés aient cette même possibilité légale.

- les centres d’accueil spécialisés en matière de traite des êtres humains. Ces ASBL interviennent auprès des victimes de la traite à plusieurs niveaux (social, psychologique, administratif et judiciaire)

- cellule traite des êtres humains au sein la police fédérale;

- installation de cellules traite des êtres humains au sein de la police locale où on intègre tant le volet social que le volet judiciaire, avec une aide directe et immédiate en collaboration avec les organisations non gouvernementales nationales et internationales ;

- collège des procureurs généraux* qui intervient dans tous les domaines de la criminalité organisée, dont la traite des êtres humains ;

- les magistrats nationaux** qui assurent la coordination des enquêtes en matière de criminalité organisée ;

- les magistrats de liaison*** « traite des êtres humains » est désigné dans chaque arrondissement judiciaire et dans chaque parquet général ;

- circulaire du 7 juillet 1994 relative à la délivrance des titres de séjour pour permettre aux personnes qui ont apporté leur concours à une enquête sur la traite des êtres humains de rester sur le territoire ;

- cellule interdépartementale de lutte contre la traite des êtres humains qui coordonne les acteurs impliqués dans la lutte ;

- directive ministérielle « COL 12 /99» (entrée en vigueur le 1er septembre 1999) qui uniformise la politique de recherches et de poursuites en matière de traite des êtres humains et de pornographie enfantine ;

- arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers. Il vise à coordonner cette réglementation ;

La traite des êtres humains nécessite une approche multidisciplinaire à laquelle plusieurs secteurs sont associés. Citons par exemple le Ministère de l’Intérieur, de la Justice, l’Office des Etrangers, l’Inspection sociale, les Affaires étrangères, la Coopération au développement, des organisations non gouvernementales qui se chargent de l’accueil des victimes de la traite,…

Rappelons encore que la lutte contre la traite des êtres humains constitue en Belgique une priorité incluse dans le plan national de sécurité et le plan fédéral de sécurité et de politique pénitentiaire.

 

1.3. Actions menées par la Belgique au plan international

La Belgique agit également activement au niveau international pour combattre le phénomène de la traite.

Ø Au sein de l’Union européenne, la Belgique a déjà pris l’initiative d’améliorer la lutte contre la traite des êtres humains par le biais de la coopération internationale.

Signalons par exemple l’Action Commune du 24.02.1997 axée sur l’harmonisation de la législation en matière de traite des êtres humains ainsi que sur la coopération internationale.

Ø Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté le 19 mai 2000 une recommandation {n°R(2000) 11}* aux Etats membres sur la lutte contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle.

(adoptée par le Comité des Ministres le 19 mai 2000, lors de la 710e réunion des Délégués des Ministres)

Ø La Belgique soutient aussi plusieurs initiatives liées à la traite des êtres humains : le développement d’Europol qui est mandaté en matière de la traite des êtres humains. Actuellement, Europol peut,

a) par le biais de la présence d’officiers de liaisons, faire office de canal pour l’échange d’informations pertinentes entre les Etats membres (en matière de personnes, de réseaux, de profil…)

b) effectuer lui-même des analyses stratégiques en matière de traite des êtres humains afin d’appuyer les politiques de recherche et de poursuite des Etats membres; réaliser des projets d’analyses spécifiques liés au dossier – et donc opérationnelles – en matière de traite des êtres humains (avec une série de pays participants).

c) réaliser des projets d’analyse spécifiques liés au dossier – et donc opérationnelles – en matière de traite des êtres humains (avec une série de pays participants).

Ø la promotion, au niveau de l’Union européenne, de programmes relatifs à la traite des êtres humains et à l’exploitation sexuelle des enfants « STOP », avec l’intention de mettre sur pied sous présidence belge une banque de données européenne relative à la disparition de mineurs, et aux victimes mineures de traite des êtres humains et d’exploitation sexuelle sur le modèle national « Child Focus » ;

Ø le soutien aux initiatives actuelles au sein de l’Union européenne, entre autres, au cours de la présidence actuelle (Suède), l’harmonisation du quantum de la peine, plus particulièrement dans les cas de traite des femmes ou d’exploitation sexuelle des enfants ;

Ø la Belgique est partie prenante dans le nouveau protocole des Nations Unies en matière de trafic des êtres humains (convention des Nations Unies de lutte contre le crime organisé transfrontalier) ;

Ø subside de programmes de l’Organisation Internationale des Migrations (notamment au Kosovo) relatif à la prévention de la traite des femmes ;

Ø Poursuivre la conclusion d’accords bilatéraux en matière de coopération judiciaire et policière avec des volets ayant trait à la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle ;

Ø L’organisation de ses activités administratives par le Ministère des Affaires étrangères est de la plus haute importance en matière de certaines formes de traite des êtres humains, tels que les enfants à des fins d’adoption ou les mariages blancs : légalisation de documents et actes, une attitude capable de s’imposer et pro-active de la part de nos postes consulaires et diplomatiques. Dans de nombreux postes, l’authenticité de tous les documents présentés est donc systématiquement contrôlée. Dans le cadre de la loi du 13 avril 1995, nos Ambassades et Consulats ont une mission spéciale de collecte d’informations. Immédiatement après avoir pris connaissance de quelque situation d’abus sexuel d’enfants que ce soit où un Belge serait impliqué, le département doit en être informé. Celui-ci transmet ensuite l’information au Magistrat national. On demande également aux Postes de prêter une attention particulière à l’aide à la victime et, à cette fin, de prendre contact avec des organisations locales spécialisées si le cas se présente. Enfin, le Ministère des Affaires étrangères consacre beaucoup de temps et d’énergie à la formation permanente de ses membres du personnel dans tous les domaines apparentés à la traite des êtres humains.

2. Propositions d’actions futures

Bien que la Belgique soit un modèle législatif en la matière, elle reste néanmoins consciente du nombre croissant des victimes de la traite d’une part, et d’autre part, de la nécessité d’ améliorer la situation actuelle par une série de mesures.

Parmi les lignes d’actions de la task force, on peut citer les priorités du gouvernement en matière de traite des êtres humains qui s’appuient sur 4 piliers : le pilier de droit administratif en englobant notre politique étrangère, l’approche du droit social, l’approche pénale et l’accueil des victimes de la traite des êtres humains.

 

Concrètement, cela signifie notamment :

2.1. Au plan national

v Organisation dans les écoles de police, dans le cadre de la formation de base ou de la formation continuée, une formation spécifique relative à la traite aux fins d’exploitation sexuelle .

v Une discussion avec les entités fédérées doit être menée afin que la collecte d’informations soit alimentée à d’autres sources que celles de la police et des tribunaux: professionnels de la santé, services d’aide et accueil, ONG,…

v Envisager avec les entités fédérées l’extension de la capacité d’ester en justice comme prévu par la loi de 1995 à tous les centres qui s’occupent de l’accueil des victimes de la traite des êtres humains .

v Rouvrir le débat sur la prostitution

v Les trois centres d’accueil spécialisés doivent bénéficier de moyens financiers plus importants. Le Gouvernement s’est engagé à ce que les centres bénéficient de moyens financiers structurels pour remplir les tâches qui leurs sont assignées.

v L’augmentation des moyens à destination des centres d’accueil spécialisés devraient pouvoir permettre de veiller à ce que les victimes puissent bénéficier d’un(e) traducteur(trice).

v Les autorités sont désireuses de mettre en place un Centre d’information et d’analyse sur la traite des êtres humains (en abrégé, “CIAT“) qui répondrait à l’attente de partager toutes les informations depuis chaque département afin de s’attaquer de manière intégrée et efficace à la problématique de la traite des êtres humains. Il répond à la philosophie du Plan de sécurité fédéral avec comme point de départ une approche intégrée et intégrale du phénomène.

Le concept CIAT est une piste de réflexion visant à aboutir à court ou à moyen terme à des solutions structurelles pour répondre au besoin de coordination et d’intégration des informations en matière de traite des êtres humains.

2.2 Au plan international

- Il convient d’aborder la traite des êtres humains, phénomène international, à l’échelon européen. Dans ce cadre, il est opportun de créer un Observatoire européen, comme la sous-commission relative à la traite des êtres humains l’a recommandé. EUROPOL apparaît comme l’organisation la plus indiquée pour assumer ce rôle d’Observatoire européen.

- Inscrire la problématique de la traite des êtres humains comme point d’attention prioritaire lors de la présidence belge de l’Union européenne.

La présidence belge poursuivra le développement du programme suédois, belge et espagnol pour les relations externes au niveau de la Justice et des Affaires intérieures, et l’adaptera si nécessaire.

Une attention particulière sera réservée à la lutte contre le trafic d’êtres humains. Le but est d’obtenir une meilleure coordination entre les instances de l’Union européenne impliquées dans cette problématique et une coopération plus efficace avec les organisations et pays clefs. Une action opérationnelle thématique du type High Impact sera également organisée aux futures frontières extérieures de l’Union européenne. Europol, les Etats membres et les Etats candidats à l’adhésion participeront à cette opération.

- Nécessité de poursuivre des campagnes d’information et de sensibilisation dans les pays d’origine.

- Poursuivre une politique de coopération visant à combler le fossé entre pays économiquement développés et ceux qui le sont moins qui prenne en considération la dimension de genre notamment pour améliorer le statut social et la situation économique des femmes.

- Introduire, au niveau européen un cadre de dispositions communes relatives à l’incrimination, aux sanctions, aux circonstances aggravantes, à la compétence et à l’extradition.

POLITIQUE D'ASILE

La convention internationale relative au statut de réfugié, dite "Convention de Genève", ne prévoit pas expressément que les personnes victimes de persécution sur base du sexe ont droit à l'asile. La jurisprudence considère cependant que cette forme de persécution doit être prise en compte, quand elle résulte de pratiques perpétrées ou tolérées par les Etats ou des opinions politiques de la candidate à l'asile.

Parallèlement à ces situations relevant du statut de réfugié visé par la Convention, la Belgique peut accorder le droit de séjour pour motifs humanitaires.

Par ailleurs, le Gouvernement a adopté en première lecture un projet de loi qui réforme la procédure d'asile (contenue dans la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers).

Le projet de loi vise à améliorer la procédure de traitement des demandes par l'administration et prévoit d'accorder à tous les demandeurs d'asile un droit de recours devant une juridiction compétente pour leur reconnaître le statut de réfugié. Ces nouvelles modalités devront effectivement garantir l'asile à toute personne en droit de l'obtenir.

En outre, dans la mise en œuvre de la nouvelle législation future, une attention particulière sera accordée aux situations spécifiquement vécues par les femmes, notamment lorsque les demandes invoquent des persécutions liées au sexe.

Relations internationales et coopération au développement

1- Relations internationales

La Belgique agit activement, tant dans ses relations bilatérales avec les pays tiers, que dans le cadre de ses relations multilatérales dans les différentes organisations internationales concernées (Union européenne, Conseil de l’Europe, Nations Unies,…), afin de lutter contre la violence à l’égard des femmes.

En ce qui concerne les relations bilatérales, les actions internationales de la Belgique dans le secteur prioritaire de la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle sont décrites dans le chapitre qui leur est concerné.

Dans le cadre de l’Union européenne, la Belgique demande un suivi régulier et appuie pleinement, dans le cadre du programme d’action 2001-2005 sur la stratégie communautaire en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, les actions luttant contre la violence liée à l’appartenance à un sexe et à la traite des femmes. De même pour les actions mises en œuvre dans le cadre du programme d’action communautaire 2000-2004 relatif à des mesures destinées à prévenir la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes et à assurer leur protection (programme Daphné). L’objectif de ce programme est de contribuer à assurer un niveau élevé de protection de la santé physique et mentale, de bien-être social et de soutien à l’égard des enfants, adolescents et de femmes victimes ou potentiellement victimes de la violence. Il a également pour but d’élargir, au niveau communautaire, les connaissances et compétences relatives aux techniques et méthodes applicables pour anticiper et prévenir les effets de la violence. Il vise aussi à assister et encourager les Ong et les organisations bénévoles dans ce domaine.

Dans le cadre du Conseil de l’Europe, la Belgique participe activement à l’élaboration de textes relatifs à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, et encourage leur mise en œuvre. Le Comité des Ministres poursuit sa lutte dans ce domaine notamment par l’intermédiaire des activités du Comité directeur pour l’égalité entre les hommes et les femmes.

Aux Nations Unies, toutes les actions de lutte contre la violence à l’égard des femmes sont soutenues pleinement par la Belgique, tant dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies et de sa troisième Commission qui a les droits de l’homme dans ses compétences à New York, qu’au sein de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies à Genève.

La Session Extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies Pékin + 5 intitulée “Femmes 2000: Egalité des sexes, développement et Paix pour le 21ème siècle” qui s’est tenue à New York du 5 au 10 juin 2000 a adopté un document final qui contient de nombreuses propositions d’actions en matière de violence à l’encontre des femmes. Au niveau international, la Belgique soutient la mise en œuvre dans les mois et années à venir, et notamment durant la présidence européenne du deuxième semestre 2001, les mesures suivantes stipulées dans ce document, notamment:

- l’accroissement de la coopération pour éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles;

- l’appui aux activités du système des Nations Unies visant à l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles;

- l’appui aux Ong dans la lutte qu’elles mènent contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, en collaboration avec les Nations Unies;

- la recherche d’un consensus international sur les indicateurs et autres moyens à utiliser pour mesurer la violence à l’égard des femmes, et l’examen des possibilités pour créer une base de données aisément accessible concernant toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris les travailleuses migrantes;

- l’octroi d’une formation aux participants aux missions de maintien de la paix qui sont en rapport avec les victimes de violence, en particulier les femmes et les petites filles victimes notamment de violence sexuelle, afin qu’ils soient soucieux d’équité entre les sexes;

- l’examen des possibilités de lancer une campagne internationale en faveur de l’élimination de toute tolérance en matière de violence à l’égard des femmes (zero tolerance campaign);

- la diffusion d’information afin de mieux faire connaître et comprendre le recours figurant dans le Statut de la Cour pénale internationale (Statut de Rome) de même que la mesure avec laquelle les crimes énumérés dans ce Statut (viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesses forcées et autres formes de violence sexuelle) sont utilisés comme arme de guerre;

- l’encouragement et l’appui de campagnes publiques pour mieux faire prendre conscience du caractère inacceptable et du coût social de la violence dont les femmes sont victimes.

A la Commission des droits de l’homme des Nations Unies à Genève, une résolution est introduite chaque année à l’initiative du Canada, et est co-parrainée par la Belgique et les autres Etats membres de l’Union européenne, intitulée “l’élimination de la violence contre les femmes.

 

2- En matière de coopération au développement

La politique de genre faisait déjà partie de la politique globale belge de la coopération internationale avant la 5ème conférence mondiale des Femmes de Beijing en 1995.

En mai 1999, cette traduction obtient un cadre légal via la loi sur la coopération internationale. Cette loi stipule implicitement que tous les programmes et projets dans le cadre de la coopération doivent accorder de l'importance aux différences entre les femmes et les hommes et doivent créer un cadre adapté en vue d'un épanouissement à part entière des femmes.

Dans sa politique sectorielle en la matière, établie dans la note de politique "égalité entre hommes et femmes : une politique pour un développement durable" (1997), la coopération au développement a choisi de concentrer ses activités dans 5 domaines prioritaires qui incluent la lutte contre les différentes formes de violence à l'égard des femmes, tant au sein de la famille que dans la société, et aussi bien sur le plan juridique que structurel. Une attention spéciale est portée à cet égard à la violence qui atteint les femmes dans leur intégrité physique (mutilation génitale, traite des êtres humains) et au rôle actif et créateur que peuvent jouer les femmes dans les situations conflictuelles.

Pour la traduction de la loi et de la politique dans la pratique, la coopération suit 2 stratégies. Une 1ère est axée sur la lutte, la maîtrise et la prévention de guerres et conflits au sein et entre états où les femmes sont souvent les principales victimes. Une 2ème stratégie s'oriente plus directement sur la lutte contre la violence directe envers les femmes sous diverses formes.

Il existe 3 modalités d'exécution différentes de la coopération belge :

· la coopération gouvernementale

· la coopération multilatérale

· la coopération non-gouvernementale

Des activités sont développées via ces 3 canaux afin de lutter et d’empêcher la violence envers les femmes, tant dans une relation familiale que la violence tolérée ou même induite dans un contexte social plus large.

D’un point de vue schématique, les activités de la coopération belge peuvent être classées comme suit :

1. Par le biais des organisations multilatérales et non-gouvernementales, un large éventail d’activités et interventions sont développées visant au respect des droits des femmes ou apportant une contribution à la prévention ou lutte contre la violence envers les femmes. Parmi celles-ci, on compte entre autres les campagnes contre les mutilations envers les femmes ; la protection des réfugiées, les initiatives d’éducation dans une culture de paix ; l’assistance juridique aux organisations féminines, le soutien des centres d’accueil pour les victimes féminines de violence.

2. Lutte contre la violence familiale envers les femmes. Dans ce cadre, la coopération gouvernementale belge soutient des programmes dans les trois pays partenaires d’Amérique latine (Pérou, Bolivie et Equateur). Au Pérou, en collaboration avec le Ministère de la promotion des femmes (PROMUDEH), un plan national de lutte contre la violence est mis sur pied. On travaille également à la promotion des droits des femmes via le soutien institutionnel du Commissariat des droits de l’homme dans ce pays. Un programme semblable est également soutenu en Bolivie. En Equateur, le soutien belge a été consacré à un programme multidisciplinaire de promotion des droits sexuels des adolescents. Une attention particulière sera prêtée à la prévention de la violence sexuelle parmi les jeunes en remettant en question le type de comportement culturel intégré surtout chez les jeunes.

3. La coopération au développement a soutenu dans le passé un programme pilote aux Philippines où, par le biais d’activités d’informations culturelles appropriées, les candidates immigrantes étaient mieux préparées à la situation dans leur nouveau pays d’accueil. Dans ce programme, une aide était également apportée aux victimes de traite des femmes. Depuis 2000, ce soutien s’est poursuivi via l’organisation multilatérale OIM dans la région de l’Asie du sud-est.

4. La coopération belge apporte une contribution à la prévention et à la maîtrise des conflits dans certains pays partenaires. Parmi celles-ci on compte des activités telles que la démobilisation des filles soldats en Ouganda, Congo et Mozambique ; l’organisation de sessions de formation sur les droits de l’homme et de la femme pour les corps de police en Afrique du sud et en Tanzanie avec pour objectif, entre autres, la prévention des viols de femmes par les membres des corps mêmes.

5. Dans pratiquement tous les pays partenaires, des programmes sont soutenus dans le secteur de la santé et de l’enseignement. Dans le cadre de ces programmes, la coopération belge tente d’intégrer des initiatives qui révèlent les causes culturelles et économiques de la violence envers les femmes et, là où cela est possible, de s’y attaquer. Une approche multidisciplinaire et coordonnée est essentielle dans ce cas.

Futures initiatives

Le département Coopération internationale souhaite à l’avenir poursuivre et approfondir ses efforts dans le cadre de la lutte contre la violence envers les femmes.

Au niveau politique, la problématique de la violence envers les femmes fera partie des notes stratégiques qui devront être présentées dans le courant 2002 au parlement et qui constitueront la base de la politique belge avec les pays partenaires. La note de stratégie spécifique « égalité entre les femmes et les hommes » brossera le cadre général en premier lieu à cette fin.

Là où le problème de la violence envers les femmes mérite une attention prioritaire ou spécifique, et où un accord peut être conclu avec le pays partenaire concerné, des programmes spéciaux seront mis sur pied via la coopération gouvernementale. Cela est déjà le cas pour le Pérou, la Bolivie et l’Equateur. Au Maroc, on prépare un programme de soutien du plan national de promotion des droits des femmes. Dans d’autres pays, de nouveaux programmes seront près dans le courant 2001 et 2002, là où cela est possible et souhaitable, la violence envers les femmes fera partie de la coopération gouvernementale.

Par le biais des organisations multilatérales et non-gouvernementales, des efforts supplémentaires seront fournis afin d’aborder et de s’attaquer à la violence envers les femmes. A partir de cette optique, la collaboration avec le fonds de l’enfance (UNICEF) et le fonds en matière de population (FNUAP) des Nations Unies sera certainement poursuivie en faveur de programmes protégeant les droits sexuels et reproducteurs des femmes et préservant les femmes et jeunes filles dans des situations de conflits de la violence sexuelle et ethnique extrême. Via les organisations non-gouvernementales, dès à présent, la chance est donnée à certaines femmes venant, entre autres du Burkina Faso, Liban, Suriname, Rwanda, Congo – Kinshasa et Burundi, de briser la spirale de violence familiale et sociale à laquelle elles sont soumises.

Dans le cadre de la maîtrise et de la prévention de conflits, quelques propositions sont déjà sur la table souhaitant attribuer aux organisations féminines un rôle plus éminent auprès des négociations de paix officielles, par ex., en Afrique centrale, Colombie et au Moyen-Orient. On fait en plus appel à leur expérience depuis le niveau local.