Principales théories expliquant les causes de la violence des hommes  à l’égard des femmes

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Diverses théories expliquent la violence des hommes à l’égard de leurs partenaires. Nous présentons ci-après cinq des principales approches visant à comprendre la violence des hommes dans les relations intimes. Bon nombre de conseillers et de programmes s’inspirent de plus d’une des théories suivantes :

1. Théorie de la psycho-dynamique/introspection

Les premières théories expliquant les causes de la violence des hommes envers les femmes faisaient ressortir les problèmes psychologiques liées aux traumatismes subis durant l’enfance, aux difficultés sur le plan du développement ou aux maladies mentales. Parmi les problèmes, mentionnons les personnalités immatures, les troubles de la personnalité, une mauvaise maîtrise des impulsions, la peur de l’intimité et/ou l’angoisse d’abandon et les troubles mentaux (Stordeur et Stille, 1989).

Certains conseillers craignent que le fait d’attribuer la violence chez les hommes à une pathologie de l’individu ait pour effet de transférer la responsabilité du comportement de l’agresseur au professionnel qui le traite (Adams, 1988). Le Dr Anne Ganley, pionnière dans le domaine, indique qu’elle n’a pas trouvé une proportion plus élevée de maladie mentale chez les hommes qui agressaient leurs partenaires que chez les autres hommes. Toutefois, elle a créé un groupe de counseling distinct pour les hommes qui souffraient de maladie mentale nécessitant une médication ou pour ceux qui étaient atteints d’une certaine forme de syndrome cérébrale organique. Cette approche est fondée sur le principe voulant qu’une fois le problème organique maîtrisé au moyen de la médication, l’homme peut apprendre à assumer la responsabilité de son comportement violent et apprendre comment communiquer dans le respect de l’autre.

Sonkin signale que, pour certains hommes, une thérapie individuelle peut permettre de prendre conscience de ses fortes émotions inconscientes : une première étape importante dans la maîtrise de la violence. Le danger réside dans le fait que cette prise de conscience chez l’individu ne le mènera pas nécessairement à cesser d’être violent et d’exercer son pouvoir et sa domination au foyer. Si ses actes continuent de ne pas être mis en cause par le système de justice pénal, le sentiment de pouvoir qu’il exerce sur la femme pourrait s’intensifier (Stordeur et Stille, 1989). D’autres critiques de cette approche font valoir qu’elle peut ne pas régler les questions immédiates de sécurité et qu’elle ne tient pas compte de la domination qu’exerce le comportement violent sur la victime. Tout programme responsable de counseling individuel met l’accent en premier lieu sur la sécurité; il analyse ensuite les attitudes qui favorisent la tolérance à l’égard de la violence envers les femmes et, enfin, il examine les traumatismes subis durant l’enfance.

2. Théorie de la ventilation

Bien que cette approche soit peu souvent utilisée comme méthode d’intervention auprès des hommes violents, les risques qui y sont associés justifient quelques mises en garde. La recherche n’appuie pas l’hypothèse principale sur laquelle se fonde cette théorie, à savoir que le fait de ventiler sa colère aboutit à une atténuation de la colère et du stress. Tavris a signalé que la ventilation de la colère peut entraîner une dépendance chez la personne qui a recours à cette technique. Strauss a constaté que l’agression verbale est fortement associée à une augmentation de l’agression physique. Ganley craint que lorsque les hommes violents ventilent leur colère en frappant sur un punching-ball ou en coupant du bois, la répétition de ces gestes n’entraîne un renforcement de leur comportement. Qui plus est, ce genre de défoulement envoie le message voulant que la seule façon de résoudre un conflit ou de vaincre la colère soit une explosion physique. La ventilation de la colère laisse entrevoir que la violence n’est qu’un problème de maîtrise de la colère. Or, ce serait passer sous silence le fait que de nombreux hommes sont tout aussi furieux dans d’autres situations où ils ne sont ni violents ni dominateurs.

3. Théorie des systèmes familiaux

Habituellement appliquée dans le cadre de la thérapie de couple, la théorie des systèmes familiaux (TSF) suppose que la victime et l’agresseur participent à des modes d’interaction mésadaptés. La violence sert à garder une certaine distance ou à renforcer une certaine dynamique familiale déjà en place. Plusieurs thérapeutes soutiennent que la TSF peut être appliquée de façon appropriée avec des hommes violents et leurs victimes si certaines précautions sont prises, comme on le verra plus loin (Geller et Wasserstrom. 1984).

Au cours d’un atelier intitulé « Families and Violence: A Feminist-informed Systemic Approach » (Familles et violence : une approche systémique féministe) (Vancouver, 1993), Virginia Goldner expliquait qu’elle a adopté une démarche systémique féministe dans son travail auprès des couples. Elle exclut les couples au sein desquels 1) la violence est fréquente et grave, 2) la femme ne jouit d’aucune autonomie, d’aucun soutien social ou d’aucune aide financière et 3) l’homme n’assume pas la responsabilité de la violence qu’il inflige. Elle soutient que la violence doit cesser avant que la thérapie ne commence et que, même si les deux parties prennent part à la thérapie, cela ne veut pas dire pour autant qu’elles sont aussi responsables l’une que l’autre de la violence.

Beaucoup de féministes redoutent que la TSF atténuent la gravité de la violence en dégageant l’agresseur de sa responsabilité à l’égard de la violence. De plus, la TSF peut ne pas tenir compte des différences de pouvoir entre les hommes et les femmes dans notre société. Le fait de considérer la cause de la violence comme étant systémique peut renforcer indirectement l’idée selon laquelle la femme est responsable des sentiments et des actions de son mari (Stordeur et Stille, 1989). Il ne peut y avoir de communication réelle tant qu’il y a de la violence ou une menace de violence (Ganley, 1981).

4. Théories cognitivo-comportementale et psychoéducative

Ces théories placent la violence dans les relations intimes au centre même de l’intervention. Vu que la violence est envisagée comme un comportement acquis, la non-violence peut elle aussi s’apprendre. Plusieurs techniques sont employées en psychoéducation, notamment les suivantes : les « journaux des mouvements de colère » qui permettent de distinguer les pensées, les sentiments et les comportements; les retraits permettant de mettre fin à un comportement agressif, les techniques de gestion du stress; l’identification de la pensée dysfonctionnelle qui intensifie la colère et l’apprentissage des relations interpersonnelles, comme les techniques de communication et d’entraînement à l’assertivité. On a reproché à ce modèle d’avoir une perspective trop étroite du comportement violent des hommes et de ne pas tenir compte du rôle de ce comportement dans le maintien du pouvoir et de la domination exercés par chaque homme ou par tous les hommes en tant que classe (Stordeur et Stille, 1989, p. 31).

5. Théorie pro-féministe

Pour les hommes, la violence est une façon d’exercer leur pouvoir et leur suprématie sur les femmes. Les hommes peuvent opprimer les femmes de différentes façons : le viol, l’agression physique et les menaces (Bograd, 1988). Selon cette théorie, la violence comprend la violence psychologique qui peut saper l’estime de soi de la victime. La conception féministe de la violence envers les femmes repose sur deux principes fondamentaux : 1) aucune femme ne mérite d’être battue et 2) les hommes sont les seuls responsables de leurs actes (Stordeur et Stille, 1989, p. 32). Le modèle pro-féministe est en faveur de l’apprentissage des techniques de maîtrise de la colère et de communication, mais il fait ressortir la nécessité de mettre en question les droits que les hommes pensent avoir sur leur femme et leurs enfants. Si l’on ne corrige pas le déséquilibre des pouvoirs entre les hommes et leurs familles, les hommes pourraient utiliser les nouvelles techniques acquises à mauvais escient et s’en servir comme des moyens plus subtils de continuer d’exercer leur domination (Adams, 1988). Dans cette optique, les personnes qui travaillent auprès des hommes violents doivent chercher à changer les systèmes sociaux, juridiques et économiques qui favorisent l’oppression des femmes. Les détracteurs de l’approche féministe prétendent qu’elle ne tient pas compte des aspects de la personnalité de l’individu qui contribuent à la violence (Dutton et Golant, 1995).

Conclusion

La plupart des conseillers et des programmes auront recours à plus d’un de ces modèles théoriques. Au Canada, on relève une forte tendance vers l’utilisation d’un modèle psychoéducatif, fondé sur une analyse féministe de l’usage du pouvoir par les hommes. De nombreux conseillers sont influencés par le travail d’Alan Jenkins qui suppose que les hommes changent plus rapidement lorsqu’ils sont respectés en tant qu’individus. Dans le contexte d’une relation basée sur le respect, le conseiller peut amener un homme à admettre ses comportements violents et dominateurs qui, à la longue, sont également nocifs pour lui (Jenkins, 1990).

Le counseling pour les hommes violents n’est qu’une des stratégies préconisée pour mettre fin à la violence envers les femmes et les enfants. Les programmes de counseling sont souvent offerts au sein de la collectivité dans le cadre d’une intervention communautaire globale visant à faire cesser la violence dans les familles. Le travail innovateur du Duluth Domestic Abuse Intervention Project (projet d’intervention contre la violence domestique de Duluth) favorise ce type d’approche intégrée (Pence et Paymar, 1993). Il accorde plus de place à une action communautaire coordonnée reposant sur la collaboration du système de justice pénale, des refuges pour femmes et des organismes de counseling, des programmes d’intervention auprès des hommes violents ainsi que d’autres membres de la collectivité et d’organismes qui ont à coeur de mettre fin à la violence faite aux femmes dans les relations intimes. Le travail communautaire peut inclure une intervention visant à enrayer ou prévenir la violence envers les enfants, des ateliers pour les étudiants de tous les âges sur les approches non violentes de résolution des conflits et des campagnes d’éducation du public quant à la fréquence et à la gravité de la violence vis-à-vis des femmes dans les relations intimes.