Les hommes le propre et le rangé

L'exotisme de la vie quotidienne

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Les hommes à la conquête de l'espace domestique

du propre et du rangé 

Daniel Welzer-Lang - Jean Paul Filiod

Le jour vlb éditeur Québec; 1992; 235pp

 

Prélude

Pourquoi, dans un couple y a-t-il toujours quelque chose qui traîne et qui fait désordre? Pourquoi les hommes rangent-ils si peu ? Pourquoi les femmes passent-elles plus de temps à ranger, nettoyer, récurer ? Quels sont les effets des apprentissages différents des garçons et des filles ? Quel sera l'avenir du couple homme-femme au quotidien, dans les sociétés contemporaines ? Comment lire un espace domestique ? Comment interpréter la mode des cuisines ouvertes, ce que nous appelons en France les "cuisines à l'Américaine" ? Pourquoi, pour avoir la paix, les femmes se réfugient-elles dans les cuisines et les hommes dans l'atelier, la voiture et... aux wc ?

Autant de questions qui sont à l'origine de ce livre.

Bien sûr, le nombre d'hommes qui prennent en charge le travail domestique est sans commune mesure avec le nombre de femmes qui s'occupent du foyer. L'Insee, dans une de ses dernières enquêtes, montre par exemple qu'une femme salariée ayant au moins un enfant de 15 ans dans le ménage consacre 5h18 par jour au travail domestique, contre 2h52 pour l'homme .

Et pourtant, les hommes changent. Ou plutôt, certains hommes changent. Suite à la diffusion du féminisme, à la remise en cause de la domination masculine - y compris dans les maisons -, aux réflexions d'hommes égalitaristes ou antisexistes, nous vivons une transformation sans précédent des relations entre hommes et femmes.

Les actes du quotidien, le fait de faire à manger, de nettoyer le linge ou la vaisselle, de ranger ou de ne pas trop déranger, de s'occuper des enfants ou non, sont souvent les termes du débat quotidien qu'entretiennent hommes et femmes dans une famille ou dans un couple.

Si les hommes changent, comment changent-ils ? Est-ce qu'un homme et une femme ont la même manière de faire le ménage, de prendre en charge le linge, les mêmes attitudes face à la propreté et au rangement, les mêmes rapports à l'occupation d'un bureau personnel ? Bien sûr que non. Toute personne ayant un minimum vécu en couple ou en famille le sait. Chacun-e d'entre vous peut raconter des anecdotes sur la chaussette qui traîne, la baignoire qu'on ne lave pas après usage, la vaisselle qui déborde dans l'évier...

Pour notre part, nous avons voulu comprendre. Comprendre ces différences. Car, si tout le monde est persuadé que les hommes changent, chacun-e sait aussi qu'ils ne changent pas toujours comme l'auraient souhaité leurs proches, notamment les femmes qui les entourent.

Mettons les choses au point. Nous sommes résolument du côté des femmes qui critiquent la domination masculine et leur enfermement dans la vie domestique. Nous aussi, dans nos vies privées, partageons les valeurs dites antisexistes. Nous appartenons à une génération qui a vu les luttes féministes bouleverser le paysage social. Notre propos n'est pas de justifier la domination qu'exercent les hommes dans leurs foyers ; nous voulons simplement savoir comment évoluent les pratiques masculines et féminines dans les foyers.

Mais nous sommes chercheurs - ethnologues pour être précis -, nous avons donc enquêté. Le livre que vous avez entre les mains est le produit de quatre années d'études auprès des hommes.

Et pourtant, cet ouvrage n'est pas un livre savant. Ni un livre qui se contenterait de vous redire ce que tout-e un-e chacun-e sait. Fidèles à l'esprit de la collection qui l'accueille, nous vous présentons un écrit accessible à un large public.

Les emprunts que nous avons dû faire à l'ethnologie et à la sociologie sont largement commentés et explicités. Volontairement, nous avons réduit les références bibliographiques. Les témoignages directs et les citations illustrent de manière la plus claire possible les idées développées et permettront peut-être à chacun-e de se reconnaître dans les exemples cités.

Le livre est composé de deux parties comprenant dix chapitres.

Dans la première partie, après avoir présenté nos terrains d'enquête, nous vous proposons six mini-histoires de vie, six exemples différents d'hommes auprès desquels nous avons mené notre étude.

La deuxième partie est composée de trois chapitres, qui proposent des réflexions et des analyses sur les changements masculins. Tout d'abord, la question cruciale du propre et du rangé. Puis, leur incontournable pendant, l'espace domestique lui-même et ses territoires. Enfin, les changements masculins, en regard des différentes manières d'habiter les maisons, des différentes manières de vivre l'espace domestique.

Nous avons également tenu à présenter notre méthodologie. Celle-ci est présentée en annexe.

Nous ne terminerons pas cette présentation sans remercier ceux et celles qui ont accepté de critiquer les premières versions du manuscrit : Alain Pigault, Dominique Belkis, Jacques Laris, Odile Compat, Pierre Dutey, Dominique Marron. De même cet ouvrage n'existerait pas sans le soutien de la Mission du Patrimoine Ethnologique (Ministère de la Culture - France) et le Plan Construction et Architecture (Ministère de l'équipement et du Logement - France), notamment Marion Segaud qui nous a toujours apporté une aide précieuse et chaleureuse.

Enfin, nous vous souhaitons autant de plaisir à lire cet ouvrage que nous avons eu à le réaliser.

P r e m i è r e  p a r t i e

Chapitre 1
L'exotisme de la vie quotidienne

La vie quotidienne : entre soi et l'autre
Des questions sur l'intime

Comment étudier l'intime ?

En dehors des paroles forcément limitées, comment apprécier les gestes, les mille et une manières de faire ? Nous effectuons les un-e-s et les autres des milliers de gestes quotidiens, habituels, routiniers, qui par la force de l'habitude, sont devenus invisibles. Comment organisons-nous notre quotidien ? Pourquoi fermons-nous telle porte ou enlevons-nous telle autre ? Comment s'imbriquent les différents temps de la journée qui vont du lever, quand tous les membres d'une famille sont pressés, quand les enfants doivent se rendre à l'école, les parents au travail, à la soirée partagée ou non devant le poste de télévision, en passant par les différents repas pris à la maison ?

Répondre à ces questions n'est pas simple.

Pour notre étude, nous avons utilisé une méthode d'observation graduée dans l'approche de l'intime. Le plus simple à mettre en place fut de réaliser des interviews plus ou moins longues parmi les proches des hommes étudiés (ce que nous appelons le vivre-avec). Le plus complexe à négocier fut d'être invité pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines pour vivre chez les enquêtés (qualifié ici de vivre-chez). Entre ces deux moments, nous nous sommes livré à des visites longues et fréquentes. De ces différentes manières d'enquêter, nous allons nous en expliquer.

Mais auparavant, et pour répondre à l'avance à votre surprise et à vos questions, il nous faut quand même parler de l'ethnologie.

"Vous êtes ethnologue ?... Ah bon ?!...

Alors, vous devez voyager beaucoup..."

Ethnologie. Ce mot porte en lui toute la magie de l'exotisme. L'aventure, la rencontre de "l'autre différent", l'expérience d'une culture dissemblable de la sienne... c'est tout ça l'ethnologie. Et on imagine les tribus africaines, les Indiens d'Amérique, les peuples d'Océanie. Comme toutes les disciplines scientifiques, l'ethnologie souffre du poids de son histoire et de ce que les gens en font, transportant de-ci de-là des images, des expériences reformulées, petit à petit cristallisées dans les esprits. Les média sont en outre d'excellents relais pour confirmer ces images, ce qui n'arrange rien.

Et pourtant, après s'être particulièrement attardée à l'"ailleurs" et à l'"archaïque", l'ethnologie s'intéresse aussi à l'"ici" et au "maintenant". Loin des sociétés dites "extra-européennes", "extra-occidentales", "traditionnelles" ou encore - et toujours - "primitives" , nous voudrions parler de l'ethnologie comme étant une démarche particulière, fondée sur un certain rapport à l'autre, un autre qui n'habite pas nécessairement loin de chez nous.

Nous nous sommes longuement interrogés sur ce rapport particulier et sur les implications méthodologiques que cela produisait. Pour ceux et celles que cela intéresse plus précisément, nous avons développé ces questions dans un annexe méthologique que vous trouverez à la fin de cet ouvrage. Pour l'instant, nous nous en tiendrons à une présentation succincte de notre cheminement et des terrains qui ont servi de support à cette enquête.

Chercheurs, mais avant tout individus...

Les questionnements survenus à l'occasion de cette recherche proviennent d'une volonté d'interroger et de comprendre la transformation des rapports sociaux hommes-femmes à partir de deux points de vue. D'abord, celui de la société globale, qui, depuis l'après-guerre, redistribue les "rôles" masculins et féminins, et modifie les représentations liées à ceux-ci. Puis, parallèlement, celui des micro-sociétés à travers lesquelles le chercheur vit des expériences. Pourquoi ne pas le dire : notre questionnement est théorique, mais aussi pratique et personnel. Nous sommes également confrontés à des modifications de relations avec les femmes. Nous aussi, y compris pour nous-mêmes et pour mieux vivre, nous voulons comprendre le quotidien.

Dans ce qu'elle a d'universelle, la vie domestique s'offre au chercheur comme à tout autre individu. Non seulement il lui arrive de faire la cuisine mais dans une séquence de vie (quelle qu'en soit sa durée) où il vit seul dans un logement, il lui faut de temps en temps nettoyer les lieux, ranger ; dans une autre séquence où il vit en couple ou en collectivité, il lui faut vivre des interactions avec ses cohabitant-e-s, s'organiser avec d'autres adultes par exemple. De plus, lorsque sa trajectoire sociale l'a poussé à adhérer à des valeurs dites égalitaristes, il apprend à équilibrer la gestion de l'espace domestique avec son, sa ou ses partenaires. Mais quels que soient ses choix ou ses pratiques personnelles, il n'en reste pas moins homme, c'est-à-dire lui aussi produit de différents apprentissages masculins.

De ces expériences domestiques vécues en tant qu'homme, se réfléchissent l'identité masculine, ses transformations, ses variations, sa redéfinition. Par la rencontre d'autres hommes, avec lesquels se déclenchent des discussions, par des échanges avec des femmes qui ont aussi une conscience de la transformation de leur identité féminine, se joue une interaction entre réflexions sur le thème et pratiques sur le thème.

 Le choix des terrains

Chaque étude particulière invite généralement les chercheurs en sciences humaines à choisir dans leurs réseaux d'enquête les personnes les plus aptes à répondre à leur problématique.

Concernant cette recherche il nous fallut d'une part choisir des sujets sur qui nous pouvions supposer voir quelque chose de ce nous avions qualifié de "nouvelles manières de faire" des hommes, et d'autre part obtenir des sujets l'accord d'observer leurs lieux. Il nous parut raisonnable de nous orienter vers des personnes auprès desquelles existaient certains a priori de confiance.

Présentons rapidement ces deux réseaux.

Le groupe d'hommes de Lyon

Dans les années 1970-1980, la France, comme la plupart des pays industrialisés est touchée, on pourrait même dire bouleversée, par la vague féministe. Des femmes veulent vivre sans être "sous le joug permanent de la domination masculine". Du Mouvement de libération des femmes (mlf) aux groupes de femmes d'entreprise et de quartier, elles sont des milliers à se révolter contre le machisme, les violences, les discriminations envers les femmes salariées, et pour le droit à l'avortement. Dans cette tempête, des hommes (quelques hommes) eux aussi revendiquent. Pour la plupart amis de ces femmes qui manifestent, ils militent avec elles au Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception (mlac). Par la suite, à travers la France, ils se regroupent "contre la virilité obligatoire". Deux groupes émergent : les hommes qui animeront la revue "Types, paroles d'hommes" dont six numéros seront publiés , et ceux qui créent l'Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (ardecom). Ceux-ci expérimentent des contraceptions masculines, notamment ce que l'on appelle "la pilule pour hommes" et une contraception basée sur le réchauffement des testicules . Ils publient deux numéros de la revue intitulée : "Contraception masculine - paternité" .

Les projets des uns et des autres sont clairement antisexistes. Les revues sont remplies de textes où les hommes clament leurs désirs de "vivre autrement" les rapports aux femmes, aux enfants et aux autres hommes.

Mais ce qui sous-tend cette revendication n'est pas tant leurs activités publiques (tenir des permanences "contraception", débattre avec la presse...) que les groupes de paroles "entre hommes". D'abord dénommés "groupes mecs", "groupes pas-rôle-d'hommes", ces groupes ont fourni à la plupart des participants les premières occasions de parler d'eux, de leur vie quotidienne, de la virilité, du machisme et de la tendresse revendiquée haut et fort.

A Lyon, un groupe d'hommes se créée en 1979. Puis, de 1980 à 1986, avec les médecins du Centre d'études et de conservation du sperme (cecos) , une quinzaine d'hommes, selon divers protocoles, expérimentent la pilule pour hommes. A Lyon comme dans les autres villes de France, l'expérimentation n'est pas sans un certain succès : les hommes sont stériles et la stérilité est réversible. Toutefois, ni les laboratoires pharmaceutiques, ni les hommes ne se pressent à la porte de ce mode de contraception. L'Ordre des Médecins local ira même jusqu'à proclamer par la bouche d'un de ses représentants : "Messieurs, on ne touche pas au corps de l'homme !"

Décembre 1986, les expériences s'arrêtent. Le projet ambitieux de promouvoir une prise en charge de leur contraception par les hommes eux-mêmes, de leur donner les moyens d'assumer leur non-désir d'enfants, échoue pour partie.

Mais le groupe de paroles "entre hommes" qui se réunit quasi mensuellement depuis 1978 perdure.

Bien évidemment, lorsqu'il s'est agi de chercher des hommes auprès de qui nous pouvions supposer des changements dans le domestique, nous avons pensé à eux. Ni chevaliers, ni héros, ces hommes étaient à présent plus âgés. Certains vivaient seuls, d'autres en couple ou en habitat communautaire, mais tous continuaient à vouloir vivre d'autres rapports à leurs proches.

Si le groupe d'hommes de Lyon est limité à une quinzaine de personnes, son réseau est beaucoup plus large. On peut estimer à une centaine le nombre d'hommes impliqués de près ou de loin dans le groupe de Lyon. Depuis plusieurs années, ils participent à des recherches successives avec un des auteurs de cet ouvrage. Celui-ci fut aussi, en d'autres temps, expérimentateur de la pilule pour hommes.

Les habitats collectifs à voisinage choisi

Le deuxième réseau enquêté prend sa source dans une autre mouvance, mais qui n'est pas complètement étrangère à celle des groupes d'hommes. Il s'agit de ce que nous appelons les "habitats collectifs à voisinage choisi". Ce sont généralement des groupes volontaristes issus des mouvements sociaux des années 1960-70, dont le projet était de constituer un habitat ayant comme particularité le choix des voisin-e-s. Les objectifs sont de mieux vivre le voisinage, de s'assurer d'une solidarité pour les tâches quotidiennes, éventuellement de moduler le montant des loyers selon les revenus des ménages présents... Assez souvent, les groupes ont utilisé les compétences d'un architecte et se sont installés soit en accession à la propriété, soit en location. Dans ce dernier cas, la coopération d'un office public a été généralement choisie, au discrédit de la régie privée. Nous pourrions résumer ce désir de vivre autrement par la formule : "habiter, plutôt que simplement se loger" .

Nous regroupons sous l'expression "habitats collectifs à voisinage choisi" trois types d'habitat : les habitats groupés autogérés, les habitats coopératifs et ce qui, en France, fut communément appelé les "communautés néo-rurales", et que l'on connaît au Québec sous le terme de "communes". Chaque habitat est généralement constitué d'une structure composée d'unités familiales et de quelques salles collectives destinées à des activités de loisirs, à la vie associative ou à de simples rencontres. Autour de chaque habitat collectif, on note en outre la présence d'un réseau électif plus ou moins important.

Si ce type d'habitat se caractérise par la volonté de redynamiser du lien social de voisinage, il faut relativiser l'image parfois caricaturale que nous gardons de ces expériences. Marginalité, cheveux longs, fromages de chèvre et partage sexuel des partenaires, nous en passons et des meilleures... L'ouvrage édité à l'initiative du Mouvement pour l'habitat groupé autogéré (mhga) montre parfaitement la diversité de ces expériences, qui fleurirent dans de nombreuse régions de France. Bien sûr, le but d'un tel mouvement était de promouvoir ce mode d'habiter. Des échanges ont lieu. Les rencontres entre groupes (qui se limitent parfois à des visites entre des représentant-e-s de chacun d'eux) encouragent les différentes dynamiques et les entretiennent.

Nous ne dresserons pas ici un bilan de ces mouvements . Toutefois, retenons plusieurs points des études menées sur ces phénomènes en France et au Québec par un des auteurs de ce livre. Chacun des groupes étudiés montre de toute évidence une sensibilité à de nouvelles manières de vivre les rapports hommes-femmes. Les itinéraires de vie des résidents indiquent aussi clairement une appartenance à une génération, soucieuse de transformer les modèles dominants et leurs apanages d'injustices. De plus, si chacun-e avait plus ou moins adhéré à des groupes communautaires avec une forte proximité dans la vie quotidienne, il n'en était pas de même à la fin des années 1980. Entre 1970 et 1980, souvent la proximité était devenue promiscuité, les habitats collectifs se sont alors remis en cause. Aujourd'hui, comme dans beaucoup de segments de la société, la cellule familiale constitue la tendance majoritaire. Mais les projets ne sont pas pour autant abandonnés. La collectivité persiste, mais à la périphérie de l'unité familiale, dont on prend soin de préserver l'intimité.

Nous avons choisi les hommes de cette enquête parmi deux habitats : l'un de type "communauté néo-rurale" situé dans les Cévennes ; l'autre de type "habitat groupé autogéré" situé dans une ville nouvelle de la région parisienne.

* *

Vous avez dit "marginaux" ?... Méfions-nous de cette qualification. Ces deux terrains d'enquête ont probablement, à une certaine époque, abrité des "marginaux" au sens idéologique qu'on accorde parfois à ce terme, mais à présent, nous avons affaire à des histoires de vie, histoires de couple, de famille, d'enfants comme il en existe des milliers d'autres. Chacun de ces hommes est socialement et professionnellement très intégré. Certaines valeurs radicales ont été atténuées, vous pourrez le constater facilement. Une fois dépassée la première impression, le discours ou la connaissance de l'itinéraire, nous nous apercevons que ces vies ressemblent à bien d'autres, celles-ci peu marginales.

Pour les présenter dans cet ouvrage, il nous a fallu faire une sélection parmi la population initiale. Les modes de vie que nous avons observés, les situations des uns et des autres, les itinéraires, nous ont montré une diversité des pratiques, une variété des comportements et des attitudes face aux différents domaines de la vie. C'est cette variété que nous voulons mettre à présent en valeur. Nous avons choisi de présenter six histoires de vie. Six histoires d'hommes qui ne vivent pas selon les mêmes modes d'union, qui n'ont pas les mêmes professions, ni les mêmes âges (23 ans séparent le moins âgé du plus âgé).

Le premier, Dominique, vit avec sa fille ; Eric, lui, vit avec son épouse Marianne, et leurs deux enfants ; Denis vit avec sa compagne Véronique, mais dans deux résidences voisines, avec des parties communes ; Claude vit avec son épouse Morgane ; Christophe vit en union libre avec Monique, avec qui il a eu deux enfants ; enfin Antoine, lui, vit seul.

Nous n'avons pas la prétention de considérer ces portraits comme représentatifs des "hommes des années 90" (pour reprendre la terminologie des magazines de presse). Six hommes ne nous permettent évidemment pas d'avoir une vision juste et réelle de millions d'individus ; simplement, ils nous montrent des traces sensibles de l'évolution du masculin. Mais surtout, ces histoires nous indiquent combien les transformations du masculin ne sont pas linéaires, comme ce le fut dans d'autres temps, à une époque où les cycles de vie étaient clairement marqués et irréversibles.

Ce sont eux...

Alain : 38 ans - artisan - Habite avec sa compagne Lætitia, 38 ans, et la fille de celle-ci, âgée de 19 ans. Divorcé et père de trois enfants, Alain a eu un garçon avec Lætitia en 1988.

Antoine : 39 ans - travailleur social - Habite seul. Sa compagne, Jocelyne, 28 ans, vit dans un autre logement.

Armand : 30 ans - homme au foyer - Habite avec son enfant et quatre amies, dont Suzanne, la mère de son enfant.

Christophe : 35 ans - instituteur - Habite avec sa compagne Monique, 37 ans, et leurs deux enfants, âgés de 8 et 5 ans.

Claude : 52 ans - biologiste - Habite avec son épouse Morgane, 42 ans.

Denis : 34 ans - musicien - Habite seul. Sa compagne, Véronique, 38 ans, vit dans un autre logement.

Didier : 39 ans - agent de maîtrise - Habite seul ou avec son enfant. Est marié à Sophie, 34 ans. Ont eu un enfant, mais sont séparés.

Dominique : 37 ans - ingénieur - Habite avec sa fille Sylvette, 16 ans. A eu un autre enfant, qui vit avec sa mère en Suisse.

Eric : 28 ans - informaticien - Habite avec son épouse Marianne, 27 ans, et leurs deux filles, âgées de 5 et 2 ans.

Fred : 39 ans - médecin - Habite avec son épouse Jacqueline, 43 ans et leurs trois enfants, âgés de 13, 11 et 9 ans.

Gilbert : 51 ans - responsable d'association - Habite avec son épouse Claudine, 41 ans, et leurs deux enfants, âgés de 13 et 10 ans.

Jean-Philippe : 57 ans - menuisier - Habite seul. Au-dessus de son logement vit sa compagne Marie, 41 ans (aucune communication entre les deux logements).

Jullien : 28 ans - informaticien - Habite avec un ami George, 26 ans. (Ils se définissent comme "co-locataires")

Marc : 39 ans - maraîcher - Habite avec sa compagne Céline, 37 ans, et leurs deux enfants, âgés de 11 et 5 ans.

Paul : 51 ans - homme de ménage - Habite avec son épouse Martine, 38 ans, et leurs quatre enfants, âgés de 5, 3, 1 et 1 an.

 

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Les hommes à la conquête de l'espace domestique, du propre et du rangé 

Daniel Welzer-Lang - Jean Paul Filiod

Le jour vlb éditeur - Québec; 1992; 235pp

Pourquoi les hommes ont-ils si peu d’ordre et préfèrent-ils s’occuper de leur voiture tandis que les femmes s’activent dans leur cuisine? Voilà une des nombreuses questions qui sont à l’origine de ce livre. Divergents dans leur conception de la vie au quotidien, l’homme et la femme ont bien du mal à accorder leur violon. Mais les hommes évoluent-ils de la même façon que les femmes? Apparemment non!

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