Les hommes le propre et le rangé

Quelques images familiales

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Les hommes à la conquête de l'espace domestique

du propre et du rangé 

Daniel Welzer-Lang - Jean Paul Filiod

Le jour vlb éditeur Québec; 1992; 235pp

Quelques images familiales

Dominique V. est âgé de 37 ans. Chercheur en physique des fluides, il partage un appartement de trois pièces avec sa fille Sylvette, âgée de 16 ans. Son autre fille, Pascale, vit avec sa mère en Suisse.

Dominique est membre du groupe hommes de Lyon depuis 1980. Expérimentateur de la pilule pour homme pendant six années, il avait déjà participé aux études précédentes où nous tentions de comprendre les changements masculins.

Originaire du nord de la France, Dominique est issu d'une famille aux origines paysannes modestes. Son père, décédé il y a une dizaine d'années, travaillait auparavant comme artisan indépendant dans le bâtiment. Sa mère, maintenant à la retraite, fut employée de commerce. D'une famille catholique non pratiquante, Dominique a une soeur de quatre ans son aînée, et un frère d'un an son cadet. Lorsqu'il évoque la vie familiale, il décrit son père partageant avec sa mère un certain nombre de tâches domestiques : "C'est ma mère qui faisait à manger, mais quand elle ne pouvait pas, c'est mon père qui le faisait, et après, lorsqu'il était malade (il ne faisait plus de chantiers), c'est lui qui faisait tout le temps à manger, qui s'occupait de la maison, qui nettoyait..."

Dans la famille, les enfants, garçons et fille, se partageaient la vaisselle et les courses. De fait, Dominique s'est rarement trouvé à cuisiner.

Son frère, qui enseigne actuellement les mathématiques dans le secondaire, a aussi deux filles. Depuis une séparation, il vit en permanence avec l'une d'elles. Mais Dominique dit : "c'est assez fluctuant et complexe, je ne sais pas où ils en sont, peut-être que maintenant il a les deux. Oui, je crois, il a les deux". Toutefois, à la différence de Dominique, il partage aussi sa vie avec une "copine". Sa soeur, "plus vieille", est mariée et a deux enfants. Elle est chef de service dans une banque. Dominique fréquente très peu sa soeur et son frère, "quelquefois pour Noël", mais souvent, plusieurs années séparent les rencontres.

Sa mère est décrite comme "supersympa, un peu grande gueule, nerveuse", elle exceptée, il ne garde aucun souvenir de femmes "remarquables" dans sa famille d'origine. Il préférait d'ailleurs les hommes : son père, qu'il aimait beaucoup, et les oncles qu'il affectionnait. Son parrain, l'oncle maternel, occupe une place particulière. Il garde de sa famille de bons souvenirs : "c'était bien, c'était sympa. Ça gueulait avec ma mère, et mon père était un peu trop tranquille, peut-être...". Il ne se souvient pas de contraintes particulières et décrit son éducation familiale comme "normale".

Dominique est issu d'une famille où les rôles sexués sont particuliers : sa mère semble avoir en partie dominé le foyer et son père lui a donné une image d'homme doux et intéressé par les travaux domestiques. Le lien familial s'est distendu dès son départ du Nord de la France, et depuis il ne fréquente guère sa famille.

 

Bernadette, les enfants et le militantisme "doux"

Il quitte le domicile familial à 17 ans pour venir faire des études d'ingénieur dans une grande école lyonnaise. Dans celle-ci, à partir de 1968, élève studieux, il se décrit comme un "contestataire très modéré".

Mais avant de partir du Nord, il avait rencontré Bernadette F., elle aussi d'origine modeste : son père est garagiste et sa mère employée de bureau. Les lettres circulent alors d'un bout à l'autre de la France. Et quand elle obtient son baccalauréat, elle descend à Lyon pour vivre avec son amant de coeur. Dominique et Bernadette ont 20 ans, et pour la première fois, ils font l'amour. Comme beaucoup de garçons, la sexualité a toujours été une préoccupation pour Dominique mais, dit-il, "cela n'était pas en actes". Jusqu'à 20 ans, il utilisa beaucoup la masturbation pour vivre "des amours très sensibles et très vaporeux". Romantique, Dominique le fut certainement. Il suffit pour s'en convaincre de l'entendre raconter huit jours d'amour fous, qu'il vécut à 16 ans avec son amie Bernadette à l'occasion d'un séjour de ski.

A la sortie de l'école, en 1972, il adhère au psu et s'installe avec Bernadette.

Celle-ci "tombe enceinte" et, suite aux pressions de sa belle-famille, il/elle se marient : "c'était inconcevable que l'on puisse faire un enfant sans se marier". De toute manière, le mariage correspond aux désirs de Dominique. Sans cette grossesse, il l'imagine juste plus tardif, moins précipité : "On s'aimait beaucoup, on s'est toujours aimé, et ça a duré tant qu'il n'y a pas eu d'accidents de parcours". L'enfant naît : elle s'appelle Sylvette.

A cette époque, Dominique se prépare donc à vivre une existence de cadre supérieur marié avec enfant. Le couple aura par la suite une autre enfant : Pascale. Avant son mariage, Bernadette a commencé des études paramédicales à Paris. Sa grossesse lui fait arrêter cette formation, elle décide alors d'être institutrice.

Une fois le mariage venu réparer la grossesse non désirée, les rapports avec les beaux-parents sont bons. Dominique dit : "Ma belle mère m'appelait "le guitareux" mais ce qui m'a sauvé, c'est mon côté ingénieur". Leur réseau amical est alors surtout composé de collègues de lycée, d'ami-e-s rencontré-e-s sur le quartier.

Dominique, appelé à l'armée, pensait être affecté dans les laboratoires militaires de physique, mais il se voit exempté pour cause de soutien de famille. "ça m'a bien arrangé... je voyais l'armée d'un mauvais ...il" ; mais il n'avait jamais pensé s'insoumettre ou objecter. Peu de temps après, il devient ingénieur dans un laboratoire de recherche.

En 1976, le couple achète une maison de campagne "à retaper", dans la région des Monts du Lyonnais. Dominique "le guitareux" rencontre d'autres musiciens intéressés par la musique folk. Ensemble ils créent un groupe d'action musicale, dont l'objectif est de vivifier les musiques dites "traditionnelles". Dominique commence alors à découvrir les divers musiciens qui avaient élu domicile sur les pentes de la Croix-Rousse.

Deux années plus tard, le couple, en contact avec d'autres modes de vie, cherche à modifier "une vie trop clean, trop rangée". Dominique rencontre une femme avec qui il noue une relation affective forte. Cette femme habite Marseille. Dominique et Bernadette décident ensemble d'aller y vivre pour "refaire notre vie, vivre autre chose". Bernadette le précède avec les enfants. Elle arrive à Marseille à la fin de l'année 1978. Lui, reste quelques mois à Lyon pour vendre la maison. Quand il y arrive, en janvier : "Bernadette avait investi quelqu'un d'autre, ça s'est mal passé. La copine (qu'il partait rejoindre) est partie ailleurs, Bernadette est partie à Lausanne, moi je suis rentré à Lyon en novembre".

La séparation avec Bernadette est vécue douloureusement. "J'ai commencé, elle a continué". Il n'impute pas de faute à l'un-e ou à l'autre mais exprime sa souffrance de se retrouver seul sans enfant (les filles sont parties avec la mère). La structure conjugale n'a pas supporté les "autres" relations amoureuses et affectives. Il rentre à Lyon, y retrouve ses ami-e-s musicien-ne-s, quitte le PSU pour adhérer quelques mois au Front Autogestionnaire.

Il occupe dans ce temps-là un appartement de 65 m2 sur les pentes de la Croix-Rousse. Du logement, Dominique se souvient qu'il y avait peu de choses : une mezzanine, pas de meubles excepté un piano, une table de ferme, un bureau. Il qualifie son mode de vie du moment "un peu baba-cool".

En 1980, ses ami-e-s lui signalent le groupe Ardecom. A cette époque, il ne veut plus d'enfants et désire se faire vasectomiser . Après plusieurs réunions, il participe au premier groupe d'expérimentateurs de la pilule pour hommes, à Lyon. Puis, il partage un appartement avec un autre musicien. Cette période est décrite comme particulièrement tendre et attentionnée .

Sa fille Sylvette décide de revenir à Lyon en 1982 : "elle voulait venir en France car elle ne se plaisait pas à Lausanne", dit son père ; "je voulais faire deux ans à Lausanne puis deux ans à Lyon, mais une fois à Lyon, je n'ai pas voulu repartir", rectifie-t-elle.

En 1982, il emménage donc dans l'appartement où nous situons notre étude ; un incendie en 1983 oblige le propriétaire à restaurer partiellement le lieu. Depuis 1982, Dominique vit seul avec sa fille Sylvette.

 

L'espace domestique

Entrons...

L'appartement de Dominique est situé sur les pentes de la Croix-Rousse, quartier aujourd'hui en pleine rénovation. L'immeuble où il habite en porte de nombreuses traces : dans l'escalier, selon les étages, sacs de ciments ou de chaux, carreaux de plâtre ou briques, encombrent les paliers.

Sur la porte personnalisée sont fixées deux cartes postales qui représentent un vieux village au bord de la mer et un paysage de montagne sur lequel sont indiqués, après le nom de famille, la liste des habitant-e-s. La deuxième fille de Dominique est mentionnée alors qu'elle n'habite pas là.

On entre dans un couloir desservant l'ensemble des pièces de l'appartement. Moquette rouge sombre, murs tapissés de rouge, un lampadaire début de siècle. Au mur, une patère où pendent vestes, blousons, parapluies dans un ordre épars. Au sol de ce grand couloir traîne un sac-à-dos vide et des tréteaux sont appuyés contre le mur. Dans les coins, une pile d'assiettes, des raquettes de tennis, des skis. Le long des murs courent des fils électriques.

A l'entrée de l'appartement, une porte fermée : la chambre de Dominique. Lors d'une visite, il faut suivre le long couloir pour accéder à deux portes ouvertes : la salle de bains/wc en face ; et, à droite, la pièce commune/cuisine. Les jours de grands travaux dans l'immeuble, les marques de pas subsistent sur la moquette. Cela se remarque de suite. Le couloir est en règle générale empreint de fortes marques d'appropriation. Souvent, la lapine, dernière habitante, vient courir entre les pieds.

La porte d'entrée ne peut s'ouvrir de l'extérieur, mais bien souvent lorsque les habitant-e-s sont présent-e-s, entrebâillée, elle invite à entrer. D'ailleurs, en sonnant, le visiteur ou la visiteuse entend un "Entrez !" venu du fond de l'appartement et se retrouve seul-e face à ce couloir. L'attitude est différente quand Sylvette est seule : elle ferme la porte ("on sait jamais qui peut entrer") et retient de sa main gauche le montant de la porte pour vérifier l'identité du visiteur ou de la visiteuse. Si c'est un-e ami-e de son père, elle précise l'heure d'arrivée, invite la personne en visite à attendre au fond (dans la pièce commune) et retourne vaquer à ses occupations dans sa chambre. Chacun-e a ses ami-e-s, l'invitation (fréquente) par l'un-e n'entraîne pas d'obligation pour l'autre.

Suivons le couloir pour visiter l'appartement.

La salle de bains/wc

La porte, en général ouverte l'été, doit être fermée l'hiver "pour garder la chaleur", dit le maître de maison. Dans les faits, elle l'est rarement.

A l'intérieur de cette pièce, on a d'un côté les wc, à la proximité desquels se trouve une pile de journaux et de bandes dessinées, une enceinte branchée sur l'appareil de son du séjour, une plante verte (séchée) et, à côté, des vieux rouleaux et des emballages de papier hygiénique. Au-dessus de la cuvette on trouve deux posters. Snoopy proclame "la décontraction j'aime" et une affiche d'Amnesty International rappelle que "leur libération dépend aussi de vous". Protégeant symboliquement la pudeur, une étagère tournée vers le lavabo vient séparer les deux usages du lieu.

L'ensemble des produits cosmétiques ou nécessaires à la toilette du corps (sèche-cheveux, cirage, crayons de kohol, maquillage) sont disposés ici. L'essentiel est à Sylvette. L'eau de toilette de Dominique jouxte une grosse voiture en bois au dernier niveau de l'étagère. Sur le lavabo, une brosse à dents, un tube de dentifrice, de la mousse à raser et un rasoir appartiennent à Dominique.

Près du lavabo, une machine à laver et à ses côtés, le linge sale dans une panière. Tout autour de celle-ci, à même le sol ou sur la machine traînent serviettes et peignoirs. Une autre enceinte hi-fi est l'unique ornement d'une étagère vide qui par le passé, a dû être destinée aux produits d'entretien.

Au mur, des affiches d'oiseaux et de papillons.

La chambre de Dominique

Dans la chambre de Dominique, on aperçoit un lit, sur lequel repose une couette, à moitié ouverte. On y trouve aussi une plante, une télévision face au lit, une étagère de livres, un poêle à cheminée. Puis deux bureaux occupés, où sont empilés et rangés des documents de travail. L'ensemble est rangé ; seuls quelques habits à même le sol et quelques vieux journaux délaissés ajoutent une note bohème.

Excepté le lit, le mobilier est ancien et rustique ; ainsi cette chaise percée, éventrée, qui jouxte le lit. Dans les coins, une guitare et un amplificateur signifient sa pratique musicale, tandis qu'au mur sont affichées de nombreuses sculptures, des photos et des lithographies.

Ce qui marque d'emblée dans la disposition de la chambre est que la vie est à même le sol. Le centre de la pièce est occupé par le lit à deux places, autour duquel sont disposées des affaires par cercles concentriques. On y remarque, à proximité immédiate, un réveil, des journaux, des livres à moitié lus. Plus loin, la télévision. Sa présence dans la chambre est justifiée par une double argumentation : d'abord, le désir de ne pas être envahi dans le séjour par son omniprésence ; et puis, ajoute Dominique : "Voir les films au lit, c'est super". De fait, cela contraint Sylvette ou les visiteur-e-s éventuel-le-s à utiliser la chambre de Dominique. La pièce devient à ce moment-là une chambre-salon où sont amenés plateaux-repas et autres cafés.

D'ailleurs, quotidiennement, vers 19 heures, Sylvette s'allonge sur le lit, porte fermée, pour regarder son feuilleton. Les soirs où est prévue une rencontre autour de la télévision, un soir d'élection par exemple, la télévision est déplacée dans "la salle".

La chambre de Sylvette

Elle ouvre à la fois sur la chambre de Dominique et le séjour.

Au sol, une moquette verte, au mur des tapisseries jaunes et vertes, et dans cette pièce un bureau, un lit, une petite planche sur tréteaux, une étagère, un petit meuble. Le lit est petit (au moment du séjour du chercheur) et en bambou. Quant aux vêtements, ils s'empilent sur les chaises ou sont éparpillés sur le sol.

Là encore, à l'image de l'appartement, l'ordre n'est pas méticuleux. Seul-e-s le bureau et l'étagère de livres sont rangé-e-s. Sur le bureau, le téléphone. Celui-ci peut aller d'une pièce à l'autre grâce à une grande rallonge. Au sol aussi on trouve des revues et des papiers.

Les vêtements propres sont repassés et pliés dans le petit meuble sur lequel se trouve une chaîne hi-fi. Au mur, affiches de vedettes, stars, dessins ou cartes postales. Près de la porte un tableau où sont indiquées les "urgences" : "téléphoner à..." ("mon esthéticienne", était-il écrit lors de notre séjour).

Le séjour/cuisine

Il s'agit d'une seule et même pièce. Une étagère en bois, démontable, fait office de séparation et offre une face cuisine et une autre séjour.

Les murs de cette pièce sont blancs et les plafonds sont étonnamment hauts (3 m 80) . Au milieu du plafond, une ampoule nue éclaire la pièce et les fenêtres donnent une vue magnifique sur l'ensemble de la ville. Dans ce quartier aux rues étroites et aux vis-à-vis fréquents, l'événement est assez rare pour qu'on s'extasie devant ce panorama.

Au centre de "la salle", on découvre une longue, large et imposante table de ferme, du genre de celle que l'on pouvait trouver dans les campagnes françaises. Autour de cette table sont disposé-e-s un banc et des chaises. Ce sont les coins, ou plutôt leurs aménagements, qui marquent les différents usages de la pièce. Ainsi, contre un mur dans une étagère posée à même le sol, se trouve une chaîne hi-fi. Ou plus exactement un ensemble d'éléments distincts : tuner, platine tourne-disques , amplificateur. L'ensemble n'est pas de très grande qualité, tout du moins revêt par certains côtés un aspect déjà "vieillot". Cette chaîne jouxte un ensemble de très beaux livres illustrés, traitant de peinture ou de photo.

Sur le mur d'à côté une banquette-lit rudimentaire. Le genre de meuble que l'on trouve à bon marché dans les grandes surfaces d'ameublement. D'ailleurs pour parer à l'inconfort de cette dernière, pour éviter le contact trop dur du bois, on y dispose une multitude de sacs et de couvertures quand une personne doit y dormir. Car cette banquette sert de lit d'appoint, de chambre d'ami-e-s. Ce fut le lit du chercheur pendant son séjour.

A côté, face à la chaîne, on aperçoit un étendage à linge, souvent occupé par la dernière lessive. Eléments en fil de fer plastifié, posé à terre, ces étendages dénommés Tancarville (du nom d'un immense pont situé en Normandie) ont toujours été très populaires dans les familles modestes à petits logements . A ses côtés, une planche à repasser, toujours ouverte et prête à l'emploi. D'ailleurs, dès son lever à 6h30, Sylvette branche le fer pour préparer ses affaires du jour.

La table est régulièrement envahie de divers papiers, journaux, affaires de travail (stylos, cahiers,...) ou de carnets de chèques... En dehors du ménage hebdomadaire, chaque jour, pour le repas, "on pousse" les divers éléments vers l'extrémité pour faire une place. Les fleurs, régulièrement présentes, sont tout aussi régulièrement dévorées par la lapine qui, au passage, dépose des dizaines de petites crottes le long des papiers qui traînent là.

La "salle", telle qu'elle est définie, sert tout à la fois :

- de cuisine : les dîners sont mitonnés dans le coin-cuisine, mais préparés très souvent (épluchage, préparation) sur la grande table.

- de salon : c'est l'endroit où, excepté pour regarder la télévision, les invité-e-s vont se détendre après le repas, parler. de salon : c'est l'endroit où, excepté pour regarder la télévision, les invité-e-s vont se détendre après le repas, parler.

- de salle à manger : il suffit de repousser à l'extrémité de la table les papiers posés au fur et à mesure pour disposer son assiette. : il suffit de repousser à l'extrémité de la table les papiers posés au fur et à mesure pour disposer son assiette.

- de chambre d'ami-e-s : la banquette équipée d'un sac de couchage et d'un système drap-couverture sert de lit. L'utilisation du sac de couchage (fermé) ou du drap-couverture (le sac de couchage ouvert faisant office de couverture) est fonction du temps de présence et du lien qui unit l'invité-e et Dominique. Une présence de plusieurs nuits de suite conduit à "sortir une paire de draps". : la banquette équipée d'un sac de couchage et d'un système drap-couverture sert de lit. L'utilisation du sac de couchage (fermé) ou du drap-couverture (le sac de couchage ouvert faisant office de couverture) est fonction du temps de présence et du lien qui unit l'invité-e et Dominique. Une présence de plusieurs nuits de suite conduit à "sortir une paire de draps".

Entre la cuisine et la salle, une étagère en bois à quatre niveaux sert de séparation. En haut, en forme d'exposition, des verres à pied de différentes formes et tailles ; dessous, des plantes vertes, et sous celles-ci, un rayon poteries où un vinaigrier (en service) voisine avec des pots divers souvent vides. En bas, une friteuse, des cubitainers à vin, des casseroles, des saladiers et un mixer ne semblent pas bénéficier d'une organisation spéciale.

Toutefois cette séparation entre cuisine et salle n'est que formelle, le regard circule du premier plan (étagère) aux autres. Les côtés de cette étagère montrent des objets hétéroclites : de l'écheveau de laine à une extrémité à une guitare à l'autre bout.

La cuisine est sommaire : réfrigérateur, appareil à gaz, lave-vaisselle, étagère en métal pour assiettes, évier, égouttoir. Sur le réfrigérateur, un ensemble de flacons de grande taille n'a l'air présent que pour le plaisir du regard : verres divers, flaconnages, bouteilles, plantes vertes. Près de la fenêtre, les bouteilles vides se partagent la place avec la poubelle constituée par des sachets plastiques (de supermarché) remplis au fur et à mesure et jetés. Au bas de la poubelle, l'excédent (litre de lait vide, filtre à café....) attend un nouveau sac.

L'iconographie

Aux murs ou sur les montants des étagères de la salle ou la cuisine, donc dans le lieu "public" de cet espace privé, des photos, plein de photos. On y trouve en vrac des instantanés de Sylvette et de sa soeur Pascale, de Dominique et de l'ami avec qui il a habité deux années, du groupe d'hommes, et de Dominique avec Perrine (l'enfant de Françoise, la voisine ).

Sur d'autres murs, à côté d'affiches de théâtre du début du siècle, un cadre représente des paysages et des peintures, qui ont été collées et montées. Encadré près de la cheminée, un poème de Pascale écrit pour son père.

Excepté les filles ou les enfants appartenant à l'entourage affectif de Dominique, il n'existe pas de photos de femmes. "Avant", dit-il, "il y avait des photos de Carole (une rencontre amoureuse récente qui s'est soldée par une séparation) mais c'était trop dur alors je les ai enlevées". L'exposition de photos de femmes renvoie Dominique à l'accès à son intimité. Il proposa au chercheur, au cas où il voudrait voir des photos de femmes, d'aller regarder dans un tiroir de son bureau de sa chambre : "Je montre pas", dit-il, "il y a des photos que j'aime bien... mais... dévoiler mon intimité...". La question de l'iconographie féminine nous renvoie donc directement aux différentes frontières de l'intimité et confirme cette spécialisation des espaces : mi-public/mi-intime pour la salle/cuisine, et complètement privée pour la chambre et son contenu.

 

Dominique et Sylvette : Deux locataires, deux territoires...

Les portes sont les frontières des territoires personnels.

D'une manière générale, chacun-e respecte le territoire de l'autre lorsqu'il est partagé avec un tiers. Si Sylvette est avec son ami, Dominique, du séjour, appelle Sylvette et son ami pour le repas, tape à la porte pour s'excuser ou réclame de vive voix le téléphone (la plupart du temps sur le bureau de Sylvette). De même, Sylvette marque les mêmes modes de respect si Dominique est accompagné dans sa chambre.

Toutefois, avec l'accord préalable de son père (ce dont elle se passe pour l'utilisation de la télévision), Sylvette peut dormir avec son ami dans le lit de Dominique lors de son absence : "tu comprends, c'est plus confortable, t'as vu mon lit" (son lit fait 90 cm de large) .

Nous assistons donc dans l'appartement à une division des territoires : chacun-e possède le sien. En cas de conflit léger (désaccord verbal avec montée en puissance de la voix), l'un-e ou l'autre peut utiliser sa chambre comme un espace refuge, sans que l'autre, à ce moment-là, ne contrevienne aux règles usuelles d'accès aux chambres.

La salle de bains est utilisée par l'un-e et l'autre en fonction des différents rythmes personnels. Il arrive qu'il/elle partagent le même lieu (l'un-e dans un bain, l'autre au lavabo par exemple).

Pour Sylvette, cette organisation spatiale et territoriale la différencie d'un certain nombre d'amie-s, surtout lorsqu'elle va dans la famille de son ami Patrick.

"Quand je suis chez Patrick de 5 à 7, sa mère elle rentre... elle ouvre la porte n'importe quand... elle frappe pas : il n'y a pas d'intimité... c'est un peu chiant car on n'a pas d'intimité... alors qu'avec Dominique...".

 

Deux locataires, deux rythmes...

Dominique se lève en semaine vers 8h. Auparavant, sa fille est venue lui dire l'heure : "Il est 7h et demi". Souvent ce réveil est accompagné d'une bise, posée sur la joue de son père. Entre ce moment et l'heure du lever, Dominique en demi-sommeil, soit écoute la radio, soit somnole. Cela représente en tout cas un moment où, seul, il peut "prendre le temps de se réveiller". Il se lève, se dirige vers la salle par le couloir, change la radio que Sylvette avait calée sur NRJ et se prépare à déjeuner (chocolat en poudre et lait). Quelques minutes plus tard, il prépare des affaires propres, qu'il repasse si le besoin s'en fait sentir, prend une douche et sort en général une demi-heure après son lever.

Dominique n'a pas d'horaire fixe. Son statut lui permet d'adapter ses horaires à ses besoins professionnels et à ses préoccupations personnelles.

Il constate de lui-même que plus Sylvette a grandi, plus il a investi son travail. De fait, il y a quelques années, pour s'occuper de sa fille (c'est-à-dire : être là à son retour du lycée pour l'aider à faire ses devoirs, préparer à manger, bref "être présent dans l'appartement"), il était de retour vers 17h, ce qui l'obligeait à quitter son travail vers 16h30.

L'époque où Sylvette réclamait cette présence, se plaignant de l'absence de son père et de sa solitude lors de son absence, était aussi pour lui une époque où il cherchait à prendre plus de temps "pour lui", pour partager des moments longs avec les personnes qu'il rencontrait.

Actuellement, il est souvent "au travail" de 8h30 à 18h30, voire 19h30. "J'ai remis les pieds sur terre", dit-il. Nous y reviendrons plus loin. Notons toutefois l'influence de la charge mentale que représentaient pour lui l'éducation d'une enfant et ses conséquences professionnelles et domestiques.

A midi, Dominique déjeune dans une cantine sur son lieu de travail. Il rentre entre 19h et 20h. Sur le chemin du retour, il achète de quoi préparer le repas ou alors pose ses affaires, demande à sa fille ce qu'elle veut manger, lui fait plusieurs propositions et retourne faire les courses. Le quartier se prête bien à ce rythme. Beaucoup de commerces ethniques ouvrent leurs portes jusqu'à 22h ou 24h.

L'été, deux à trois fois par semaine, il joue au tennis, soit en début de soirée, soit entre 12 et 14h près de son lieu de travail.

Les soirées de semaine sont l'occasion de sorties au cinéma - couramment avec sa voisine Françoise - ou de visites à des ami-e-s. De fait, deux ou trois soirs par semaine, Dominique est absent de son domicile. Quelques fois, les repas chez des ami-e-s sont l'occasion de sorties communes avec sa fille. Mais Sylvette préfère ne pas mélanger "les copains de Papa et ceux qui ont envie de me voir ou que moi j'aime aller voir".

Le week-end est partagé entre des pratiques sportives, des promenades ou alors du temps pris à "traînasser" dans l'appartement.

En règle générale, Dominique ne fait pas son travail professionnel chez lui, ce qui n'est pas le cas au moment du séjour de l'enquêteur car il prépare un diplôme de recherche.

 

Sylvette

Sylvette a un rythme de vie ponctué par sa vie de lycéenne (elle est élève en classe scientifique), avec un emploi du temps très chargé. "J'ai été étonné de la régularité, voire la ponctualité de son emploi du temps domestique", est-il écrit dans les notes de l'enquêteur.

Elle se réveille à 6h30, à l'aide d'un appareil qu'elle laisse sonner pendant cinq à dix minutes. Elle se prépare à se lever entre 6h38 et 6h43, ouvre la porte de sa chambre, ses habits à la main et branche le fer à repasser (situé juste à la sortie de sa chambre). Au moment de notre enquête, le jour commence à poindre à cette heure-là. Elle allume les lumières de la cuisine et la radio. Un haut-parleur diffuse le flot de musique dans la salle de bains.

Elle va à la salle de bains, s'attache les cheveux et prend une douche ; puis elle sort de la douche et s'habille. Pour s'habiller, tantôt elle ouvre le placard, tantôt elle prend des affaires propres sur le séchoir à linge situé au fond de la salle près des fenêtres. Dans le placard des affaires propres, elle dispose d'un casier à part. De manière anarchique, les vêtements sont assemblés en boules ou en tas. De même, les pulls sont rangés avec un pliage tellement irrégulier qu'il est très difficile de déterminer d'un seul coup d'...il le vêtement recherché.

Le résultat de ces deux types de rangement est le même, puisque Sylvette et Dominique sont obligés de vider à terre l'ensemble des affaires d'un casier ou d'une pile pour choisir ou rechercher l'habit convoité. Le matin, Sylvette jette un rapide coup d'...il dans les placards pour regarder si elle peut identifier tel T-shirt ou tel pantalon. Mais dans la quasi-totalité des cas, des deux mains elle balaie le casier, laisse choir les affaires, fouille dans le tas situé à ce moment-là à terre et, toujours des deux mains, remet le tas dans le casier. Elle repasse alors les vêtements particulièrement fripés : T-shirts, chemises ou pantalons de coton, mais jamais les jeans. Puis elle se dirige vers la salle de bains où elle se maquille et s'habille. Son maquillage est simple : crème de jour et trait de kohol léger. Il est entre 7h et 7h15. Elle déjeune.

Quelquefois, à ce moment du lever, en regardant la pendule de la salle, elle constate son retard. Une bordée d'injures déferle alors et l'on voit son pas s'accélérer, ses mouvements devenir plus rapides.

Son déjeuner se compose de lait chaud, chocolat en poudre et de céréales, des "Rice Krispies" ou des "Kellogg's". Elle jette les céréales dans son lait et les met à la bouche cuillère après cuillère. Au cas où un produit viendrait à manquer ou qu'elle ne l'apercevrait pas, elle invective son père.

Le déjeuner absorbé, il est 7h30. Elle va faire une bise à son père et s'en va. "Officiellement", dit-elle, "je devrais partir après les infos" (sur NRJ : vers 7h32 ou 7h33). Elle claque la porte, laissant la plupart du temps les lumières allumées, voire le fer-à-repasser branché (quelquefois, le chercheur a lui-même débranché le fer).

Elle a rendez-vous à 7h35 avec son ami sur la place voisine. Lui repart à 7h40, son école étant assez éloignée. Elle se dirige vers son lycée où les cours commencent à 8h. Elle retrouve ses "copains" et "copines" quelques minutes avant.

A midi, elle mange "au self", excepté quelquefois où elle utilise une cafétéria ou même, plus rarement, revient manger chez elle.

Entre 12h et 14h, elle part du lycée "pour faire un tour ou jouer au baby [baby-foot]". Son groupe de copines, dans ce lycée en général fréquenté par les enfants de la bourgeoisie lyonnaise, est composé de filles de cadres supérieurs, de professions libérales et de quelques-unes des filles du réseau de la Croix-Rousse. Toutes les adolescentes du réseau ne fréquentent pas systématiquement ce lycée, mais c'est toutefois chose courante.

Sylvette est particulièrement consciente du niveau scolaire de son établissement et de l'avenir que la ségrégation scolaire lui prépare. Au cours de nos entretiens du petit déjeuner, elle explique qu'elle devra aller en "maths sup", puis faire une école d'ingénieurs. "Ce qui est le cas des trois-quarts des gens qui font S [la classe scientifique]". L'université n'est pas pour elle, ni dans une logique de trajectoire sociale, ni dans son propre désir : "T'en connais beaucoup toi des gens qui ont fait la fac et qui ont un boulot ?"

Le soir, elle rentre vers 17h, s'accorde une demi-heure pour goûter ; au menu : chocolat, tartines, beurre et confiture. Puis elle fait ses devoirs. A ce moment-là, elle est seule dans l'appartement. En fonction de l'importance des devoirs, elle prend du temps pour lire, écrire une lettre ou continuer sa "maquette d'avion" située à un coin de la chambre.

Elle fait une pause vers 18h pour regarder à la télévision un événement particulier (par exemple à cette époque, les Jeux Olympiques) ou un feuilleton (Santa Barbara). Dominique rentre à ce moment-là.

Après manger, elle continue ses devoirs ou va se coucher. Quelquefois, elle reste bloquée par tel ou tel exercice et demande l'aide de son père. Dans ce cas, Dominique va travailler à côté d'elle dans sa chambre et s'il le faut, le repas se poursuit dans l'explication de l'exercice difficile. Si jamais ni Dominique ni Sylvette n'arrivent seul-e-s à résoudre le problème, il/elle téléphonent aux ami-e-s de l'un-e et de l'autre et l'exercice non résolu envahit tout l'espace.

Pour Sylvette, les week-ends se passent généralement comme suit.

Elle fait ses devoirs le samedi après-midi, alternant ses études et quelques pauses tv ou téléphone. Le soir, elle sort avec son ami.

Le dimanche, elle se lève à 12h quand son père est encore au marché et consacre l'après-midi aux devoirs scolaires.

 

La nourriture : repas et courses

L'approvisionnement

Deux fois par mois, les "grandes courses" sont faites dans un hypermarché. Le reste est acheté dans les commerces du voisinage. Depuis quelques années, la quantité achetée dans les grandes surfaces a tendance à diminuer ce qui permet de redécouvrir les épiceries, boulangeries et boucheries de proximité. Sylvette est chargée de tenir la liste des produits à acheter.

Dominique fait peu attention aux prix et privilégie la qualité ou le produit connu. Ses ressources lui permettent "de ne pas compter". Le dimanche matin, dès qu'il est libre (c'est-à-dire lorsqu'il n'a pas de match de tennis prévu ou de week-end organisé), Dominique se rend au marché de la Croix-Rousse acheter des légumes, du poisson ou de la viande.

D'une manière générale, beaucoup de viande et peu de légumes sont consommés. Les viandes sont accompagnées de riz, de pâtes ou de plats composés à partir de pommes de terre. "Tout pour la simplicité", dit-il : "ça manque, on achète". Les réserves sont réduites. Dans les placards : pâtes, riz, sel, lait "longue conservation", chocolat en poudre, chocolat en tablette, quelques épices. Sauf pour le pain complet que Dominique aime mais qui n'est pas systématiquement présent, l'alimentation de Dominique a varié au cours des dix dernières années. De l'époque folk, dans laquelle riz complet et sauce soja étaient l'ordinaire, Dominique n'a gardé que peu de choses. Au contraire, la viande est aujourd'hui omniprésente ; avant, elle était bannie pour motifs financiers ou idéologiques : "ça continue à affamer le Tiers-Monde puisqu'il faut par exemple 800 protéines végétales pour obtenir une protéine animale". Dans le réfrigérateur en permanence presque vide, on trouve une bouteille de Coca-Cola entamée, du beurre, de la margarine. "J'arrive pas à remplir le frigo", dit Dominique. Plus largement, il a du mal à remplir les placards.

La seule exception concerne le nécessaire du petit déjeuner : lait, chocolat en poudre et céréales sont régulièrement achetés car "pour le petit déj' les magasins sont fermés ou c'est trop tard". Le reste de l'alimentation est acheté au fur et à mesure. Cela pose parfois des problèmes et devient quelquefois un sujet de discorde entre Dominique et Sylvette ; généralement, c'est "quand le matin, il y a absence de lait ou de chocolat" ou quand Sylvette a évité la cantine pour venir manger ici, "qu'il n'y a rien", ou qu'elle n'a plus l'argent nécessaire pour acheter de quoi manger.

Les échanges de service avec la voisine

Parfois, le soir, il arrive qu'il y ait un manque flagrant de réserves : tel ami ne peut se passer de moutarde, ou le beurre, à force de rester en dehors du frigo, "attrape un sale goût", il n'y a plus de pain, du vin qui vient à manquer, etc. Dans ces cas, la ressource habituelle devient la voisine Françoise. Et on entend alors : "Va chez Françoise, elle doit avoir...", "Demande à Françoise si elle peut te donner ..."

Françoise et Dominique échangent certains services, notamment pour ce qui a trait au linge. Les repas sont aussi l'occasion de rencontres fréquentes. De manière plus courante, Françoise "descend" chez Dominique. Elle y apporte un produit non cuisiné : du poisson acheté au marché, tel légume pour une salade, du fromage. Il arrive également qu'elle fournisse des produits à Dominique et Sylvette, même si elle ne descend pas manger. Aussi, en retour, elle demande souvent à Dominique de lui prêter du matériel : une cocotte-minute, un mixeur.

On peut y voir une répartition spécialisée dans l'apport réciproque : d'un côté, le rôle féminin joué par la voisine, qui dispose de réserves plus conséquentes ; de l'autre, le rôle masculin joué par Dominique, fournisseur d'outils.

Depuis plusieurs années, après une séparation, Françoise connaît des périodes de légère déprime. Quand "elle se sent seule", quand "ça ne va pas trop", elle demande à ses ami-e-s un soutien affectif, et les voisins immédiats (Dominique et Sylvette) sont très régulièrement sollicités.

D'autres fois, Dominique et Sylvette prêtent leur appartement pour abriter le sommeil de Perrine, l'enfant de Françoise, pendant que celle-ci se rend à un rendez-vous ou une sortie. A ce moment-là, ou lorsque Françoise mange en bas, l'enfant reste dormir chez Dominique et Sylvette. Sa mère la retrouve tôt le matin pour la faire déjeuner.

Les échanges fréquents entraînent aussi une circulation régulière de casseroles, produits ou paniers apportés par Françoise et repris chaque fois après leur nettoyage.

Le déroulement des repas

La préparation est surtout assurée par Dominique, et Sylvette "aide à l'occasion". Même seule, elle n'aime pas cuisiner. Quand Dominique n'est pas là, elle se prépare des pâtes ou du riz, ce qui est "plus facile à faire". Elle affiche pour la cuisine une attitude ambivalente : "Quand je mange toute seule, j'ai pas d'appétit. De plus j'ai pas le temps... les devoirs à faire... Sinon, j'adore faire la bouffe mais quand je fais... je suis vite écoeurée... parce que je goûte à chaque étape... (...) La bouffe que j'aime faire, c'est pas le repas du soir... ce sont des "plats" ou un gâteau en sachant que je n'en mangerai pas ce jour là... (...) Par exemple un gâteau au yaourt et au chocolat, mais il faut que j'attende un jour avant de le manger". Toutefois, si elle est seule, et si "Dominique m'a proposé le plat, c'est-à-dire m'a mis le menu, par exemple escalopes panées avec de la crème... là je fais".

Le chercheur a souvent vu Dominique acheter de la nourriture en prévision d'un repas solitaire de Sylvette et des papiers sur la table : "Sylvette, il y a des côtes d'agneau au frigo", "Tomates / Riz / côtes / yaourts et gros bisous. Dominique."

Quand Dominique fait à manger, le repas est souvent composé de plats complets : pâtes à la sauce tomate, gratin dauphinois accompagné de rôti, de poulet et d'une salade servie en entrée. Les desserts sont souvent composés de fruits, de fromage, des yaourts ou d'un camembert acheté "en bas".

La préparation (épluchage, découpage de viande, cuisson) est rarement effectuée à l'avance. Elle s'intègre dans le temps même du repas. Elle doit donc être courte et nécessite des viandes et des préparations rapides. Dominique ne consacre jamais un temps long dans l'après-midi à préparer le repas du soir. Avec un temps de préparation réduit à son minimum, le repas est surtout appréhendé dans sa fonctionnalité. Les préparations longues, qui demandent à être prévues plusieurs heures à l'avance, tels les gâteaux, sont effectuées par d'autres : ami-e-s, invité-e-s ou voisine. Le fait de cuisiner, d'assurer un rôle souvent attribué à une mère, ne pose aucun problème à Dominique.

Il utilise le restaurant (pizzeria, cafétéria) autant pour "sortir manger dehors" que lorsqu'il n'a pas envie de faire à manger, et on entend : "Dis, Sylvette, il n'y a rien à manger, j'ai pas envie de faire les courses, on va à la pizz' ?". Autrement dit, le restaurant est intégré à l'économie familiale comme un temps de repos, de pause, une métastase de l'espace domestique où l'argent compense le manque d'énergie.

La charge du repas et des produits à consommer n'est donc pas une préoccupation incessante pour Dominique. A l'arrivée dans le quartier le soir ou au moment du repas, il limite le temps qu'il y consacre.

L'approvisionnement ou la préoccupation du menu ou de la cuisson participe de sa charge mentale, mais dans un temps limité.

L'invitation, ou plus largement la présence de tiers dans l'espace domestique, inaugure le rite de l'apéritif. L'invité-e n'a que peu de choix sur l'alcool à consommer : vin de noix (lorsqu'il en reste, c'est-à-dire jusqu'en novembre), vin cuit (Porto, Muscat), quelquefois vodka ou ouzo. La bouteille pour l'apéritif est présente dans les produits de consommation courante. L'apéritif pour Dominique est l'occasion de préparer le repas et de discuter avec d'autres personnes dans un même temps, ce n'est pas un temps extérieur à la cuisine. On prend l'apéritif sur la grande table, sur laquelle, à l'autre bout, la préparation s'effectue.

Les repas en "tête-à-tête" de Dominique et Sylvette sont des moments particuliers, réservés à leur intimité. La présence de tiers casse cette intimité et renvoie chacun-e à une gestion personnelle de son temps-repas.

Souvent, soit pour pouvoir sortir avec son ami, soit sous prétexte de devoirs ou de fatigue, lorsque des hôtes sont présents, Sylvette préfère manger à l'avance pendant la préparation du repas ou pendant que les autres prennent l'apéritif. Elle exprime d'ailleurs son agacement à être trop souvent envahie par telle ou telle personne. "Ça me fait chier... dans ces cas-là, c'est difficile de se faire des tête-à-tête avec Dominique ".

Le rythme collectif et les rites d'usages tels que l'apéritif et les repas ne s'imposent donc pas à l'ensemble des habitants, mais s'incluent dans des stratégies différentes dans lesquelles l'intimité et le "tête-à-tête" conservent un statut particulier.

Les repas sont l'occasion de longues discussions où l'actualité, la politique ou les événements de la vie deviennent des sujets d'échanges. Pendant le repas, Dominique coupe le pain et sert le vin (présent dès qu'il y a des invité-e-s). Il sert certaines personnes et laisse à d'autres le soin de se servir. Françoise, habituée, se sert seule, ou Dominique lui demande si elle veut qu'il le fasse. Il est difficile d'en faire une règle mais il semble que les intimes se servent seul-e-s, les autres non.

Après les repas, la table est débarrassée par l'ensemble des participant-e-s. Dominique dispose les couverts dans un coin de la cuisine et dans la machine qu'il met en marche avant de partir travailler. Ce n'est qu'à la prochaine lessive que la vaisselle propre est rangée dans les étagères. La présence du lave-vaisselle est le produit d'une résolution de crises entre Dominique et Sylvette dont nous reparlerons ci-après.

L'utilisation du lave-vaisselle permet de dépersonnaliser cette tâche domestique. Lors de notre séjour, à plusieurs reprises, les verres n'étaient pas toujours nets : des taches de graisse ou de doigts subsistaient. Lorsque des invité-e-s faisaient remarquer l'état lamentable de la vaisselle, l'explication fournie a permis de ne pas faire porter la responsabilité sur l'un-e ou l'autre : "la dernière lessive achetée pour le lave-vaisselle, c'est pas ça". Si le travail domestique est mal fait c'est à cause... de la machine.

Dominique ne présente jamais de culpabilité à la non-tenue de l'espace domestique. Quant à Sylvette, elle renvoie systématiquement la responsabilité sur son père : "il exagère..." ; ou sur l'outil : "putain... le lave-vaisselle...". Les invité-e-s ou les personnes de passage ont à prendre en état l'appartement, sur lequel aucune fierté ou honte n'est attachée.

La "crise" de Sylvette : adolescence, espace domestique et désordre

Dans la vie familiale, différents moments rythment les évolutions des un-e-s et des autres. Parmi ceux-ci, les crises. Ici, de l'avis général une crise a fait date. Il y a deux ans, Sylvette avait alors 14 ans, les tensions entre elle et son père étaient monnaie courante. Sylvette ne supportait plus l'espace domestique tel qu'il se donnait à voir à ses ami-e-s de passage. Elle critiquait en vrac la vaisselle qui traînait en permanence tout autour de la cuisine, les rangements insuffisants qui obligeaient à empiler l'ensemble des ustensiles de vaisselle, le manque de confort et d'esthétisme du canapé présent dans la salle, et les poubelles qui traînaient. "C'est pas une maison, c'est un bordel...", disait-elle. Bref, elle reprochait à Dominique le manque de tenue de la maison, et le moindre désaccord lui donnait l'occasion de rappeler ses griefs.

Après de nombreuses discussions, Dominique céda. L'ensemble de la salle/cuisine fut réaménagé et après moult débats dont on peut sans peine imaginer l'intensité, des mesures furent prises : achat de luminaire et d'étagères supplémentaires, efforts bilatéraux faits sur le rangement, et enfin achat du lave-vaisselle.

Depuis, non seulement le lave-vaisselle est devenu indispensable, "on ne peut plus s'en passer", disent-il/elle presque en choeur. Mais surtout, pour Dominique et Sylvette, c'est devenu la preuve que toute crise, même grave, peut être discutée et résolue collectivement.

Suite à cette crise, Dominique et Sylvette réinvestirent les parties communes de l'espace domestique. Quelques mois plus tard, Sylvette eut ses premières expériences amoureuses, qui aboutirent à la situation actuelle : un ami régulier, présenté et admis dans la maison.

A l'occasion de cette crise, Sylvette s'est affirmée comme femme et a posé le débat sur les éléments traditionnellement féminins (ménage, vaisselle). Depuis, régulièrement, elle invite Dominique à acheter les outils nouveaux qui permettent un moindre travail domestique et une augmentation du confort. Chaque fois, l'évocation de la crise est l'occasion de rappeler que ses désirs ne sont pas que des fantaisies d'enfant, mais participent à un mieux-être collectif.

Dès lors, lave-vaisselle, grille-pain, cafetière électrique, machine à laver le linge... ont chaque fois été achetés à l'initiative de Sylvette. Le laisser-aller originel de Dominique se modifie à partir du débat... avec une femme, en l'occurrence sa fille.

Mais plus globalement, la formule "le lave-vaisselle" est la référence symbolique du type de régulation que Dominique et Sylvette ont réussi à mettre en place. Lorsqu'une situation conflictuelle voit le jour, qu'il faut renégocier la place de l'un-e et de l'autre dans l'espace domestique, l'expression "c'est comme pour le lave-vaisselle" permet de rappeler que la discussion est possible.

Si l'épisode "lave-vaisselle" correspondait à une acquisition d'autonomie pour Sylvette, à une manière de marquer le territoire commun, ceci n'a pas laissé Dominique indifférent. "Je me souviens, quand j'ai acheté la lave-vaisselle. Je l'ai rentré.... et il y avait plus de place dans la cuisine pour le mettre. Alors j'ai tout sorti, on a posé le lave-vaisselle et on a tout réaménagé autour".

 

"Le sale est une impression"

Un appartement en désordre ?

Nous avons vu que l'espace de Dominique et Sylvette n'est pas particulièrement rangé. La lapine augmente le désordre et la pollution. Elle urine sur le linge propre tombé du séchoir ou elle dispose tout le long de la table des petites crottes noires et sèches.

Le nettoyage hebdomadaire a lieu le samedi matin. Dominique range tout ce qui traîne dans les parties communes et dans sa chambre. Sylvette aide au ménage quand elle en a le temps ; dans les faits, cela se passe rarement pendant la période scolaire. Par exemple, à la fin octobre, elle n'avait pas aidé depuis la fin août. Dominique enlève la poussière avec un chiffon, passe l'aspirateur et lave le sol. Dans la salle, il ajoute du "brillant" (un produit acheté en droguerie) à son eau de lavage. Sylvette, elle, nettoie de temps en temps les carreaux.

Le ménage hebdomadaire est la règle mais les pratiques quotidiennes modèrent ce rythme. Le ménage est fait quand Dominique n'est pas investi dans un autre travail très prenant ou accaparé par un tournoi de tennis ; mais surtout, c'est quand il a l'impression que c'est sale. Différents indicateurs de propreté sont en jeu : la poussière sur les meubles, quand le sol est collant, des miettes dans le lit... et parfois, lorsqu'il passe une main sur sa guitare, on l'entend dire : "il faut faire le ménage, samedi".

Le propre et le rangé sont un réel problème dans ce ménage. Pour remédier au désordre endémique, que faire ? Sylvette nous dit : "Comme dit Dominique, se payer une conchita... S'il y avait une femme de ménage, ou un mec de ménage, mais c'est tellement rare les mecs... ça serait quand même mieux... "

En dix ans, les notions de propre et de rangé ont changé pour Dominique.

Avant l'arrivée de Sylvette, son appartement était "très peu rangé" et l'ensemble des affaires "traînaient partout". L'arrivée de sa fille l'a obligé à utiliser les placards. Maintenant, les différentes affaires sont rangées dans les placards, ou plus exactement, disposées dans chacun des casiers pour séparer les différentes sortes de linge.

Dominique explique que "quand j'avais une copine, j'étais très attaché à ce que ce soit propre". Il était "gêné" pour elle. Il constate qu'à chaque fois, ses amies-femmes avaient des appartements mieux rangés et mieux entretenus que le sien. Dans ses propos, on a l'impression qu'il se sentait jugé par ses compagnes sur la tenue de l'espace domestique, qui prenait, outre sa valeur fonctionnelle, une valeur de présentation de soi. A présent, "je ne suis plus gêné", dit-il. Depuis la redistribution de l'espace domestique (l'épisode "lave-vaisselle"), il constate toujours un décalage entre ses normes de rangement et celles de ses amies : "mais cela est intégré au rapport avec la copine, c'est comme ça..."

Pour Sylvette, l'appartement n'est pas propre : "C'est bordélique. Quand on dépasse le premier aspect, quand on ouvre les placards... on voit des vieilles mites mortes, du riz avec des vers dedans,... des assiettes pleines de poussière. Les placards de la salle... c'est le vrai bordel...". L'appartement reste tout de même suffisamment présentable pour l'ensemble de son réseau amical.

Concernant sa chambre, l'organisation du rangement suit le cycle scolaire : "A chaque rentrée des classes, je change de classe, je change de profs, je change d'emploi du temps, je me dis : il faut que je change les autres parties, que j'affronte ma nouvelle vie avec un nouveau truc". Alors, elle change la disposition des meubles et des rangements. Elle marque spatialement le renouveau scolaire et parle de "nouvelle chambre" et "d'ancienne chambre". Si jamais, par négligence, elle ne se conforme pas à cette règle, des signes somatiques viendront la perturber : "Huit jours après la rentrée, dans l'ancienne chambre, les derniers jours, j'ai fait des cauchemars... mais dès que j'ai changé... j'y pense plus".

Sa chambre, c'est son lieu et elle associe son rangement à son corps, à sa peau : "Si je suis pas bien dans ma peau, c'est bien rangé, clean, net... si je suis cool, que je pense à rien d'autre, c'est le grand bordel". Et de fait, le chercheur verra cette chambre passer de l'état le plus désordonné à celui de lieu très propre, où chaque chose est retrouvée dans un casier ou un placard. Seule exception, le bureau. A part les dossiers en cours, chaque objet est méticuleusement ordonné. De plus, durant les périodes scolaires, elle a "plus tendance à ranger", pour éviter "de faire mes devoirs dans le bordel ; sinon j'y arrive pas".

Le linge : achat, lavage, repassage

Le linge de corps est acheté de manière irrégulière. Dominique le fait "quand je me décide". Sylvette, qui, comme beaucoup d'adolescentes, fait attention à être bien habillée, le fait "quand j'ai envie ou besoin". Dans les faits, deux à trois fois par an, chacun-e renouvelle son stock de linge. Pour Dominique , les achats se font vite, dans un grand magasin du centre-ville : chemises, pantalons, chaussettes, chaussures... Ces achats sont considérés comme épuisants mais indispensables : nécessité fait loi. Les couleurs des vêtements sont le blanc, le noir, peu de couleurs vives ou excentriques. Dominique préfère un style discret, associé à une qualité de tissus. Il porte peu de jeans, mais plutôt des pantalons et des chemises en coton, des pulls légers en laine. Dominique ne porte pas de cravate, il garde, dans son aspect général, un air de cadre supérieur dynamique en "tenue sport".

Pour lui, une chemise portée deux fois est à laver. Quant aux draps, c'est tous les mois ou tous les deux mois : "c'est en fonction des odeurs". Il n'y a pas de règles strictes ou formelles pour le linge intérieur, c'est quand l'un-e ou l'autre décide que c'est sale. Ici les draps propres sont décrits comme ayant "une odeur" particulière et agréable. En temps normal, les draps sont considérés comme neutres. C'est lorsque des odeurs de transpiration ou des odeurs très fortes et inhabituelles apparaissent que les draps sont changés et lavés. Dominique peut aussi laver des draps ayant hébergé une personne avec un parfum très prégnant ; il ne retrouve pas ses marques olfactives.

En revanche, lorsqu'il va à l'extérieur, il fait attention à toujours être "propre" ; c'est-à-dire qu'il renouvelle sans cesse son linge.

Sylvette s'occupe plus souvent du lavage que son père. D'abord du sien (elle se change presque tous les jours) puis, s'il reste de la place dans la machine, elle lave le linge de son père.

On ne note pas ou peu d'utilisation de services, tel que le pressing. Quand un vêtement est troué, si le trou est petit, Dominique coud. Mais le plus souvent, il attend que le trou s'élargisse pour "jeter" ou pour transformer un pantalon en short. Ses pantalons lui durent deux ou trois années avant d'être jetés.

Quant au repassage, l'un-e et l'autre repassent, mais seule Sylvette repasse à peu près tous les jours ses affaires propres. Pour Dominique, c'est plus irrégulier.

 

Les trois "A" de la sexualité : Amour, Amitié, Avenir

 

Dominique :
"Pour moi, le "je t'aime", c'est une émotion ;
pour l'autre c'est souvent un projet, un chèque en blanc".

Nous venons de décrire succinctement l'espace domestique et les manières d'habiter de Dominique et de Sylvette. Nous pouvons approfondir les rapports le mode de vie de Dominique et sa vie affective. Sans vouloir faire de Dominique un quelconque modèle, son expérience est assez significative de la problématique affective et sexuelle que vivent ces hommes à la recherche de nouveau rapports avec eux-mêmes et avec les femmes. La quête de relations antisexistes, ou de couples différents, n'est pas si simple que cela.

Remarquons d'abord, que le discours de Dominique sur le couple a changé. En 1984, lors d'une étude précédente, il déclarait : "La situation actuelle (il vivait déjà seul avec Sylvette) ne me satisfait pas pleinement par rapport à mon enfant. Seul pendant six ans, ça suffit : la vie avec un autre mec m'a beaucoup plu...". Il évoquait la perspective possible de vivre en couple avec une femme.

Si l'enfant était mis en avant pour justifier un désir potentiel de vivre à deux (en réalité à trois), il exprimait aussi sa moindre "peur de partager un espace avec une femme". 1984 correspond pour lui à l'époque de l'expérimentation de la pilule pour hommes, des réunions du groupe d'hommes, où régulièrement des remises en cause de la "vie privée" avaient lieu. Dominique refusait l'anti-modèle du père célibataire comme il dénonce toujours les visages du nouvel homme. Il essaie de faire coïncider ses choix de vie sur sa propre expérience et affiche une méfiance à tout schéma calqué sur sa situation.

Depuis lors, en dehors des "amours d'entractes" ou des "accidents de parcours" , il a vécu trois relations investies dans lesquelles un projet à court terme de couple a pu être évoqué. Autant la description de ces relations serait nécessaire pour comprendre la vie de cet homme, autant les exigences de discrétion limitent nos prétentions à le faire. On signalera toutefois les épisodes Marie H., Carole L. et Viviane P.

Marie H. : femme indépendante

Marie H. est une femme de 35 ans, brune, svelte, elle travaille dans l'enseignement supérieur. Mère de deux enfants âgés de 13 et 10 ans, elle est divorcée. Cette femme a entretenu avec Dominique une relation régulière ; il et elle ont partagé des vacances ensemble, se sont rendus réciproquement visite. Dominique et elle faisaient souvent l'amour ensemble.

Rapidement, Dominique a été "amoureux", au sens de "ressentir une grande émotion dans les contacts quotidiens, sexuels ou non" et il évoquait la possibilité de vivre avec Marie. Celle-ci entretenait d'autres relations que Dominique, sans penser que cela puisse poser des problèmes à l'un-e ou l'autre. Tout au long de leur relation, le débat a été centré sur "l'accès à l'autre". Lui voulait pouvoir la voir, la sentir, l'aimer sans arrêt... et elle limitait les rencontres à des moments privilégiés, refusant que ces instants ne deviennent quotidiens ou automatiques.

A cette époque, Dominique était en thérapie et parlait de ses peurs d'abandon. Il évoquait souvent sa tristesse, son chagrin de ne pouvoir "vivre" avec Marie. La situation a duré plusieurs mois jusqu'à ce qu'il comprenne "que ça pouvait pas marcher". Depuis, il garde une relation très amicale et complice avec elle : "La relation amoureuse est finie, mais j'ai gardé une super relation avec Marie et les enfants".

Dans sa relation avec Marie, sexualité et émotion furent partagées et correspondaient sans doute à une étape nécessaire de l'itinéraire sexuel de Dominique. Son désir de vivre en couple avec Marie est associé à une volonté de changer de mode de vie. Or l'indépendance qu'elle réclamait et l'autonomie qu'il vivait sont apparues antagoniques avec une union permanente dans le même lieu. La relation s'est interrompue.

Nous avons le premier exemple d'une logique gestionnaire de la sexualité, et de la difficulté à (re)vivre en couple. Le couple nécessite des concessions réciproques. Celles-ci sont antagoniques avec une autonomie totale.

Carole L. : femme violentée

La relation avec Carole L. est complexe. Il/elle se rencontrent dans un train, se sourient. Un échange de lettres suit leur rencontre. Dans ces échanges, chacun poétise, clame l'idéal de pureté, de beauté, de relations où le physique et le mental seraient intimement liés. Malheureusement, l'analogie avec un conte de fée s'arrête là.

Carole est mariée, mais déclare vouloir divorcer. Après plusieurs mois de relations épistolaires, il/elle se rencontrent et la relation devient sexuelle et, en même temps pour Dominique, amoureuse. C'est l'époque de la "crise d'adolescence" de Sylvette (l'épisode du lave-vaisselle) et de son entrée comme habitante à part entière dans l'espace domestique. A ce moment-là, Dominique commence à parler à Sylvette de ses émotions, de son envie de vivre avec Carole. Pour Dominique et pour Sylvette, c'est à partir de cet échange sur l'intimité du père, l'expression de ses ambivalences, de ses questions, et en même temps de son émotion, que s'ouvre entre lui et elle un espace de dialogue nouveau.

Carole se dit d'accord pour vivre avec Dominique. Rencontré à ce moment-là, Dominique explique alors que Carole vit avec son mari "des rapports basés sur la violence". D'où la difficulté pour elle de quitter son domicile, d'où aussi la peur de son mari, la peur de la mort. Son rôle de preux chevalier courant à l'aide de l'innocente victime ne fait que renforcer l'amour qu'il a pour elle. Il/elle partagent des week-ends, de longs entretiens téléphoniques et toujours une correspondance très fournie.

Le scénario du départ de Carole est envisagé avec sérénité. Plusieurs tentatives avortent suite aux menaces de suicide du mari, à ses crises lors des appels téléphoniques de Dominique. L'échéance du départ se rapproche et Dominique envisage de déménager, l'appartement devenant alors trop petit. Il s'ouvre de cette relation à ses proches, parle de plus en plus de Carole : "une femme belle, intelligente... à connaître."

Elle est en effet partie de chez elle, mais ne rejoindra jamais Lyon. Elle est partie vivre à l'étranger avec... son mari. La rupture est brutale, Dominique commence à déprimer. L'Amour, cet amour si cher, est trahi. Avait-elle eu peur de son mari ? Ou d'abandonner la sécurité du mariage ? Il est évidemment difficile de le dire.

Nous avons parlé longuement avec Dominique de sa relation à Carole, en la mettant en parallèle avec les relations qu'ont pu vivre d'autres membres du groupe d'hommes.

Le type de relations que Carole et Dominique engagent à ce moment-là n'est pas basé sur la réalité de l'échange mais sur un ensemble d'images réciproques :

• Pour elle, c'est un homme différent, "cool ", doux père qui assume "correctement sa paternité". Il dégage une image différente du mari qu'elle a épousé, qui donc, a priori, n'engagera pas de rapports violents avec elle. Elle fait porter sur cette image une notion de sécurité physique (respect de son intégrité) et sociale (un homme comme ça, "qui assure", c'est la garantie de vivre un autre couple).

Pour lui, en dehors du rôle du chevalier ou de noble guerrier des temps modernes (rôles valorisants dans l'imaginaire masculin), il qualifie sa relation avec Carole comme "plus simple", sans rapports de force permanents, ce qu'il lui est difficile de vivre avec des femmes aux origines militantes féministes.

Nous parlons de renvois réciproques d'images, de fantasmes mutuels, car l'un-e et l'autre, lors de leurs échanges, refusaient formellement de voir l'envers du rôle, c'est-à-dire :

Pour elle, le besoin d'être sécurisée, protégée, dans une relation inégalitaire incluant une prise en charge par l'homme.

Pour lui, la nécessité, en dehors de son fantasme de couple, de garder un espace personnel, privatif où l'autre ne rentre pas.

La diffusion à l'autre de son mode de vie respectif a révélé à chacun-e les impossibilités de l'union rêvée. Elle reprend sa liaison avec son mari, s'en séparera peut-être, mais d'une manière ou d'une autre n'est sans doute pas prête, à ce moment-là, à engager de suite le type de relation souhaité par Dominique.

Homme, face à une femme ne remettant pas en cause la domination masculine, il peut aisément imposer ses normes. Mais les préalables implicites que dégagent son quotidien, notamment sa quête incessante d'autonomie, sa volonté de vivre "d'autres amours", apparaissent vraisemblablement trop lourds à Carole.

Pour un temps, elle choisit la sécurité maritale.

Viviane P. : femme à disposition

Viviane P. se situe à la frontière entre les deux relations précédentes. Familière de Dominique et Sylvette, elle a engagé avec lui une liaison sexuelle dans laquelle, pendant longtemps, elle quittait le lit de Dominique vers 3h du matin. Pour lui, au début, il s'agissait d'une union épisodique. "Je l'avais prévenue, ce n'était pas une relation fixe et investie". Viviane elle-même nous expliquait que cette relation, au vu du fonctionnement de Dominique, était sans avenir. La liaison a pourtant duré trois ou quatre ans sans que l'entourage immédiat ne le suppose. "J'aime qu'on dorme ensemble, qu'on fasse l'amour...", expliquait-il. Viviane, au vu de la durée de la liaison, a commencé à l'investir comme une relation secrète, certes, mais régulière. Elle exprimait d'ailleurs de la jalousie pour les autres "amours" de Dominique.

Cette situation produisait un double effet :

• Pour elle, Dominique était sa seule relation sexuelle (il le savait) et occupait dans sa vie une place privilégiée.

Pour lui, Viviane restait une relation discontinue. Il pouvait toutefois de manière quasi-permanente, selon son propre désir, décider de dormir ou pas avec elle. Il était en situation de choisir : différer les désirs de Viviane pour dormir ensemble ou avoir une relation sociale plus importante.

Outre l'aspect contradictoire des attentes formelles et verbalisées, nous remarquons ici ce que nous avons pu constater par ailleurs, à savoir la possibilité pour un homme, de bénéficier des privilèges d'une seule relation (accès prioritaire et permanent à une sexualité) et les avantages d'un discours sur l'autonomie.

Amour, émotion, tendresse, désir...

En dehors de ces trois cas, les autres relations sexuelles de Dominique font apparaître des perceptions différentes de l'amour entre hommes et femmes, ainsi que des évolutions récentes chez les femmes et chez les hommes.

Pour Dominique, la sexualité est très importante. Il a souvent envie de faire l'amour et pense qu'il est toujours à la recherche d'un amour idéal. Pour lui, l'amour "c'est un partage d'écoute, une grande émotion sentimentale, une entente physique, un jeu : l'amour... c'est chouette". Nulle référence à une stratégie professionnelle ou conjugale, ce qui a déjà été observé dans d'autres cas, mais plutôt une association Amour-Sexualité-Emotion.

Or, dans les faits décrits par Dominique, le désir de couple, l'amour idéal et la volonté de maintenir une autonomie dans le rapport social, un espace personnel, sont antagoniques et ne peuvent conduire qu'à la rupture.

Les premiers groupes d'hommes avaient érigé la tendresse, le désir d'exprimer ses émotions en véritables cultes. Ils les avaient présenté-e-s comme éléments discriminants entre les pratiques de ses membres et la "virilité obligatoire" imposée aux hommes. Aujourd'hui la situation a bien changé, le machisme est attaqué de toute part. L'émotion et la tendresse tendent à devenir des thèmes alternatifs dans l'ensemble des groupes sociaux.

Permettons-nous un petit détour historique. Nous n'irons d'ailleurs pas très loin, l'histoire des hommes antisexistes est encore relativement récente. En 1980, au cours d'une réunion nationale de l'association Ardecom dans les Cévennes, concluant une journée de travail, le président du groupement expliquait : "On est bien entre nous et on en a besoin, le jour où tous les hommes prendront la pilule, on trouvera autre chose pour se retrouver".

Pour ces hommes, le besoin de s'afficher différent du modèle traditionnel revêt des sens très différents. On y retrouve cette volonté de la petite-bourgeoisie intellectuelle et élitiste de se distinguer. Mais c'est aussi un désir de trouver un étendard conceptualisant leurs propres pratiques, c'est-à-dire un concept privilégiant le corps, l'individualisation du ressenti de la sexualité. Un drapeau signifiant aussi leurs différences dans la manière d'appréhender des relations sexuées. Nous pourrions faire l'hypothèse que l'émotion et la tendresse furent les nouveaux étendards de ces hommes. Et de fait, Dominique, comme d'autres, signale que fréquemment les relations sociales avec des femmes s'engagent à partir de l'affirmation de celles-ci : "Toi, t'es différent des autres hommes". Dans une certaine mesure, exprimer ses émotions, prouver qu'on est capable de parler de soi favoriseraient les approches sexuelles. Certains dialogues où l'homme parle de lui, de son corps, de ses désirs sont quelquefois de véritables rituels de parade, permettant à l'homme de signifier clairement un désir sexuel. Mais pour Dominique, ce n'est pas simple de le faire comprendre. Il déclare : "Souvent les femmes engagent une relation sur la base : "toi Dominique, t'es différent, tu parles de toi, de tes émotions" (...) Elles sont alors capables d'investir à moyen terme ou à long terme... alors que l'échange n'est pas là".

Autrement dit, la distinction Amour/Avenir/Amitiés, dans laquelle le "je t'aime" est pour Dominique "une émotion", est souvent perçue par l'autre comme un projet, "un chèque en blanc". Là où Dominique croit signifier un instant réversible, l'autre y entend une durée.

Dans certaines relations (Marie H. par exemple), Dominique lui-même mélangera les niveaux et aura envie d'investir socialement une relation sexuelle. Il affirme : "maintenant j'ai fait un peu de ménage dans ma tête (...) j'aime bien être seul... prendre du temps pour moi...".

On pourrait interpréter cela pour une prise d'autonomie, une distanciation face à la quête sexuelle permanente chez les hommes. On pourrait même y voir un passage à un autre état, un passage de l'adolescence (la quête à tout prix) à l'âge adulte, mais Dominique tenaient exactement les mêmes propos en 1984.

La sexualité, la définition des relations sociales dans la sexualité, l'accumulation des savoirs et les représentations constituent un terrain mouvant, où les trois "A" de la sexualité s'organisent et se désorganisent sans cesse, où tout modèle affiché se déconstruit aussi vite qu'il apparaît. Ce n'est pas à partir du discours sur la sexualité que peut s'analyser l'évolution personnelle, mais bien dans l'analyse des rapports sociaux de sexes dans lesquels l'accès au corps des femmes, des hommes, l'échange sexué, sont intégrés comme éléments.

Si Dominique est capable de repérer un style de femmes rencontré fréquemment (des femmes grandes et brunes), la définition de critères physiques apparaît vite secondaire, lorsqu'il évoque ce que ne doit pas être une femme avec qui il engage une relation sexuée et sexuelle. "Elle ne doit pas transférer d'angoisses, être sérieuse...". Pour cet homme, la continuation d'une rencontre sexuelle dépend a priori de la manière dont la femme se présente, de sa capacité à construire une relation différente d'une soumission ou d'une "dépendance traditionnelle".

Or, on l'a vu lors de la description de trois de ses relations amoureuses, la mise en oeuvre et la gestion d'un nouveau contrat sexuel qu'il tente de définir apparaît complexe.

Le rapport père-fille : éducation, paternité, transmission

Quant à Sylvette, la transmission, l'image de la sexualité et de l'amour présentée par son père l'entraînent à projeter les amours qu'elle vit entièrement dans une gestion de la sexualité où son avenir professionnel est privilégié et où elle garde sa propre autonomie. En quelque sorte, un schéma différent de l'amour-fusion.

Mais allons plus loin.

Le rapport familial entre Dominique et Sylvette peut être analysé sous différents angles. Il s'agit à l'évidence d'un vécu de paternité, qui intègre les transformations familiales que les sociologues commencent à décrire. On est en présence ici d'une paternité entière, où l'homme, le père, remplit des tâches généralement attribuées à la mère. On pourrait parler, comme nous l'avons déjà fait, de "père nourricier".

Mais la cohabitation peut aussi se lire comme la co-présence de deux personnes ayant un lien filial, qui doivent définir ensemble leur mode de régulation.

Pour l'exposé qui suit nous avons utilisé trois sources d'information : les discours de Dominique, ceux de Sylvette et l'observation. Quand nos observations ne permettaient pas de comprendre une interaction particulière, nous avons demandé à l'un-e et/ou à l'autre des explications.

Dans cette hypothèse, l'éducation serait la transmission d'un savoir lié aux rapports sociaux de sexe, et en même temps, un rapport social de sexe à part entière. Nous délaisserons ici les aspects psychologiques pour privilégier les faits appartenant à la socialité ou aux processus de socialisation.

Le discours public (au réseau, devant les ami-e-s) ou privé (entre lui et elle) tend à dissocier les fonctions père-fille et les individus qui habitent ces fonctions. "Dominique t'es un papa génial , même si, des fois, t'es un peu chiant...!". Ces propos, exprimés au cours d'un repas devant d'autres personnes, le résume assez bien. Quand l'un-e ou l'autre décrit les fonctions déterminées par le rapport familial, ils utilisent les vocables père, papa, fille, ma, mon, mais dès qu'il s'agit de communiquer entre eux, l'usage du prénom individualise la pratique et/ou les représentations de la pratique.

Les rôles de transmission des savoirs, des savoir-faire et de protection sont attribués et remplis par Dominique, qui rappelle à sa fille quelquefois, qu'en dernière analyse, elle et lui ne sont pas strictement égaux.

Ainsi, lorsqu'il/elle discutent ensemble un achat particulier perçu comme nécessaire pour Sylvette, mais non reconnu comme tel par Dominique, l'échange verbal intègre le fait que le père, pourvoyeur de l'argent, est finalement celui qui décide. Si elle décide, il faut qu'elle arrive à convaincre Dominique.

C'est également le cas pour ce qui est des cadres horaires et spatiaux. Ils sont fixés par Dominique et évolutifs en fonction de l'âge de Sylvette, notamment pour ce qui concerne les sorties du soir. Sa seule contrainte est d'informer au préalable son père. Il ne s'agit donc pas d'une liberté totale, d'un laxisme ou d'une démission des tâches éducationnelles : "Elle ne doit pas dépasser les limites", dit il.

Chacun-e assure une fonction dans le cadre du rapport patriarcal qui veut que le père contrôle et guide sa fille. La relation est ici particulièrement individualisée.

En cas de conflit ou de désaccord, chacun-e peut être en opposition à l'autre et l'exprimer, y compris par la colère. Depuis l'épisode "lave-vaisselle", c'est-à-dire à partir du moment où Sylvette a signifié à son père son désir de tenir une place à part entière dans l'espace domestique et de participer à son organisation spatiale et temporelle, il/elle se disent que tout peut être discuté. Sylvette explique de nombreuses situations où la discussion a été nécessaire. La palette de scènes qu'elle décrit concerne autant des circonstances où elle voulait obtenir quelque chose de Dominique (argent, temps,...) que des moments où elle voulait une décision commune pour un usage particulier de l'espace domestique.

Mais c'est aussi lorsque "Dominique et moi on n'est pas en forme, on fait la gueule ou on n'est pas bien...". La discussion intègre alors la gestion des sentiments produits de la coexistence familiale, sans que l'un-e impose à l'autre sa mauvaise humeur. "Vu qu'on n'est que deux, quand l'un est de mauvaise humeur, ça fait chier l'autre... t'es obligé de t'isoler seul... tu peux pas aller te jeter sur l'autre".

Ainsi, on peut voir que la territorialisation de l'espace, le respect de l'intimité de chacun-e et la discussion où se respectent les règles du rapport parental forment le mode de régulation de cette relation.

Mais Sylvette entre sérieusement dans l'âge adulte. Depuis la séparation des parents, elle a appris que son "avis" influait sur les décisions la concernant. Les rapports avec son père sont dans la continuation de cette logique. Lorsqu'elle parle de son avenir, de l'amour, de son ami, elle privilégie ses choix et l'inscription professionnelle. Elle évoque les sentiments, son amour, ses envies, mais les intègre dans une perspective sociale ou elle, femme, devra être autonome et entendue dans ses choix. Dans ses pratiques sociales, affectives et scolaires, Sylvette se situe déjà en sujet de sa propre histoire. A 16 ans, elle est déjà une enfant du féminisme.

Le départ de Dominique du groupe d'hommes

Dominique a quitté le groupe d'hommes. Il avait des choses à dire, il les a dites. A présent, il n'a plus envie de dire certaines choses. L'écoute est différente, le groupe d'hommes a été "un espace de paroles, une écoute de soi et des autres".

Il associe sa participation au groupe d'hommes à différentes interactions sociales, des visites fréquentes... il privilégie maintenant quelques relations particulières qu'il peut nommer. Contrairement à d'autres, il n'invoque pas "le réseau", "le groupe" pour expliciter l'origine de ses relations, mais recontextualise chaque relation dans un échange particulier.

D'aucuns diront qu'il a quitté " la tribu", que son passage lui a permis de s'affirmer en tant qu'homme voulant exprimer son autonomie et ses choix de vie : "le guitareux est devenu père tranquille".

 

 

 

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Les hommes à la conquête de l'espace domestique, du propre et du rangé 

Daniel Welzer-Lang - Jean Paul Filiod

Le jour vlb éditeur - Québec; 1992; 235pp

Pourquoi les hommes ont-ils si peu d’ordre et préfèrent-ils s’occuper de leur voiture tandis que les femmes s’activent dans leur cuisine? Voilà une des nombreuses questions qui sont à l’origine de ce livre. Divergents dans leur conception de la vie au quotidien, l’homme et la femme ont bien du mal à accorder leur violon. Mais les hommes évoluent-ils de la même façon que les femmes? Apparemment non!

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