Les hommes violents

La violence est-elle naturelle ?

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Les hommes violents par Daniel Welzer-Lang

Daniel Welzer-Lang, Lierre et Coudrier éditeur, Paris, 1991 

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La violence est-elle naturelle ?

d'ailleurs les hommes ne sont-ils pas plus forts que les femmes ?
"C'est normal, nous les hommes on est plus forts que les femmes."

Cette phrase cent fois entendue de la part d'hommes de différentes cultures, de différents âges, semble être la parabole des représentations masculines concernant la violence. Claude S., pourtant plus petit que sa compagne l'utilisera d'ailleurs pour légitimer "les excès de violence qu'il ne peut comprendre". Violence et force physique musculaire sont des catégories substituables réciproquement.

La violence , les violences domestiques : de quoi parle t-on ?

Il y a confusion et flou artistique dès que l'on aborde les violences domestiques. Nous verrons - dans la 6 ème partie - comment celles-ci peuvent se définir. La définition du phénomène est en elle-même un noeud dans sa compréhension.

Ethnologue, j'ai des mois durant recueilli des discours, non sur la violence domestique, mais sur des violences domestiques. Dès que l'on rentre dans leurs descriptions, on en remarque la variété et la complexité. La liste qui suit, obtenue par compilation des témoignages, a quelque chose d'atroce. Outre l'horreur, elle montre clairement ce qui peut se cacher derrière le terme banalisé de violence domestique.

Les différentes violences exprimées dans l'enquête

Les violences physiques

La violence physique est définie par l'ensemble des atteintes au corps de l'autre. Dans les témoignages recueillis ici, nombreuses sont les violences que nous pouvons caractériser comme physiques, quelle que soit la propre définition de l'énonciateur ou de l'énonciatrice :

- taper, frapper, empoigner, donner des coups de pied, des coups de poing, des claques, frapper avec un outil (couteau, bout de verre, un bâton), un ustensile (casserole, balai, serviette) ou un objet quelconque (cailloux, un oeuf, livres), étrangler, tirer avec un pistolet, un fusil, poignarder.

- tirer les cheveux, brûler, lancer de l'eau ou des huiles bouillantes, de l'acide, pincer, cracher, défenestrer

- séquestrer (enfermer dans un placard, dans une cave); empêcher physiquement quelqu'un de sortir, de fuir, faire des gestes violents en direction de l'autre pour lui faire peur.

- fesser, obliger l'autre à mettre la main sur un fil électrique dénudé, électrocuter.

- taper la tête contre un rocher, déchirer les vêtements, tenir la tête sous l'eau,

- mordre, étouffer, arracher un bout de doigt en mordant, casser le bras, les côtes, le nez, tuer.

Les violences physiques sont souvent multiples. Elles se mêlent à d'autres formes de violences.

Les violences psychologiques

Quoique ayant utilisé nombre de violences décrites ici , un homme explique :

"Quand on me parle de violences, l'image qu'on a tout de suite c'est la violence physique, tu vois c'est les coups, c'est la violence physique mais je prenais bien d'autres formes aussi et c'était peut-être pas la plus forte, je dirai la violence physique. La violence la plus forte, c'était peut-être la violence morale, celle qui cherchait vraiment à atteindre l'autre dans ce qu'il était, dans son être, vraiment au plus profond, donc ça a sûrement été plus fort même que la violence physique."

La distinction n'est pas toujours facile à faire avec les premières, ni d'ailleurs très pertinente. Toutefois nous définirons les violences psychologiques comme toute action visant à porte atteinte à l'intégrité psychique de l'autre : son estime de soi, sa confiance en soi, son identité de sujet. Nous allons en donner quelques exemples :

Gilles H.

"Je me rappelle une des premières choses par exemple avec R. que je n'ai pas comprises c'était...

C'était un soir je me rappelle, c'était une période où on avait zoné en plus, on s'était retrouvé dans une chambre d'hôtel meublée, qu'on avait loué pour 2,_3 mois, comme ça. C'était un truc un peu sordidos, et c'était assez sympa avec R., ça se passait assez bien, on s'aimait bien, bon ça se passait bien et tout, et un soir j'ai commencé à lui monter un plan. On était couché ensemble, je lui ai dit: tu sais je ne t'aime plus du tout, tu m'emmerdes, tu me fais chier et tout... et ça a duré comme ça pendant une heure où je l'ai fait craquer en disant: t'es qu'une conne, je me fous de ta gueule et tout - R. complètement effondrée, moi en même temps que je montais dans cet espèce de discours complètement délirant et complètement violent et complètement agressif, j'étais de plus en plus mal; on arrivait à une espèce de rupture comme ça, où j'ai complètement fait machine arrière en lui disant: excuse moi, je sais pas ce qui m'a pris, je suis très mal... et la consoler pendant 1/4 heure ou 1/2 heure et au bout d'1/2 heure lui... la repousser en lui disant: mais tu vois pas que je suis en train, encore une fois de me foutre de ta gueule ? Ca été vraiment la première scène; alors tu vois c'était pas une violence physique, c'était un truc d'humiliation, c'était un truc de faire casser l'autre, quoi_ de lui dire : c'est pas toi qui décide ici, c'est moi - tu vois et je fais ce que je veux, au moment où je le veux et je te prends et je te jette comme je veux.

Et dans les dossiers d'instruction:

- Dossier n°6 : "Je lui ai dit : tu m'as fait chier tu dormiras par terre."  .

Dossier n°3: " A Noël, il part sans rien dire à son épouse. Celle-ci se plaint à un ami qu'il veut la faire passer pour folle, qu'il reporte l'amour sur le chien_

En partant l'homme va prévenir la gendarmerie du lieu, qu'ils ne doivent pas s'inquiéter, ni écouter les plaintes éventuelles de son épouse, il part juste quelques jours. Elle n'en saura rien avant son retour"-

- Dossier n°12.:" L. ne m'a jamais battue, mais j'avais peur de lui car 5 jours sur 7 il était ivre et criait envers tout le monde à la maison. Le travail n'était jamais fait à son goût"-

-Dossier n°5. " Il m'est arrivé de temps en temps de la corriger en lui donnant des gifles ou en la forçant à se coucher par terre pour ne plus qu'elle m'énerve. J'en avais marre qu'elle répète sans cesse des problèmes liés à la situation de sa fille qu'elle ne pouvait voir"

-Dossier n°13. "Il menace de lui faire manger son bien [la ruiner], lui enlever les bénéfices du mariage." 

La violence psychologique peut prendre d'autres formes :

- les insultes (en privé ou devant les autres) :

Denis E. "mon père aussi me traitait de crotte puante"

Hervé K.:"Je lui balançais n'importe quel nom : salope, putain"

- les remarques vexatrices, les critiques non fondées ou la critique permanente des actions, des pensées de l'autre ; se présenter comme celui qui a toujours la "vérité", qui sait, inférioriser l'autre, lui définir son comportement, ses lectures, ses ami-e-s; refuser d'exprimer ses émotions et laisser l'autre exprimer ses angoisses, ses peurs, ses tristesses; essayer de faire passer l'autre pour folle ou paranoïaque

- menacer d'être violent, intimider, menacer de viol (par des copains), menacer de mort.

- user de chantage

Thierry U:" La violence affective, je savais qu'elle ferait encore plus mal, la fausse séduction, le mensonge" - .

- faire pression et inciter les enfants à la haine de l'autre.

- la destruction permanente, la dénégation de l'autre; créer un enfer relationnel :

Brigitte : "De toute façon tout ce que tu fais, c'est pas bien, tu devrais faire tout ce que tu fais pas. Tu fais quelque chose c'est pas bien; quand tu fais rien, tu devrais faire quelque chose alors tu_ ça c'est vachement violent, ce qui fait que toi t'es complètement nié, t'existes plus t'as la trouille en permanence, t'as la trouille de te faire engueuler."

- faire un chantage au suicide en précisant "et ça sera de ta faute"; menacer de tuer les enfants, de les enlever, de partir, de déporter la femme "dans son pays".

- forcer l'autre à des actions dégradantes : manger des cigarettes, lécher le plancher

- contrôler sans cesse l'autre, ses allées et venues, ses fréquentations

- s'arranger pour que sa femme le prenne en pitié et cède

-se moquer sans cesse des différences d'apprentissage sociaux (le rapport au bricolage, à la voiture) et nier le travail domestique effectué par la compagne.

- insulter et dévaloriser le genre féminin "les femmes c'est bon à rien sauf à écarter les cuisses", "les femmes c'est toutes des salopes",

Les Violences verbales

Plus que le contenu des paroles, appartenant souvent à la violence psychologique, il faut analyser comme violences verbales la violence du débit, de la voix, des cris_c'est-à-dire les modes de communications.

- "les cris qui stressent", "le ton brusque pour demander de servir" - Dossier n° 14

- presser l'autre sans cesse en étant impatient pour tout.

- lui reprocher de parler en l'interrompant, ou lui faire grief de ses silences en la forçant à parler.

- interrompre sans arrêt les conversations de l'autre, changer de sujet inopinément, vouloir diriger la conversation sur soi ou sur ses thèmes d'intérêt. Ne pas écouter l'autre, ne pas lui répondre.

- Ponctuer toutes ses phrases par des insultes ou des qualificatifs infamants envers la femme : putain, salope, conasse_

Patricia V : "Dans ma famille, à cause des fêtes foraines, des manèges qu'on tenait, les gens parlent tous très fort, on a l'impression qu'ils sont toujours en train de s'engueuler".

Danièle E." Un des souvenirs de violence qui m'est toujours resté, je devais être à l'école maternelle  bon, j'ai fait tomber dans la cuisine un verre de Duralex. Je vois le verre rebondir plusieurs fois en sachant qu'il va exploser, et quand il a explosé mon père a fait irruption dans la cuisine en hurlant contre ma mère, parce qu'on faisait du bruit et lui travaillait à ses écrits ou à ses copies. Et je m'en souviens parce que j'étais terrorisée par la violence, parce qu'elle était toujours dirigée contre ma mère, alors que c'était une chose anodine et que c'était moi qui avait provoqué l'événement."

Une femme m' expliquera dix ans après sa séparation comment le "tu fais attention au gosse" exprimé sur un ton menaçant est encore vivace dans sa pensée, dans son corps, quand son enfant doit partir de la maison.

Les violences sexuelles

Pourraient être qualifiées de violences sexuelles les violences suivants :

- avoir des rapports -qualifiés par l'homme de sexuels- par contrainte ou menaces.

- forcer l'autre à se prostituer

- violer l'autre en public ou en privé, la battre sur les organes génitaux, lui brûler les organes génitaux

- essayer avec sa partenaire, contre son avis, de copier des scènes pornographiques (sexualité de groupe ou avec animaux) quitte à la battre ensuite parce que "c'est une salope".

- reproduire, exprimer des brimades sexistes sur le corps, la sexualité des femmes.

Dr.Danièle F" Quand je travaillais à la maternité de V., c'est là que j'ai vu le plus de femmes qui se faisaient frapper, c'était des situations extrêmes, en plus c'était des femmes enceintes, et elles montraient toujours qu'elles avaient des coups et assez souvent des coups sur le sexe" -

A côté de toutes les violences sexuelles explicites, d'autres sont contenues dans le discours même, ou ont été découvertes après.

-Entrevue avec Brigitte S :

"I: Il y avait des actes de violence dans la sexualité ?

Brigitte S.: Moi je le vivais ainsi. Je pense plus les mêmes choses maintenant à l'époque tout était violent. Ça finissait par n'importe quel acte sexuel un peu  je peux pas dire déviant mais enfin, tu vois en dehors des trucs classiques (_) c'était lié à un statut d'homme qui domine et l'acte sexuel c'était la domination.

I : t'arrivais pas à exprimer tes désirs

Brigitte S. : Oh ben j'en avais pas  j'ai vraiment subi  alors l'amour là-dedans je crois que c'est une raison pour laquelle on n'en parle pas. Le rapport sexuel c'est une image à préserver comme la violence, c'est lié. Tu te tais sur l'ensemble."

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François G. " B. pour me retenir, elle était prête à n'importe quoi, y compris passer des coups de téléphone à des nanas pour m'arranger des rencontres_ pour que je sorte avec elles. Je lui disais : "tiens V. elle est mignonne"_ je me rappelle les cas où elle m'arrangeait mes coups_ tu vois quelque chose d'assez bizarre où elle devait énormément souffrir, mais bon_ pour me garder, pour continuer."

Nous y reviendrons par la suite, la qualification "violence sexuelle" a peu de rapports avec la morale.

L'analyse anthropologique essaie d'analyser les différents rapports sociaux sous-tendus et proposés dans les définitions de la violence. Elle aborde autant les conditions sociales de production de cette définition que son contenu explicite et implicite. Un des programmes québécois propose dans la définition des abus sexuels :

  • - la forcer à faire des actes sexuels contre son gré

  • - la traiter comme un objet sexuel ou la priver d'affection

  • - commettre des infidélités

  • - faire des plaisanteries au sujet des femmes, faire des farces sexistes.

D'un point de vue sémantique, on peut concevoir que le document dont est extrait ce passage s'adresse à des hommes en formation, donc intègre des compromis quant aux définitions. Car nous pourrions poser plusieurs questions à propos du point de vue adopté dans les textes. Pour qui les actes forcés sont-ils sexuels ? Pour l'homme ? La personne forcée ? De même, qui qualifie de "plaisanteries" ou de "farces" les brimades sexistes ? Mais admettons que l'objectif pédagogique rende nécessaire l'utilisation de termes provenant du langage habituel des hommes (des dominants).

"La priver d'affection" et "commettre des infidélités" : ces deux notions renvoient tant pour l'émetteur/trice (l'auteur-e, le-la traducteur/trice_) que le-la récepteur/trice (le-la client-e) à des notions conjugales et familiales inégalitaires et morales. Le couple est-il à ré-éduquer dans le sens où l'homme pourvoyeur (d'argent, de sentiments,) adapte son pouvoir aux désirs de sa conjointe ? Doit-on apprendre à l'homme à exercer de manière douce le pouvoir viriarcal ? Ou alors l'objectif des programmes est-il de transformer, in fine, les rapports sociaux de domination ? Ne peut-on pas imaginer qu'il soit possible que l'un-e et l'autre dans un couple donne/reçoive affection et sentiments. Que la femme ne sera pas toujours celle qui quémande et attend les faveurs de Monsieur ?

Quant à commettre des "infidélités"la domination masculine s'est toujours arrangée entre l'appropriation du corps, du temps, des produits des femmes et une gestion sexuelle alternant maîtresse ou prostituée, et femme. Mais quels types de rapports sociaux alternatifs à la violence domestique masculine construit-on en caractérisant l'infidélité d'abus sexuel, alors que dans le document à aucun moment la jalousie n'est signalée ? N'est-ce pas là une marque des ligues morales américaines qui, après l'époque de la Révolution sexuelle, prônent le retour au couple exclusif, la condamnation de l'avortement

Il s'agit bien pour moi de qualifier de "violences" les situations où l'un-e utilise les représentations sociales de la force, du pouvoir pour imposer sa domination.

Ainsi nous qualifierons de violences sexuelles les attitudes de Monsieur K (Dossier 11), non parce qu'il entretenait des relations sexuelles avec une maîtresse, mais parce que dans le même temps tout en étant jaloux il interdisait à sa femme d'avoir des relations amicales avec des hommes. La violence sexuelle est déterminée non par l'infidélité, mais par l'asymétrie dans la gestion personnelle des relations extérieures au couple. Monsieur F imposait sa maîtresse à sa femme, et des amis au couple ont témoigné de la souffrance de cette dernière : "elle souffrait parce que son mari cavalait".

Au fil de cette étude plusieurs personnes parlent de leur sexualité d'une manière très révélatrice : la référence aux "sévices sexuels" ou au viol conjugal est à peine voilée.

- "Je l'ai reçu en plein, _j'en avais marre"

- "Il me répugnait pas _mais c'était à la limite"

- "Un truc dégueulasse_"

- "Il voulait m'aimer mais dans l'état où il était_" etc_

Au cours de mes travaux sur le viol, de nombreuses femmes m'ont fait savoir qu'elles avaient découvert avoir été violées bien des années plus tard. Pour identifier le viol conjugal, nombreuses sont celles qui attendront de pouvoir identifier leur propre désir sexuel.

Dans notre société, où s'étalent à longueur de murs les corps de femmes "disponibles" sur 36-15 (le minitel rose), où les pseudo-plaisanteries sexistes sont journalières dans l'ensemble de la presse et des médias, les violences sexuelles sont souvent niées ou banalisées. Rappelons ce que j'ai déjà expliqué à propos du viol. Prendre la femme comme objet de plaisir à la disposition des hommes "en leur mettant une main" ("mettre sa main aux fesses d'une femme sans son accord"), en les agressant du regard, en les "blaguant" ou en les violant correspond, à des degrés divers, à la même structure psychique et sociale : celle de l'homme dominateur que nous pouvons rencontrer chez les hommes violeurs.

Dans cette enquête nombre d'hommes violents physiquement et psychologiquement avec leur partenaire ont pu m'expliquer des scènes de violences sexuelles commises dans le privé, ou dans l'espace public : "il n'y a pas de notion isolée ou isolable ni de public, ni de privé" explique LEDRUT . Quoique dans cette étude la violence ait au départ été volontairement limitée à l'espace domestique, les agressions dans l'espace public apparaissent :

Gilles H. :"J'allais faire chier des mômes dans la rue _ alors ça allait de l'agression verbale à l'agression par le regard.

I : Avec des agressions sexuelles dans la rue ?

Gilles H.: non_ des_ dans la rue des agressions sexuelles ? Mais_ mais_ alors qui étaient_ je dirais, qui étaient mineures ou majeures  mais c'était à caractère sexuel. Ça pouvait être leur toucher les seins, ou leur mettre la main au cul _ ou je ne sais quoi  l'agression passait par des _ aussi bien verbalement que  gestuelle 

I : Il y a eu des tentatives de viol à ce moment là  ?

Gilles H : Des tentatives de viol ? plus tard ouais_ ouais_ et des choses très dures _ t'es le premier mec avec qui je parle comme ça

Dans le dossier n°7, Monsieur G., un couteau à la main va essayer "de devenir l'amant" (l'expression est extraite des procès verbaux de la police) de la meilleure amie de sa concubine.

Les violences contre les animaux et/ou contre les objets

Les deux formes de violence sont regroupées car elles ont le même objectif et relèvent du même processus : faire violence à l'autre en détruisant, en brisant ou en violentant des objets ou des animaux à qui l'autre attache une valeur affective et sentimentale. C'est ainsi que dans le dossier n° 4 le meurtrier va, à côté des rapports sexuels imposés, des bris de verrous, de vol de clés, exercer de manière continue un chantage sur le chien et sur les affaires de son ex-amie -qu'il dérobait pendant son absence -.

Le dossier contient plusieurs lettres de cette femme le montrant:

"Hervé

Je t'écris après mûre réflexion. Je pense qu'en une semaine de recul tu as réfléchi de ton côté. Je pense que ce qui s'est passé la dernière fois que tu es venu est regrettable [Nota : d'après lui "il a fait semblant de l'étrangler" puis lui a imposé un rapport sexuel].

Vois-tu il serait plus souhaitable de me rendre les clés de chez moi puis différentes affaires que tu as dû me prendre par erreur. Quant aux objets que tu as cassé, il n'est guère possible de recoller les morceaux.

Je souhaite de tout c_ur que tu sois heureux et que tu redeviennes gentil car tu caches bien ton caractère. Tu es violent (cela est un défaut).

Je voudrais compter sur toi pour ne plus venir chez moi car j'ai peur de toi et pour le moment je n'ai pas oublié.

Belle [la chienne] va bien, ne me la prends pas, tu sais que je serai tellement malheureuse. Je l'aime très fort. Elle est maintenant une jeune fille depuis quelques jours

Au revoir

Isabelle

amène STP les affaires chez ma mère. merci

Dix jours plus tard :

Hervé

Si tu viens arrête de me faire du mal. Je me suis aperçue que tu m'avais pris mes affaires et que tu m'as cassé un vase. Ce n'est pas gentil. Rends moi mes clés STP. Restons en là. Vois-tu tu me fais peur.

Restons amis

Isabelle

"Belle est une dame maintenant".

Pierre K. "Je lui ai mis un coup de pied au poisson rouge"

D'autres volontairement expriment de la tendresse, de l'amour pour les animaux tout en violentant leur femme et en la rabaissant continuellement. Certains vont jusqu'à dire à leur compagne qu'elles ont dans leur esprit moins de valeur que l'animal aimé et choyé. Mais la violence sur les objets ne s'adresse pas uniquement aux objets que chérit la victime (albums de photos, souvenirs, la robe qu'elle préfère voir, les livres avec lesquels elle prépare un examen).

René T. "A un moment donné j'ai mis un coup de pied dans la porte des chiottes, c'était une porte en bois comme ça, je suis passé à travers. Je pensais pas que je casserais la porte, une violence folle"

Plus tard il compare la destruction de la porte, à une métaphore de meurtre envers son amie.

Son (ex) amie ne s'y est pas trompée, le message était clair :

Suzanne P. [au début de l'entretien] "C'était un homme de toute manière, il était plus fort que moi. J'ai pas de souvenirs vraiment je dirais pas que c'était un mal physique  mais effectivement ça faisait mal le souvenir que j'en ai le plus, tu vois, l'image qui me vient là quand on parle de ça c'est lui donnant un grand coup de pied dans la porte, cassant la porte et_

I : et ça te fait quoi

Suzanne P. : "Ah ben ça me fait l'effet de_ comment dire ? quelque chose qui _ destruction, oui voilà une destruction vraiment forte, comme si_ tout ce qui était autour, là, allait s'effondrer. Ouais, ça me fait très peur, moi ça  Quelque chose qui est, on va tomber en morceaux quoi, tomber en morceaux, bon tu vois l'image d'une porte qui, bon là, elle est pas tombée la porte, mais il y a un méchant trou dedans et _ peut-être que le trou dans la porte ça devait me renvoyer au trou qu'on me faisait dedans "

Yvon Z.: "bon ça c'est comme tout le monde, quand vous vous énervez_, si je vous dit que je n'ai jamais mis un coup de poing dans un mur ou dans une porte, ou cassé une table_"

I : et la vaisselle ?

Yvon Z. : "ben oui ça m'arrive, Samedi j'ai cassé un verre, je l'ai pris je l'ai jeté. J'avais envie de jeter un verre. Bon mais si je frappe dans une porte faut pas voir dans quel état elle est la porte."

Une étudiante me raconte comment son père, "pour ne pas être violent", avait brisé la table de la salle à manger à coups de hache; une autre femme, à propos des violences contre les objets, m'a décrit les marques faites au mur par sa mère lorsqu'elle était "poussée" par son père. Devant mon étonnement, elle rajouta en rigolant _ "c'est pas grave, c'était des HLM où les cloisons étaient de mauvaise qualité".

On le voit, ce type de violence longtemps minimisé (CURRIE, 1987 : 18) , n'est pas anodin.

En dehors de ces grandes catégories de violences (physiques, psychologiques, verbales, violences contre objets et animaux) souvent décrites dans la littérature sociologique, d'autres catégories de violences sont intégrées dans le discours.

La violence contre les enfants

Je ne mentionnerai ici que quelques courts extraits de témoignages. D'autres, notamment ceux concernant les souvenirs de violence exprimés par les adultes à propos de leur enfance, ou ceux concernant la violence faite par les mères sur les enfants seront décrits par la suite quand nous aborderons les différentes catégories de violence.

Toute activité visant à porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique de l'enfant est définie comme violence. Nombreuses sont les personnes, hommes et femmes, qui s'insurgent contre une définition large où la fessée, la claque sont considérées comme une forme de violence physique. Ainsi couramment, des assistantes sociales dans des formations "adhèrent" à la description des violences contre les femmes, mais tiennent à mettre dans une catégorie spéciale celles exercées sur les enfants. La définition de la violence change suivant que l'on est le-la dominant-e qui frappe, ou celle-celui qui reçoit [voir 6 ème partie]. Les témoignages qui suivent ne sont qu'une partie des violences exercées sur les enfants définies comme telles par les hommes eux-mêmes.

Bernard C. "Je suis violent avec mon fils quand je ne maîtrise plus la situation"

Yvon Z. "C'est normal_ une claque sur le cul", dit-il pour expliquer une violence extrême commise sur un enfant de un an et demi. Puis il poursuit :

" Une fois j'étais énervé, la plus grande, il y a un con qui est venu me faire chier pour garder son chien. Je l'ai attrapé [la fille], je l'ai mise sur le lit bon je l'ai pas lâché. Elle a eu le fémur de cassé. Bon ben, j'ai été dire que c'était moi".

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I: Et tu m'avais parlé de violence avec ton fils à ce moment là? Quelle forme prenait-elle ?

Gilles H. : Quelle forme ? le faire plier pareil... le faire plier. La première chose dont j'ai gardé le souvenir, il était vraiment bébé, je me rappelle on était dans une maison à la campagne, Eric pleurait...euh...il avait, je sais pas peut-être 6,7,8 mois un truc comme ça. Eric pleurait et... j'ai essayé de calmer etc...j'ai complètement perdu patience et j'ai été prendre un verre d'eau et je lui ai foutu un verre d'eau dans la gueule.ça devenait d'autant plus intolérable, que ... bon à la limite quand il y avait des scènes dures avec des copines, elles étaient capables de se défendre et de me répondre, alors que Eric en était incapable. Tu vois. [_] ça devenait insupportable,... c'était pas fréquent, bien moins fréquent qu'avec les copines etc... parce que je pense que le tabou était plus fort... hein - mais ça n'en était que d'autant plus insupportable, quoi_ ça, ça a été vraiment très très dur quoi...

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Xavier Z. : (à propos de son fils)

"Il a reçu méchant oui moi vous savez quand je frappe, je me contrôle difficilement

I: Ça prenait quelles formes ? des claques ? des coups de pied ? des coups de poing ?

Xavier Z. : Oh vous savez ._ comme on dit_ tout y passait avec moi [rires]_ mais__ j'ai jamais été un père tyrannique_

Les violences contre soi-même

Les violences "contre soi-mêmes" sont complexes. Nous aborderons l'aspect suicidaire/homocidaire des hommes violents dans la partie suivante. Mais beaucoup d'hommes expliquent comment leurs violences contre leur compagne ou épouse correspond en même temps à une violence contre soi-même.

François G : "Je lui faisais mal, mais c'est moi qui avais le plus mal".

Je ne conteste pas l'expression de violence ressentie par l'homme. Elle est même le moteur de ses futurs changements. Nous ne pouvons toutefois accepter un discours qui voudrait que dans le rapport dominant-dominé, la plus grande souffrance soit celle du dominant. Le pouvoir et le contrôle créés notamment par la violence affecte à l'homme les "privilèges" du masculin. Ils sont sans commune mesure avec les bénéfices secondaires "accordés" par la société viriarcale à la victime. Ou alors qu'on nous explique pourquoi, à l'heure actuelle, quand la pression sociale contre la violence masculine est faible, les violences ne s'arrêtent pas.

Les femmes dans leur discours présentent souvent une autre facette de cette violence contre soi-même. Denise F., après avoir pris un amant, décide de s'en aller avec lui; son mari l'apprend. Bien qu'ayant de nombreuses fois usé de violences contre elle, il lui apparaît alors comme "une loque, affalé par terre", qui menace de se suicider; "alors_"je suis restée, j'ai pas pu partir" explique-t'elle.

Malgré les violences qu'elles décrivent, d'autres femmes expliquent -en véritables mères protectrices - que "le plus malheureux, celui qui devait avoir le plus mal, c'est lui d'ailleurs souvent il le disait". Nous reviendrons par la suite sur ce point, à savoir comment le mythe sur la violence masculine domestique enferme les victimes dans des attitudes protectrices.

Et les autres violences

A côté de l'ensemble des violences déjà citées, d'autres vont apparaître. Elles représentent des formes particulières de violences psychologiques et sociales.

- violences contre autrui dans la rue devant sa compagne (parce qu'un homme l'avait regardée), ou en son absence. L'homme utilise alors l'incident pour bien montrer sa force ou sa virilité. D'autres, intimidant leur entourage, menacent d'en découdre avec les travailleurs sociaux, les policiers, les juges_

- Contrôle temporel : René T. raconte comment il a fait coïncider le rythme de lever et de sommeil de sa compagne au sien, et de nombreuses femmes parlent de non-respect du sommeil :

- Chantage au départ : "A chaque fois, je lui dis : "je te laisse" et ça marche".

- l'empêcher de faire des études : refuser que l'amie accède à un niveau culturel supérieur.

Brigitte S. " Chaque fois que j'avais un examen à préparer, pendant les périodes de révision, les semaines d'avant c'était cauchemardesque, il mettait mes bouquins à la poubelle, une fois c'est la convocation à l'examen que j'ai mis des heures à trouver : elle était aussi à la poubelle".

Enfin, il est une autre violence rarement décrite :

La violence économique

Elle se définit comme le contrôle économique et/ou professionnel de l'autre.

A lire les écrits des sociologues de la famille expliquant comment le salaire féminin est, à tord, considéré comme un salaire d'appoint pour payer les traites de la maison ou de la résidence secondaire ; comment le choix professionnel de la femme est souvent conditionné par le travail du mari, on comprend que de telles marques de violences soient rarement mentionnées. En tout cas, peu d'hommes violents la considère comme telle. Cette violence est en quelque sorte normale, banalisée dans notre société viriarcale où le pouvoir est masculin. A trop la nier, nous risquerions toutefois bien vite de ne plus comprendre le sens et la fonction des autres violences pour glisser dans un discours sur la naturalité de la violence ou de la domination masculine.

D'autres personnes réfutent l'argumentation de violence économique, nous faisant valoir que la femme gère le budget et la maison, ce que j'ai maintes fois vérifié. La question n'est pas celle de la gestion, mais davantage celle du contrôle de la gestion. Combien de femmes n'ont toujours pas en 1990 de carnets de chèques ? Combien sont libres, en dehors des dépenses du ménage, de dépenser "l'argent du couple", voire leur propre salaire pour elles-mêmes ? Quoique l'état des choses évolue très vite, certains hommes nous ont expliqué que par jalousie, ou "parce qu'avec elle on ne sait jamais" ils vérifiaient les talons des chèques. Je me souviens de cet homme qui en riant rajoutait : "c'est toutes des mômes, hein, si "on" les laisse faire".

Ce catalogue d'un genre particulier explique pourquoi il est arrivé qu'après la lecture de cette liste, lors de conférences ou de débats, des hommes et des femmes venu-e-s entendre parler "des autres" (l"homme violent" ou "la femme battue") se soient senti-e-s mal à l'aise et qu'un silence, qu'une gène, aient envahi la salle. Nous voyons à la simple écoute d'hommes et de femmes vivant les violences domestiques ou les ayant vécu en France, que nous ne pouvons limiter la violence à la violence physique, ni même ne privilégier que cette dernière. Comme nous l'examinerons, la violence physique et en particulier les coups, ceux repérés et identifiés comme tels, ont une place particulière dans la compréhension du phénomène social. Mais pour l'anthropologue, comprendre le phénomène, c'est essayer de le circonscrire le plus globalement possible.

De même, il ne faudrait surtout pas considérer les différentes formes d'apparition de la violence masculine domestique comme autant de catégories figées. Dans le discours elles sont toujours intimement mêlées:

Suzanne P. : "On devait s'échanger un coup, et puis après ça passait plus sur les objets quoi_ sur les objets, les cris sur les pleurs et sur soi."

Sans en comprendre le sens, très vite, je me suis rendu compte que les définitions de la violences (ou ce que nous pouvions supposer être - à partir de l'analyse du discours- les définitions de la violence), varient en fonction, du locuteur, de la locutrice, de la catégorie des personnes concernées (homme, femme ou enfant), et de la forme de la violence perçue ou exercée. On détaillera ce point fondamental dans la 6 ème partie.

Origines de la violence domestique

A n'en point douter, nous l'avons vu en abordant la manière dont sont perçues les violences au niveau international, le repérage et la qualification des violences domestiques sont concomitantes avec la lutte des femmes à travers le monde.

La violence domestique n'est qu'une partie de la violence. Violence, au sens large, aussi vieille que le monde mais qui ne donne lieu à une étude centrale qu'au 19 ème siècle avec G.SOREL. CHESNAIS tout en spécifiant les origines lointaines de la violence, explique comment elle est liée aux différentes hiérarchies communes à l'ensemble des sociétés -les rapports de sexe et d'âge-, et dans cette optique là, comment le mariage est l'appropriation des femmes .

L'ensemble des disciplines fournit plus ou moins une explication, ou des hypothèses sur ses origines. Pour H. LABORIT, l'apprentissage de la violence se fait dans les premières années de la vie. Elle n'est donc pas innée. Elle est une réponse ultime et réactionnelle, un passage à l'acte provoqué par une situation subjectivement insupportable. Etre violent signifierait ne pas surmonter les tensions, les obstacles, les frustrations imposées par l'existence. FREUD y voit une opposition entre pulsion de vie et pulsion de mort_ Toutefois, ces analyses n'expliquent pas pourquoi ce sont des hommes qui majoritairement contrôlent et dirigent la violence.

Les analyses de Juergen DANKWORT

En France, les publications qui se sont intéressées aux violences domestiques sont peu nombreuses à la différence des écrits anglo-saxons. DANKWORT, qui se qualifie de "pro-féministe", engagé lui aussi dans le traitement et l'accueil des hommes violents dans la banlieue de Montréal, a mis en perspective les écrits nord-américain traitant de près ou de loin de l'intervention sociale pour y repérer les pré-supposés théoriques. On doit lui rendre hommage pour l'immense travail de compilation bibliographique réalisé. En Europe, d'autres travaux ont abouti à des résultats comparables.

Pour DANKWORT, quatre courants théoriques peuvent être identifiés :

  • 1- Les théories psychoanalytiques de l'agression,

  • 2- Les théories de l'apprentissage social

  • 3- Les analyses intégrant les facteurs socio-culturels

  • 4- Les courants intégrant une perspective féministe

Ces quatre tendances "sans s'exclure mutuellement débouchent sur des conclusions spécifiques" en ce qui concerne l'intervention sociale.

1)Le courant psychoanalytique

Fortement influencés, et de manières différentes, par les travaux de Freud ou de Darwin, les tenants de ce courant pensent que l'agressivité des hommes permet d'assurer la reproduction de l'espèce. Jusqu'à ce que des théories plus modernes apparaissent, l'agressivité, la liaison colère-violence, ont presque toujours été mises en relation avec les "instincts" ou les "pulsions biologiques". Les hommes seraient donc victimes de leurs caractéristiques génétiques ou biologiques, et l'intervention sociale doit en tenir compte.

Ainsi, l'accueil du couple en thérapie est centré sur les problèmes psychologiques de chacun-e-s des partenaires. Les thérapeutes mettent, dans ce courant, l'accent sur les fonctionnements psychologiques des personnes violentes : ego perturbé, faible estime de soi _ et en cherchent les origines, pour l'homme et la femme, dans des troubles survenus antérieurement (rejet d'un des parents, surdépendance à la mère, crainte du père). Oubliant les discriminations sociales et économiques ou bien les contraintes culturelles qui obligent, par exemple, les femmes au mariage (OKUN, 1986 : 81), et les peurs exprimées par ces dernières pour fuir les scènes de violence (peur de la mort, de l'insécurité financière), des thérapies de couple s'organisent. Pour DANKWORT, ce courant est présent chez tous ceux ou toutes celles qui insistent sur la différence entre les hommes qui battent leur femme et les autres (CURRIE, 1987; LAROUCHE, 1987; SINCLAIR, 1985). C'est-à-dire qu'au lieu de montrer les points communs entre les hommes violents et la gente masculine, les différents portraits psychologiques (une enfance difficile par exemple), sont souvent cités comme causes premières de la violence.

2) Les théories de l'apprentissage social et des théories des rôles de sexe

Les postulats de ce courant sont de dissocier colère et violence, de montrer (BANDURA, 1973 et NOVACO, 1975) comment on peut être en colère sans violence, ou violent sans être en colère. Ces théories comportementalistes insistent sur les conditionnements sociaux. Dans cette optique la violence masculine n'est plus un instinct biologique, ni une maladie mais le produit de l'apprentissage social masculin générant stress et piètre image de soi. L'objectif est d'arriver à une "libération" de l'homme, une lutte contre "l'aliénation masculine", notamment par l'écoute de ses émotions (FARREL, 1974; NICHOLS, 1975; NAIFETH et SMITH, 1987).

Ces théories vont fortement influencer le traitement de la violence masculine en Amérique du Nord (Canada et USA) où la priorité est que les hommes apprennent à mieux contrôler leur colère et leur comportement impulsifs (BROWNING, 1984; DANKWORT, 1988; PICARD, 1988). Cela produit, pour DANKWORT, une attitude critiquable chez les intervenant-es qui, pour permettre aux hommes de s'ouvrir aux changements, à guérir leurs traumatismes_ne porte aucun jugement et adopte une attitude de neutralité morale. Ceci aboutit à le sécuriser, et on arrive à ce que "l'agresseur est souvent considéré comme une victime qui mérite aide et compassion".

Les explications sur l'apprentissage social masculin de la violence sont reprises par ceux et celles qui interrogent l'envoi en prison des hommes violents. Car la prison, école de violence, peut-elle constituer une solution ?

3) La perspective socio-culturelle

Cette perspective inclue les travaux des sociologues de l'école systémique qui, après le mouvement féministe, ont démontré l'importance des phénomènes de violences conjugales au sein de l'institution familiale -"l'institution familiale comme foyer de violence"- diminuant en cela la crédibilité des explications pathologiques individualisantes (STEINMETZ, 1978; GELLES et STEINMETZ, 1980, STRAUSS et GELLES, 1986). La violence conjugale intègre dans son analyse les inégalités sociales structurelles, les attitudes et les normes culturelles.

Ce courant prône aussi la thérapie familiale, la violence étant le symptôme du dysfonctionnement des interactions d'un système. Ses analyses sont reprises dans les groupes pour hommes violents, qui par des techniques de relaxation, de contrôle de la colère essayent d'apprendre aux hommes d'autres modes d'affirmation de soi, non générateurs de stress. Ces théories, ne comportant pas de critiques politiques sur l'analyse de la violence et du système inégalitaire qui l'engendre, bien au contraire, ont pour DANKWORT, les faveurs des institutions en place.

Les critiques concernant cette perspective, reconnaissent la pertinence des études qui montrent les facteurs structurels comme des éléments contribuant à générer la violence familiale, mais mettent en évidence la non prise en compte du sexe social de la personne violente, c'est-à-dire le fait que pour les études appartenant à ce courant, toutes les violences - homme contre femme, femme contre homme, femme contre enfant, homme contre enfant, frère contre sur, grand-e contre petit-e sont équivalentes. On ne peut, disent certain-e-s, traiter de la même manière les violences faites par les femmes (aux enfants, aux hommes) et celles faites par les hommes (aux femmes, aux enfants). Il faut considérer la violence comme le symptôme du problème et non comme le problème lui-même (BREINES et GORDON, 1983 : 512). Bref tenir compte par exemple du fait que ce sont les femmes qui dans une grande majorité des cas gardent les enfants, et que malgré tout 50 % des violences contre les enfants sont faites par les hommes, ou accepter le principe de légitime défense pour certaines violences féminines

4) La perspective féministe

L'analyse féministe insiste sur le fait que dans notre société sexiste et patriarcale, les femmes sont les victimes de la violence conjugale tandis que les hommes en sont les auteurs, reliant entre elles toutes les violences que les femmes subissent (viols, harcèlement sexuel,_). Critiquant les théories sur les femmes séductrices et provoquantes (DOBASH et DOBASH, 1979; PAGELOW, 1981; SCHECHTER, 1982), en établissant des parallèles entre militarisme, patriotisme chauvin, rapports hiérarchiques dans la famille (ROBERTS, 1986), violence sur les enfants (RUSH, 1983) et violences faites aux femmes, les théories féministes se situent au carrefour de l'oppression de classes sociales, de races et de sexes.

L'analyse féministe adaptée aux hommes par des hommes

En dehors de l'important travail de compilation bibliographique réalisé par DANKWORT, l'intérêt de son article est surtout la présentation du collectif Emerge de Boston (Massachussets) qui a choisi de mettre en pratique une intervention pour les hommes violents autoqualifiée de proféministe .

La violence conjugale est perçue comme construite socialement mais individuellement choisie par l'homme (SCHECHTER, 1982). Tel est le postulat de base de l'analyse. La violence est définie comme "tout acte qui amène la victime à faire quelque chose contre son gré, l'empêche de faire ce qu'elle veut faire ou encore l'amène à avoir peur" (ADAMS, 1988). Les programmes proféministes d'aide aux hommes violents, insistent sur la liberté et la protection des femmes agressées, en rejetant toute notion qui voudrait que la partenaire ait quelque responsabilité dans la violence. Les raisons que citent les hommes comme facteurs contribuant à la violence, font partie d'un système idéologique qui permet de justifier une position d'avantages et de domination. Les méthodes d'interventions inspirées de cette analyse tentent de briser la résistance masculine de façon à faire accepter à l'homme la pleine responsabilité de la violence. Il est mis en face de situations, prérogatives et privilèges, qui sont d'ordinaire caché-e-s par la rationalisation et qui sont de plus minimisées par les faits.

Rejetant les notions de perte de contrôle, de causalités liées à l'alcool, la colère, la frustration, l'enfance traumatisante_la violence pratiquée est d'abord analysée comme un contrôle que réalise l'homme sur sa partenaire. Le fait que les hommes choisissent exactement comment et qui ils frappent, démontre qu'il s'agit de comportements intentionnels et conditionnés (PTACEK, 1988). Les programmes préfèrent le registre des comportements "contrôlant" au registre de la colère.

Cette approche proféministe ne s'oppose pas aux poursuites judiciaires, elle demande au contraire aux juges de respecter "les rouages lourds et complexes du système judiciaire qui en soi répond toujours mal au problème de la violence conjugale". Les autres approches sont perçues comme conciliantes avec la violence et les hommes violents. "Si la distinction entre victime et agresseur reste vague et les peines infligées aux agresseurs allégées, la bataille menée par les organisations de femmes aura échoué."

Le féminisme présenté par DANKWORT comme une théorie juste, opposée plus ou moins à l'ensemble des autres modèles explicatifs, n'est pourtant pas exempt de l'imprégnation des mythes modernes. Ainsi force est de constater que de nombreuses traces de références à la naturalité de la violence traversent la littérature féministe sur la question, et que, excepté l'effet d'annonce, le drapeau commun, les écrits féministes sont loin d'être homogènes au niveau théorique.

Qu'en est-il de l'origine de la violence dans les témoignages recueillis?

Naturel et normal : deux faces d'une même médaille

Souvent pour l'homme, l'origine n'est pas vraiment importante_en somme il s'agit d'une banalité normale de la vie quotidienne : "pourquoi poser d'ailleurs tant de questions sur ce sujet ? "C'est comme ça, un point c'est tout".

Cette banalité est d'ailleurs reprise dans de nombreux proverbes:

* Choisis ta femme avec un gant de velours et garde la avec un gant de fer.

* Une femme n'est pas une cruche, bats-la, elle ne cassera pas

* Qui aime bien, châtie bien.

* On ne bat pas une femme même avec une rose.

Dans les entretiens, la violence contre la femme, conseillée par certains proverbes, interdite par d'autres, est banale, normale :

Farid G : "J'ai beaucoup réfléchi, la violence c'est la facilité, tout être humain choisit la facilité".

Cette violence instrumentale, facile, ordinaire, devient une réponse normale à un stimulus provoqué par l'autre, et nombreux seront ceux qui tiennent à nous expliquer "que la violence c'est inexplicable_ c'est comme ça".

Il semblerait que Normal-naturel soient deux catégories co-extensibles.

La normalité de la violence va d'ailleurs en fonction des conditions sociales adopter des formes variables. Patricia V. nous explique que dans son milieu, les gitans forains, "c'est presque plus normal d'être battue, celle qui était pas normale, c'est celle qui était pas battue". Une étudiante de première année de sociologie de Lyon me déclare : "et tu crois qu'il existe des hommes qui ne frappent jamais leur femme et leurs enfants"; une sociologue réputée : "mais ça arrive à tout le monde de se foutre sur la gueule de temps en temps".

La violence domestique paraît si normale que les seules explications plausibles que trouve Denis E. dans le dossier n°4 pour expliquer le départ de sa femme avec un autre homme sont : "il doit la frapper mais je n'ai pas de preuves". Certains hommes sont, à l'heure actuelle en France, incapables d'imaginer d'autres relations possibles avec une femme, autre que la violence.

Que l'on invoque son non-sens, son inintelligibilité, ou bien des explications biologiques hormonales ou musculaires, voire astrologiques; ou que l'on démontre son usualité, sa transversalité à l'ensemble de la vie sociale, la violence apparaît dans les discours : normale, naturelle, facile. C'est un élément du mythe sur la violence domestique.

Dans de nombreux discours, ce n'est pas tant la violence qui est perçue comme naturelle que ce qui la légitime : la différence des sexes.

Le débat culture-nature

Traitant du viol j'avais déjà appréhendé la perception des différences de sexes qui existe dans nos sociétés. Nous retrouvons ici cette opposition culture/nature lorsqu'on se réfère à la naturalité de la violence, à la naturalité de la différence des sexes : agressivité masculine biologique, hormones spécifiques. Je pense qu'il ne s'agit nullement de différences biologiques "naturelles", mais de représentations sociales de la différence des sexes influençant les représentations sociales du biologique.

Reprenant les travaux de NC MATHIEU, de GUILLAUMIN j' ai expliqué à propos du viol que la nature est toujours invoquée quand il est question de légitimer la domination.

 

Homme-culture, femme-nature

Dans l'éducation, les valeurs traditionnelles reconnues à l'homme le situent comme un être capable de penser, de réfléchir, d'acquérir la culture, en opposition aux valeurs dites "naturelles" que l'on prête plus facilement aux femmes : féminité, tendresse, intuition.

Les références de nos sociétés contemporaines, ethnocentriques n'ont pourtant rien d'universel. L'ethnologue Margaret Mead a étudié en Nouvelle-Guinée trois populations voisines mais fort différentes quant à leur interprétation sociale du sexe.

"Ni les Arapesh, ni les Mundugumor n'ont éprouvé le besoin d'instituer une différence entre les sexes. L'idéal arapesh est celui d'un homme doux et sensible, marié à une femme également douce et sensible. Pour les Mundugumor, c'est celui d'un homme violent et agressif marié à une femme tout aussi violente et agressive. Les Chambuli, en revanche, nous ont donné une image renversée de ce qui se passe dans notre société. La femme y est le partenaire dominant ; elle a la tête froide et c'est elle qui mène la barque ; l'homme est, des deux, le moins capable et le plus émotif."

D'une façon générale, les données de l'ethnologie nous apprennent que le contenu des qualités physiques ou psychologiques attribuées respectivement à chacun des sexes varient considérablement (et souvent s'opposent absolument) d'une société à l'autre, de même que les rôles masculins et féminins ou les tâches économiques que remplissent les hommes et les femmes.

L'étude du viol avait montré un cas d'inversion de ces catégories culture/nature concernant les hommes et les femmes : la sexualité.

Dans la sexualité occidentale, notamment par l'utilisation chez les hommes du concept de pulsion sexuelle irrépressible dans la sexualité nous avions à considérer l'homme-nature qui ne peut contrôler ses désirs et ses pulsions opposé à la femme-culture qui ne peut vivre sa sexualité que dans une construction culturelle : l'amour.

La violence, la nature et la force

La force ?

Si l'armée peut être considérée comme un des lieux -certes fondamental-d'apprentissage et d'exercice de la violence masculine légitime, celle-ci se retrouve toutefois dans l'ensemble de la société. C'est ainsi que le rapport PEYREFITTE explique :

" La criminalité est un phénomène principalement masculin. De 1972 à 1976 le taux pour 10 000 habitants des hommes mis en cause dans les affaires de grande criminalité s'est élevé de 3,7 à 5,5. Celui des femmes est resté très faible passant seulement d 0,3 à 0,4".

C. BALLE note chez les 374 auteurs de menaces qui constituent son échantillon, une prépondérance des hommes (84%). "Les femmes figurent en nombre important parmi les victimes de la violence, et en nombre réduit parmi les auteurs de violence" écrit F. COLLIN.

Et ce qui est vrai pour la France l'est aussi dans les autres pays pour lesquels nous disposons de statistiques : la criminalité, la violence publique est une violence masculine, c'est à dire un phénomène sexué.

La disparité musculaire, éternel argument de la différence, est à interroger à différents niveaux :

1) Force et puissance

Nicole Claude MATHIEU (I985 a :187), en s'appuyant sur l'exemple des femmes Yanomani souvent cité comme modèle d'une meilleure répartition du travail entre les sexes, parle de ces fameux "efforts violents et brefs" qui fascinent les ethnologues , pour ensuite interroger la sous-estimation du travail des femmes et de leur fatigue physique continue entraînant celle de l'esprit.

Dans les définitions de sens commun, voire dans les définitions que donnent nos dictionnaires, la confusion est extrême. La force réfère directement comme puissance à un "pouvoir" et aux moyens de ce pouvoir. Les hommes sont les plus forts car ils ont le pouvoir. Ils ont le pouvoir car ils sont plus forts._ il semble difficile de saisir la nuance. Il apparaît que l'on confond l'énergie développée à un instant T (ex: soulever un poids), mesurable (en Joules), et la somme des énergies dépensées par une personne dans une plus grande unité de temps.

Dans nos sociétés, les dernières enquêtes "emploi du temps de l'INSEE" font toujours valoir dans les familles, même quand l'un-e et l'autre travaillent -à l'extérieur- une nette prédominance (près de deux heures par jour) du travail domestique dit féminin, effectué par les femmes.

Confondre force et puissance, laisse non seulement des zones d'ombres où le travail, les efforts des femmes sont sous-évalués, mais de plus tend à assimiler l'ensemble des activités sociales dites utiles, supérieures avec celles des hommes. Cette croyance intégrée au mythe de la violence masculine domestique empêche les femmes de se révolter, y compris physiquement contre les coups subis.

Quant à l'homme qui voudrait s'avouer quelques fois "impuissant", il a de fortes chances de voir nier ses capacités sexuelles. Nous confondons souvent : force-puissance-domination- et virilité.

A propos du système musculaire, on pourrait aussi interroger cette affirmation de KACZMAREK (p. 169), "la nature l'a [l'homme] doté d'une musculature plus importante".

La musculature de l'homme est-elle plus importante, que celle de la femme du fait de la nature ? Qui peut répondre concernant la nature dans la mesure où socialement homme et femme sont depuis plusieurs milliers d'années affecté-e-s à des tâches différentes. Chasse et pêche, travail salarié pour les uns, charge d'enfants, travail domestique pour les autres. Toutefois nous pouvons empiriquement faire plusieurs constatations. En dehors même de l'alimentation différenciée citée par Lezine , tout est fait pour agrandir la différence "naturelle". Dans les sports la règle est là aussi à la différence. Ce sont dans les sports où la mixité existe tel le marathon que les écarts de performances sont les plus faibles. Alors dimorphisme culturel, produit de milliers d'années de ségrégation imposée ou différences naturelles ? Tout se passe comme si la culture voulait à tout prix sous des critères sociaux, esthétiques, ou rationnels nous imposer cette représentation sociale de la nature.

2) Est-ce vraiment de la force dont on parle ?

Quelle que soit la force réelle (et nous verrons l'exemple de femmes violentes et dominatrices avec des hommes), dans les rapports sociaux de sexe ou de classe, l'important est la représentation sociale de la force. J'ai déjà cité cet homme petit qui légitime sa violence par "c'est normal, nous les hommes on est plus forts". Denis E. lui, dit le contraire : "Elle était plus costaud que moi, moi je n'ai jamais été fort physiquement et elle_elle est très baraquée" Pourtant comme les autres c'est lui qui à chaque fois commence les hostilités contre sa compagne.

Même si les binômes homme-culture, femme-nature sont, exceptés dans la sexualité, la représentation la plus couramment usitée des positions de sexe, l'utilisation par les hommes de la violence légitime dans la domination intègre une représentation sociale naturelle et biologique de la différence des sexes.

La violence comme langage

La violence domestique est véritablement un langage. Elle montre qui se sent le plus fort et qui utilise cette représentation de sa "force" supérieure pour dire quelque chose. Les hommes violents multiplient dans leurs discours, quelle que soit la dénégation de leurs responsabilités, les marques de l'intention liée à leurs violences :

René T. : la faire céder, la faire plier, lui montrer que_

Gilles H. : C'était pas les coups pour les coups. Les coups avaient toujours une fonction c'était jamais comme ça_ je rentre, je bois, je donnais une claque . j'utilisais toujours la violence à un moment précis pour amener l'autre à_

Violence et communication

La violence n'est pas gratuite, elle permet d'exprimer, de dire_

René T. : Je suis quelqu'un qui a horreur de la violence en ce qui me concerne c'est une forme de lâcheté. A court d'arguments, il y a d'autres choses qui montent, il y a l'adrénaline c'est un genre de trucs sans fin avec en même temps cette espèce de conscience de dire, et de dire à l'autre : arrête, arrête parce que là c'est de la faiblesse -entre guillemets. c'est-à-dire être obligé en fait _ de faire céder l'autre que l'autre plie c'est-à-dire mettre sur l'autre complètement sur le dos de l'autre le  le fait que toi tu es violent. Si tu n'arrêtes pas de me dire ça je vais être violent si tu continues à dire ça

Germain B. "Maintenant avec S. on essaie de dialoguer autrement"

Les témoignages de femmes sont concordants avec cette vision de la violence comme dialogue :

Suzanne B : Il m'a dit "je t'avais promis que si tu ne te tenais pas tranquille, j'arriverais à te remettre d'aplomb en te tapant dessus, ben voilà_ tu as gagné"

Patricia V : Quand il devenait violent pour arriver à une communication_

D'aucun-e-s insistent quelques fois pour expliquer qu'il s'agit d'abord d'une "absence de langage", d'un "échec de langage", d'un langage substitutif. En déniant une partie de l'analyse de la fonction de la violence, ils/elles en perdent le sens. Que la violence domestique signifie pour l'autre "pars" ou "je t'aime" ou les deux à la fois, elle prend cette fonction de langage. Qu'on ne s'y méprenne pas, il ne s'agit pas de n'importe quel langage. Utilisant les représentations de la supériorité des hommes sur les femmes, la violence utilise un système de signes, qui s'intègrent souvent à un méta-langage :

Yvon Z. : "Si je demande un café_ elle sait qu'il y a un problème et que rapidement après je vais m'énerver et alors"

Pierre S. : "Quand je commence à enlever ma montre"

Quel est cet énoncé du mythe ?

Expliquer que les hommes sont plus forts que les femmes (ce qui est vrai en termes de statistiques à l'époque actuelle dans une définition restrictive de la force) n'a en tous cas que peu de choses à voir avec le cadre social dans lequel les hommes utilisent la violence.

La violence masculine domestique, phénomène social, correspond dans le couple à une division homme guerrier/femme s'occupant des enfants, c'est-à-dire une division sociale, culturelle et patriarcale.

Les énoncés sur la naturalité de cette violence sont comme un écran de fumée qui cachent la réalité de sa fonction. La violence est d'abord le langage de la domination masculine, que celle-ci s'exerce en privé ou en public.

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Anthropologie et Sociétés

Les hommes violents par Daniel Welzer-Lang  Paris,
Lierre et Coudrier Éditeur, coll. Écarts, 1991, 332 p.
https://www.erudit.org/fr/revues/as/1992-v16-n3-as791/015246ar/
Daniel Welzer-Lang, sociologue, spécialiste du genre et de la question masculine, est maître de conférences à l’université de Toulouse-Le Mirail.