Les hommes violents

Témoignage de Serge T

EuroPROFEM - The European Men Profeminist Network europrofem.org 

Contributions by language

 

dwlvio12.htm

 

Les hommes violents par Daniel Welzer-Lang

Daniel Welzer-Lang, Lierre et Coudrier éditeur, Paris, 1991 

----------------------------------------------------------------------------------

ANNEXES

Témoignage de Serge T:

Serge T: Pour moi, avec Véro ça a toujours été une relation épisodique, je me souviens ça a commencé il y a au moins trois ans. Je l'avais un peu prévenue. Pour moi c'était pas une relation fixe et investie, c'était un "accident de parcours" comme tu dis, et je sentais qu'elle pourrait mal le vivre. Elle m'a dit, t'en fais pas ...  et puis en fait elle m'investit énormément quoi. Elle est très jalouse des copines que je peux avoir, très très malheureuse et très douloureuse par rapport à ça. Il y a un an et demi j'avais dit que pour moi c'était terminé, j'en avais assez, autant qu'on reste copains, c'est pas la peine de faire des choses qui sont compliquées. On avait beaucoup parlé, puis elle m'avait certifié que c'était pas dramatique pour elle, que c'était son problème et tout et tout, et donc on a dormi ensemble, on a fait l'amour. C'était chouette, j'aime beaucoup faire l'amour avec elle et puis huit jours après, elle voulait plus partir de chez moi. Il lui faut des câlins des bisous... Si je parle d'une copine, elle fait la gueule, comme si elle était tout le temps présente, en fait. ça me pèse énormément. Parfois je suis très mal à l'aise à cause de ça. J'ai pas envie de la voir.: Pour moi, avec Véro ça a toujours été une relation épisodique, je me souviens ça a commencé il y a au moins trois ans. Je l'avais un peu prévenue. Pour moi c'était pas une relation fixe et investie, c'était un "accident de parcours" comme tu dis, et je sentais qu'elle pourrait mal le vivre. Elle m'a dit, t'en fais pas ... et puis en fait elle m'investit énormément quoi. Elle est très jalouse des copines que je peux avoir, très très malheureuse et très douloureuse par rapport à ça.  Il y a un an et demi j'avais dit que pour moi c'était terminé, j'en avais assez, autant qu'on reste copains_, c'est pas la peine de faire des choses qui sont compliquées. On avait beaucoup parlé, puis elle m'avait certifié que c'était pas dramatique pour elle, que c'était son problème et tout et tout_, et donc on a dormi ensemble, on a fait l'amour. C'était chouette, j'aime beaucoup faire l'amour avec elle et puis huit jours après, elle voulait plus partir de chez moi. Il lui faut des câlins des bisous... Si je parle d'une copine, elle fait la gueule, comme si elle était tout le temps présente, en fait. ça me pèse énormément. Parfois je suis très mal à l'aise à cause de ça. J'ai pas envie de la voir.

I : Tu le savais pas au départ ? tu t'en doutais pas ?

Serge T. : Si ... et puis bon ; c'est vrai qu'en parlant, elle me disait qu'elle serait capable de l'assumer  : Si ... et puis bon ; c'est vrai qu'en parlant, elle me disait qu'elle serait capable de l'assumer 

 

C'était le jour de son anniversaire ... c'est compliqué,  je lui avais dit que le lundi je serais pas là. Donc je préférais fêter son anniversaire le samedi. En plus, chez elle c'est important, l'an passé je l'avais oublié.Bon, après discussions on avait décidé de le féter dimanche soir 

C'était donc le jour de son anniversaire_ dimanche matin, moi je me réveille super en forme et je l'invite pour aller au marché. Là elle voulait me prendre le bras, moi je voulais pas ... elle l'a très_, très mal pris ... elle a fait la gueule ... très fermée. Après je lui offre des fleurs_, elle l'a mal pris, et puis le soir, j'étais au boulot je devais ..., bon je lui téléphone qu'Isabelle m'invitait pour l'apéro, que je serais une demie heure en retard ... Et Véro qui pousse sa gueulante au téléphone. "Je suis revenue pour toi, tu es toujours en retard etc"_tu vois des trucs comme ça qui sont vachement lourds 

Bon on bouffe ensemble, on va au ciné, c'était sympa, je lui ai offert un très beau cadeau. Moi j'aime bien Véro, donc j'ai eu beaucoup de tendresse pour elle, et puis à un moment donné, elle me demande : "Je voudrais dormir avec toi". Alors j'ai dit non, j'ai pas envie, et elle était tellement malheureuse que comme une fois sur dix quand c'est comme ça, je dis ben d'accord mais à une condition : on fait pas l'amour, j'ai pas envie de faire l'amour avec toi, si tu t'en sens capable, ok d'accord1. . Et puis on se couche, j'éteins la lumière, je commence à m'endormir et là, elle commence à me parler comme elle l'a déjà fait il y a un an : "pourquoi tu dis ça, qu'est-ce que tu veux de moi?". Je lui répète, bon, vraiment si ça te plaît pas, moi je peux pas assumer ce soir autre chose que dormir avec toi. Si ça te plaît pas ... tu vas chez toi ... et moi ça commençait à me faire chier, je lui dit "continues pas sinon je te fous dehors". Je t'invite dans un certain cadre, si tu le respectes pas, je te mets dehors. Et c'est devenu de plus en plus violent, et à la fin je l'ai giflée. Elle m'a tapé dessus très très fort et je lui ai envoyé deux marrons, deux gifles très très fortes. Le lendemain, elle était toute bleue. Et là, elle a pris ma guitare, elle l'a envoyée par terre avec une violence inouïe, du coup ça a tout arrêté 

On a parlé un peu, ça me faisait chier, parce que je me sentais piégé. L'impression de me dire qu'on entend pas ce que je dis, qu'on veut pas l'entendre, qu'on n'a pas su négocier 

Et puis le lendemain matin, elle était toute changée. Très elle quoi. Elle m'a parlé de son désir, en reparlant d'elle. C'était très très beau à entendre. Là on a fait l'amour le lendemain matin et je ne me sentais pas du tout piégé, pas du tout obligé, il y avait une relation très saine qui s'est passée là 

I : et la scène de violence, vous en avez reparlé ?

Serge T. : oui un peu. Très peu mais je lui ai envoyé une très grande lettre qu'elle a beaucoup appréciée, il y a des choses où elle était pas d'accord, elle m'a écrit ... il s'était joué quelque chose, elle de l'ordre de sa mère, le truc de son père qui était violent par rapport à sa mère et moi quelque chose de moi. je lui ai dit que ça m'avait beaucoup plu, ce qui m'a pas plu c'est le fait d'en arriver là : je n'ai pas su le négocier. Le fait de taper sur elle, ça m'a vachement plu. ça a débloqué des trucs, ça m'a montré que c'est pas dangereux pour moi de taper sur quelqu'un. C'est aussi inhabituel. : oui un peu. Très peu mais je lui ai envoyé une très grande lettre qu'elle a beaucoup appréciée, il y a des choses où elle était pas d'accord, elle m'a écrit ... il s'était joué quelque chose, elle de l'ordre de sa mère, le truc de son père qui était violent par rapport à sa mère et moi quelque chose de moi. je lui ai dit que ça m'avait beaucoup plu, ce qui m'a pas plu c'est le fait d'en arriver là : je n'ai pas su le négocier. Le fait de taper sur elle, ça m'a vachement plu. ça a débloqué des trucs, ça m'a montré que c'est pas dangereux pour moi de taper sur quelqu'un. C'est aussi inhabituel.

I : Au début tu pensais que ça pouvait être dangereux pour toi ?

Serge T. : Je l'ai ressenti avec elle, à un moment donné, j'avais l'impression que je pouvais la tuer. Je lui ai dit après.  En même temps, en l'ayant frappée, je m'aperçois que je suis très sensible au niveau du passage à l'acte et que je m'arrêterais. Je pense pas que j'irai au delà. Mais fallait y aller voir. Moi je pense que je retournerai voir. Parce que c'est un truc qui m'a plu. Je ne me suis jamais battu avec un type dans la rue, maintenant je sais que si on me fait chier, j'hésiterai plus à taper dessus. Je sais à quoi ça correspond et c'est une communication. On dit des choses énormes ...  Je ne sens pas tellement le danger au niveau physique, mais plus au niveau psychique. A quel moment je vais débloquer, je vais devenir esclave de ce sentiment de violence  : Je l'ai ressenti avec elle, à un moment donné, j'avais l'impression que je pouvais la tuer. Je lui ai dit après.  En même temps, en l'ayant frappée, je m'aperçois que je suis très sensible au niveau du passage à l'acte et que je m'arrêterais. Je pense pas que j'irai au delà. Mais fallait y aller voir. Moi je pense que je retournerai voir. Parce que c'est un truc qui m'a plu. Je ne me suis jamais battu avec un type dans la rue, maintenant je sais que si on me fait chier, j'hésiterai plus à taper dessus. Je sais à quoi ça correspond et c'est une communication. On dit des choses énormes ...  Je ne sens pas tellement le danger au niveau physique, mais plus au niveau psychique. A quel moment je vais débloquer, je vais devenir esclave de ce sentiment de violence

I : T'avais envie d'être violent avec des femmes avant ?

Serge T. : Non jamais. Je sens une très grande violence intérieure mais j'ai pas du tout envie de la jouer. La violence, ce qui me gène c'est l'atteinte sur l'autre. ça me fait chier, mais je suis pas idiot, j'ai une violence psychologique énorme . Je discerne très bien les faiblesses chez l'autre : Non jamais. Je sens une très grande violence intérieure mais j'ai pas du tout envie de la jouer. La violence, ce qui me gène c'est l'atteinte sur l'autre. ça me fait chier, mais je suis pas idiot, j'ai une violence psychologique énorme. Je discerne très bien les faiblesses chez l'autre 

Quand on y réfléchit à posteriori, depuis la veille tout était en place pour qu'on finisse par se taper dessus, on avait un truc à se dire en se tapant dessus ...on l'a cherché tous les deux. Et moi je suis bien content d'être arrivé là. Parce que c'était un peu la soupape. c'est une preuve d'amour et de respect pour l'autre, on met cartes sur tables.

I : Le fait qu'il y ait eu violences, ça va influer sur vos relations futures ?

Serge T: Pour moi, c'est présent. ça va marquer le fait qu'on peut y aller voir maintenant. Je sais que je vais éviter. ça m'intéresse pas. Pour moi c'est très clair. Si j'avais décidé de vivre avec Véro ou Danielle ou une copine dans le passé avec qui j'avais très envie de vivre, on irait peut-être voir pour se battre. Moi j'ai pas de futur avec Véro ; Donc pas besoin d'aller voir cette violence, les mots me suffisent. J'ai pas envie de jouer un truc aussi important avec quelqu'un que je n'investis pas .: Pour moi, c'est présent. ça va marquer le fait qu'on peut y aller voir maintenant. Je sais que je vais éviter. ça m'intéresse pas. Pour moi c'est très clair. Si j'avais décidé de vivre avec Véro ou Danielle ou une copine dans le passé avec qui j'avais très envie de vivre, on irait peut-être voir pour se battre. Moi j'ai pas de futur avec Véro ; Donc pas besoin d'aller voir cette violence, les mots me suffisent. J'ai pas envie de jouer un truc aussi important avec quelqu'un que je n'investis pas .

I : Est-ce-que ça peut être intégré à l'érotisme ?

Serge T. : Oui à un moment donné j'ai dit à Véro, j'avais tellement envie de te battre que je t'aurais fait l'amour comme une bête. J'avais envie de la prendre à bras comme ça_ et avec mes doigts et tout. Et là je me souviens d'avoir pensé, non, ce serait pas vraiment ce que j'ai envie de dire. Et c'est là vraiment que je lui ai foutu une paire de claques très fort. J'avais envie très fort de la frapper et pas de faire l'amour avec elle. Faire l'amour avec elle, ça aurait été très pervers à mon avis. On aurait trouvé un plaisir très fort, mais c'est pas ce qu'on voulait dire : Oui à un moment donné j'ai dit à Véro, j'avais tellement envie de te battre que je t'aurais fait l'amour comme une bête. J'avais envie de la prendre à bras comme ça_ et avec mes doigts et tout_ Et là je me souviens d'avoir pensé, non, ce serait pas vraiment ce que j'ai envie de dire. Et c'est là vraiment que je lui ai foutu une paire de claques très fort. J'avais envie très fort de la frapper et pas de faire l'amour avec elle. Faire l'amour avec elle, ça aurait été très pervers à mon avis. On aurait trouvé un plaisir très fort, mais c'est pas ce qu'on voulait dire

Si Véro était plus en forme, si elle assumait le fait qu'on se voit par intermittence, on ferait l'amour en se battant. Il y a un érotisme très fort avec elle là dessus. Elle a un corps vraiment superbe à ce niveau là. On pourrait effectivement jouer à se battre. Pas pour se faire mal 

J'ai pas envie de taper dessus à chaque fois pour être très bien avec elle mais ce que je t'ai raconté, les violences, ça lui a remis ses repères en place elle a pu jouer à sa mère, la femme battue qui veut des choses et qui les a pas, qui n'arrête pas de négocier et de se compromettre. Véro dès qu'elle commence une relation avec quelqu'un, elle est perdante à priori. Elle se soumet, elle se compromet .

Avec moi Véro, elle vit le prince charmant -moi- accompagné d'amour impossible elle joue le malheur.

J'ai envie de lui dire ça suffit tu l'as assez joué. L'autre jour quand on s'est tapé dessus, elle m'a dit, j'en ai marre d'être malheureuse à cause de toi. Je lui dis, tu sais à quoi tu joues, c'est pas à cause de moi que tu es malheureuse, tu sais à qui tu as affaire. Et puis je lui ai dit, de toute façon tu aimes bien être malheureuse. ça te plaît. Alors elle jouera tant que ça lui servira. Elle aime bien ça être malheureuse. Elle sait comment ça marche.

I : Quand tu dis que la violence, tu as découvert que c'était pas dangereux pour toi, ça veut dire quoi ?

Serge T. : C'est de l'ordre du fantasme, c'est se mettre dans une situation pour avoir peur de ne pas être aimé, de plus être aimé, d'être rejeté. C'est même avoir peur d'avoir peur. Etre en colère, frapper quelqu'un, manifester ses émotions, c'est souvent descendre là.  Il faut expérimenter pour se rendre compte que c'est le contraire. Il a fallu que je sois très en colère, que je le montre pour voir que j'étais beaucoup mieux après la manifestation que sans. Qu'il n'y a pas de craintes, de peurs à avoir . : C'est de l'ordre du fantasme, c'est se mettre dans une situation pour avoir peur de ne pas être aimé, de plus être aimé, d'être rejeté. C'est même avoir peur d'avoir peur. Etre en colère, frapper quelqu'un, manifester ses émotions, c'est souvent descendre là. Il faut expérimenter pour se rendre compte que c'est le contraire. Il a fallu que je sois très en colère, que je le montre pour voir que j'étais beaucoup mieux après la manifestation que sans. Qu'il n'y a pas de craintes, de peurs à avoir .

J'ai découvert ce que c'était que frapper. Je ne pouvais me l'imaginer avant. J'avais vraiment peur de disparaître avant. Et je faisais pas ça par militantisme ou pour pas être macho. Je le faisais parce que j'avais peur de ma violence. Pas parce que idéologiquement j'étais contre. Je pense, par contre, que ça crée un lien d'amour et d'interdépendance qui, à la longue, serait dur à vivre. J'ai l'impression d'un besoin après pour la relation. On est accro quoi ;

--------------------------------------------------------------------

Anthropologie et Sociétés

Les hommes violents par Daniel Welzer-Lang  Paris,
Lierre et Coudrier Éditeur, coll. Écarts, 1991, 332 p.
https://www.erudit.org/fr/revues/as/1992-v16-n3-as791/015246ar/
Daniel Welzer-Lang, sociologue, spécialiste du genre et de la question masculine, est maître de conférences à l’université de Toulouse-Le Mirail.