Revue TYPES 1 - Paroles d’hommes

Exit les pères et les non pères

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Revue TYPES - Paroles d’hommes - N°1 Janvier 1981 

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EXIT LES PÈRES ET LES NON PÈRES

Ici commencent les revues que nous n'avons pas faites. Par cette clôture toute temporaire s'ébauche la petite histoire de ce numéro, la revue côté coulisses.

Quatre mois pour accoucher de 80 pages avec, à la clé, un peu plus de questions qu'au départ (mais différentes, mais plus précises ?).

Entre la première réunion et ce numéro : la reconnaissance de nos incertitudes relatives. Nous voulions tout dire — tout savoir — sur la paternité, le désir d'enfant. Nous voulions, à tout prix mettre à nu nos fantasmes, en finir avec le père, savoir à quoi nous tenir. Et finalement rien de tout cela. On jouait encore aux mecs qui ont besoin, face à une sourde culpabilité, de réassurances écrites et plus seulement verbales ; on se croyait toujours les rois de la maîtrise alors que la vie nous coule entre les doigts.

Donc ça parle simplement ; rien n'est joué ni ne se jouera. On aimerait aussi que ça vous parle, que ça contribue à exorciser vos silences qui doivent furieusement ressembler aux nôtres.

Pourquoi la paternité d'abord plutôt que les plaisirs qui feront l'objet du prochain numéro ?

La paternité, c'est sérieux, ça pose... problème. Et ce n'est peut-être pas sans rapport avec la mort — symbolique, bien sûr — du père, une mort qui viendrait succéder à celle des idéologies mettant en jeu le pouvoir politique. Pourquoi, en effet, cet étrange accès de paternité autour des trente-trente cinq ans, sinon pour effacer l'échec de nos juvéniles tentatives de renversement du pouvoir, donc du père. Banal sans doute mais d'où vient cette volonté de nous dire quels géniteurs et pères nous sommes (ou refusons obstinément d'être) ? D'où surgit cet irrésistible besoin de nous signifier clairement nos différences (d'avec nos pères) ? Peut-être songions nous naïvement qu'une fois faite cette sérieuse mise au point, nous pourrions sereinement passer aux plaisirs ainsi relégués dans les sphères du défoulement accessoire, de l'agréable à ne pas négliger.

Il ne reste plus grand chose de cette visée possessive que nous avions, dans un ultime sursaut, tenté de prolonger en allant voir du côté des " psy ". C'est vrai qu'en matière d'idéologie, de détenteurs d'un pouvoir discursif, il ne nous reste plus qu'eux. Résultat de cette dernière " filiale " démarche : des bandes magnétiques, un paquet de notes et un questionnaire assez élaboré et adressé à l'un d'entre eux, psychanalyste, père de surcroît : rien de tout cela ne paraîtra — pour l'instant du moins.

Ce que veut dire être père nous n'en savons donc trop rien sinon les plaisirs et les emmerdements quotidiens. Mais alors pourquoi parler de vécus que les femmes partagent ou assument en solo et en silence depuis des générations ? Serait-ce pour récupérer quelque chose du côté des femmes, par peur du manque, de la sacro-sainte castration, que nous avons ainsi envie de nous épancher sur nos états d'âme ?

Et s'il nous fallait, tout simplement en passer par là, par ces paroles balbutiées, timides ou réassurantes, par un nouvel espace (l'écho : comme si vous n'occupiez pas suffisamment l'espace social !) un espace où le temps, fluide et non figé, aurait sa... place. L'espace, donc, de l'éphémère qui ne soit rythmé ni par la défensive ni par l'agression. Nous avons besoin de le gueuler bien haut tout cela pour nous démarquer des discours où nos vies sont inscrites. Nous, les mecs, détenteurs du langage, nous devons en repasser par là pour nous coltiner avec nos héritages, ces conneries que nous nous trimballons de père en fils.

En sachant bien que la vie est aussi ailleurs, du côté de l'autre, hors et dans cette revue. Tout ça fleure bon (ou mauvais) le discours " psy " mais ne suffit pas : nos petits ego s'inscrivent comme l'on dit dans le social où cette foutue revue cherche précisément à s'insérer et de la façon la moins neutre possible. Or il se dit et s'écrit beaucoup de choses ces temps-ci autour du couple paternitématernité. L'amour maternel se trouve mis en question au moment où les mass-media avancent un nouveau profil d'hommes : les " nouveaux pères ". De l'hebdomadaire Elle (1) au feuilleton T.V. " Papa Poule " en passant par " Kramer contre Kramer " nous voilà une fois de plus sous les feux de la rampe, à croire qu'on veut nous faire endosser un autre modèle. S'agit-il de celui de " super-pères " pour reprendre le titre d'un article de Claude Sarraute dans Le Monde (2) et serait-ce dans le but, comme l'écrit cette journaliste, d'affirmer " là encore (notre) supériorité " ? Probable ! Toujours est-il que nous en avons un peu marre des rôles, fussent-ils nouveaux, sans pour autant pouvoir faire comme s'ils n'existaient pas.

Nous en avons un peu marre (euphémisme) de l'image de la femme réduite à la mère maternante et de celle complémentaire du père inaccessible {cf. Claudel) marre de cette spécificité impartie par l'homme à la femme et à laquelle celle-ci ne doit pas se soustraire sous peine de jugement (sorcières, mauvaises mères, hystériques et autres patientes de Madame Dolto). Et nous n'avons pas non plus envie d'une indifférenciation mâle-femelle où viendrait se dissoudre l'autonomie que les femmes affirment et fondent par et dans leurs luttes, et qui nous cantonnerait du coup dans le vide de nos pouvoirs, nous assignerait la négation comme seul mode de vie autre. Voilà : les grands mots sont lâchés.

Le désir physique d'enfant : la contraception ; les rapports à l'enfant, à sa mère ; rôles sociaux du père ; création, transcendance de sa propre mort ? etc., voilà des thèmes que nous souhaitions aborder, restés pour la plupart sans réponses définitives : l'exhaustivité n'est plus notre fait majeur. Cette revue reste donc à faire par vous.

Si vous en avez envie.

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Revue TYPES - Paroles d’hommes - N°1 Janvier 1981

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01429398/document

 


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