Revue TYPES 2/3 - Paroles d’hommes

Plaisirs diffus - Bas de casse

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Revue TYPES 2/3 - Paroles d’hommes - 1981 

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Plaisirs diffus - Bas de casse

Ma sœur mon étrangère je t'ai rencontrée on devait faire de la politique ensemble un petit groupe éphémère de nostalgiques et puis on a fait l'amour un soir où je t'ai raccompagnée tu étais la dernière sur mon chemin après la réunion c'est presque un cliché depuis il y en a toujours un pour appeler l'autre au téléphone ça n'est pas si évident à l'époque où on vit la politique en tout cas celle qu'on faisait ou qu'on voulait faire ça a vite tourné court c'est devenu tellement rance maintenant j'en ai marre de calculer des coups pourris d'aplatir la vie pour chercher à la comprendre c'est ça qui me plaît avec toi c'est que je n'y comprends jamais rien tu te défends trop bien pour que jamais je ne puisse te saisir et c'est tant mieux j'ai passé tant de temps à chercher les gens qui me ressemblaient et à mépriser les autres que j'en étais devenu facho à force si je voulais t'aimer au début c'était presque un pari il fallait nettoyer tout ça c'est toi qui m'a tendu la serpillière peut-être sans le vouloir et rien que pour ça même le jour où j'en aurai ma claque je te dirai merci en attendant ça continue il y a des cris des pleurs des rires et des embrassades des coups quelquefois mais toujours pour rire des engueulades aussi te rappelles-tu le soir où je débarquais dans ton studio où je m'étais fait une tête de circonstance l'avant veille on devait sortir je t'avais retéléphoné tu m'avais répondu changement de programme je suis avec un copain que je n'ai pas vu depuis longtemps tu ne m'en veux pas je te laisse je veux prendre un bain je te rappelle demain et on se voit d'accord rien que l'écrire j'en éprouve la douleur rétrospective le lendemain nouvel accroc avec une invitation que tu ne pouvais absolument pas remettre à plus tard j'avais oublié hier soir tu comprends quelle distance quelle coquetterie pensais-je j'étais blanc de rage la fin était là mais quitte à m'y résoudre j'en garderais la maîtrise ce soir-là je t'avais donc sommée situe-moi ou je pars il y eut un silence et tu dis que je suis incapable de répondre à cela tout ce que je peux dire c'est que je tiens à toi j'ai besoin de toi voilà tu t'étais levée pour venir te pelotonner contre moi je fondis un vrai film on était restés comme ça un long moment silencieux je tremblais de bonheur la vie pouvait continuer d'ailleurs elle ne s'en prive pas et aujourd'hui je ne te reposerais jamais ce genre de question tout ce qui compte c'est de savoir que quelque part tu existes telle que tu es c'est la seule fidélité que je te réclame comme c'est la seule que je m'impose tout le reste appartient au vieux monde ça ne nous concerne plus l'enfant que tu croyais attendre il y a quelques temps tu ne voulais pas que j'en sois le père il aurait des tontons plein disais-tu mais pas de papa c'était au restaurant et j'ai eu du mal à finir ma pizza c'est ainsi que tu me défies chaque fois là où je ne t'attends pas là où ça me démange encore c'était un test ainsi conclus-tu souvent nos discussions du soir quand tu ôtes tes bottes pour les balancer à travers ma chambre avec un regard en coin est-ce que je vais à nouveau gueuler les voisins dorment juste en dessous tu me nargues drapée dans ton splendide égoïsme et pour peu que je fasse mine de traînailler en allumant une cigarette tu m'appelles tu ne te couches pas viens j'ai envie de faire l'amour et puis il y a des soirs qui n'ont pas la même couleur où les histoires que nous nous racontons n'ont pas le même goût je suis bête hein dis-tu et tu te tournes vers le mur ce sont les soirs où je ne serai jamais assez doux pour te prendre dans mes bras où les mots ne peuvent qu'être inutiles ou maladroits ainsi passent nos jours mon cœur sans qu'à chacun d'entre eux on puisse prédire un suivant que m'importe à moi qui y trouve une nouvelle respiration à nous les martiens qui nous promenons au rythme du rock'n roll et du reggae dans les nuits chaudes de Brixton qui essaimons l'été venu de Berlin à Gdansk francs-tireurs et partisans mourir demain ou avoir mille ans devant soi c'est la seule façon de vivre décemment des chemins de notre vieille Europe jusqu'au fin fond des chambres où nous aimons tant que tu resteras insaisissable tant que je ne serai pas fatigué

Vincent Rudeboy

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Revue TYPES  2/3- Paroles d’hommes - 1981

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