Revue TYPES 2/3 - Paroles d’hommes

Groupes d'hommes - Encore deux ou trois choses

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Revue TYPES 2/3 - Paroles d’hommes - 1981 

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GROUPES HOMMES

Encore deux ou trois choses à propos des groupes hommes

" Paroles d'hommes ". Des hommes, entre eux, pour chercher leur différence, pour refuser d'être Virilo-phallomacho, Parler de groupe d'hommes ça fait tout de suite penser à une assemblée de messieurs bien décidés à rester des Hommes, des vrais, face à la montée du danger de perte des valeurs du essentiellement à ce satané mouvement autonome des femmes.

Or, justement, c'est du contraire qu'il s'agit : de rassembler des hommes qui désirent ne plus être de " vrais hommes "... c'est l'antichambrée de caserne.

Je me souviens d'une réaction d'un camarade de gauche, révolutionnaire et tout (un vrai militant, celui-là...) me disant : " il n'y a pas de bases objectives à ce type de rassemblement. Il n'y a pas d'oppression spécifique des hommes dans les rapports de production ". Peut-être, mais comment ne pas ressentir cette aliénation profonde qui caractérise cet homme accompli, incapable de tendresse ; les rapports de production, ne sont pas les seules données objectives ; et l'aliénation des rapports hommes-enfants dans la famille est une réalité dont les hommes doivent prendre conscience.

Tous les hommes recherchant un " pas rôle d'homme " que je connais ont pris conscience, par une confrontation directe au féminisme, de la nécessité de changer de peau d'homme, Isolés, nous nous perdons ; les seules images, les seules références sont celles de la phallocratie dominante, Et nous voyons, désemparés, des voyages possibles mais que nous ne pouvons parcourir seuls.

Pas question pour les groupes paroles d'hommes, de se vouloir un mouvement social spécifique, Mais volonté de chercher les voies d'un point de rencontre, à travers des façons d'être et des actes quotidiens transformés, avec celles qui ne sont déjà plus nos servantes petites poupées chéries... Taches ménagères, couple, jalousie, rapports multiples, contraception, tendresse, larmes, coups au cœur, besoin de se battre prise de paroles, séduction, agression défense... Sur tout cela, messieurs les convaincus d'une inutilité que des hommes cherchent leur différence, vous vous sentez toujours bien ?

Nous, on a commencé à parler de nos petites vies, doucement, timidement, on s'est retrouvé entre nous trois ; toi tu contraceptives toi tu communautarises, toi tu virevoltarises... On n'en est que là, avec l'eau à la bouche de découvrir d'autres images en partance, pleins de l'espoir fou qu'on peut bousculer et être différents de ce que toute la société nous pousse à être... sauf les femmes du MLF, elles qu'on aime.

On a déjà d'autres copains pour venir à la prochaine fois ; il faudra pas qu'on soit trop, il vaut mieux faire plusieurs groupes ; toujours à cheval entre nos intimités — faiblesses — et nos activités du jour — virilité cravatée ou bérettisée...

Raoul Dedieu

 

Peste-soit

Les hommes,

Ces déclins en chair et en os,

Ont des plaisirs de chiotte

En chiot qui se dépiaute

Se pieutent jouant aux dames

Car, à leçons et devoirs sont maîtres.

Les hommes,

Ces envers de décors,

Ont des désirs de rabougri

Ces raboutés du bout

Si tristes jouant aux durs

Cas sont d'envergure si maigre.

Les hommes,

Ces déversoirs, ces déjectoirs

Ces jouisseurs sans sens

Ces impatients de l'indomptable

Sont prêts à tout

A tous usages.

Les hommes,

Pères crus et pleins de parole

Ont de ces discours et fariboles

Sont des qu'ont cru à l'achevé

Prêts à crever

Comme chevaux tous de l'orgueil.

Les hommes,

Ont-ils une âme

Derrière leurs dessous infâmes

De mâles famés

De viol-santé

A genou crient leur dieu pourri.

Les hommes,

Entamés et tous blessés

Se congratulent et récapitulent

Leurs forfaits en groupe de parole

Et traînent dans la boue leurs rêves si doux.

Gil Delpy

 

Itinéraire vers

un groupe mixte

Octobre 1979 : première réunion. Devant l'immeuble je vérifie l'adresse. C'est bien là. En montant les cinq étages, j'ai un peu le trac. Mais un autre homme gravit derrière moi l'escalier. Il vient peut-être lui aussi à la réunion et cela donne le sentiment de ne plus pouvoir fuir.

Je frappe à la porte. On m'ouvre et j'entre dans un minuscule studio encastré sous les toits. Ouf, Jean-Yves est déjà là : c'est le seul que je connaisse. L'homme de l'escalier entre aussi. Il est prévu que nous soyons quatre : on est donc au complet.

Entre hommes...

Après le premier instant de gêne, la conversation a démarré assez rapidement. L'atmosphère s'est réchauffée et mon appréhension s'est envolée peu à peu. Chacun d'entre nous a parlé de sa frustration de ne pouvoir exprimer son affectivité le plus souvent qu'avec des femmes, la virilité plus ou moins feutrée mais toujours bien présente des rapports entre hommes ayant jusque-là exclu l'expression des émotions ressenties. Nous étions tous les quatre bien décidés à nous réunir assez souvent et constituer un groupe homme dans lequel nous parlerions de nous à la première personne mais aussi, expériences militantes obligent, de l'articulation entre notre " je " de mecs et le social, c'est-à-dire des rôles, de la phallocratie, des rapports hommes-femmes... En guise de présentation, nous avons commencé par nous raconter : notre vie, notre enfance... Puis, au fil des réunions, l'intimité du groupe aidant, les thèmes auxquels chacun d'entre nous était particulièrement sensibilisé ont été abordés et nous avons longuement parlé de la jalousie et de nos jalousies, du sport, de la compétition dans les rapports entre hommes, de nos plaisirs, de l'armée...

Notre groupe s'est ensuite rapidement agrandi. A chaque réunion, un homme informé par le bulletin " pas rôle d'homme " ou par l'un d'entre nous venait l'élargir. Et, chaque fois, une nouvelle vie, d'autres émotions, mais toujours le même désir de parvenir à en parler sans rapports de concurrence, avec d'autres homme

... et femmes

La non-mixité s'imposait à nous tous comme une évidence. Elle nous donnait la certitude permanente que c'était bien pour libérer l'expression, avec d'autres hommes, de notre affectivité que ce groupe existait. La mixité aurait fait tomber cette certitude et chacun d'entre nous aurait alors pu douter de s'adresser au groupe ou aux femmes présentes. De plus, l'automatisme des comportements de séduction profondément intégrés amenait à craindre une parole faussée, filtrée et détournée.

Pourtant nos réunions ne me semblaient pas totalement satisfaisantes par rapport à l'envie que j'avais d'un groupe où l'expression de nos vies, notre quotidien, nos émotions soit en même temps une recherche sur nos comportements et représentations aliénés, aliénantes et oppressives pour nous-mêmes et pour les autres (femmes et autres hommes).

La mixité m'apparaissait et m'apparaît encore comme une sorte de but à atteindre. Au prix d'une vigilante attention elle doit permettre d'enrichir considérablement les débats en introduisant l'expression de comportements pratiqués ou ressentis de façon fondamentalement différente (la phallocratie par exemple...)

Avec une amie, Brigitte, tout aussi intéressée que moi par cette idée, nous avons essayé de faire démarrer un groupe mixte.

Récupération ?

Ce type de groupe pourra être compris, par certains, comme un projet assez pervers.

On pourra en effet y voir la tentation, pour des hommes ayant mal digéré l'autonomie du mouvement féministe, de canaliser et de contrôler dans un groupe mixte la réflexion de femmes sur leur condition. Si l'on suppose que la mixité des réunions amène à placer a priori l'oppression des femmes (phallocratie) sur un pied d'égalité avec l'oppression des hommes (virilité obligatoire...} on en déduit que cette réflexion sera véritablement réduite et appauvrie. Il en ressortirait que hommes et femmes, différemment mais tout aussi intensément, sont les victimes de ce système patriarcal et qu'en toute logique, ils doivent associer leurs efforts pour prendre conscience et lutter contre toutes ses dimensions aliénantes.

Par rapport à cela, il me semble nécessaire de faire deux remarques.

Au cours des réunions du groupe mixte, les caractères socialement et individuellement spécifiques de l'oppression des hommes et des femmes sont toujours apparus de façon évidente. Il n'a jamais été question de comparer ces deux types d'oppression mais plutôt de chercher comment l'une pouvait parfois être la contrepartie de l'autre.

Il faut également préciser qu'au moment d'entrer dans ce groupe, plusieurs femmes étaient par ailleurs engagées dans le mouvement féministe. Loin de substituer les réunions du groupe mixte à leurs activités et réunions féministes, elles ont ajouté les unes aux autres.

Difficultés

Les premières réunions du groupe mixte ont été assez euphoriques. Nous étions tous très accrochés à ce projet et la décision fut prise de se réunir chaque semaine.

Plusieurs problèmes se sont immédiatement posés. Celui de la composition, d'abord puisque pendant plusieurs semaines nous nous sommes réunis à sept : six hommes et une femme. Celui de la rotation, ensuite, puisque chaque réunion voyait ou l'arrivée d'une personne nouvelle, ce qui entraînait un nécessaire redémarrage du groupe ou, au contraire, un départ. Cela nous a donné pendant plusieurs mois le sentiment de n'avoir pas réellement démarré.

Notre groupe mixte est maintenant bien parti mais il ne m'est pas possible d'en parler, comme ça, tout seul.

A SUIVRE...

Gilbert Cette

Hommes de rencontre

Voyage à quatre

L'un conduisait sa vie comme une couverture chauffante ; il savait quand il allait débrancher le cordon...

L'autre se demandait souvent comment être là. Une fée l'avait enlevé de l'imaginaire. Elle avait une moto anti-analytique pour le transformer en homme-lierre. La tendresse parfois en lui côtoyait le tragique. Il rêvait de tropiques mais riait de se savoir si fier.

L'autre encore souriait à tous vents. Ce sourire cachait les peurs de certaines absences. Ses larmes percèrent la concurrence. La censure à ce moment lui donnait à craindre l'incompréhension. Pourquoi le désir ne peut-il exister sans conclusion ? Ses pensées et ses pas voulurent s'éloigner entre les vieux linteaux et les senteurs marines. Son trouble se communiqua. Je ne savais plus où serait la communication.

Moi, je m'efforçais encore de chasser des illusions. Jeu ou plongée aventureuse dans la tendresse, je savais mon désir comme repère, Besoin de savoir recevoir. Mille personnages-mots, ressentis pour le plaisir et la communication. Les bleus et les roses du port me lançaient vers de multiples émotions. Perturbé enfin avec la crainte que la finitude ne brise ce charme sans introduction. J'en oubliais de dire la multitude de mon espoir. Le soir vint. Une tristesse nous retint.

Exhibition

Quand on a de la suite dans les émotions, on peut couvrir les nappes d'étranges mélodies alors que certains se contentent des taches de la bouffe. Le drame et la comédie parlent comme les machines analytiques que nous étions devenues. Mais la simplicité décapait certaines séductions, certaines apparences. De drôles de comédiens me permettaient d'oublier de drôles de drames. Envie de conter d'inouïes faiblesses avec la force de les vivre sans frime, à l'avenant. Une aile sereine crève " l'écran noir " de mes nuits d'angoisse. Pourtant la marchandise, les concurrences, les objectivations bousillent la naïveté. J'aimerais rester ingénu après avoir côtoyé le pouvoir, demeurer dans de magnifiques délires, comme si le zéro ou l'infini me guettaient à chaque instant.

Jean-Yves Rognant

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Revue TYPES  2/3- Paroles d’hommes - 1981

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