Revue TYPES 5 - Paroles d’hommes

Le livre de ma mère (2) - Maman, psy psy..

EuroPROFEM - The European Men Profeminist Network europrofem.org 

Contributions by language

 

Précédente Accueil Suivante

01_type5.htm

 

Revue TYPES 5 - Paroles d’hommes - 1981 

----------------------------------------------------------------------------------

Le livre de ma mère (2)

Maman, psy psy...

Lire, regarder, écouter, c'est toujours se nourrir la conscience, disait une amie. C'est lancer un mécanisme d'assimilation, les idées s'enchaînent, des corrélations s'imposent, appellent des souvenirs personnels... La question se pose alors de savoir quand exactement, d'association d'idées en association d'idées, on parle tout à fait d'autre chose. (Quand le camembert qui traverse le tube digestif cesse-t-il tout à fait d'être du camembert ?) C'est en écrivant le texte qui précède que j'ai ressenti le besoin d'écrire celui qui suit... En effet, petit à petit se cristallisait sur " Les Enfants de Jocaste " un malaise qui ne lui est pas spécifique, et qui concerne la psy en général. Aussi, plutôt que de faire de Christiane Olivier un bouc émissaire, ce qu'elle ne mérite pas car y'a bien pire, j'ai mis un certain nombre de remarques de côté. Ce petit brin de préface m'a paru nécessaire pour qu'on ne s'étonne pas que ce livre que j'ai encore trop frais à la mémoire, vienne en référence explicite ou implicite plus souvent qu'à son tour...

Figurez-vous que ça m'a fait un choc, l'autre jour, de constater que Types était classé, dans une librairie que je ne citerai pas, à la rubrique " psychanalyse ". Damned ! Ainsi, je participerais à une revue de psychanalyse ? A vrai dire, entre la fierté d'une promotion que nulle compétence thérapeutique ne vient justifier et une certaine colère d'être pris pour un autre, le deuxième sentiment l'emporte assez largement. (Merde, et si mes potes le savaient !!!) Pourquoi cette honte ? pourquoi ce rejet ? pourquoi la psy a-t-elle cette image de monde clos, triste, tellement adulte qu'il est presque mort ? Pour le comprendre, il faudrait sans doute effectuer une petite plongée dans son histoire celle d'un modèle thérapeutique bombardé au rang de philosophie. Cette ambiguïté ontologique, c'est déjà une part du malaise. Car pour une thérapeutique, elle a si peu progressé en cent ans que c'en est affligeant. Et une philosophie qui ne regarde du monde que ce qui l'arrange, j'appelle ça une idéologie et je la laisse à d'autres.

Le monde vu par la psy, c'est un peu comme l'art ramené à la seule sublimation de l'artiste (1). Ça " explique " tout et ça ne révèle rien, rien de l'important, ce qui n'était pas avant le tableau et qui y est après, rien de la création donc. Le triangle œdipien et ses multiples variantes sont des polygones clos et plans qui interdisent au monde de sortir, mais lui s'en fout car il est à trois dimensions et ne comprend même pas ce que ça veut dire.

Comme si les premières étapes de la vie, la " structuration ", étapes nécessaires pour la construction d'un individu autonome, contenaient également toutes les clés de la suite, de l'homme et du monde. C'est, en moins caricatural, la même illusion que celle de l'astrologie, celle d'une surface où tout se projette sans perte d'information. Trop facile coco !...

Pour redescendre un peu sur le plancher des vaches, ce dont j'aimerais bien que la psy se préoccupe, dans la mesure où elle contient certains outils pour le faire, ce sont les multiples façons dont les idéologies, les modèles, les superstructures sociales se branchent sur cette infrastructure d'où tout part, celle de l'individu.

Par exemple, près de ce qui nous occupe à " Types ", entre le petit garçon juste " structuré " et l'adulte, " beauf ", marginal, flic ou curé, il reste du chemin. Bien sûr, même de loin, de la surface, on peut énoncer quelques généra-bana-lités.

Du garçon à l'homme : l'identification mythique

Voilà donc notre garçon sorti de la " fusion ", structuré... Prévenu d'abord qu'il n'est pas sa mère, puis qu'il n'est pas comme sa mère, sait-il pour autant ce qu'il faut être ? Un HOMME. Mais c'est quoi, un " homme " ? Quel modèle a le petit garçon ? Son père, il ne le voit qu'à la maison, où il est bien clair qu'il se contente de se reposer de sa " vraie vie " qui est ailleurs. Il est d'ailleurs remarquable que si le modèle de femme offert à la petite fille est depuis dix ans en train de changer sérieusement dans la mesure où la mère passe d'une définition mono-pôle (foyer) à une définition bipolaire (foyer + métier), le modèle d'homme n'a pas changé en proportion, l'homme restant toujours ou presque toujours (bombez le torse, nouveaux pères, vous êtes l'avant-garde, osons le dire, l'" élite " !!!) aussi indifférent aux travaux ménagers. Y aurait-il un rapport avec le fait que la remise en cause des rôles a pris une dimension sociale pour les femmes et pas pour les hommes ? C'est sans doute un peu comme le problème de l'œuf et de la poule : bien difficile de décider qui précède quoi. Quoique des données précises sur la professionnalisation des femmes depuis la guerre, avec corrélations adéquates, pourraient sans doute déblayer pas mal d'idées reçues...

Il n'y a pas eu, à proprement parler, de modification de l'image de l'homme mais plutôt, ce qui n'est pas la même chose, de la façon dont elle se transmet. Si jusqu'au XIXe, le lieu de travail du père, et souvent le travail du père lui-même, champ ou usine, étaient à portée de vue du fils, ce n'est plus le cas depuis plusieurs décennies. Le garçon est également associé de plus en plus tard au travail, à la vie active. En conséquence, pendant toute son adolescence il n'a plus de l'activité de l'homme que sa représentation : livres, école, cinéma, télé, pour les citer dans l'ordre chronologique... Et aussi, comme par hasard, dans l'ordre d'impact psychologique. Au fur et à mesure que ces représentations masculines, sérieusement mythifiées, ça va sans dire, deviennent inévitables, l'adolescent, qui doit de toutes façons trouver quelque part un modèle (il ne peut pas ressembler à la mère), est bien obligé de se projeter sur des images sociales.

La sublimation n'est donc pas la seule clé pour expliquer le surinvestissement social des hommes. Et tant pis pour lui si tous les modèles en question sont inaccessibles ! (Tant mieux pour son futur patron, il n'en courra que mieux après la carotte.) Seulement, comme dans le même temps l'entrée dans la vie active, qui venait de gré ou de force mettre un peu de réel dans tout ça, se retarde à un rythme vertigineux (scolarité obligatoire, études supérieures, et chômage par là-dessus), on peut soupçonner que les décalages qui sont en train de se construire (et dont le " malaise " dont on se fait, qu'on le veuille ou non, l'écho est peut-être un des signes avant-coureurs) aient un caractère explosif, même si aujourd'hui ils semblent surtout infantilisants.

Mayonnaise...

Voici des remarques " vachement sociales " mais qui nous éloignent quelque peu des relations hommes-femmes. On pourrait pourtant y venir assez rapidement, avec la remarque suivante : dans ce champ social viril où l'existence est circonscrite (on ne peut exister qu'en tant qu'homme) et dont les limites sont de l'ordre de la représentation (de ce " homme ", on ne voit rien directement mais seulement ce qui se montre à tous), quoi d'étonnant à ce que la femme n'existe que comme " signe extérieur de richesse ", échangeable dans une économie de signes bien peu libidinale... (chacun sa façon de se " sentir exister " par l'autre, en somme. )

Dans cette voie, un détour s'imposerait par Baudrillard, Lyotard et j'en passe... Bonjour l'encyclopédie ! Alors, je laisse le sujet à d'autres numéros, pourquoi pas ? En gardant toujours à l'idée qu'une grille d'interprétation ne peut rendre compte de tout : Don Juan, merde, c'était pourtant pas la société de consommation... Côté pile, il y a bien dû y avoir des gens pour affirmer que c'est au contraire un mode de relation sexuel ancestral polygame, comme on le voit chez beaucoup d'animaux, qui constitue le prototype du capitalisme et plus généralement de tout système valeur/pouvoir, la marchandise devenant puissance (symboliquement sexuelle), droit à posséder la femelle (et d'en jouir, mais justement ce n'est plus de la femelle qu'on jouit mais de sa possession !) Voir la construction symbolique de la pub (Baudrillard encore (2), Barthes avec... (3) et, en toute modestie, l'excellent texte d'Alain Jouclard, dans Types n°2/3).

Que d'" explications " qui voudraient bien être " L'EXPLICATION ", " tenir debout " toutes seules. En fait bien sûr, elles sont toutes " vraies ", elles marchent toutes, mais seulement ensemble, s'émulsionnant comme l'œuf, l'huile et la moutarde pour que monte la mayonnaise... Réussie ?... Pour ce qui est de la compacité, ça ira, merci. Peut-être un peu sombre à mon goût !!!

Pour y voir clair là-dedans, dans ce monde opaque et bariolé, il faudrait aussi l'éclairer du dedans, ce que la psy pourrait faire si, à la suite du cinéma et de la télé elle voulait bien voir le monde en couleurs... La réalité est un peu comme ces tests pour daltonisme qui présentent une figure différente suivant la couleur dont on les éclaire, et depuis Freud on a heureusement agrandi notre panoplie de projecteurs et certaines théories ont révélé leurs fissures. Par exemple, cette illusion déterministe qui instituait la société à tout instant comme état d'équilibre unique, nécessaire, " paquet-cadeau ". Même si l'essentiel des sciences humaines et l'économie en particulier reposent sur ce lourd postulat que l'état vers lequel évolue un système (que ce soit par la libre concurrence ou la lutte des classes) est unique et maximise les intérêts qui sont le moteur de cette évolution. Ce qui est notoirement faux. Il a fallu que, bien récemment, certains s'amusent à le démontrer théoriquement (voir Attali (4), Prigogine (5) et les autres...) pour qu'on commence à s'apercevoir que les exemples courent les rues... En psy, les " démonstrations " risquent de faire long feu ! Et pour ce qui est de la pratique, à de rares exceptions près, la critique qui s'exerce à l'heure actuelle à l'intérieur de la psy, et dont Les " Enfants de Jocaste " fait partie, tient plus du réformisme que de la " révolution " Celle de Reich a dû se perdre au fond d'une boîte à orgone, les bioénergistes l'y cherchent toujours, et on raisonne toujours en termes de remèdes, dans un système social désinvesti, objectivisé, où toute recherche sur l'individu part de la famille et cherche à y revenir dans les plus brefs délais. Dans la série " les analogies foireuses ", ceci me rappelle étrangement ce scénario du " retour au fœtus " cher aux psy de tout poil. Là encore, il s'agirait de retrouver sans tarder ce petit monde clos tellement sécurisant... Là aussi, il faut de sacrées œillères pour y croire, avec tout le cortège de conséquences que la psy en tire... Ce serait l'essence même de l'amour et le ciment du couple, entre autres applications industrielles. " Depuis le stade du miroir où nous avons émergé de la symbiose et découvert la solitude, chacun de nous attendait cet autre moment qui annulerait la dualité alors découverte et rétablirait l'unité première " (6). Alors, qu'est-ce qui a bien pu pousser si fort le petit garçon à détruire laborieusement contre la mère cette symbiose si bienheureuse ? Quel masochisme ? Ou, plus vraisemblablement, quelle pulsion autre, quelle énergie plus forte que ce désir de symbiose (assez forte en tout cas pour faire peur à Freud !) ? Comment croire, devant le spectacle de l'énergie infatigable que développe un enfant pour découvrir le monde, que son plus cher désir soit de retourner au ventre maternel ? Est-ce qu'il n'y a pas là une pression libidinale aussi centrifuge que ce désir fusionnel est centripète ?

On aborde ici une critique beaucoup plus essentielle, beaucoup plus profonde de la psychanalyse, de sa fermeture à ce qui constitue en quelque sorte les quatre dimensions (espace-temps) sur lesquelles, par rapport auxquelles, l'individu se repère. A savoir ce qui est de l'ordre du social, de l'interaction, de la production, de la création. Dynamique et irréversible. Cette critique existe et elle est propre à nourrir des espoirs moins timides (moins désespérants !) (7). Hélas ! Troifoizélas ! Deleuze et Guattari n'ont pas cru bon de mettre au cahier des charges de cet " anti-œdipe " clarté et intelligibilité. Évidemment, faut savoir ce qu'on veut... les masses ou les initiés !!! Pourtant, pour quelques perles limpides qui émergent des maelströms ésotériques, ça vaut sûrement le coup de se donner du mal, de plonger à la pêche... Si ça vous tente...

La relative solitude du gravillon devant le rouleau compresseur

Pas besoin de beaucoup de théorie, en tout cas, pour constater que, indifférents aux multiples " cas particuliers " que constituent nos vies, nos familles, nos histoires, à la variabilité des événements qui nous ont structurés, les archétypes persistent, toujours aussi peu nombreux, toujours aussi universels. Sans nier l'importance de la relation à la mère et de la structuration irréversible qui s'opère dans la petite enfance, on peut soupçonner que le corps social investit rapidement et fortement ces structures. Qu'il y a une uniformisation tendant à " rectifier et diriger le tir ". (En d'autres termes, que des comportements qu'on attribue à la structure psychique seule, tendant à les faire passer pour intrinsèques, peuvent très bien être issus de la rencontre de cette structure et d'un environnement social et culturel particulier.) Dans cet ordre d'idées, il serait intéressant de comprendre comment des garçons d'" histoire œdipienne " différente sont, au fur et à mesure de leur apprentissage, canalisés vers des archétypes différents mais qui participent tous au même ordre viril.

On y comprendrait peut-être un peu mieux le piège redoutable que nous tendent les solutions institutionnelles. Redoutables parce qu'elles constituent en général un indéniable progrès à court terme (voir le plaidoyer de Christiane Olivier (6) en faveur des crèches), mais deviennent inéluctablement un calibre de plus pour nous normaliser par la force de l'exemple. Les parents qui, croyant éviter les dégâts de la télé en n'en achetant pas, ont vu Dallas débarquer en force dans leur intérieur par l'intermédiaire des copains d'école savent de quoi je parle. Ceux qui échappent à l'esclavage du maternage à l'aide des crèches et autres garderies le savent sans doute moins, et pourtant...

Pondez, nous ferons le reste

Je ne fais pas confiance à l'État, celui-là ou un autre, pour donner à des enfants ou, puisque mon pouvoir est plus limité que ça, pour nous vendre une crèche où nos enfants puissent s'épanouir, échapper au cycle infernal du refoulement, selon des critères qui soient les leurs, et pas justement l'idéologie dominante.

Je ne veux pas d'une crèche qui me permette, qui permette à la fille avec qui je le ferai ce môme, de travailler un peu plus. Je veux assez de temps pour m'occuper de lui et assez d'espace pour le laisser vivre. Je ne veux pas d'une crèche qui me rende encore un peu plus dépendant de l'État-providence, qui me dépossède encore un peu plus de ma propre vie, je ne veux pas qu'un bataillon d'éducateurs et d'éducatrices m'attendent dans la ZUP où je serai parachuté, je veux les moyens de vivre là où j'ai des copains et des copines pour faire des projets et des mômes, plaisirs et contraintes...

On va me dire : tu dis ça parce que t'en as pas (variante, un peu plus sournoise : c'est facile à dire, pour un " mec "). Justement, si " j'en ai pas ", et c'est pas par hasard si ce petit " en " prend des airs de vouloir en dire plus qu'il n'en dit, c'est entre autres et surtout de n'avoir pas voulu en avoir " comme ça ", ou plutôt, puisque là aussi mon contrôle est limité, de ne m'être comme par hasard toujours senti vraiment bien qu'avec des filles qui partageaient ce refus de procréer d'abord et réfléchir ensuite.

Alors, bien sûr, je ne vais pas me battre pour priver les ZUP qui existent déjà, bourrées de mômes sans horizon et de mères sans oxygène, des solutions-catastrophes qui leur restent. Mais ça me gêne qu'on puisse cautionner cette image d'Épinal d'une belle ZUP " intelligente ", pleine d'espaces verts, d'agoras et de crèches, où des enfants rieurs et proprets courent vers leur maman qui rentre épanouie du travail... Tout ça n'est que le énième remake de " l'issue capitaliste à la crise " ou " prodigieux essor du tertiaire "... Transformer en travail pour les uns, en marchandise pour les autres ce qui, vécu autrement, pourrait nous être plaisir. Rallonger les circuits... Toujours plus haut, toujours plus vite. Accroche-toi au pinceau...

Mais c'est complètement utopique !

Pardonnez-moi donc, ô vous les chantres des années quatre-vingt qui êtes si réalistes, si sages, si adultes, si résolument tournés vers l'avenir, en un mot si clean, d'être ringard au point de chercher et, comble de l'outrecuidance, de trouver d'autres échappatoires à la famille nucléaire. Ce genre d'envie, la psychanalyse n'a pas l'air de le prendre plus au sérieux que la médecine ne s'angoisse pour l'acné juvénile... Ça vous passera... Serait-ce que mes confrères et consœurs ès-utopie ne fréquentent jamais les divans ? Ça me ferait finalement assez plaisir, mais je n'y crois guère... Ou serait-ce que des mots comme " communauté ", " loft ", font toujours peur à la psychanalyse ? Après tout, tant mieux, il est des choses comme ça, moins on en parle et mieux elles se portent. Enfin, terrible hypothèse, est-ce qu'inconsciemment ou consciemment suivant la couleur politique, " l'issue capitaliste à la crise " ne serait pas, par la même occasion, l'issue à la crise de l'emploi chez les psychanalystes ? Car, au bout du compte, l'analyse c'est du tertiaire !... Dans ces conditions, quand on lit dans un bouquin cette profession de (bonne) foi : " Il faut une sacrée énergie pour lutter consciemment contre son inconscient ! Ceux qui y arrivent le mieux sont bien entendu ceux qui ont fait une analyse. " (6), on aimerait bien, pour y croire, que l'analyse ne soit pas une marchandise...

Ce n'est pas la bêtise crasse qui s'est étalée récemment à la Une des médias à l'occasion de l'" affaire du Coral " qui risque de me faire changer d'avis. Cet étalage de méfiance inquisitoire pour tout ce qui est différent, qu'on chercherait en vain chez les peuples dits " primitifs ", ces émois de poulets de basse-cour, sont monnaie courante. Celui-ci est exemplaire en l'occurrence, parce qu'il s'attaque justement à une des très rares tentatives de construire pour des enfants " anormaux " un environnement qui les prenne en compte, une des rares échappatoires à l'enfermement psychiatrique. La bêtise a la mémoire courte, c'est bien sa seule qualité (quand elle la perd, c'est vraiment la barbarie), et tenant compte des délais de publication de Types, un petit rappel s'impose : Plusieurs animateurs du lieu de vie " Coral " ainsi que la revue " Possible " ont été inculpés pour pédophilie, attentats à la pudeur etc., avec bien sûr à la clé tout un scénario de ballets bleus avec allusions à des ministres socialistes... Dans un mois, on aura sans doute fait assez le tour d'un dossier quasiment vide pour y voir une sordide magouille politico-policière parmi d'autres, mais ça n'intéressera plus personne... Et le mouvement alternatif pourra retourner à ses pelles et pioches pour se débarrasser du caca déversé au bulldozer... Une occasion parmi d'autres pour se souvenir qu'on est un peu comme dans un réacteur nucléaire dont la connerie serait le combustible. Le seuil critique n'est pas loin, et les quelques espaces de liberté qui restent sont les dernières " barres modératrices ".

Jean-Louis Viovy

1 François Lyotard. " Freud et Cézanne "

2 Jean Baudrillard, " La Société de consommation ", Gallimard.

3 Roland Barthes, " Mythologies ", Seuil.

4 Jacques Attali, " Les Trois mondes ", Fayard.

5 Yllia Prigogine, " La Nouvelle Alliance ", Gallimard.

6 Christiane Olivier, " Les Enfants de Jocaste ",

Denoël-Gonthier.

7 Gilles Deleuze et Félix Guattari, " L'Anti-Oedipe ", éd. de Minuit.

Merrance

Je ne connais de ma mère que son absence.

Je n'ai comme repère que sa souffrance.

Je suis né dans son cancer peut-être de son cancer.

Dans mes entrailles son souvenir se ronge

et fabrique des larmes.

Dieu sait pourtant si j'en ai eu des mères,

remplaçantes bénévoles :

le cœur gonflé, d'aucunes me gavèrent

espérant m'enrober de dix kilos de graisse

qui m'eussent normalisé.

D'autres me bercèrent,

espérant rallumer mon regard.

Mon souvenir est truqué par les discours trop bienveillants de ceux

qui disent l'avoir connue : " Ta mère était si belle, si douce, si discrète,

si gaie, si brune, si généreuse, si parfaite... ! " 

Voire !?...

Comment se souvenir autrement qu'avec des mots ou des images ?

Elle est inscrite dans la mémoire de mes sens.

Mais lesquels et comment ? Quand je crois étreindre l'amante, j'embrasse la mère.

Aux femmes je trouve toujours une pensée à côté, comme le dit Proust :

" On doute d'elles encore au moment où on croit en elles et on ne possède jamais leur cœur comme je recevais dans un baiser celui de ma mère, tout entier, sans la réserve d'une arrière-pensée, sans le reliquat d'une situation qui ne fut pas pour moi ! "

Je la cherchai et rencontrai la souffrance.

Un torrent me charria, impossible de nager, le bouillon, les rochers, le reflux, les gerbes et surtout le bruit:

sourd, immense, profond.

Carapace lézardée

repères glissants

illusions froissées.

La solitude me sauva, un moment.

Puis mon fils me réédita,

je rencontrai sa mère :

cette femme qui est à la fois pour moi une amante, une amie, une sœur, une mère et une enfant.

Rescapé de l'amère anse ?

Alain

--------------------------------------------------------------------

Revue TYPES  5 - Paroles d’hommes - 1981

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01429398/document

 


Précédente Accueil Suivante