Revue TYPES - Paroles d’hommes n°6 - 1984
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Des hommes approuvent la loi anti-sexiste

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Changements - ACTIONS

Des hommes approuvent la loi anti-sexiste

Oui, des hommes se déclarent partie prenante de l'engagement contre le sexisme. L'égalité entre hommes et femmes n'est pas un acquis. Les discriminations vis-à-vis des femmes demeurent malgré des évolutions et des progrès obtenus aux cours de ces dernières années.

Le sexisme existe. Nous le rencontrons tous les jours :

— dans le monde du travail (discrimination à l'embauche, inégalités des salaires et dans l'accès à des postes de responsabilité ou à certaines carrières, déqualification, précarité, droit de cuissage, etc.) ;

— dans la rue (agressions sexuelles, présentation avilissante du corps des femmes dans la publicité, les journaux, les cinémas) ;

— dans nos vies (conditionnement aux rôles virils, à la misogynie, à la répartition inégalitaire des tâches domestiques et de l'éducation des enfants, peur d'exprimer nos émotions et aliénation sexuelle).

Toute discrimination, qu'elle soit fondée sur une différence de race, de religion, de sexe, etc., doit être combattue. En ce sens, l'engagement contre le sexisme ne nous parait pas se réduire à une bataille rangée de certaines femmes contre les hommes. Le sexisme enferme autant les hommes que les femmes dans des rôles étroits et aliénants.

La lutte contre le sexisme nous ouvre, à nous hommes, de nouvelles potentialités d'épanouissement : faire éclater le carcan de la virilité obligatoire c'est échapper aux frustrations et à la pauvreté des plaisirs du macho, mais aussi découvrir des satisfactions actuellement interdites, méprisées ou ignorées (dans nos vies affectives, sexuelles, professionnelles et interindividuelles).

Nous approuvons le projet de loi anti-sexiste. Non parce que nous pensons que cette loi peut suffire à éliminer le sexisme, mais parce qu'elle donne aux hommes et aux femmes de nouveaux moyens de combattre ses manifestations les plus flagrantes.

Nous vous invitons à signer cette pétition.

Retournez-nous les signatures à A.D.A.M., 10 rue Marcadet, 75018 Paris.

 

Les foudres de la loi antisexiste

Il y a bientôt neuf ans, le journal Le Monde ouvrait ses colonnes (13 juin 1974) à un article de la Ligue du droit des femmes : " Pour une loi antisexiste ". Nous appelions à un vaste soutien de la loi, moyen entre autres de désigner les images et faits sexistes. Des milliers de signatures arrivèrent.

Le projet fut discuté au Sénat en 1980 et repoussé.

Le 9 mars 1983, il a été adopté en Conseil des ministres.

Et alors comme un raz de marée imprévisible, de la droite à la gauche, la presse a écrit, crié son indignation. Pour un mot, juste un mot, le mot sexe, rajouté au texte de la loi antiraciste, lui-même élaboré à partir de la loi sur la presse. Le fait qu'on ait touché à cette loi sur la presse ne suffit pas à justifier le ton des réactions qui se sont déchaînées.

Comme une obsession, en effet sous toutes les plumes revient la hantise de la censure, comme si la loi n'était qu'un seul et immense ciseau menaçant. Menaçant quoi ? Quelle ancestrale peur de la castration avons-nous donc titillé avec notre sage loi ? Le fait de déléguer à des femmes journalistes le soin de conjurer cette peur bien masculine, en écrivant des anathèmes contre nous (cf. les articles de Pancol dans Match et Marie Muller dans Le Nouvel observateur) n'abuse personne. Que ne feraient les opprimées pour se faire bien voir de leurs maîtres, en ces temps durs de chômage et de retour à un antiféminisme primaire ?

Car la loi est prétexte à déchaîner une réaction au féminisme. Tant que les féministes ont mené des actions en marge de la société établie, celle-ci ne se sentait pas vraiment menacée, d'autant plus que les droits pour lesquels nous nous sommes battues servent encore les privilèges des hommes. Plus tu seras libre de ton corps et mieux j'en disposerai, telle est l'interprétation donnée par bon nombre d'hommes à nos luttes pour la libre disposition de nos corps.

Mais quand le combat féministe prétend se porter sur le terrain du droit, chasse gardée du dominant, alors il y a menace directe. Et sinon pourquoi à la fois prétendre qu'une loi ne sert à rien, mais s'affoler des portées éventuelles qu'elle aurait sur la liberté de création ? Ne s'agit-il pas de protéger par la loi, dite du père, la liberté de création d'une certaine catégorie de la population, les hommes ? Cette liberté débouche sur des représentations ridicules et dégradantes de tout une autre catégorie de la population, les femmes. Toute incursion de la catégorie femme dans le domaine de la loi menace sur son propre terrain le système de garantie de privilèges des hommes.

Il est des cas où la loi est un recours contre l'oppression, au lieu d'être un moyen de répression. En l'occurrence, elle permettra de désigner comme condamnables des usages sexistes qui s'expriment à travers les images, qui circulent sur les femmes. Celles-ci ne correspondent pas à la réalité des femmes. Mais elles sont plus forte qu'elle, car elles imprègnent profondément nos structures mentales. Bien sur une loi ne fait pas bouger du jour au lendemain les structures mentales, mais elle peut contribuer, dans un contexte d'évolution comme le nôtre, à les interpeller. Elle donne à celles qui n'adhèrent pas à ces images qu'on leur impose, un droit de réponse, face à l'inflation massive de la publicité par exemple.

Notre propos n'est ni la condamnation, ni la morale. Nous nous sommes justement élevées contre cette morale qui nous empêchait de disposer de notre corps. Pal contre, elle inspire les propos des défenseurs d'une libération sexuelle qui n'est, par moments, que le revers de la répression sexuelle. La preuve, entre autres, cette phrase d'un journaliste de Libération : " Il s'agit de troquer l'image du mal contre un monde sans image ". Comme s'il n'y avait d'autre imaginaire possible que celui qui conduit à des représentations sado-maso et débouche sur un plaisir à goût de mort

La loi est un moyen symbolique de questionner un tel-imaginaire, non pas de le censurer, et d'autoriser d'autres images de la femme et de l'homme, d'autres forme de relations entre eux. Elle est un signe de reconnaissance à tous ceux et celles qui ont envie de passer à autre chose.

Pour la Ligue du droit des femme

Anne Zélensky

 

Il maschio

L'un d'entre vous me dit de la revue que son propos serait " l'expression d'une réflexion masculine autonome ".

Quelles sont les lois spécifiquement masculines, comment peuvent-elles se régir seules ? Il me semble bien présomptueux de laisser entendre que le féminin ne fait pas référence dans vos réflexions.

Poser le problème des relations hommes-femmes en terme de différence aussi radicale me parait être un mauvais axiome de base. Une telle attitude narcissique, l'absence de dialogue qu'elle implique ne peut mener la revue que dans une impasse, d'où peut-être ce désir d'un numéro mixte. Il est vrai que dans certaines sphères, chacun parallèlement revendique le pouvoir. Mais de quel pouvoir s'agit-il donc ? Du pouvoir des mots ! Vous avez dit des maux, à moins que nous ne parlions du mâle.

Ce que je pense : que nos différences ne sont que les effets de bien des institutions qui ont tenté et qui réussissent à faire diverger nos chemins.

Plutôt que de se battre les uns contre les autres, de jouer la surenchère du pouvoir, attaquons-nous aux causes, détournons les fonctions, toutes les fonctions.

Si l'on admet que vous êtes aussi honnêtes sur le fond que moi ou tant d'autres tentons de l'être, la revue telle qu'elle apparaît actuellement est-elle vraiment nécessaire aux lecteurs ? Je n'arrive à lui admettre une fonction que si elle est accompagnée d'une base militante solide qui soit la preuve qu'elle va réellement dans le sens de la destruction des archétypes, dans le sens de la ressemblance et non qui creuse encore et encore la différence, artificielle. Il ne suffit pas de dire, de reconnaître et de se justifier. Il faut agir (mais de vos actes que savons-nous ?) (ne me dites-pas : oui, mais la revue... à mes yeux elle n'est encore que le constat de votre narcissisme). Lutter contre les archétypes. Oui. En écrivant : peut-être mais ce ne sont pas vos trois mille lecteurs qui seront pour moi une preuve suffisante de votre efficacité. Ce que je pense c'est que cette lutte là ne peut se jouer que dans le discours au quotidien ; ce que je pense c'est que vous avez l'amour plus grand que la réalité qui vous entoure et que ce n'est pas celui qui a besoin d'entendre le fameux " Eh Jeff ! T'es pas tout seul " qui vous lira ; que votre revue n'atteindra jamais ceux que vous pensez qu'il serait nécessaire qu'elle atteigne et quand bien même elle les atteindrait ce n'est pas certain qu'ils se reconnaissent et que passe le message ; que vos souvenirs d'enfance les concernent ; j'en doute.

Alors ? Thérapie. Expression d'une culpabilité réactionnelle !

Mais si la revue est avant tout une thérapie qu'est-ce qui me dit que nous n'êtes pas les machos que vous dites ne pas être ?

Nous ne pouvons avoir de preuve que la confiance que l'on vous porte.

Ce que je crois : ce que je lis. Évidence de votre bonne volonté.

 

Arrêt sur image

Nouvel homme

Qui revendique sa paternité, recréant avec les deuxièmes femmes sa nouvelle vie de famille.

Qui a donné ou plutôt prêté (!) son sexe à la science et lui sert de cobaye actif pour se contracepter.

Qui assume sa part d'homosexualité latente dans une hétérosexualité confirmée et riante.

Qui aime jouir dans le déduit (1) mais ne s'y réduit pas, et n'en fait pas étalage.

Qui pense que l'orgasme au féminin est le " nec plus ultra " de la sexualité humaine.

Qui soigne son " anima " en cultivant son féminin (qu'il voudrait bien éternel).

Qui a été " interpellé " (au sens fort de ce terme) par les féministes, mais qui dialogue envers et contre tout avec elles.

Qui ne parle de son corps qu'avec ses petites amies, ou alors en groupe homme (mais nous n'y étions pas !)

Qui ne veut surtout pas qu'on le nomme, encore moins " nouvel homme ", il craint médisance.

Est-ce médisance de ma part ? Alors, qu'est-ce que je fais dans ces pages ?

J'y suis.

Parce qu'un " Tiens, un nouvel homme ? " vaut mieux que deux " Tu l'auras ! "

Parce qu'à part les " nouveaux castrés " et les " nouveaux pères ", je m'sens souvent bien avec eux.

Parce qu'ils ont l'amour-copain, la rupture-amicale, la rencontre-efficace, la drague supportable, la parole-adéquate et le geste-apaisant.

Parce qu'ils m'émeuvent, et m'énervent, mais qu'ils ne me laissent pas indifférente.

Parce que ça me fait plaisir et rien que ça suffit !

(1) Faire l'amour.

Christine Simon

 


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