Revue TYPES - Paroles d’hommes n°6 - 1984
Notes de lecture

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Notes de lecture

Collectif. " L'envers de la nuit : les femmes contre la pornographie ". Ed. du Remueménage (1983). Montréal.

Une somme de connaissance, d'idées, d'expériences contre la pornographie qui est définie comme " l'idéologie d'une culture qui encourage et légitime le viol, les voies de fait et les autres crimes violents contre la femme ". L'ouvrage est structuré de la façon suivante :

— la pornographie, celles qui en souffrent (4 textes) ;

— la pornographie, ceux qui en profitent (8 textes). (On trouve cette phrase p.132 : " Une femme qui a Play boy à la maison, c'est comme un Juif qui aurait Mein Kampf sur sa table...) ;

— la pornographie et le premier amendement (4 textes, dont un titré : " Pour les hommes, liberté d'expression ! Pour les femmes, silence s'il vous plaît ! ") ;

— organiser l'action contre la pornographie ;

— se tourner vers l'avenir ;

— une postface. Extrait : " Il nous faut comprendre très clairement comment l'esthétique de la contrainte à l'hétérosexualité crée et reflète à la fois ces images glacées de femmes séduisantes, passives qui envahissent même la publicité apparemment la plus inoffensive... ".

Hélène Cixous. Le livre de Prométhéa. Ed. Gallimard.

Un livre de promesses en a au féminin de l'amour, le Carnet d'or d'un mythique réel amour entre deux femmes. Habité de poésie, Le livre de Prométhéa est un don à quatre mains, mais qu'il est malaisé de tenir à deux le stylo. Alors, il y a Je, il y a H., il y a Elle, la jument, Prométhéa qui fait de la vie un mythe réécrit.

Par ce point passent géométralement plusieurs belles droites courbes généreuses, follement passionnément éprises. Hélène Cixous vient fonder ici une nouvelle théogonie d'amour et non de haine.

Le feu sacré ne se donne que dévoilé, enrobé plutôt que dérobé.

Vous êtes invités à venir vous y brûler si une langue ravagée de désir, de poésie et d'amour ne vous fait pas peur. Un tel amour serait-il possible entre un homme et une femme ?

Nadine Grafeille, Mireille Bonierbale, Marie Chevret-Masson. " Les cinq sens et l'amour : féminin, masculin, je sais ce que tu sens, mais je ne sais pas comment tu sens ". Ed. R. Laffont 11983).

Trois femmes, médecins et sexologues (les trois seules enseignantes de sexologie en France annonce l'éditeur...), explorent les cinq sens de l'amour : ouïe, odorat, toucher, goût, vue. Parmi ces sens, qui me permettent d'appréhender l'autre, j'avoue avoir préféré le toucher auquel est consacré cinquante pages. C'est celui dont, à travers ce livre, j'ai reconnu toutes les difficultés entre hommes et femmes. Si " toute rencontre est un choc " (E. Bloch, Traces, Ed. Gallimard), le toucher permet la communication. Au moment où l'on assiste à un retour presque religieux au corps, ce livre est important car il montre bien le corps comme moyen et non comme finalité. Quelques pages sont consacrées à la masturbation, auto-érotisme qui acquière une place privilégiée aux yeux de thérapeutes de tous bords. Il se termine par un chapitre : " Des sens à la différence ", insistant sur les spécificités corporelles masculines et féminines.

Marie-Claire Boons, Tessa Brissac, Annick Kerherbe, Marie-Jo Roussel, Eliane Viennot. " C'est terrible quand on y pense. " Ed. Galilée.

Le regard de ce collectif sur des expériences de femmes dans les appareils politiques de gauche et d'extrême-gauche me semble participer à cette gigantesque tâche entreprise il y a douze ans d'inscrire l'activité des femmes dans une mémoire collective.

Mais ce n'est pas qu'une inscription : c'est un travail qui se fait sous nos yeux, réflexion jamais murée, toujours devenante, progressant .

Comme tout bilan, il y a du pesage dans cette balance : c'est terrible. Le poids écrasant de ce " terrible " échappe dans quelques phrases " je me suis parfois surprise à penser "pauvre con", mais jamais je n'aurais osé aller contre ce qu'il disait " ou " et même s'ils nous disent qu'on est des folles "... Mais ce " terrible " est porté, merveilleusement assumé par le " quand on y pense ", cette collective pensée qui regarde en face la terrible loi du père ! Elles sont venues nommer le terrible ! Écoutons les !

Mireille Pongy. " La part des sexes. Essai sur la déstabilisation des rapports hommesfemmes ". Ed. Presse universitaires de Grenoble (1983).

Ce texte est une étape dans le cheminement de l'auteur, universitaire, sociologue féministe. Il faudrait plus que quelques lignes pour la présenter. Dans une première partie, elle examine la production d'enfants comme enjeu des rapports entre les sexes. Ensuite, les modes de régulation des rapports entre les sexes sont étudiés à travers la division sexuelle des rôles, la famille comme principal mode de régulation " à la base " des rapports entre les sexes.

Dans une troisième partie, M. Pongy présente les formes actuelles de déstabilisation des rapports hommes/femmes. Selon l'auteur, cela passe par : les ressources monétaires comme seule unité de valeur des échanges ; la déstabilisation des liens du mariage et la hausse du taux de divorce ; la réduction et la dévalorisation du travail domestique ; la réduction de la maternité biologique ; le développement de la contraception : la légalisation de l'avortement ; la dissociation sexualité-procréation.

A ce constat, qui peut apparaître à certains comme pessimiste, mais en tout cas lucide, se substituent de " nouveaux modèles sociaux entre les hommes et les femmes, qui font l'objet de la dernière partie de l'ouvrage ". Nous citons quelques points de changement qui commencent à être visibles :

— une plus grande mixité dans l'univers familial et professionnel ;

— les mères célibataires avec un ou deux enfants ;

— apparition d'une contraception possible pour les hommes ;

— questionnements sur la maternité, et sur la paternité (l'émergence de quelques groupes hommes en France depuis quelques années est un des signes les plus intéressants et visibles) ;

— accès égalitaire des hommes/femmes devant les nouveaux moyens d'information ;

— autonomie sociale revendiquée par les hommes et les femmes.

Ce livre nous parait essentiel, il devrait être l'objet de discussions et de débats dont la revue peut être un support.

Julia Kristeva. " Histoires d'amour ". Ed. Denoël (1983).

Le dernier livre de J.K. nous place d'emblée, avec le pluriel de " histoires ", devant le choix de parcourir le phénomène " amour " dans plusieurs dimensions, celle de l'espace... psychique d'une part, celle du temps d'autre part (l'histoire des amours en Occident depuis Platon). La première approche, inspirée par la pratique d'analyste de J.K. est celle de l'expérience amoureuse comme phénomène contradictoire car, alors même que nous sommes plongés dans la joie étourdissante de l'amour (" dans l'amour "je" a été un autre "), il nous est impossible de parler de cette révolution. " On a simplement l'impression, écrit J.K., de parler enfin, pour la première fois, pour de vrai. Mais est-ce vraiment dire quelque chose ? ". Or cette difficulté de parler de l'amour c'est de nos jours le plus souvent sur le divan de l'analyste qu'on l'interroge. C'est par l'amour-transfert entre l'analyste et l'analysé(e) qu'on tente de retrouver l'idéalisation, l'enthousiasme qui permettent de régénérer nos possibilités d'aimer là où l'expérience amoureuse fait faillite.

La seconde approche que développe J.K. est celle qui nous relie culturellement à l'histoire occidentale de l'amour à travers ses grandes figures. Ainsi l'Eros grec, lu à travers le Banquet et Phèdre de Platon, apparaît comme une initiation philosophique au Beau s'appuyant sur une quête amoureuse. Une autre figure essentielle de l'amour est celle fournie par le judaïsme à travers le Cantique des cantiques qui met en voix la relation d'un couple, celui du roi Salomon et de la Sulamite qui, souligne J.K., " est la première femme souveraine (par son amour) devant son aimé. Hymne à l'amour du couple, le judaïsme s'affirme comme une première libération des femmes ". Parmi les figures mythiques de l'amour on relèvera celle de Dom Juan dans laquelle se révèle un des fondements de la libido mâle : " seul compte pour Dom Juan le compte, ou plutôt le jeu de renouvellement ", conquête sans fin, pur fantasme.

Le livre de J.K. comporte bien d'autres aspects dont on ne peut faire le tour ici. Son intérêt est d'allier la (re)découverte des fondements de l'histoire amoureuse occidentale à une réflexion sur nos propres expériences de l'amour... et du désamour.

 

Florence Rush. " Le secret le mieux gardé, l'exploitation sexuelle des enfants " (traduit de l'américain). Ed. Denoël-Gonthier (1983). Préface de Christiane Olivier.

Dès les premières lignes de la préface, nous sommes prévenus : " Les hommes ne liront pas ce livre, ils ne le pourront pas ".

Et bien si ! Nous sommes quelques-uns à avoir osé, à avoir regardé cette réalité complexe, déjà découverte, pour ma part sur le terrain, à Montréal au Québec, où 6.000 mineur(e)s sont prostitué(e)s.

Aujourd'hui, dans nos sociétés postindustrielles, et très érotisées, environ 25 % de filles et 10% de garçons vivent une expérience à caractère sexuel avec un adulte avant l'âge de treize ans. Viol, inceste, homosexualité, pédophilie, pornographie, les faits sont là, réels et non phantasmes. Quatre chapitres sur seize montrent la réalité dans l'histoire. Ensuite l'auteur abordant notre siècle, consacre 35 pages au camouflage freudien, révélation d'un homme et d'une époque victorienne, où il existait déjà des bordels d'enfants et un commerce international d'esclaves sexuels. Aujourd'hui, en Amérique du nord, environ 1,2 millions de mineur(e)s sont impliqués dans le commerce du sexe, la prostitution et la pornographie des deux sexes...

Ce " secret le mieux gardé " du monde, commence à être mieux connu. En France, en novembre dernier, Le Nouvel observateur (le 11.11.83) a consacré un dossier sur l'inceste en France. Une réalité quotidienne pour l'enfant et certains hommes...

 

REVUE D'EN FACE

" La Revue d'en face ", revue d'études féministes, consacre son dernier numéro au thème " Droits de l'homme, droit des femmes ". Cette réflexion sur les fondements idéologiques de l'opposition nature/culture et son application historique aux rapports de sexe introduit la question de la relation entre les " droits de l'homme " et ceux du " citoyen " : " Impossible d'accéder aux droits de l'être humain sans accéder à ceux de citoyen. Comme les esclaves, les colonisés... c'est par l'accès à la citoyenneté que les femmes obtiendront les autres droits. Le droit de vote avant le droit à l'intégrité corporelle et à la libre disposition de leur personne ; cela se vérifie dans toute civilisation connue ".

Sommaire

— Françoise Picq, Droits de la Femme ou droit des femmes, le ministère, ses lois et le sexisme.
— Annie Sugier, Violence publique, violence privée.
— Judith Ezekiel, L'histoire selon Friedan.
 —Marie-Jo Dhavernas, Illich ou la clémence d'Auguste.
— Rita Thalmann, Le national-socialisme : logique extrême du monopole culturel masculin.
— Nicole Gabriel, Allemandes, si vous saviez.
— Marie-Jo Dhavernas, Les " Dents de la mer " ? Féminisme, matricialisme, totalitarisme.
— Catherine Sofer, A propos du Colloque de Toulouse.
— Françoise Picq, Toulouse et après.
— Une association pour la promotion des études féministes.
— Patricia Mercader, Pour la loi, hors la loi, le mouvement des femmes ?

Revue d'en face, numéro 14, automne 1983, 35 francs, Ed. Tierce, 1 rue des Fossés-Saint-Jacques, 75005 Paris.

Numéros précédents : " Les femmes et les sciences " (n°13, hiver 1983). " Modernités " (n°12, automne 1982). " Mouvement et institutions " (n°11, 4e trimestre 1981). " Spécial hommes " (n°9/10, 1er trimestre 1981). Autres thèmes développés : maternité, famille (n°7, 8) ; prostitution, pornographie (n°4, 5) ; travail, crise économique, restructuration (n°1, 2, 3, 5, 6, 7) ; viol (n°3) ; international, tiers-monde (n°1, 2, 3, 6, 8) ; politique (n°1, 4) ; mouvement des femmes (n°4, 5, 8), etc.

 

Mouvement d'action musical

" Action musicale ", revue du MAM, développe une réflexion sur la vie musicale aujourd'hui.

C'est un lieu où se rencontrent, se discutent, s'élaborent les projets musicaux plus divers, en prenant en compte tous les genres de musique : chanson, classique, jazz, traditionnel, contemporain...

Des groupes de travail existent, qui tentent d'améliorer la circulation de l'information relative aux actions musicales novatrices et d'organiser une recherche fondamentale sur ce mode d'expression.

Le dernier numéro sorti est sur le thème " Femmes et Musiques "... Quelle expression des femmes ? Pour quelle communication ?

Extraits du sommaire

— Musique en feu : il y a toujours eu des résistantes (D. Poggi)
— Les femmes troubadours (C. Mouratoff)
— La femme dans la musique française de 1671 à 1871 (M. Vilcosqui)
— Portraits de compositrices du XIXe
— Les femmes et la chanson citadine (C. Grimm)
— Interviews de compositrices contemporaines : Claude Arrieu, Sharon Kana, Hélène Sage.
— Rencontres avec des chanteuses : Michèle Bernard, Claire, France Léa, Christiane Stéfanski.
— Le chant prénatal et familial : pourquoi pas ? (A. Paris) — Dans le rock aussi (C. Hernandez)
— Nous emparer de la Musique (J. Pool)
— Notes de lectures, bibliographies, discographies...
— Information sur les congrès-festivals " Femmes et Musiques " de Mexico (mars 84) et Paris (octobre 84).

45 bis rue de la Glacière, 75013 Paris. Tél.(1)535.60.55.

 


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