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STAR 

Je ne suis pas un numéro 4
Collection automne hivers fin de siècle
3Star4

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POESIES

8 mars 1996
Viols dans la guerre, viols dans la paix

25 000 viols enregistrés, 200 femmes assassinées, 2 millions de femmes battues par an en France.

Ces chiffres évoquent la systématisation de cette violence contre les femmes exercée par les hommes.

85% des violeurs sont des hommes connus des femmes.

Amants, amis, maris, collègues, connaissances, etc. Inconnus ou connus, en privé et en public, les femmes vivent toujours face au risque de viol, dans cette société que l'on ose appeler mixte. Dans ce contexte, peut-on parler, pour elles, de liberté de circulation ?

Le silence, l'isolement sont encore énormes sur les incestes et les viols conjugaux. Les femmes et les petites filles subissent la pression, des violeurs, des membres de la famille, des magistrats, des médecins, des gendarmes, des avocats, etc...

Le "devoir conjugal" est à peine reconnu comme un viol et se réfère, entre autre, au code civil de Napoléon : "La femme et ses entrailles sont la propriété de l'homme".

C'est un fondement du patriarcat. Fondement qui, malgré nos luttes, est toujours tenace et explique ces silences.

Avec de tels fondements, la sexualité n'est ni neutre, ni hors social. Il a fallu les luttes acharnées des féministes pour entendre parler du plaisir des femmes, tant celui-ci était et reste secondaire dans la sexualité nor-mâle des hommes.

La sexualité est une institution sociale de la violence. L'association sexualité-meurtre, sexualité-violence, explique les "difficultés" à faire reconnaître le viol comme un crime.

Alors la pression est grande, son intériorisation séculaire mure encore les femmes dans le silence pour que leurs voix ne dévoilent pas la nature politique de la sacro-sainte famille avec ses places hiérarchisées.

Ceci explique le peu de plaintes pour incestes -17,6%- et pour viols conjugaux -30% (1)

80% de viols portés en justice sont impunis.

Cette justice, garante de l'ordre public et moral de la société, qui sait si bien protéger la propriété privée, ne juge pas que les viols troublent l'Ordre public et moral de cette société.

Au contraire, l'appropriation du corps des femmes est un des fondements de ce système politique.

Ceci explique : les "déqualifications" des viols en simples coups et blessures, les 54% de relaxes, les procès étouffés pour protéger les hommes politiques (Caousou à Toulouse).

Et si dans certains procès, le viol est reconnu, c'est parce que le violeur s'est approprié une femme, revendiquée déjà par un autre homme (mari, père, etc...), mais en aucun cas comme une violence contre la femme elle-même. Elle ne s'appartient pas, elle est propriété des hommes.

Ainsi s'explique que c'est le SEUL CRIME où la PLAIGNANTE devient L'ACCUSÉE, la SUSPECTE, la COUPABLE... de mensonges, de provocations, de déviance...

Elle est sortie, seule. Elle a choisi, décidé de sa vie, seule. Elle a donc usurpé des droits qui ne sont clairement reconnus qu'aux hommes.

Elle est donc sanctionnée, rappelée à l'Ordre, par le viol, puis par la justice et subira d'autres viols que sont les expertises obligatoires, gynécologiques, psychiatriques, enquêtes de moralité. Expertises auxquelles le violeur pourra échapper, la justice partageant, trop souvent avec lui, la même "psychologie" et "moralité".

Produire un constat des violences contre les femmes, sans en faire émerger les mécanismes et l'origine politique, c'est condamner les femmes à l'isolement, à la parcellisation des faits et méfaits contre elles. C'est nous séparer les unes des autres. C'est individualiser, psychologiser et nous rendre orphelines d'une histoire qui est sociale, politique et commune à toutes.

Tout est fait pour nous empêcher de prendre conscience que ces violences font "système" qui ne date pas -loin s'en faut- du début du capitalisme. L'émergence du capitalisme ne s'est pas produite sans l'intégration d'un premier système d'exploitation et d'oppression : le patriarcat. Ce dernier n'est pas un sous-produit, secondaire d'une exploitation qui serait plus générale et principale (le capitalisme)...

... à moins de penser que les femmes ne sont pas dignes d'être exploitées, principalement, pour elles, comme elles ne sont pas dignes d'exister... pour elles (2) ce qui revient à soumettre (encore) les femmes à une hiérarchie de lutte.

Ainsi, les viols, incestes, violences contre les femmes, ne sont pas des "bavures" isolées, occasionnelles d’hommes psychopathes, mais doivent se restituer dans un système global afin d’en dénoncer le caractère collectif, politique, ancestral et mondial, qui trouve écho à tous les niveaux de la société.

Si tous les hommes ne violent pas, tous bénéficient de ce que certains le font. Cette tactique terroriste qu’est le viol, utilisée par beaucoup d’hommes, sert à perpétuer le pouvoir de tous les hommes.

De la même façon que le travail domestique gratuit des femmes, les salaires systématiquememnt inférieurs, la précarité, les discriminations et violences dans le travail, ect... bénéficient à tous les hommes.

LA DIVISION SEXUELLE DU TRAVAIL

Quelques dates, quelques lois, qui ont bousculé un peu... le patriarcat et qui le dévoilent.
Il n’y a pas si longtemps...

1907 - les femmes mariées peuvent disposer de leur salaire,
1920 - les femmes peuvent adhérer à un syndicat... sans l’autorisation de leur mari,
1946 - le principe d’égalité homme femme... est inscrit dans la constitution
1966 - les femmes peuvent travailler... sans l’autorisation de leur mari,
1972 - autre principe... d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes,
1983 - nouvelle loi... sur l’égalité professionnelle,
1992 - loi contre le harcellement sexuel sur les lieux de travail.

Ces quelques lois dévoilent la place des femmes enfermées, domestiques des hommes.

La répétition des lois d’égalité témoigne de la... "résistance" à cette égalité qui, 50 ans après est loin d’être acquise dans les faits.

Ces lois sont produites sans jamais reconnaître les fondements d’une structure patriarcale qui persistent dans la réalité, les images et mentalités.

Cette non reconnaissance se traduit par les limites mêmes de ces lois (leurs formulations, contenus, leurs moyens d’application) ; si bien que ces lois ne sont ni effectives ni efficaces et perpétuent les rapports sociaux sexistes et une division sexuelle à travers les rôles et les salaires dans le monde du travail.

ENCORE UN EFFORT...

En 1994, en France...

Les femmes sont 44% de la population active, mais...

- 14,3% d’entre elles sont concentrées dans 20 professions (sur 455), les moins qualifiées et marquées idéologiquement (garde d’enfant, femme de ménage, infirmière, etc...)
- Les femmes gagnent, en moyenne, 30% de moins que les hommes, voire 40% pour les professions les plus élevées.
- Les femmes ont une retraite inférieure de 45% à celle des hommes.
- Elles sont 99% des familles monoparentales, touchant le R.M.I..
- Et quand les femmes rentrent au foyer, elles sont 60% à accomplir, seules, les tâches domestiques (3).

Cette précarité, le chômage, le temps partiel, majoritairement réservés aux femmes, mais aussi les rôles traditionnels dans les professions, restent les meilleurs moyens de les empêcher d’accéder à une réelle autonomie. Histoire de les maintenir au plus près des rôles et métiers qu’on veut toujours leur assigner : "être l’épouse" de... au service de..., gratuitement et sous la dépendance des hommes.

Les luttes pour le droit des femmes, au niveau légal, sont nécessaires mais la réalité des faits dévoile la limite des lois et nos luttes ne peuvent donc se réduire à l’obtention de celles-ci.

Les viols, les violences, les représentations stéréotypées, dégradantes des femmes, le tout-masculin dans le langage et le politique, le danger de circuler partout librement, les discriminations dans le travail, etc... se perpétuent dans un consensus patriarcal, avec et malgré les lois.

Mettre à jour, dévoiler ce système permet aux femmes de sortir de l’isolement, de la parcellisation des faits et méfaits contre elles et cette compréhension d’une histoire collective, commune à toutes, nous permet de lutter contre toutes les formes de cette oppression, des plus évidentes au plus insidieuses.

1- source des revues "VIOL FEMMES INFORMATIONS", de 93, 94 et 95 du Collectif Féministe Contre le Viol de Paris.
2- Christine DELPHY, Nouvelles Questions Féministes.
3- Source I.N.S.E.E. 95.

INFORM’ELLES,

un groupe de la GAVINE, Toulouse

POESIES

LETTRE À UN HOMME

J’aimerai tant te dire
Comme la vie m'est chère
Mais pour ça j'peux pas taire
Le prix qu'elle m'a couté

J'aimerais te donner
Ce que tu veux pas prendre
Ma douleur à pierre fendre,
J'peux pas la soustrayer

Ecoute mes grands rires
Mes dents comme des doigts
Chatouillent l'air pour dire
Comme ch'us bien avec toi

Ecoute, quand j'prends des claques
Y m'faut bien m'protéger
Mais r'gard' mes boucliers
tombent au premier baiser

Ecoute, écoute moi donc,
Tourne pas la tête com'ça
Si j'ai beaucoup pleuré
Mes yeux sont pas si froids

Ecoute, bordel de dieu
Ou j'te fous une mandale
J'en veux pas d'la pitié
Ch'us une femme très banale

Mais j'veux qu'on m'aime pour moi
Pas des images en bois
Un sourire un peu vide
Et une jupe court' com' ça

J'suis une détresse en cavale,
Un sourire d'égorgé
Un clou sous l'pas d'un ch'val
Un suicide, un pied d'nez

Puis j'ai d'sacrées épaules
On m'croirait plus fragile
Même si j'tombe dès qu'mon rôle
Est d'trop près cuy d'une fille

Si tu crois qu'c'est facile
D'être intacte
Et puis fille
Va mourir, t'es largué

Quand j'tombe comme un vieux flan,
Qu'tu comprends pas pourquoi,
C'est que j'combats en d'dans
Des trucs que tu vois pas.

Dont t'as même pas idée
Tell'ment tu m'écoutes pas
Tell'ment t'es persuadé
Que tu m'comprends mieux qu'moi

Py attend pas que j'tombe
Pour m'écouter un peu
Là-bas c'est tell'ment sombre
J'veux pas y mett' les yeux

J'veux pas r'tourner au fond,
Ce s'rait bien mieux qu'tu m'croies
Pasque ch'ais pas, quand j'tombe,
Si j'vais r'monter ou pas.

Ne' fous pas la tête dans l'eau
Pour vérifier que j'coule
L'temps qu'tu voies qu't'en fais trop,
J'en s'rai sûrement trop saoûle

Tu sais bien qu'la douleur
Ça n'a pas de plancher
Et à la cave j'ai peur
D'pas trouver l'escalier

Si j'remonte qu'à moitié,
Qui c'est qui va m'soigner ?
Toi tu s'ras occupé
D'ta culpabilité.

Tu m'aimes bien, certes,
Surtout quand j'me tais !
J'creverai la gueule ouverte,
Que tu m'la fermerais !

 

LA NUIT

J'aimais la nuit avide
Des regards du matin
Les lumières de la ville
Etoiles sans lendemain

j'aimais le repos sourd,
Ronronnement de fer
Quand, les paupières lourdes
Je rentrais sans m'en faire

J'aimais ces moments où,
Seule sur les pavés
J'écoulais mes remous
Pêchant mes amitiés

Ça passait dans ma tête
Plus qu'y a d'eau dans la Loire
Je riais d'un air bête
Seule dans un grand soir

C'était mon oxygène
Mon espace, ma bulle
Pourvu que rien ne freine
mes ballad' noctambules

La vie pouvait bien faire
Des crasses jusque là
la nuit je marchais fière
Un moment juste à moi

Et puis il y a eut la main
Qui a broyé mon cou
Et mon coeur qui soudain
Faisait plus d'bruit du tout

Ces instants brusques et lents
Qui gravent ma mémoire
Et mes cris que j'entends
"Au viol" j'peux pas y croire

Et tous ces gens si proches
Qui n'ont pas fait un bruit
Un chien que l'air accroche
Et qui gueule dans la nuit

Les coups plus verts que bleus
Sur le froid qui m'assaille
Un noeud de mes cheveux
Croché dans sa médaille

Et moi qui n'comprenais
Comprenais toujours pas
Hurlais plus que disais
"Pas bon quand l'aut veut pas"

Après ce fut la foule
Mes images arrêtées
Dans la gorge, une houle
Qui aurait pu noyer

Ce sourire que j'ai eu
Ch'us en vie, ch'us en vie
Ce sourire de perdue
Ch'us en vie, ch'us en vie

J'aimais la nuit avide
Des regards du matin
Les lumières de la ville
Etoiles sans lendemain

Comme l'était doux le temps
Où pour sûr, j'croyais pas
Que je risquais autant
En faisant quelques pas

Mais comment m'arracher
La lame bleue qui rentre
La peur verte et salée
La peur au fond du ventre

J'aimais la nuit avide
Des regards du matin
Les lumières de la ville
Pour moi se sont éteintes.

Mélanie.