HOME     Contributions  > EuroWRC Français Doc_Canada

 

Précédente Accueil Suivante

Liste (fr)) Back Next

  Liste Canada - 5/6  

1.Textes généraux -  2.France - 3.Belgique - 4.Suisse - 5.Canada

 

DÉPARTEMENT DE SERVICE SOCIAL
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke
TRAVAIL DE SESSION

La violence conjugale et la pauvreté

par
SYLVIE MARCHAND
© Sylvie Marchand (1998)
dans le cadre du cours
SES 140

Pauvreté, inégalité, marginalité
Sherbrooke
DÉCEMBRE 1998

INTRODUCTION

Par ce travail, nous voulons explorer dans un premier temps, la problématique de la violence conjugale. Nous voulons saisir ses principales caractéristiques et comprendre comment un tel fléau a pu s'enraciner aussi solidement.

Puis, nous survolerons la situation au Québec. Nous tenterons de démontrer comment et pourquoi la violence conjugale existe toujours aujourd'hui.

Dans le troisième volet, nous ferons le lien entre la pauvreté et la violence. Nous nous appliquerons à comprendre pourquoi ces phénomènes sont reliés et en progression encore aujourd'hui.

Finalement, nous dégagerons des pistes d'intervention actuelles qui sont porteuses de changement à la fois au niveau individuel et collectif. Nous nous inspirerons donc de l'intervention féministe qui nous semble très pertinente car elle couvre, à notre avis, ces deux volets.

  1. Enracinement historique.

    Les médias ne manquent pas, avec raison d'ailleurs, de nous rappeler nombre de situations déplorables de violence conjugale qui se vivent chez-nous au Québec ou ailleurs dans le monde. On peut déplorer le fait que, malgré les grands progrès de notre civilisation, la violence conjugale soit encore aujourd'hui si présente dans notre société !

 

  1. Un système patriarcal.

Un mal aussi grave trouve en partie son explication dans la mesure où l'on prend conscience de ses racines profondes dans l'histoire. Si la violence conjugale a réussi à traverser les civilisations et les siècles, c'est sans doute grâce à l'appui de structures sociales, politiques, économiques et religieuses qui se sont renforcées mutuellement pour produire et maintenir des rapports de domination et de pouvoir des hommes sur les femmes (Violence en héritage, 1989, p.23).

Le système patriarcal a profondément marqué les cultures, les sociétés et les Églises. Il a inspiré des structures, des lois et des politiques oppressives envers les femmes et dont les traces sont encore très présentes au seuil du troisième millénaire.

 

    1. Un héritage religieux.

Outre la violence liée à la pyramide sociale du pouvoir et au système patriarcal, il existe aussi un héritage religieux de violence, qui vient appuyer les autres formes de violence. Le discours et nombre de pratiques religieuses en sont des exemples éloquents. La violence à l'encontre des femmes est l'expression d'une culture masculine que les Églises elles-mêmes ont trop longtemps cautionné.

Aussi, à l'aube du vingt et unième siècle, il est urgent que les sociétés et les Églises se lèvent pour dénoncer la violence, la pauvreté et l'exclusion sociale générées par des doctrines et des pratiques discriminatoires à l'égard des femmes.

  1. La situation au Québec.

Le Québec n'a pas échappé aux influences historiques décrites précédemment. Fortement marqué par la trilogie "État, Église, Famille", notre modèle de société est fortement tributaire du modèle patriarcal.

    1. L'État.

      Concernant le rapport à l'État, on peut penser aux luttes qu'ont nécessité l'obtention du droit de vote pour les femmes, la possibilité d'avoir un compte d'épargne à son nom dans les institutions financières, l'accès à l'instruction, au marché du travail et à l'équité salariale. Lemieux (1995, p.339) fait allusion à la présence de la violence faite aux femmes dans les textes de certains procès, déjà au dix-septième siècle. En ce sens, elle fait aussi allusion au tragique destin de la Corriveau qui fut pendue pour avoir tué un mari qui la maltraitait.

    2. Les Églises.

      Du côté des Églises, le bilan n'est guère plus reluisant. Si toute discrimination basée sur le sexe y est officiellement condamnée, dans la pratique ce beau principe est loin d'être pris au sérieux de façon concrète. Nombre d'interprétations religieuses véhiculées ont eu un impact défavorable sur le vécu des femmes, laissant entrevoir que les femmes ont moins d'importance et de valeur que les hommes et qu'elles n'ont pas droit au même statut et au même respect qu'eux. Pensons, entre autres, à tout ce discours sur la façon de vivre la sexualité, sur la fonction de reproduction, sur les tentatives de légitimer la soumission au mari. À cet effet, l'auteure Lemieux remémore un extrait d'un sermon du dix-huitième siècle" recommandant la douceur et la patience à l'épouse d'un mari brutal" (Lemieux, 1995, p.339). C'est souvent en ce sens qu'on interprétait le verset de Saint-Paul aux Éphésiens (5, 24) qui se lit comme suit "que les femmes soient soumises en tout à leur mari". Souvent les Églises ont erré en dictant les devoirs de la femme de façon à la réduire en simple accessoire de l'homme.

    3. La famille.

La famille n'a pas échappé aux influences de l'État et des Églises. C'est dans la famille que l'enfant absorbe comme par osmose son rôle sexuel. C'est dans la famille que la mère transmet à ses enfants les stéréotypes sexuels véhiculés par l'idéologie patriarcale. Les plus connus sont :

  • La nature humaine est masculine

  • La nature de la femme est d'être la compagne de l'homme, donc de n'exister que par rapport à lui

  • Les qualités naturelles de l'homme sont : la force, la rationalité, l'autorité, l'initiative, le contrôle des émotions

  • Les qualités naturelles de la femme sont : la sensibilité, l'intuition, la soumission, la passivité, la compassion

(Violence en héritage, 1989, p.30)

    1. Violence conjugale : la norme formelle et la norme implicite.

Cette brève description du rôle de l'État, des Églises et de la famille au Québec peut nous aider à comprendre le lourd héritage qui pèse sur la condition des femmes. Un héritage se vit au niveau individuel mais aussi au niveau collectif : "Individuel au sens des relations privées avec des hommes, du rôle des femmes dans leur famille et collectif au sens des valeurs sociales et des institutions véhiculant ces valeurs qui maintiennent l'oppression" (Simard, 1986).

Dans le même sens, l'auteure Prudhomme dit qu'il existe au sein de la société "un mécanisme semblable à celui qui fonctionne dans le couple et qui contribue à maintenir le pouvoir des hommes sur les femmes et entretenir la violence" (Prudhomme, 1995, p.44). Ce mécanisme se traduit selon cette auteure, par une norme implicite véhiculée dans notre société : " Comprendre l'agresseur et blâmer la victime". Puis, elle nomme la norme formelle " qui clame haut et fort que la violence conjugale est répréhensible" (Prudhomme, 1995, p.44).

Elle explique par cette affirmation, que toute la société est prise dans le même piège que la femme violentée. Au même titre que cette dernière, la société cherche à trouver une excuse pour expliquer l'attitude dérangeante de l'agresseur en s'en tenant à une analyse individuelle de sa personnalité ou de son passé. Cette façon de faire a pour effet de déresponsabiliser ce dernier et d'atténuer ou même d'éviter une sanction. On demande à la femme qu'elle collabore soit par la médiation, la thérapie de couple etc.

Toutes ces méthodes à la mode visent la guérison de l'agresseur en passant presque sous silence l'impact de la violence sur les femmes qui en sont victimes. Ainsi, la valeur sociale qui veut le maintien de la famille s'en trouve renforcie au détriment du bien-être de la victime. Cette norme est tellement bien intériorisée individuellement qu'elle entretient la tolérance sociale face à la violence conjugale.

 

  1. Violence et pauvreté.

La violence faite aux femmes s'exprime sous diverses formes. Je m'arrêterai dans les lignes qui suivent sur le rapport violence conjugale et pauvreté. Étant donné la mondialisation croissante de l'économie, accompagnée de la libéralisation des marchés, de l'individualisme, du rôle toujours actuel de l'homme pourvoyeur, les femmes et les enfants deviennent les premières victimes des difficultés économiques.

 

    1. Un lien réel.

Selon les auteures Champagne et Leboeuf, " il existe un lien entre l'appauvrissement des femmes et la violence qu'elles subissent "(Champagne et Leboeuf, 1995, p. 46). Les causes qu'elles nomment sont d'abord les rapports sociaux inégalitaires fortement véhiculés par le système patriarcal actuel. Ces rapports se traduisent souvent en termes de pouvoir et de domination lesquels, selon ces deux auteures, exigent la subordination et la soumission. Nous sommes en mesure de constater selon" les traditions, les lois et les attitudes qui prévalent, les hommes ont davantage de pouvoir et de privilèges que les femmes" (Champagne et Leboeuf, 1995, p.46).

Les auteures accusent aussi le système capitaliste. Celui-ci alimente les rapports inégalitaires mais cette fois, entre les classes sociales. Les valeurs de compétition, d'individualisme et de profit viennent donc se juxtaposer aux rapports décrits dans le système patriarcal. De plus, de ce capitalisme, il ressort que la femme en est souvent victime puisqu'il engendre des répercussions jusque dans les rapports conjugaux et familiaux.

En effet, dans bien des situations familiales où c'est encore l'homme qui est le principal pourvoyeur, les tensions accumulées dans le milieu de travail (productivité, efficacité, concurrence)explosent souvent à la maison. Les études menées par le" Conseil du statut de la femme du Québec" et par le" Conseil consultatif canadien de la situation de la femme" démontrent que la femme est souvent la victime de substitution du conjoint et celle-ci encore sous l'emprise de la culture patriarcale, est souvent plus qu'autrement dans son rôle traditionnel. Elle tente de tempérer la situation, de comprendre le conjoint. Elle accepte d'être son souffre-douleur pour ne pas nuire à la bonne marche de la vie conjugale et familiale et aussi pour ne pas mettre en péril sa sécurité économique.

Lorsque la femme victime de violence décide de porter plainte contre son mari ou de fuir le foyer conjugal, les conséquences économiques se font immédiatement sentir. Champagne et Leboeuf (1995) disent que les femmes violentées proviennent de toutes les classes sociales et que la pauvreté en épargne peu.

 

    1. Des statistiques révélatrices.

Des statistiques du regroupement provincial des maisons d'hébergement révèlent que "50% des femmes à leur départ d'une maison d'hébergement, doivent recourir à l'aide sociale" (Champagne et Leboeuf, 1995, p.46). Si quelques femmes ont un emploi avec un revenu décent, elles risquent de devoir prendre un congé de maladie pour dépression, ce qui affecte leur revenu. D'autres se verront obliger de changer d'emploi pour des raisons de sécurité. Ce n'est que quelques exemples et il en existe d'autres conduisant au même scénario de précarité économique et/ou de pauvreté.

Une étude américaine longitudinale (Dansiger et Weinberg ) démontre " que 80% des femmes chefs de famille monoparentale de race blanche sont devenues pauvres à cause de la rupture familiale" ( Frappier, 1995, p.570).

Une enquête de Mc Loed auprès des maisons d'hébergement permet de tracer un profil des femmes hébergées :

  • 70% des femmes ont moins de 35 ans.

  • 75% vivent en dessous du seuil de pauvreté.

  • 70% n'ont pas terminé leurs études secondaires.

  • 20% occupent un emploi.

(Lemieux, 1995, p.347)

 

    1. La dépendance économique : entre l'homme et l'État.

      La violence économique est toujours présente dans les situations de violence conjugale. Les femmes se font dire qu'elles gèrent mal le budget. Souvent elles doivent quêter de l'argent de poche pour leurs besoins personnels en plus de les justifier. Les auteures citées arrivent à la même conclusion stipulant que la dépendance financière rend la femme beaucoup plus vulnérable à la violence. C'est un autre moyen pour l'homme d'exercer le contrôle sur sa femme.

      La dépendance économique des femmes envers les hommes est également entretenue par l'État. Les auteures Champagne et Leboeuf font état de quelques politiques qui vont dans ce sens. D'abord, elles nous font remarquer que l'État se réfère davantage à la notion de couple et de famille dans ses politiques plutôt qu'à la notion d'individu. À cet effet, plusieurs femmes n'ont pas droit aux prêts et bourses à cause du revenu familial. Aussi, les femmes qui sont sans travail rémunéré n'ont plus le droit aux allocations familiales pour enfants à cause du revenu familial, ces allocations étant leur seul revenu autonome.

      Actuellement, dans le contexte néolibéraliste qui prévaut, le rôle de l'État, comme redistributeur de la richesse collective, a toutes les raisons d'être contesté. Comme nous l'avons vu dans le cadre du cours "Pauvreté, inégalité, marginalité" cette redistribution est de toute évidence inéquitable. De plus, ces auteures estiment que des politiques, telle la Loi sur la sécurité du revenu, pour ne nommer que celle-ci, renforcent le système capitaliste et patriarcal. Donc, à travers ces politiques, il se dessine "un projet de société désavantageux pour les femmes" (Champagne et Leboeuf, 1995, p.47).

      Le Rapport mensuel (MMSRFP) de septembre 1994 révèle que 535,960 adultes recevaient des prestations d'aide sociale et 52% de ce nombre étaient majoritairement des femmes (Champagne et Leboeuf, 1995, p.47). Le Conseil national du bien-être social, dans son rapport de 1987, estime que les femmes assistées sociales vivent avec un revenu qui se situe entre 50 et 60% en-dessous du seuil de pauvreté.

      Lorsque les bénéficiaires tentent de trouver des moyens de réduire leurs dépenses, comme en partageant leur logement, elles sont coupées dans leur prestation. Le mémoire présenté par la CSN à la Commission des affaires sociales dénonce ce fait : " nous croyons que le projet de loi 186 (Projet de loi pour le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale) est loin de favoriser la solidarité sociale puisqu'il fonde une bonne partie de sa logique sur la coercition et les mesures punitives" (Notes de cours, Pauvreté…, 1998, p.47).

      Quant au marché du travail, Champagne et Leboeuf présentent des données de Statistique Canada révélant que les femmes gagnent en moyenne 70% du salaire des hommes et qu'elles se retrouvent davantage dans des emplois à salaire minimum, à temps partiel ou à statut précaire.

      Donc, ces quelques exemples, nous permettent de constater que la femme est soumise à une double discrimination "en ayant à choisir entre une vie affective ou un revenu pourtant insuffisant et contrôlé par l'État" (Champagne et Leboeuf, 1995, p.48). En plus de l'héritage culturel des femmes violentées, de leur isolement, de la perte de l'estime de soi, de l'importance de la famille, s'ajoute l'insécurité financière qui surgit à la pensée de vouloir s'en sortir. Souvent, pour ces raisons, la femme retournera avec son conjoint violent. "La perspective peu réjouissante de la pauvreté ou celle d'une pauvreté encore plus grande contribue à maintenir les femmes dans des situations de violence" (Champagne et Leboeuf, 1995, p.47).

       

    2. La violence conjugale a ses coûts.

La violence conjugale hypothèque lourdement la vie des femmes. Dans un contexte plus large, elle limite le potentiel de développement social et économique de toute la collectivité.

"La population entière, femmes, hommes et enfants, paie économiquement et socialement pour la violence faite aux femmes. Il faut assumer les coûts de l'intervention policière qui protège les femmes agressées, de la justice qui juge ces crimes, des services de santé qui soignent les femmes, des services de consultation et d'appui aux femmes et aux enfants ainsi que les maisons de transition, souvent le seul endroit où les femmes peuvent se réfugier dans les moments de crise. Mais le pire, ce sont les nombreux coûts cachés. Les journées de travail perdues pour les femmes incapables d'accomplir leurs tâches en raison de blessures corporelles et psychologiques"

( Comité canadien sur la violence faite aux femmes, 1993, p.26) 

Le Conseil du statut de la femme cite une étude (Montreal Business and Professional Women's Club) révélant que "les frais liés aux soins de santé, aux services sociaux et aux poursuites judiciaires pourraient se chiffrer à environ 125 millions de dollars par année au Québec" (Comité canadien sur la violence faite aux femmes, 1993, p.27).

Dans cette évaluation, les prestations d'aide sociale versées aux victimes et les subventions versées aux ressources comme les maisons d'hébergement, ne sont pas calculées.

 

  1. Pistes d'intervention initiées par les femmes.

    1. Les Maisons d'hébergement : pour intervenir auprès des femmes.

C'est le mouvement des femmes qui a d'abord dénoncé publiquement la violence conjugale vers les années 1970. Pour appuyer cette dénonciation, le mouvement féministe a davantage mis l'accent sur la dimension du pouvoir masculin et les légitimations sociales de ce pouvoir. Les féministes ont également prouvé les inégalités socioéconomiques qui engendrent la dépendance des femmes. À partir de cette époque, elles réussirent à ébranler les mentalités sur ce sujet.

Devant ce problème devenu social, l'association des familles monoparentales, fortement teintée de l'idéologie féministe, fonde les maisons d'hébergement vers les années 1975 (Lemieux, 1995, p.352). Nul doute que l'intervention féministe est privilégiée dans ces lieux de transition. Ayant pointé une des sources de cette problématique, l'intervention visera, pour la femme victime de violence conjugale, l'autonomie et l'affirmation de soi en s'appuyant sur la force de la solidarité féminine.

C'est une intervention utilisée pour les femmes et par les femmes. Son objectif premier est de mettre fin à l'oppression économique, psychologique et affective. Comme stratégie d'intervention, l'intervenante doit démystifier son pouvoir professionnel, collectiviser le problème, dénoncer les effets de la socialisation et établir une relation dialogique et égalitaire. L'intervention féministe permet alors à la cliente de reconquérir du pouvoir sur elle-même (ré appropriation). Elle servira également à enlever le focus mis sur les femmes comme étant les seules responsables de leurs problèmes.

Or, sur une base d'intervention individuelle, cette approche veut sortir le problème de la victime contrairement à l'approche individuelle consensuelle utilisée pour les hommes ( voir dans la norme implicite nommée plus haut). L'approche féministe vient du courant structurel conflictuel. On vient, par celle-ci, dire que ce sont les structures sociales qui peuvent causer le problème. D'une part, on cherche un changement individuel et d'autre part, un changement social.

Ses objectifs spécifiques sont les suivants :

  • Favoriser une prise de conscience des stéréotypes sexistes.

  • Favoriser la solidarité entre les femmes.

  • Consolider l'estime de soi.

  • S'affirmer.

  • Choisir et prendre des décisions en fonction de ses propres besoins.

  • Développer le lien corps/esprit.

  • Favoriser l'implication dans différents lieux communautaires.

  • Promouvoir une certaine autonomie financière.

( Notes de cours, Modèles de pratique en service social, 1997)

Les maisons d'hébergement situent les femmes violentées hors de leur lieu d'oppression. C'est ainsi que les femmes peuvent apprendre, développer et/ou intégrer des valeurs sans risque de se faire remettre à leur place. Ce refuge se veut un lieu de transition ou un passage " qui favorise une remise en question de leur identité permettant d'amorcer une vie nouvelle" (Lemieux, 1995, p.353).

4.2. La marche des femmes : pour opérer un changement social.

Pour le sujet qui nous concerne, la Marche des femmes contre la pauvreté ("Du Pain et des Roses") s'inscrit bien dans cette approche. Elle est une action concrète à large portée qui fait bouger les structures en place et remet en question l'idéologie dominante. Ses revendications sont mobilisantes dans la population car ses prémisses sont l'égalité et l'équité. Sa force est la solidarité en créant des alliances.

Cette marche voulait affirmer "la nécessité du travail et la garantie d'un revenu, mais aussi l'importance d'une qualité de vie"(Champagne et Leboeuf, 1995, p.46). Cette revendication reconnaît à mon sens, le lien entre la pauvreté et la violence conjugale. Leur conviction est que les moyens qui sont pris pour arriver à une société plus égalitaire peuvent modifier et améliorer les rapports sociaux hommes/femmes. Ces moyens agiront en bout de ligne contre la violence faite aux femmes.

Les revendications principales de cette marche dénoncent les mesures qui appauvrissent les individus et augmentent la dépendance des femmes. Elles dénoncent également les mesures qui renforcent le système le système capitaliste et patriarcal.

Voici neuf revendications :

  • Un programme d'infrastructures sociales avec des emplois accessibles dès maintenant aux femmes.

  • Une loi proactive sur l'équité salariale.

  • L'augmentation du salaire minimum au- dessus du seuil de pauvreté ($8.15 de l'heure).

  • L'application de la loi des normes minimales du travail à toutes les personnes participant à des mesures d'employabilité

  • Un système de perception automatique des pensions alimentaires avec retenue à la source.

  • La création d'au moins 1,500 nouvelles unités de logement social par année.

  • L'accès aux services et aux programmes existant de formation générale et professionnelle, avec soutien financier adéquat, pour toutes les personnes qui ne sont pas prestataires de l'assurance chômage ou de la sécurité du revenu, en vue de leur insertion ou de leur réinsertion au travail.

  • L'application rétroactive de la réduction du parrainage de dix ans à trois ans pour les femmes immigrantes parrainées par leur mari, ainsi que la mise sur pied d'un mécanisme d'accès aux droits sociaux pour les femmes parrainées victime de violence conjugale et familiale.

  • Le gel des frais de scolarité et l'augmentation des bourses aux étudiants et étudiantes.

( Tiré de la revue Relations, no 608, Mars 1995, p.48)

 

 

 

CONCLUSION

L'instauration du patriarcat semble remonter loin dans le temps et la quête du pouvoir me semble contagieuse. Elle s'y est enracinée solidement. Les patriarches se sont emparés des institutions, ont créé des lois répondant à leurs besoins, ont interprété les textes bibliques de façon à ne pas mettre en péril leur pouvoir. Pendant ce temps, les femmes n'avaient comme univers que l'espace privé ( la maisonnée, l'éducation des enfants etc.).

Comme l'explique le Comité des affaires sociales de l'Assemblée des Évêques du Québec (Violence en héritage, 1989, p. 30) ;

"Le patriarcat est un système social qui soutient et consacre la prédominance des hommes, amène une concentration du pouvoir et de privilèges entre leurs mains et par conséquent, entraîne le contrôle et la subordination des femmes et engendre des rapports sociaux inégalitaires entre les sexes.

Cette disparité de pouvoir, de privilèges et de prestige enracine et perpétue le patriarcat dans notre société. Elle donne aux hommes puissance, domination et avantages sur les femmes et explique une grande part de violence".

Les thèmes sur lesquels les mouvements féministes semblent s'appuyer sont : l'autonomie, l'autodéfinition et l'égalité des sexes. Ils s'inspirent d'une aspiration générale de voir reconnue la différence entre l'homme et la femme, sans toutefois privilégier aucun d'entre eux. Reconnaître cette différence se fait selon moi, dans le respect de l'un et de l'autre sexe, dans l'acceptation du droit de vivre de chacun tout en profitant d'une bonne qualité de vie et dans la réalisation de cette différence qui est propre à chacun. Les revendications de la Marche des femmes contre la pauvreté vont à mon avis droit dans ce sens. Elles ne sont pas discriminatoires et elles visent l'équité et l'égalité pour tous les citoyens.

La difficulté pour ces mouvements c'est de lutter contre le système néolibéral et patriarcal en place. La force de ces mouvements, ce sont les solidarités qu'ils réussissent à créer parmi les individus en les conscientisant quant aux injustices des politiques sociales de nos gouvernements qui entretiennent et font même progresser la pauvreté. L'approche féministe, par ses différents moyens d'action, réussit à ébranler les mentalités et les valeurs traditionnelles. À cause de ces actions, nous croyons que l'intervention féministe est porteuse de changements tant au niveau individuel que collectif.

En ce qui a trait à la condition de la femme victime de violence conjugale et le lien concret avec la pauvreté, les maisons d'hébergement offrent un service, une aide individualisée, pour la femme. Puis, pour ouvrir des avenues garantes d'une meilleure qualité de vie, les actions se poursuivent sur la place publique et ciblent les structures et les politiques sociales coupables de la misère des plus démunis (es) de la société.

L'intervention féministe perçue de cette façon prend beaucoup de sens pour nous. Elle permet d'intervenir sur les vrais problèmes et elle a su s'ajuster et faire ses preuves au sein de la société.

BIBLIOGRAPHIE

CHAMPAGNE, C. et L. LEBOEUF (1995). "Violence et pauvreté", Relations, no 608, mars, p. 46-48.

COMITÉ CANADIEN SUR LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES (1993). Un nouvel horizon. Eliminer la violence, atteindre l'égalité, Ottawa, Ministère des approvisionnements et services Canada.

COMITÉ DES AFFAIRES SOCIALES DE L'ASSEMBLÉE DES ÉVÊQUES DU QUÉBEC (1989). Violence en héritage. Réflexion pastorale sur la violence conjugale, Montréal, Assemblée des évêques du Québec.

CSN (Confédération des syndicats nationaux) (1998). Les exigences d'une vraie solidarité sociale, Mémoire présenté à la Commission des affaires sociales sur le projet de loi 186, mai, Montréal, CSN, 10p.

FRAPPIER, Monique (1994). "La pauvreté: facteurs économiques" dans: Fernand DUMONT, Simon LANGLOIS et Yves MARTIN (dir.) (1994), Traité des problèmes sociaux, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, p. 565-580.

GRAVEL, Jean-Paul (1998). Notes de cours. SES-140 Pauvreté, inégalité, marginalité, Sherbrooke, Université de Sherbrooke (Département de service social), 108p.

LEMIEUX, Denise (1994). "La violence conjugale", dans: Fernand DUMONT, Simon LANGLOIS et Yves MARTIN (dir.) (1994), Traité des problèmes sociaux, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, p. 337-361.

PRUDHOMME, Diane (1995). "La violence conjugale", Relations, no 608, mars, p. 43-45.

SIMARD, Pierrette (1986). L'intervention féministe: un ensemble d'outils thérapeutiques ou………..…, Conférence présentée à Rouyn Noranda dans le cadre du Colloque "Changer les règles du jeu"………., avril.

© Sylvie Marchand (1998)

UP