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 Table des matières du séminaire du COE - 7-8 octobre 1999
Les hommes et la violence à l'égard des femmes

Les adolescents en tant qu’acteurs violents dans
les communautés roumaines d’aujourd’hui

Anca DUMITRESCU et Elena PENTELEICIUC, Roumanie

La célébration de la Journée internationale des enfants qui, en Roumanie, est traditionnellement l’occasion pour les autorités de faire des déclarations officielles, dissimule une situation peu brillante pour les politiciens et peu flatteuse pour les responsables de la santé et de l’avenir des enfants de ce pays. Ces sombres problèmes ont été révélés par une organisation non gouvernementale qui a lancé une campagne véhémente afin de sensibiliser la société civile au drame des enfants roumains. Durant quelques jours, l’organisation «Save the Children» (Sauver les enfants - SCO) est venue troubler l’ignorance de la plupart d’entre nous. En 1999, elle a engagé une campagne à une échelle réellement nationale dont l’objectif est d’exposer les atteintes aux droits des enfants afin que ces derniers puissent se faire entendre et respecter en Roumanie.

M. Gh. Mazalu, président de «Save the Children», a présenté le rapport d’activité 1998 à la société civile en faisant référence à un événement qui risquait fort de passer inaperçu en Roumanie: «1999 a pour nous une signification particulière – la célébration du 10e anniversaire de l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant par l’Assemblée générale des Nations Unies, document qui a valeur de loi universelle.» C’est le 20 novembre 1989, en effet, que l’ONU a proposé cette convention au monde entier. La Roumanie a été l’une des premières nations à la signer, le 28 septembre 1990. Plus de 190 pays sont ensuite devenus les bénéficiaires potentiels de ses promesses.

Le rapport 1998-1999 de SCO met en lumière pour les organisations internationales «les images sociales» qui composent un tableau de la situation des enfants roumains dans la société postcommuniste. «En Roumanie, la situation des enfants et de leurs familles s’est détériorée. Dans un contexte marqué par l’aggravation de la pauvreté, ils représentent une catégorie sociale extrêmement vulnérable. Le nombre d’enfants abandonnés a augmenté et de nombreuses familles n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école; la tuberculose, l’anémie et l’hépatite frappent de plus en plus d’enfants tandis que la délinquance juvénile ne cesse d’augmenter.»

Selon ce rapport, publié dans la revue Adevarul Economic de juin 1999, 10 % des délinquants dans notre pays sont aujourd’hui des enfants et des adolescents, une statistique inquiétante dont les causes sont profondément enracinées dans l’environnement familial et les facteurs socio-économiques de la transition. A cet égard, il nous semble pertinent de souligner que parmi les modèles familiaux éducatifs de base (Becker, W. C, 1964), ceux qui sont décrits ci-dessous sont susceptibles de favoriser un comportement déviant et violent chez les enfants, en particulier au moment de l’adolescence, avec ses bouleversements physiques, affectifs et relationnels.

Le modéle éducatif liberal

Les parents qui privilégient ce modèle stimulent l’autonomie et l’indépendance de leurs enfants, leur assurant ainsi la possibilité de se réaliser, mais ils ne leur inculquent pas le respect des obligations inhérentes à l’éducation. Ces enfants deviennent égocentriques et enclins à commander mais ils manquent de maîtrise d’eux-mêmes et recherchent le succès et la popularité à tout prix, parfois en outrepassant les règles de comportement acceptables.

Le modéle éducatif autoritaire

Il s’agit d’un modèle autocratique. Dans la majorité des cas, les parents terrorisent leurs enfants au lieu de les motiver. Ce type de stimulation n’est pas tolérable car dans ce genre de comportement, les valeurs ne sont pas construites en s’appuyant sur une synthèse des dimensions cognitives, affectives et motivationnelles, mais, au contraire, en les excluant. Les adolescents élevés dans un tel contexte éducatif deviennent agressifs.

Le modèle éducatif déséquilibré

C’est un type d’éducation froide et fermée, dépourvue d’un grand nombre de dimensions motivationnelles. Les parents qui font appel à ce modèle sont des personnalités déviantes dont le niveau affectif, intellectuel et moral est peu élevé. Ils sont névrotiques, brutalisent et humilient leurs enfants sans leur permettre de s’épanouir. Les enfants et les adolescents qui vivent dans ces familles deviennent à leur tour névrotiques, égocentriques et agressifs. Au lieu de maîtrise d’eux-mêmes, ils ne montrent que des formes pathologiques de haine qui dégénèrent souvent en violence.

L’augmentation du nombre d’adolescents impliqués dans des actes de violence, actes dont les médias se font parfois l’écho, tire son origine de tels environnements éducatifs ou de l’existence de familles désunies. Beaucoup de ces adolescents sont sans parents. Le rapport de SCO indique que 2 000 enfants environ vivent dans la rue (61 % à Bucarest et 17 % à Constanţa, le reste se répartissant entre les autres villes).

La pauvreté, la dépression, l’absence de moyens d’existence et de protection sociale poussent ces jeunes vers la délinquance. Ils peuvent agir individuellement ou en groupe, être les instigateurs des actes de violence ou n’être que des instruments dans les mains de malfaiteurs adultes.

Selon les enquêtes réalisées par l’Inspection générale de la police et l’Institut des enquêtes judiciaires et de la prévention, on a enregistré ces dernières années une augmentation des vols qualifiés et des agressions avec violences contre les personnes âgées, notamment les femmes seules dans les villes et les villages. Le Code pénal précise les mesures éducatives prises contre les délinquants de moins de 18 ans:

--  réprimande;

--  liberté surveillée;

--  internement dans un centre de rééducation;

--  internement dans un institut médico-éducatif.


Nous souhaitons maintenant faire quelques remarques sur l’école spéciale de rééducation avec détention de Gaiesti (comté d’Arges). Ce centre a été fondé par le ministère de l’Intérieur pour corriger le comportement de jeunes garçons ayant commis divers types de délits, allant du vol de nourriture au viol en passant par d’autres actes de violence.

Il s’agit d’une école à surveillance renforcée où des adolescents de 14 à 18 ans, qui représentent la majorité des élèves, côtoient des jeunes garçons de 8 à 14 ans ayant fui un foyer pauvre et désuni, une maison pour enfants ou une ONG protectrice et ayant vécu dans la rue en volant et en adoptant un comportement de plus en plus agressif jusqu’à ce qu’ils soient pris en flagrant délit. Dans ce centre de rééducation, les garçons vivent très chichement à cause d’une insuffisance de fonds et reçoivent une instruction en groupes de quinze élèves encadrés par un pédagogue qui les accompagne également à l’occasion de quelques activités extérieures. Ce pédagogue est chargé de rédiger régulièrement un rapport sur l’amélioration du comportement de chaque garçon. Les résultats en matière de psychothérapie et de rééducation sont assez médiocres en raison des faibles moyens financiers, du manque d’éducateurs et de la mauvaise influence qu’exercent les adolescents les plus âgés sur les plus jeunes.

Nous devons également souligner le fait que cette année, le premier projet de recherche sur «l’éducation à distance pour les jeunes des prisons roumaines» a reçu un accueil favorable lors du concours de Caracas sur les régions à hauts risques à travers le monde. Ce projet complexe était axé initialement sur deux groupes de [50] prisonniers: [50] jeunes hommes de la prison de Rahova (Bucarest) et [50] jeunes détenues de la prison pour femmes de Targsor (Ploieşti), construite il y a cent ans et partiellement rénovée il y a peu de temps.

L’instruction dispensée aux prisonniers se compose de trois modules (formation professionnelle, éducation civique et éducation à la santé) d’une durée de trois mois. Les participants reçoivent à l’issue de la formation un certificat de réussite qui peut les aider à trouver un emploi lorsqu’ils sont remis en liberté.


ANNEXE

Cinq fois plus de délinquants juvéniles en 1998 qu’en 1990

Les statistiques publiées par les psychologues de l’Institut médico-légal indiquent que le nombre de délinquants juvéniles a été multiplié par cinq entre 1990 et 1998. Les chiffres qui suivent, arides et froids, sont destinés à mieux nous faire comprendre comment des enfants se transforment en criminels.

68 % des délinquants juvéniles ont entre 14 et 16 ans, période de la vie considérée comme la plus cruciale pour le processus de socialisation. 64 % d’entre eux ne sont pas scolarisés, soit parce qu’ils ont abandonné leurs études, soit parce qu’ils ne désiraient pas les poursuivre après avoir accompli quatre ou huit années de scolarité. La grande majorité des délinquants ont perdu l’un de leurs parents, voire les deux, ou viennent de foyers désunis. A cela s’ajoutent des problèmes d’adaptation: à Bucarest, la plupart des délinquants sont arrivés dans la ville à l’adolescence, depuis les villages et les communes avoisinantes (11 %) ou les autres régions du pays (54 %). En outre, les délinquants juvéniles sont issus de familles dont le niveau d’instruction est faible (5,5 % des pères et 9,9 % des mères n’ont pas été à l’école, 50,5 % des pères et 64 % des mères ont fait quatre ou huit années d’études). Dans 75 % des cas, les parents sont ouvriers. Par ailleurs, 75 % des pères et 68 % des mères consomment de l’alcool fréquemment. Le résultat est facile à prévoir: plus de la moitié des mineurs qui commettent des délits ont été battus par l’un de leurs parents.

Les conditions de vie, quant à elles, sont loin d’être idéales. Plus de la moitié des délinquants juvéniles ont vécu dans des immeubles abritant plus de 1,5 personne par pièce. Dans 60 % des cas, le revenu familial est inférieur à 50 dollars par personne et 8 % des familles n’ont aucun revenu. Détail intéressant, 10 % des mineurs qui commettent des infractions viennent de familles dont les ressources sont supérieures à la moyenne, illustrant ainsi le principe qui veut que «abondance de biens engendre le dédain». Enfin, puisque l’on ne peut commettre de délit que pendant son temps libre, il est important de mentionner que plus de 70 % des mineurs ne sont supervisés que de trois à six heures par jour ou pas du tout.

Un préjugé tenace dans ce domaine veut que la plupart des délinquants soient des Tsiganes, ce qui devrait s’avérer facile à vérifier en observant une école de réinsertion. Cependant, la réalité est bien différente: parmi les jeunes étudiés par l’Institut médico-légal (IML), près de 70 % étaient roumains. 15 % ont déclaré être des Tsiganes intégrés dans la société roumaine et 14 % des Rom. En ce qui concerne leurs «mœurs», 5 % des jeunes consomment régulièrement de la drogue, 35 % boivent fréquemment de l’alcool et plus de 80 % fument. Bien qu’il s’agisse en majeure partie de vols, les délits comprennent également des actes de violence: en groupe de trois ou quatre (type d’organisation connue sous le nom de «société des coins de rue»), les mineurs se rendent coupables de meurtres, de tentatives de meurtre ou de coups et blessures (3,5 % du nombre total des délits), de viols, de tentatives de viol et de vols qualifiés (10,8 % du total). 81 % des délinquants juvéniles ont un niveau intellectuel faible, très faible ou minimal. Des études spécialisées font également apparaître d’autres caractéristiques psychologiques importantes: grave manque de tendresse, esprit de vengeance, intolérance, tendance au mensonge, peur de la punition, désir de se faire remarquer, sentiment d’abandon, de reniement ou de solitude. A tout cela s’ajoutent des problèmes de dépression aiguë, les frustrations provoquées par la pauvreté, la peur des parents, etc.

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Les hommes et la violence à l'égard des femmes