Revue TYPES 1 - Paroles d’hommes

Impuissance et stérilité

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Revue TYPES 1 - Paroles d’hommes - N°1 Janvier 1981 

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IMPUISSANCE ET STÉRILITÉ

Un jour, Claude et moi décidons d'enregistrer une cassette sur mon rapport à la stérilité : il veut comprendre ma curiosité malsaine sur ce thème. Il convient d'un soir et nous voilà l'un en face de l'autre, tous deux assis dans des

fauteuils douillets où il serait agréable de s'étendre. Tout de suite, je lui demande de me poser la première question.

Claude : A la dernière réunion au lieu de dire stérilité, tu as dit impuissance, est-ce un lapsus fréquent chez toi ?

Je ne m'attendais pas à cette question et je me sens un peu ébranlé.

Moi : Il ne m'étonne pas du tout, ce lapsus ! et je dois le faire souvent lorsque je ne me contrôle pas.

Claude : Pourquoi ?

Moi : Lorsqu'un jour, je me suis aperçu que j'avais des

difficultés à bander avec les femmes, la première idée qui m'est venue à l'esprit c'est : " je ne pourrais pas avoir d'enfant ". A cette époque j'avais un désir d'enfant (désir d'enfant pour reproduire le nom de la famille) car mon nom n'est pas courant et j'avais envie qu'il ne disparaisse pas (quel drôle de rapport avec le bottin téléphonique !).

Claude : Est-ce la seule idée qui t'est venue à l'esprit ?

Moi : Non la deuxième idée qui me revenait à l'esprit le plus souvent, c'était : " mais maintenant à quoi vais-je servir sur cette terre ? ". Je me disais : comme je suis impuissant, cela veut dire pas de relations sexuelles avec les femmes, pas d'enfant. Alors à quoi bon vivre ? J'aurais bien pu me suicider mais j'ai sublimé mon impuissance sexuelle dans une puissance intellectuelle (à mes yeux, donc toute relative). Et puis le féminisme m'a permis de vivre mon impuissance : les femmes remettaient en cause le rôle d'homme, le phallus, le pouvoir masculin. Au début lorsque j'entendais " il n'est pas un homme ". je rougissais. Lorsque je pouvais me dire " je ne suis pas un homme ". c'était une phrase douloureuse pour moi et mon rapport au féminisme m'a permis de vivre cette phrase et ce qu'elle représentait à un certain moment, plus comme une positivité. Claude : Et maintenant es-tu toujours impuissant ?

Moi : Non, maintenant, je suis rassuré sur ma puissance sexuelle et c'est sans doute ce qui me permet d'en parler. Je vois mieux dans mon érection ou ma non-érection, mon désir ou mon non-désir sexuel. Mais bizarrement ou pas, je suis angoissé sur la question de ma stérilité ou de ma fécondité.

Claude : Mais si tu faisais un spermogramme, tu serais renseigné.

Moi : Oui, mais je préfère rester dans le doute. J'ai peur de ma réaction si j'apprenais que je suis stérile.

Claude : Est-ce qu'il n'y a pas une relation entre ton histoire sur l'impuissance et ton angoisse sur la stérilité ?

Moi : Tout à fait ! Lorsque je pense à ma possibilité d'être stérile, les mêmes idées que pour l'impuissance me viennent dans la tête : pas d'enfant (bien que je n'ai plus de désir d'enfant), pas de relation avec les femmes (les femmes qui auraient un désir d'enfant avec moi). A quoi vais-je servir sur cette terre, si je ne peux pas procréer (bien que je n'ai pas de désir d'enfant, je le répète, mais on ne sait jamais, cela peut changer), et avec comme toile de fond, ou plutôt comme toile de devanture le sentiment de ne pas se sentir un homme.

Claude : Mais pourtant tu es dans un groupe homme et il me semble que tu as dû avoir une certaine démarche par rapport au sentiment de se sentir homme ou pas.

Moi : Tu sais, lorsque je suis entré dans mon premier groupe je n'étais plus impuissant et je n'ai pas beaucoup parlé dans le groupe de mon angoisse d'être stérile.

Claude : Alors, c'est quoi ton sentiment de ne pas être homme en pensant à ton impuissance et à ton angoisse de la stérilité ?

Moi : Ben, pour moi, l'impuissance (même si cela se passe dans la tête), c'est mon sexe qui est à moitié " débandé " et la stérilité bizarrement ou pas se situe dans la même région du corps.

( Silence.)

En essayant de rappeler des idées qui me trottaient et qui me trottent dans la tête, je sens que cela se clarifie. En pensant à mon impuissance, à la relation que j'y vois avec mon angoisse de la stérilité et à mon sentiment " de ne pas être un homme ", je sens et je ressens (re/sens) une odeur de couilles coupées.

François.

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Revue TYPES - Paroles d’hommes - N°1 Janvier 1981

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