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Revue TYPES 5 - Paroles d’hommes - 1983 

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Couple-célibat : confrontation de deux phases de nos vies. Chacune a ses agréments et ses drames. La solitude n'est pas exclue de la vie de couple et l'étouffement peut s'instaurer dans un rapport privilégié à soi-même.

Couple : inavouable propension à être materné, à " maîtriser " la femme en la paternant et/ou accommodement qui se démode puis revient à la mode ?

Célibat : rupture ? immaturité ? manque ? manière de vivre ?

Les allées et venues, les interférences entre ces deux pôles ont été écrites depuis le " coin des célibataires ". Elles révèlent autant d'incertitudes que de complicités joyeuses. Elles explorent ce balancement entre la solitude " vieux garçon " frustrante ou revendiquée comme meilleure connaissance de soi et l'histoire de nos anciens couples ou les désirs d'en former de nouveaux.

Ceux du " coin couple " se sont tus malgré leur envie de conter, de critiquer aussi la vie à deux et plus. Ils n'ont pas fini de parler pour pouvoir l'écrire...

Alors la confrontation vie en couple/célibat, ce serait peut-être une liberté qui se cherche en laquelle chacun se trouve et se partage, seul(e) ou avec un(e) autre ?

Le célibat ès-tarte

C'était l'idée de François, notre petit groupe " célibat ". Au début, nous n'étions même pas clair sur notre identité de célibataires. Et certainement nous n'étions pas heureux de cette identité. Notre première réunion a commencé tristement ; nous racontions les histoires qui nous ont amenés à cette situation. Plutôt des histoires de faillite. Après quelques heures de discussion, on a abordé le côté positif de ne pas être en couple. C'était bien, dans l'intimité et la sécurité de notre petit groupe, de discuter nos peurs, mais aussi nos joies.

Petit à petit, les réunions sont devenues un lieu social et affectif pour nous.

François faisait de merveilleuses tartes pour les réunions. C'était très chouette. Un symbole de l'importance que les réunions ont pris dans nos vies. Mais François n'a jamais été satisfait de ses tartes. Toujours trop cuites, pas assez cuites, trop de farine.

Un soir, une copine de Jean-Louis est passée pour rendre un magnétophone qu'elle avait emprunté. Elle est restée debout quelques minutes, une situation un peu tendue, comme nous étions sur le point de commencer la bouffe. Enfin elle a demandé à J-L : " Tu m'offres un verre ? — Ben oui ".

Elle a regardé la tarte et demandé : " Est-ce que je peux en manger un bout ? " Après une longue pause, François a répondu : " Pourquoi pas ? " Après quelques minutes elle a dit : " Bon, si vous ne voulez pas que je mange de la tarte, je m'en vais ". François : " Mais je n'ai pas dit non. " Elle : " Moi, j'ai besoin d'un oui un peu plus fort ". François : " Alors, ...oui ". Elle est partie sans goûter la tarte.

Après, nous avons discuté de nos émotions pendant cette scène. Deux parmi nous ont mal vécu la présence d'une femme dont notre réunion. Cela a brisé l'intimité entre nous. Mais François a dit qu'il voulait vraiment qu'elle mange de la tarte. Edgar n'avait pas compris cela et avait été heureux de l'hésitation de François.

Un soir, notre réunion a dépassé l'heure du dernier métro. J-L nous a invité à passer la nuit chez lui. Le matin on s'est levés et on a pris le petit déjeuner. Avant de partir, on a discuté encore un peu, enfin, on est restés une bonne partie de l'après-midi...

" Qu'est-ce qu'il faut faire pour plaire aux femmes ? "...

Plusieurs parmi nous ont été critiqués par des copines pour être infantiles, et même " pires ", efféminés. C'est dur d'entendre, d'une façon péjorative, à des moments intimes : " mais, t'es comme une femme ".

" Il faut être macho. Mais ce côté macho doit être senti mais pas vu ", a exprimé l'un de nous.

" Moi, je ne veux pas changer pour faire plaisir. Je veux être accepté comme je suis, même si je suis homme-gamin ou homme-femme ", a dit un autre.

Un parmi nous (moi) a passé une période dans un milieu social de lesbiennes. Un peu étrange, d'avoir des relations d'amitié avec des femmes sans qu'il soit question de rapports sexuels.

On a discuté des rencontres d'hommes célibataires dans la société. Les hommes ne se voient jamais simplement pour se voir. Il y a toujours un but, soit faire la chasse, faire du sport, ou raconter des histoires de guerre. Et nous, quelle est notre prétexte ? Ben, la revue certainement. Mais finalement il s'est passé un soir sans qu'on en parle, de la revue, nous avons bouffé, parlé de nos vies, de travail, mais rien de " sérieux ". Les femmes ont leur réseau affectif, pourquoi pas nous ?

Edgar Blaustein

Portrait impressionniste

Questionnaire réalisé par le groupe " célibat " : Edgar Blaustein, Bernard Golfier, François Labye, Jean-louis Le Grand

— Que t'évoque le terme " habitudes de célibataire " ?

J-L: C'est laid. C'est parfois sordide. C'est le pressing, le lit qu'on fait et qu'on refait, le ménage qu'on fait pas, le matin triste sans personne. Et puis certains jours tout ça n'est plus des habitudes mais une manière de vivre libre, indépendant. De toutes façons, c'est surtout le matin que je sens les habitudes. Et puis les habitudes de célibataire ça pousse à se remuer parfois, à changer des choses dans les rouages. Et je crois que c'est plus facile à un qu'à deux.

E: Deux images : l'homme superpropre, trop propre, un appartement très froid, sans humanité. Comme dans un magasin de meubles. L'autre image : l'évier plein de vaisselle, cendriers partout, lessive pas encore faite. 3e image, mon rêve, l'appartement chaleureux, confortable, quelques petites choses qui montrent la personne.

- Qu'est-ce que l'aventurier célibataire ?

J-L: Aventurier = drague, rue — Oser sortir avec des femmes belles et différentes ; Pénétrer des intimités différentes.

B: Quelqu'un qui consacre sa vie à un but, un projet qu'il sait qu'il réalisera à la condition d'être dans la solitude. C'est privilégier le rapport à un idéal, à une réalisation.

E: L'homme qui a plein de copines, des aventures amoureuses, qui n'a pas peur d'être seul. Le contraire de timide.

— Est-ce que dans la vie célibataire, il y a plus une négation de l'autre sexe que dans la vie de couple ?

J-L: Non — Tu peux être en couple et mépriser la bonne femme avec qui tu es. Oui — Tu te tiens éloigné dans le quotidien de l'autre sexe, ses habitudes, son odeur, ses stimulations.

B: Pas du tout, ça peut être une façon d'envisager la liberté avec l'autre sexe à son rythme propre. La vie célibataire signifie la préférence de l'amitié, de la confiance mutuelle, à l'amour, à la passion (amoureuse).

E: Moins. Dans la vie célibataire, on a plutôt l'opportunité, voire l'obligation ou la nécessité de rencontrer les femmes comme des égales. Dans les couples il y a presque toujours une perte d'indépendance, d'autonomie, de pouvoir et de sa propre identité pour la femme.

— Les réunions de célibataires ?

J-L: Je sais d'avance qu'après je vais dormir seul — Un présupposé : " ce ne sera pas l'aventure ".

B: Les groupes-hommes les enrichissent — Prendre le thé ou le petit déjeuner ensemble — Partir en vacances, jouer aux cartes.

E: Les réunions de nous quatre — des moments chaleureux, un temps non angoissé. Un lieu pour réfléchir.

— La tendresse chez les célibataires ?

J-L: Une denrée rare — Il faut se déplacer, se bouger pour aller la chercher. Elle n'est pas à domicile. C'est dur car dehors il fait froid.

B: Tendresse entre hommes, ni homosexualité ni froideur — Une complicité qui s'exprime par un partage de moments, de gestes.

E: Pour moi, être célibataire c'est le manque. La recherche de la tendresse. Pendant des rencontres, je sens souvent la nécessité de cacher ce besoin, comme une chose honteuse.

— Le rapport social entre célibataires et gens mariés ?

J-L: Méfiance et envie — Célibataire = bête bizarre — Invitation avec un(e) autre célibataire de l'autre sexe = arrangement de mariage — Les garçons et les demoiselles d'honneur dans les mariages (cérémonie) — Envie de liberté.

B: Curiosité, étonnement de découvrir une manière de vivre très différente. Jalousie aussi, désir sexuel.

E: Je me sens marginalisé en présence des couples.

— Qu'est-ce que le " bonheur " pour un célibataire ?

J-L: C'est de s'aimer bien comme on est et de ne pas rêver ce qu'on n'est pas, à savoir un membre du couple ; autrement dit s'assumer.

B: S'apercevoir qu'on évolue, qu'on apprend à mieux se connaître, à mieux vivre avec soi et avec les autres — Se lever tôt un matin ensoleillé et se promener.

— Que représente un enfant pour un célibataire ?

J-L: Enfant = le temps qui passe et moi qui vieillis et qui ne suis pas comme tout le monde.

B: Un être lointain et qui attire parce qu'on sent qu'un enfant a besoin à partir d'un moment d'autres références que les parents ou les copains d'école. Un genre de tonton par exemple.

E: Deux côtés — Un enfant me montre ma liberté. Je n'ai pas d'enfant donc j'ai du temps, la possibilité de voyager, de rencontrer des gens. — En revanche, manque d'enfant me fait penser à une vie sans sens ; que je gaspille ma vie, que je ne fais pas de relations affectives.

— Les rencontres du célibataire.

J-L: Pour moi c'est le nouveau, de l'air, du nouveau et de la disponibilité pour ça.

B: Dominées par le hasard. C'est fondamental. Une rencontre chouette peut être le point de départ d'un nouvel itinéraire dans la vie quotidienne, d'une nouvelle façon de voir les rapports avec les gens — Rencontres pleines de poésie, d'étonnement.- La joie principale du célibataire pour moi.

— Le célibataire par rapport à l'homosexualité.

J-L: Vivre l'homosexualité ce serait pour moi un palliatif au manque de femme (actuellement) mais peut-être une occasion d'amour et de tendresse. Inespéré a priori.

B: Ce qui me fait peur, qu'on pense tout bas de moi.

E: Quand je suis en couple, je ne pense jamais à l'homosexualité. Maintenant, ça me fascine comme un moyen d'éviter toutes les crises de mon image.

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Revue TYPES  5 - Paroles d’hommes - 1983

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