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99 Recommandations Au Gouvernement Fédéral pour en Finir avec la violence faite aux femmes - Troisième Partie


Les autres forces qui, dans la hiérarchie sociale, alimentent le pouvoir des hommes sur les femme

Si un grand nombre d’entre nous ont conscience que les femmes pauvres, les femmes de couleur et les femmes autochtones sont plus susceptibles de faire l’objet d’actes ou de comportements violents, il nous est plus difficile, semble-t-il, de voir en quoi les hommes détiennent certains avantages par rapport à ces femmes et en quoi ces inégalités juridiques, sociales et économiques s’insèrent dans tout l’arsenal, de la violence. Chaque privilège établi, institutionnalisé (appartenance à la race dominante, position rofessionnelle) est en effet trop souvent utilisé contre les femmes. Aucun programme destiné à mettre un terme à la violence faite aux femmes ne pourra donner de résultats tangibles tant qu’il ne cherchera pas à briser ces rapports de pouvoir et à les transformer en, relations égalitaires. L’agresseur inconnu, déséquilibré et imprévisible serait la source de tous les dangers,. selon la propagande qu’on nous sert. Pourtant, l’un des moments les plus pénibles pour les femmes qui affrontent leur agresseur en cour, c’est au début des procédures, lorsque l’avocat de la défense présente son client comme "un membre éminent et respectable de notre société et de sa communauté".

Une combinasion destructrice: comment les hommes se servent du racisme pour agresser les femmes

Chaque politique, chaque mesure gouvernementale qui nous divise racialement désavantage les personnes autochtones et les personnes de couleur. Toute inégalité relevant de l’appartenance de race ou de classe complexifie et intensifie les inégalités déjà graves que subissent les femmes en tant que sexe. Au Canada, ce tissu de discriminations et d’inégalités favorise directement la violence masculine contre les femmes des minorités raciales.

Certains hommes profèrent des injures racistes et miment des stéréotypes racistes pendant quils agressent les femmes. Certains disent ouvertement qu’ils savent qu’ils ne risquent rien du fait des privilèges que leur confère leur appartenance raciale. D’autres encore utilisent leurs privilèges raciaux sans reconnaître que c’est une source de leur pouvoir.

De toute évidence, les hommes savent que les femmes devront combattre des stéréotypes et des pratiques racistes aussi bien que sexistes si elles essaient d’obtenir de l’aide ou de recourir à la justice. Comme le souligne l’des femmesAssociation des femmes immigrantes et des femmes des minorités visibles, dans le mémoire qu’elle a présenté au sous-comité parlementaire chargé &étudier la violence faite aux femmes en février 1991, "Les juges émettent constamment des remarques humiliantes sur les femmes victimisées; les remarques racistes sont chose courante." Dans les Territoires du Nord-Ouest les stéréotypes racistes et sexistes. sur les femmes Inuit abondent dans le discours et les pratiques judiciaires quand il s’agit d’affaires de viol. Pauktuutit, une organisation de femmes. Inuit a souligné devant le même comité parlementaire que dans le Nord, les juges parlent du viol des femmes comme si cela faisait partie de la culture de leur peuple, et que ce n’était donc pas un crime.

"Pour les gens de l’Est de l’Arctique, il n’existe de prime abord aucune limite d’âge quand il s’agit de relations sexuelles... La moralité ou les valeurs de ce peuple font en sorte que dès qu’une fille a ses premières menstruations, on considère qu’elle est prete a s’engager dans des relations sexuelles."

Une femme coréenne qui milite pour les femmes immigrantes à Vancouver a relaté au Comité canadien sur là violence faite aux femmes le cas d’une femme battue qui avait réussi à faire venir la police pendant un des accès de violence de son conjoint; tout ce qu’ont fait les policiers, c’est d’autoriser le mari violent de traduire les propos de sa femme, qui ne maîtrisait pas suffisamment l’anglais.

Même le racismes systémique dirigé contre les hommes des minorités contribue à menacer la sécurité des femmes de couleur et des femmes autochtones. Celles-ci subissent d’énormes pressions pour cacher les incidents violents aux autorités. Comme la souligné Glenda Simms (ex-présidente du Conseil consutatif canadien sur la situation de la femme, juin 1991).

"La violence contre les femmes est le principal problème de notre temps. Vous rendez-vous compte que certaines femmes noires préfèrent ne pas dénoncer l’homme qui les bat parce qu’elles savent que les hommes noirs sont victimisés par le racisme et la violence à tous les échelons du système judiciaire? Vers qui se tourner quand on n’a aucune confiance en ceux qui sont chargés de l’application de la justice?"

On sait que l’appartenance raciale est un plus grand facteur d’incarcération que la violence sexiste.

Les hommes de couleur utilisent parfois le racisme existant pour éviter d’avoir à subir les conséquences de la violence qu’ils exercent à l’endroit des femmes de couleur.Les femmes se font traiter de racistes quand elles définissent

leur comportement comme de la violence sexiste, quand elles dénoncent ou confrontent les agresseurs, quand elles prennent la parole dans leurs communautés, et quand elles s'organisent indépendamment des hommes.

Dans la plupart des cas rapportés aux centres d'aide aux victimes de viol, il s'agit d'agressions perpétrées par des hommes blancs contre des femmes autochtones, des femmes de couleur, des femmes immigrantes aussi bien que des femmes blanches. Très peu de femmes blanches dénoncent des agressions commises par des hommes autochtones ou des hommes de couleur. Si ces données peuvent en partie être attribuées au fait que les agresseurs s'attaquent surtout aux membres de leur propre famille, il semble également évident que les hommes agressent les femmes qui occupent une place inférieure dans la hiérarchie sociale canadienne, et que les femmes qui n'ont pas la couleur de peau adéquate sont les plus celles qu'on écoutera et qu'on protégera le moins.


RECCOMANDATIONS

44. Le droit et les lois doivent reconnître l'effet cumulatif du racisme dans la violence sexiste.

45. Les personnes de couleur et les personnes autochtones, et en particulier les femmes, doivent pouvoir accéder, par l'intermédiaire d'un Programme de contestation judiciaire renouvelé, aux ressources financières nécessaires pour contester, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, toute loi ou décision judiciaire qui ne favorise pas légalité raciale.

46. Comme la violence sexiste menace les femmes dans toutes les régions du monde, et comme les États contribuent à alimenter cette violence, il convient d'inclure le sexe dans la définition du terme réfugié selon la Convention. L’application des lignes directrices émises par le gouvernement fédéral à l'intention des agents d’immigration et concernant les demandes du statut de réfugié émanant de femmes qui allèguent la persécution fondée sur le sexe, doit devenir obligatoire (cette application reste actuellement discrétionnaire).

47. Les cours d'anglais, de français et autres programmes de formation doivent être ouverts aux femmes, qu'elles fassent ou non partie des groupes cibles de l'aide gouvernementale.

48. Le gouvernement fédéral doit mettre à la disposition des femmes qui ont été agressées et font affaire avec la police, les bureaux des procureurs de la couronne, les tribunaux et les services d'urgence pour femmes, des services de traduction et d’interprètes.

49. Toute consultation menée avec les collectivités doit prévoir une représentation adéquate des groupes féministes de défense des intérêts des femmes de couleur, des femmes autochtones et des femmes immigrantes. Les critères minimaux régissant cette représentation doivent être fixés en fonction de la population.

50. Il faut prevoir des mesures destinées à contrer le racisme systémique de l'appareil de justice pénale dans tous les programmes destines à faire progresser l'égalité des femm es ou à libérer les femmes de la violence sexiste criminelle qu’elles subissent.

51. Le nombre disproportionné d’hommes de couleur et d’hommes autochtomes accusés et incarcérés pour des crimes perpétrés contre les femmes doit être considéré non pas comme un reflet fidèle de la réalité, à savoir qui comment ces crimes et qui ne les commet pas, mais plutôt comme le fait que le système ne sanctionne pas les hommes blanc plus privilégiés.

52. Le nombre disproportionné de femmes de couleur et de femmes autochtones dans les prisons canadiennes et les cours de justice doit être interprété comme une conséquence de la pauvreté et de la violence cumulées que subissent ces femmes. Il faut adopter des programmes délibération et de sursis; même si ces femmes sont représentées dans les institutions carcérales en nombre disproportionné, elles constituent rarement un risque pour la population canadienne.

53. Le gouvernement fédéral doit dégager des fonds pour financer, comme il l'a promis, la création de maisons de transition dans les communautés autochtones et dans les réserves. Les refuges, ainsi que les budgets octroyés, doivent être contrôlés par les groupes de femmes autochtones et les femmes qui vivent dans ces collectivités. Le gouvernement doit organiser des consultations avec les organisations nationales de femmes qui défendent les intérêts des femmes autochtones, comme l’Association des femmes autochtones du Canada, Pauktuutit, etc.

54. Le gouvernement fédéral doit octroyer des fonds aux groupes de femmes afin qu'ils mettent sur pied des services d'aide et des programmes spéciaux organisés par et pour les femmes de couleur et les femmes immigrantes.


Les hommes professionels se servent de leur position pour agresser des femmes

Les hommes qui travaillent dans les "professions d’assistance à l’individu" disposent d’un accès et de pouvoirs particulièrement importants sur les femmes, et un nombre considérable d’entre eux s’en servent au détriment des femmes. Les médecins, les thérapeutes, les professeurs, les ecclésiastiques, les policiers et les formateurs sont les catégories les plus souvent visées dans les témoignages enregistrés par les groupes de femmes. Le Groupe de travail du Collège des médecins et chirurgiens de l’Ontario a entendu les témoignages de femmes victimes du comportement abusif d’avocats,. de professeurs, de dentistes, d’optométristes, de membres, du clergé, etc.

De par leur position, ces hommes ont accès à un grand nombre de victimes potentielles. Lorsque le Vancouver Rape Relief a rendu public le cas d’un professionnel de la santé, fi a recu 40 appels de femmes qui déclaraient avoir été agressées par ce meme homme.

L’arme première de ces hommes, c’est le respect et l’autorite exceptionnels notre sociéte leur accorde du fait de leur profession. Sous prétexte d’un intérêt purement professionnel, certains recourent à des questionnaires et des entrevues pour recueillir des informations personnelles (situation financière relations interpersonnelles, faiblesses physiques et mentales) dont ils tirent profit par la suite. Ils ont généralement suffisamment de pouvoir dans leur lieu de travail pour éloigner secrétaires, réceptionnistes et collègues, dont Ia presence pourrait s’avérer dissuasive.

Certains procèdent en utilisant l’information recueillie pour manipuler leur cliente; d’autres prétendent que les actes sexuels qu’ils imposent font partie de leurs méthodes thérapeutiques; d’autres agressent simplement les femmes, sachant que leur appartenance à une association professionnelle, leur position sociale et l’information qu’ils possèdent leur permettront facilement d’intimider leurs victimes et d’échapper aisément à toute sanction sociale ou judiciaire.

Dans toutes les régions du pays, les femmes ont porté plainte auprès d’églises, des collèges et corporations de médecins et autres associations professionnelles, sans résultats satisfaisants. Les associations professionnelles qui ont passé contrat avec le gouvernement pour administrer elles-mêmes leurs propres codes et commissions d’éthique, s’adonnent encore trop souvent à protéger leurs membres d’abord et avant tout. Dans certaines provinces, les plaintes reçoivent un traitement plus sérieux, mais il n’existe nulle part de programmes de prévention. Il arrive que certains professionnels qui ont été reconnus criminellement coupables d’agressions contre des femmes poursuivent leur pratique, avec les mêmes risques pour leurs clientes. Rares sont ceux qui ont été interdits de pratique sans avoir été reconnus coupables d’infraction criminelle, alors que les associations professionnelles ont le pouvoir de le faire. Ces dernières n’ont guère pris de mesures pour élaborer et promouvoir des modes d’organisation de la pratique professionnelle qui préviennent ce ripe de violence et d’abus de pouvoir.


RECOMMANDATIONS

55. Les associations professionnelles devraient se doter de critères plus sévères que ceux du système de justice pénale. Les hommmes professionnels devraient perdre leur permis de pratique dès qu’ils sont soupçonnés de comportements abusifs, à cause des privilèges considérables rattachés a ces professions.

56. Les professionnels ne devraient pas avoir là possibilité d’échapper a d’éventuelles sanctions en déménageant d’une province à l’autre.

57. Il faut que les associations professionnelles rende compte devant les commissions d’enquête publiques lorsqu’elles sont accusées de protéger leurs membres contre une enquête criminelle. En outre, le gouvernement fédéral doit nommer avec diligence de telles commissions d’enquête publiques.

58. Le gouvernement fédéral doit faire en sorte que les femmes aient accès à des services de consultation et d’aide juridique afin de pouvoir intenter des actions en justice aux niveaux criminel et civil contre les professionnels et leurs associations.

59. Les femmes doivent être représentées par un procureur indépendant lors des procédures de grief utilisées habituellement par les associations professionnelles. Après l’enquête préliminaire, toutes les audiences devraient être publiques.

60. Le gouvernement fédéral doit utiliser ses pouvoirs pour obliger les associations professionnelles à concevoir des environnements de travail qui préviennent toute possibilité d’agressions.


Les hommes agressent les femmes qui gagnent du terrain en matière d’égalité et d’intégration

Les supérieurs hiérarchiques, les éducateurs, les hommes qui parrainent des immigrantes, les étudiants et les travailleurs utilisent la violence physique et sexuelle pour menacer, ou empêcher les femmes de poser leurs propres choix en ce qui regarde leur situation financière, leur emploi, leur instruction ou leur façon de s’organiser politiquement.

Certains hommes exigent des faveurs sexuelles de femmes qui détiennent déjà un statut universitaire, juridique ou économique (emploi) important. Si les femmes refusent leurs avances, ils les menacent de leur faire perdre leur emploi, de les discréditer dans les milieux universitaires, ou encore d’intensifier leurs actes de violence à leur égard.

Certains de ces hommes déclarent ouvertement qu’ils s’attaquent à ces femmes parce qu’ils n’acceptent pas qu’elles puissent progresser sur le terrain des qualifications professionnelles, de l’instruction ou de l’emploi. Les groupes de femmes reçoivent un grand nombre d’appels de femmes agressées pour avoir transgressé un "seuil invisible" ou pour avoir mis le pied dans des chasses gardées masculines.

Certains hommes agressent les femmes parce qu’elles participent au mouvement de résistance croissant contre la violence sexiste et la domination mâle. Dans pratiquement chaque ville du pays, on a assisté à de féroces campagnes de harcèlement physique ou sexuel contre les jeunes femmes et leurs organisations. Des femmes qui intervenaient au nom de femmes battues ont été agressées.

Dans toutes les grandes universités et collèges, les femmes se sont organisées pour défendre leurs droits. Souvent, on a cherché à les faire taire en les menaçant ouvertement ou implicitement de violence sexuelle. Bon nombre de leurs efforts leur ont valu des représailles de la part tant des étudiants que des administrateurs. De toute évidence, il y a un rapport direct et immédiat entre la façont dont administrateurs et professeurs parlent du mouvement de libération des femmes et l’attitude des étudiants; s’il s’agit de propos hostiles, les étudiants se sentiront autorisés à traiter avec mépris les femmes qui les entourent, pensant avoir l’aval des autorités pour le faire.

Il existe aussi un rapport direct entre les progrès réalisés par les femmes dans un milieu et le traitement qu’on leur réserve. Les études menées sur la situation des femmes dans le milieu des entreprises révèlent qu’aussitôt que leur représentation atteint des pourcentages de 15 à 20%, la résistance des hommes s’intenisifie. Une fois un certain seuil franchi, l’agressivité subsiste et le harcèlement diminue.

Au Canada, certains hommes, s’attaquent spécifiquement à des femmes qui cherchent à améliorer leur situation économique et leur situation d’immigrantes en acceptant de travailler comme domestiques au travailleuses agricoles. Les aides domestiques étrangères, en vertu de la loi canadienne, sont tenues de résider au domicile de leur employe ur, ce qui les prive de tout moyen d’échapper à d’éventuelles agressions sexuelles. Malgré, les nombreuses demandes d’aide des groupes de femmes, nous savons qu’il n’existe aucun recours criminel efficace en cas d’agressions et sévices subis par une travailleuse domestique. Comme les travailleuses agricoles, leur situation de travailleuses non protégées et en attente du statut d’immigrantes les prive concrètement de tout recours juridique contre leurs employeurs.


RECOMMANDATIONS

61. Il est du devoir du gouvernement fédéral de favoriser une complète intégration des femmes dans chaque établissement d’enseignement sous sa juridiction ou son influence. Les femmes doivent être dûment représentées au sein du personnel et du corps enseignant ainsi qu’au niveau des effectifs étudiants. Les femmes ne reviendront pas en arrière, et leur intégration rapide pourrait avoir pour effet de réduire la violence masculine exercée contre elles.

62. L’ intégration des femmes dans chaque entreprise ou lieu de travail sous contrôle ou juridiction du gouvernement fédéral est une priorité immédiate, à tous les échelons. Les femmes n'abandonneront pas leurs acquis en matière d'équité en emploi et d'accès à l'emploi. La violence en milieu de travail peut être réduite par des mesures d'intégration rapides et sévères. Même en l'absence de violence, l'attitude d'un gouvernement fédéral qui, en tant qu'employeur, refuse de traiter les femmes de façon égalitaire et équitable, met les femmes en difficulté et attise leur colère.

63. Le gouvernement fédéral doit légiférer en matière de protection des normes de travail des employées domestiques et des travailleuses agricoles, et abolir immédiatement les dispositions qui, en obligeant les travailleuses domestiques à résider chez l'employeur, donnent aux employeurs masculins une plus grande latitude pour exercer de la violence contre ces femmes. Il faudrait garantir les droits à l'immigration de ces femmes en leur octroyant le statut d'immigrante reçue au moment de leur entrée au Canada.

64. Le gouvernement fédéral doit.donner plus de poids aux dispositions législatives relatives au harcèlement sexuel en faisant respecter par l'intermédiaire des lois sur les droits de la personne, le droit des femmes à un milieu de travail sécuritaire.

UP