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99 Recommandations Au Gouvernement Fédéral 
pour en Finir avec la violence faite aux femmes

Quatrième Partie


La violence dans les collectivités et les quartiers

Dans les années 90, des éléments conservateurs au sein du gouvernement fédéral se sont mis à répandre l’idée que l’on peut prévenir la violence faite aux femmes en intervenant uniquement à l’échelon local, au niveau communautaire. Certes, les féministes ont commencé à travailler dans des centres locaux, et continuent à le faire pour de multiples raisons. Nous savons qu’on peut rendre les collectivités et les quartiers plus sûrs et plus conviviaux pour les femmes, mais il reste que le succès des initiatives locales dépend des mesures adoptées à l’échelon supérieur, au niveau du gouvernement central. Les politiques du gouvernement fédéral contrôlent une foule de facteurs qui déterminent les conditions régnant à l’échelon local: logement programmes sociaux pour les démunis, les malades, les-personnes âgées et handicapées, emploi et revenu, immigration, autodétermination pour les peuples autochtones, lois visant à restreindre les pratiques discriminatoires et oppressives, a l’égard des femmes, des autochtones et des personnes de couleur, financement de projets et programmes susceptibles d’améliorer les choses et d’établir des normes nationales permettant à toutes les Canadiennes et tous les Canadiens de profiter d’une certaine sécurité sociale.

La décentralisation, le fait de confier aux administrations municipales les responsabilités dévolues au gouvernement fédéral, ne peut avoir d’effet positif quand, comme c’est actuellement le cas, elle ne s’accompagne pas d’une décentralisation des budgets et des pouvoirs qui permettraient aux gens, dans leurs propres municipalités, de faire de leurs quartiers et localités des endroits où on peut vivre dans la paix et l’égalité, ou de coordonner leurs efforts avec d’autres municipalités pour faire de notre pays une société vivable et juste.

En l’absence de politiques progressistes au niveau canadien, il est illusoire de penser que les mesures locales peuvent suffire. Les facteurs qui alimentent l’oppression sont internationaux, et il faut s’y attaquer au plus haut niveau. Mais même lorsqu’il en existe déjà, il faudra aussi des mesures à caractère local pour combattre la discrimination à l’égard des femmes qui permet et encourage la violence sexiste.

La situation entourant la prostitution l’illustre clairement. La position la plus favorable aux femmes consiste, de toute évidence, à décriminaliser complètement la prostitution, mais aucun parti fédéral ne l’a adoptée. Les féministes savent que ce n’est pas en recourant à la loi pour harceler les femmes qu’ on contribuera en quoi que ce soit à faire disparaître le commerce sexuel. Tout ce qu’on fait, c’est tournenter des femmes sans ressources en les piégeant dans un cercle infernal d’hommes qui les agressent et les exploitent: clients, souteneurs, brigades des moeurs, avocats, juges, agents de probation, agents de recouvrement, etc. Si le gouvernement fédéral décidait de décriminaliser entièrement la prostitution, la moitié de ces hommes disparaîtraient de ce manège de la violence.

Resterait à régler le problème des femrnes qui se prostituent pour gagner leur vie. Tant que les femmes ne disposeront pas de revenus et de possibilités d’emploi, lé problème restera entier. Tant que l’on encouragera le tourisme sexuel, lé problème s’entensifiera dans les lieux de villégiatures et les sites touristiques à travers le pays. Tant que le gouvernement tolèrera que les unités militaires americaine viennent passer leurs permissions dans nos cités, il faudra s’attendre à ce que ces hommes cherchent à se procurer des femmes à acheter. Tant que les femmes de couleur, les femmes autochtones et les femmes handicapées devront supporter le fardeau des pertes d’emploi et de l’oppression, le nombre des prostituées exposées à tous les dangers dans les rues et harcelées en notre nom par le système, augmentera.

En l’absence de réformes systémiques, les problèmes de condoms, de bruit et de guerres de territoires persisteront dans les quartiers. Ces problèmes ne pourront être résolus tant qu’on ne s’attaquera pas aux problèmes plus larges.

C’est la même chose en ce qui concerne les besoins locaux des femmes handicapées des femmes qui vivent avec des conjoints violents, des femmes qui élèvent des enfants, des femmes célibataires, des lesbiennes, des femmes qui essaient d’entretenir leur culture locale, les femmes immigrantes qui cherchent à habiter dans les quartiers sûrs. Les politiques fédérales ont un impact considérable et aucune intervention locale, aussi ouverte, aussi généreuse soit-elle, ne pourra à elle seule résoudre les problèmes.

Le travail de sensibilisation et d’éducation des hommes en ce qui concerne leurs rapports avec les femmes nous pose le même problème, qu’il s’agisse des enfants d’âge scolaire, des jeunes des rues, des policiers ou des juges. Bien sûr, tout programme destiné à promouvoir chez les élèves des écoles un comportement non violent et respectueux à l’endroit des femmes ne peut être qu’une bonne chose. Mais devant l’invasion de la télévision américaine et de l’image commercialisée qu’elle donne des femmes, des rapports interraciaux, des normes sociales, de la loi et de l’ordre, il faudra de toute évidence l’intervention de tous les paliers de pouvoir, et certainement du pouvoir central, pour faire changer les mentalités. Il nous faut des médias, des maisons édition, des chaînes de télévision et des maisons de production de films qui reflètent là réalité canadienne et fàvorisent des solutions canadiennes à ces problèmes.

Les hommes profitent des rencontres sociales pour agresser les femmes 

Selon les témoignages des femmes, dans 65 à 75% des Cas, les hommes qui les ont agressées étaient des connaissances, qui ont profité d’une situation de socialisation pour les attaquer. Dans le même sens, les agresseurs profitent des problèmes de logement, de l’insuffisance des espaces sociaux et de la pauvreté, qui rendent les relations sociales normales si dangereuses pour les femmes.

Des hommes attaquent leurs voisines, leurs amies et les femmes qui appartiennent à leur milieu ou groupe social. Dans la rue, ils isolent des prostituées pour les agresser verbalement, physiquement ou sexuellement. La plupart des femmes rapportent que les policiers et les procureurs rejettent souvent leurs plaintes, simplement parce qu’elles ont parlé, pris un verre ou dansé avec leur agresseur avant qu’il les moleste. Des hommes menacent, harcèlent et agressent les femmes qui sortent d’événements non mixtes ou de soirées ou manifestations pour lesbiennes.

Les municipalités et les fonctionnaires chargés de l’application des lois traitent les prostituées comme des femmes sans valeur, "à jeter". Ce n’est pas en ostracisant et en criminalisant les femmes de nos communautés qu’on mettra un terme à la prostitution; ces pratiques ne font qu’appauvrir davantage ces femmes en leur imposant des amendes et des frais judiciaires. Elles les stigmatisent, rendant leurs relations sociales ordinaires encore plus difficiles. Elles contribuent à les rendre vulnérables aux agressions des hommes qui les "achètent", aux agressions des hommes qui les défendent contre les autres hommes, et aux agressions des hommes qui prétendent défendre l’ensemble de la collectivité contre les prostituées.

Lorqu'un inconnu est dangereux

Le fait que les femmes soient privées des ressources et ouvertures sociales et économiques qui leur permettraient d'être moins vulnérables, accroît le pouvoir d'agression des hommes. Selon nos sources, entre 10 et 15% des femmes qui appellent les centres d'aide aux victimes de viol ont été agressées par des hommes qu'elles ne connaissaient pas. Ces Prédateurs surveillent les activités quotidiennes de leurs victimes et profitent des occasions qui se présentent.

Les femmes relient ces agressions à la pauvreté qui leur est imposée, au racisme sexualisé et à la discrimination exercée contre les femmes ayant un handicap. Les hommes ciblent soigneusement celles qui sont vulnérables: les femmes qui semblent confuses, faibles, perdues, seules, handicapées. Souvent, il s'agit de femmes qui auront de la difficulté à obtenir des mesures de protection ou de redressement de la part du système judiciaire: femmes pauvres, femmes de couleur, prostituées.

Les agresseurs commettent leurs exactions dans la rue, dans les transports en commun aux heures creuses, dans les logements mal protégés, dans des endroits publics non surveillés. Nous avons remarqué que les appels de femmes agressées par des inconnus augmentaient à l'occasion d'événements touristiques ou sportifs organisés dans les villes.

Il existe des hommes qui agressent systématiquement des groupes ou des catégories de femmes, sur le modèle de Jack l'éventreur. Ils engagent les médiass et les forces policières dans un jeu du chat et de la souris, qui met en péril la vie et le bien-être des femmes.

Nous savons que souvent, ces hommes ont déjà eu des contacts avec la justice pénale et les établissements psychiatriques, et que cette expérience a, à maints égards, façonné ce qu'ils sont. Nous savons aussi que souvent, des femmes les ont signalés à la police bien avant qu'ils commettent des crimes violents, mais sans succès.

Certains de ces hommes expliquent ouvertement qui'ils s'attaquent à des femmes inconnues pour les punir d'une faute imaginaire: le fait d'être des femmes, des prostituées, des femmes "immorales", des féministes.

Les groupes de femmes regardent avec inquiétude le gouvernement fédéral mettre sur pied une stratégie nationale de prévention du crime sous l'égide du ministère de la Justice, sans tenir compte des facteurs et des situations que nous venons de décrire. Aucune stratégie ne réduira la violence sexiste. Les agressions perpétrées par des inconnus sont la forme la moins fréquente de violence faite aux femmes; ce qui ne les empêche pas, toutefois, d'avoir des effets dévastateurs sur les femmes qui en sont victimes. Tant qu'on changera pas véritablement les conditions qui rendent les femmes vulnérables, il n'y aura pas grand espoir d'amélioration. À cause du refus des pouvoirs publics de coopérer avec les organismes de femmes qui travaillent dans ce domaine, les programmes de prévention du crime ne seront qu'une autre perte de temps et d'énergie.

L'utilisation des armes

On compte plus de femmes blessées par balles que d'hommes. Les agresseurs utilisent fréquemment des armes à feu contre des prostituées, contre leurs épouses, leurs exconjointes et contre les féministes. Le contrôle des armes à feu ne peut restreindre que dans une proportion infime le pouvoir d'agression des hommes. Ceux-ci utilisent aussi des couteaux, des arbalètes, des bouteilles, des tournevis, et leurs poings. Le moyen le plus efficace, le plus radical, pour empêcher les hommes de contrôler, d'agresser et de tuer des femmes, consiste à réduire les inégalités sociales et juridiques qui donnent aux hommes un pouvoir sur les femmes.

Les femmes savent que l'approche "Loi et ordre" adoptée pour combattre la violence sert à justifier l'augmentation de l'arsenal dont disposent les policiers et le développement de milices de "vigilants", sans réduire en quoi que ce soit la violence sexiste exercée contre les femmes et les enfants. Le maintien de l'ordre dans le style paramilitaire a déjà coûté la vie à trop de personnes. Et trop souvent, il s'agissait de la vie des enfants de femmes autochtones et de femmes de couleur.

Les gouvernements, les tribunaux et les corps policiers dissuadent activement les femmes de résister par l'autodéfense aux agresseurs, et punissent les femmes qui se sont défendues et ont défendu leurs enfants. Ce qui, en fait, a réduit les meurtres conjugaux, c'est l'existence des refuges et maisons de transition. Il est clair que les femmes préfèrent échapper à la situation qui est la leur quand elles en ont la possibilité.

L'utilisation de la pornographie

Les hommes humilient, agressent et tuent des femmes et des enfants devant des caméras vidéo, pour leur gratification sexuelle et pour en tirer profit. Les femmes qui se sont retrouvées piégées dans l'industrie pornographique dénoncent les sévices qu'elles ont subis. Jusqu'ici, la plupart de ces témoignages proviennent des Etats-Unis; ils mettent rarement en cause des producteurs canadiens. Mais le fait que les victimes, soient américaines n'enlève rien à l'intensité de la violence masculine contre les femmes.

Les hommes se servent de matériel pornographique pour intimider et harceler les femmes. L'existence d'un magasin de matériel ou de vidéos pornos dans un quartier dérange et menace les femmes et restrient 1eur marge de manoeuvre, mais en général, l'usage de la porno est plus direct: certains hommes déposent du matériel pornographique sur le seuil des maisons, en expédient par la poste, selon un rituel de harcèlement bien souvent mêlé de racisme.

Certains hommes se servent de la pornogr aphie comme d'un catalogue de pratiques sexuelles qu'ils se sentent en droit d'expérimenter, aussi brutales et destructives qu'elles puissent être pour des femmes et des enfants. Il est extrêmement fréquent, durant les viols, que les agresseurs obligent leurs victimes à "jouer" des scènes qu’ils ont vues dans des vidéos ou des images pornographiques.

Les jeunes gens, et de plus en plus les jeunes femmes, utilisent la pornographie comme une source de matériel d’éducation sexuelle. D'un autre côté, on trouve des hommes qui agressent des femmes parce qu'elles possèdent dumatériel d'éducation sexuelle.

La décision de la Cour Suprême dans l’ affaire Butler nous offre, en tant que collectivité, la possibilité d'explorer de nouveaux moyens de combattre la pornographie, à partir d’une définition fondée sur les dommages qu'elle entraîne plutôt que sur l'obscénité.

Nous savons que la police et les fonctionnaires des douanes confisquent du matériel gai et lesbien, et non le matériel destiné aux hommes hétérosexuels. Le gouvernement fédéral refuse également de prendre une quelconque initiative en ce qui concerne la protection des artistes, du matériel d'éducation sexuelle et des femmes qui cherchent à faire appliquer de façon progressiste la décision Butler.


RECOMMMDATIONS

65. Tous les programmes locaux de sécurité communautaire et de prévention du crime financés et\ou soutenus par le gouvernement fédéral doivent être examinés au préalable par les groupes de femmes pan-canadiens, qui vérifieront dans quelle mesure ils peuvent rendre les femmes moins vulnérables à la violence sexiste.

66. Le gouvernement, fédéral doit totalement décriminaliser la prostitution. 

67. Le gouvemement fédéral doit intervenir pour que cesse la ghettoisation des prostituées par la police dans certaines quartiers. Cette pratique sert les intérêts de la police à court terme, ceux des spéculateurs et promoteurs immobiliers et elle compromet la tranquillité des residents. Il faut démanteler les brigades des moeurs qui s'occupent de la prostitution.

68. Le goivernement fédéral doit soutenir et financer les efforts des municipalites qui cherchent a promouvoir l'égalite des femmes.

69. Le gouvernement fédéral doit s'engager à développer des unités d'habitation a prix modique et sécuritaires pour toutes les femmes: les femmes handicapées, les femmes qui élèvent des enfants, les femmes âgées, les étudiantes, les femmes à faibles revenus. Ces logements doivent être conçus en tenant compte des besoins des femmes en termes de sécurité et de vie privée, tout en assurant la possibilité de contacts sociaux sans danger.

70. Il faut demander aux services de police et aux représentants du ministère public d'enquêter convenablement et de porter des accusations quand les femmes dénoncent des agressions commises par des voisins, des membres de leur club social, etc.

71. Le gouvernement fédéral, en collaboration avec les médias canadiens, doit annoncer la tenue de débats sur les dangers du traitement médiatique des crimes et sur l'éthique journalistique, en particulier en ce qui concerne les crimes violents commis contre les femmes et les enfants; on pense surtout à la façon dont on transforme les violeurs et les auteurs de meurtres en série en "héros démoniaques". Il faut priver les agresseurs de toute possibilité de manipuler la situation.

72. Le gouvernement fédéral doit encourager les pouvoirs publics municipaux et régionaux à développer des transports en commun sécuritaires et efficaces, accessibles à toutes et tous, y compris aux personnes handicapées, aux femmes ayant des enfants en bas âge, aux travailleuses de nuit, etc.

73. Le financement fédéral de tous les grands événements touristiques ne doit être approuvé qu'après une évaluation et une analyse des risques prévisibles (en particulier les agressions avec armes à feu) pour les femmes résidant dans la ville qui accueille ces événements.

74. Aucun conseil national de prévention du crime ne sera mis Sur pied ou financé sans que l'on garantisse aux femmes que leurs organisations nationales pourront jouer un rôle au sein d'une telle instance.

75. Les budgets affectés parle gouvernement fédéral à la lutte contre, là violence faite aux femmes ne doivent pas être détournés à des fins de lutte contre les crimes contre là propriété ou pour alimenter un sentiment de sécurité, illusoire en disant aux femmes de ne pas avoir peur ou en leur faisant croire que le gouvernement agit pour réduire la criminalité dans les rues.

76. Les initiatives gouvernementales doivent partir du fait que c'est la vulnérabilité des femmes et des enfants, et en particulier la vulnérabilité des femmes autochtones, des femmes de couleur, des femmes enfermées dans le cercle vicieux de la pauvreté et des femmes handicapées, qui constitue le facteur sur lequel axer la prévention de la violence. Le gouvernement doit par conséquent financer directement l'amélioration des conditions de vie de ces femmes. Il ne doit pas allouer cet argent aux services de police, aux services correctionnels, aux programmes consistant à déléguer les responsabilités policières aux communautés, à des programmes destinés aux travailleurs sociaux, aux recherches sur les groupes vulnérables, ni à de nouvelles instances bureaucratiques. Ces mesures ne réduisent en rien les crimes violents perpétrés par des inconnus contre des femmes et leurs enfants.

77. Il faut restreindre et contrôler l'usage des armes à feu par les policiers. Jusqu'à présent, la police a causé plus de préjudices aux femmes qu'elle ne leur a apporté de protection d'éducation sexuelle et des femmes qui cherchent à faire appliquer de façon progressiste la décision Butler.

78. Il faut donner des directives aux corps policiers pour qu'ils interviennent en cas de menaces d’agression contre des ex-conjointes, des prostituées, des militantes qui défendent les intérêts des femmes, en prévoyant une alerte renforcée au cas où l'homme a une arme à feu. C'est dans ces occasions que les armes sont généralement utilisées contre les femmes et leurs enfants.

79. Un contrôle plus sévère des armes à feu sauverait des vies humaines et s'avère donc indispensable.

80. Le gouvernement fédéral doit s'engager à appliquer la décision Butler, et s'attaquer à la pornographie dans la mesure où elle porte préjudice aux femmes et aux enfants et où elle compromet l’égalité des femmes.

81. Le gouvernement fédéral doit financer la production de matériel d'éducation sexuelle positif à l'égard de la sexualité et des femmes destiné aux adultes et aux jeunes.

82. Le gouvernement fédéral doit garantir aux femmes l’accès à une aide financière leur permettant d’engagee des actions en justice contre les producteurs, les promoteurs et les distributeurs de matériel pornographique qui, à leur avis, leur cause torts et préjudices.

83. Le gouvernement fédéral doit protéger activement le producteurs de matériel artistique et de matériel d’éducation sexuelle contre toute attaque invoquant le motif dé l'obscénité.

Les hommes se servent de la justice pénale pour agresser les femmes

Notre système de justice pénale est discriminatoire à l'endroit des autochtones, des personnes de couleur, des pauvres et des femmes. Les hommes, et en particulier les hommes blancs nantis, sont avantagés par les mentalités, les politiques, les procédures et les dispositions législatives qui déterminent le fonctionnement de l'appareil. Cette discrimination systémique frappe particulièrement les femmes qui font appel aux services de police ou aux tribunaux pour se protér contre la violence sexiste au obtenir réparation. Elle passe outre à l'existence de la Charte des droits et libertés, qui a pour but de combattre et d'éliminer ces différentes formes de discrimination, qu'elles soient seuIes ou combinées. Lorsque les femmes ont cherché à obtenir l’aide financière nécessaire pour contester des lois ou des pratiques, le gouvernement fédéral a dépensé des fortunes pour défendre le statu quo, plutôt que de regarder si ces actions enjustice pouvaient contribuer à améliorer la situation des femmes ou la situation des groupes de femmes concernés (femmes de couleur, lesbiennes, femmes pauvres, femmes handicapées, prostituées ou femmes victimes de violence sexiste). Plutôt que d'éviter les frais encourus pour contrer chacune des contestations judiciaires engagées par les groupes opprimés, le gouvernement fédéral a préfère abolir le Programme de contestation judiciaire qui fournissait aux groupes désavantagés, y compris les femmes, l'aide nécessaire pour engager ces actions devant les tribunaux.

Un Système qui discrédite les femmes

L'appareil de justice pénale discrédite les femmes à tous les niveaux, de façon directe ou indirecte, et les femmes le savent. De 70 à 90% des femmes qui s'adressent aux centres d'aide ou aux maisons de transition ont déjà refusé d'engager ou de participer à des procédures criminelles, parce qu'elles savent qu'elles se heurteront à l'indifférence, à l'incrédulité, qu'elles seront discréditées et blâmées. Un grand nombre de femmes qui ont engagé des poursuites ou collaboré avec la justice se sont vues rejetées ou abandonnées par ce même système.

La police et les procureurs de la couronne se montrent très réticents à faire enquête et à intenter des poursuites dans les cas d'agressions à caractère sexuel. Plus les femmes sont susceptibles de faire l'objet d'agressions, plus il leur est difficile de dénoncer leur agresseur aux, autorités judiciaires. C'est le cas des femmes mariées, des enfants, des prostituées, des lesbiennes et des femmes avant un handicap physique ou mental. Les femmes pauvres et les femmes de couleur voient leurs possibilités encore plus réduites. Les femmes autochtones, on pense par exemple à Theresa Nahani, de l'AFAC, doivent vivre sans aucune protection de la loi.

Durant les enquêtes, les policiers menacent encore aujourd'hui les femmes de recourir au détecteur de mensonge (polygraphe), aux formulaires de consentement qui obligent les femmes qui ont porté plainte pour viol de fournir à la police leur dossier médical et leur dossier de counselling; les policiers les menacent également de les poursuivre pour avoir troublé la paix si elles ne parviennent pas à les convaincre du bienfondé de leur plainte.

Les femmes qui ont voulu engager des actions en justice contre leur père, qui les a agressées sexuellement durant leur enfance, se sont heurtées aux mêmes difficultés: on rie les a pas crues, on les a averties qu'il était trop tard pour intenter des poursuites et que ces causes ne constituaient pas une priorité.

Les policiers se réservent le droit de décider s'il est dans l'intérêt de la collectivité de porter des accusations. En quoi ne le serait-ce pas?

Les femmes et les militantes qui les défendent se heurtent à l'incompétence et au désintérêt d'un grand nombre de procureurs de la couronne, chargés d'engager des poursuites en cas d'infractions sexuelles. Trop souvent, les femmes qui veulent que la justice criminelle donne suite à leur plainte se font répondre: "On ne vous croit pas", ou encore: "c'est inutile de faire perdre du temps aux tribunaux parce qu'il y a peu de chances d'obtenir une déclaration de culpabilité".

Les magistrats autorisent encore l'admission en preuve du passé sexuel des femmes, même après l'adoption des nouvelles dispositions de protection des plaignantes (loi c-49). Les mêmes juges acceptent encore des témoins experts comme le Dr James Tyhurst dans les causes d'agression sexuelle, mais ne reconnaissent pas l'expertise des femmes qui travaillent en faveur de l'égalité.

Les avocats de la défense cherchent délibérément à mettre à jour les antécédents sexuels des femmes lors des procédures avant procès, quand les femmes sont moins protégées (la nouvelle loi ne restreint pas cette pratique à ce stade). Ils entreprennent des enquêtes sur la vie des victimes, afin de les discréditer, de les présenter comme "le genre de femme qui ne peut être violée, le "genre de femme non digne de foi" parce que foncièrement "mauvaise" ou "folle". Certains cherchent même à dire que si les femmes ont été agressées antérieurement, elles ne peuvent pas être des témoins crédibles dans le cas d'une nouvelle agression. Récemment, ils ont intensifié leurs demandes pour lever les ordonnances restreignant la communication de la preuve, ce qui leur donne accès aux dossiers de counselling des femmes. Il n'existe, en droit criminel, aucun critère, aucune théorie susceptible de garantir une certain équité dans les décisions. Les femmes dépendent du bon vouloir des juges et sont à la merci des avocats de la défense.

Un système qui les isole

Les femmes s'adressent aux centres de femmes parce qu'elles savent qu'elles ne sont pas responsables et qu'elles veulent se débarrasser d'un sentiment de culpabilité ou des doutes qu'elles nourrissent sur elles-mêmes. Comment pourraient-elles le faire sans en discuter? Les centres d'aide aux victmes de viol, les maisons de transition et les centres de femmes ne divulgueront pas le contenu de leurs dossiers, ce qui peut contribuer à diminuer le nombre de signalements, ou précipiter un nouveau conflit entre les tribunaux et les groupes de femmes.

De plus en plus, les avocats de la défense qui défendent les agresseurs envoient des sub poena aux intervenantes des centres d'aide et des maisons d'hébergement. Non seulement cette pratique s'avère inutile, parce que ces travailleuses accepteraient volontiers d'aider la justice à découvrir la vérité, mais lorsque la défense utilise cette tactique, elle le fait de toute évidence pour utiliser les centres d'aide au les maisons d'hébergement contre la victime ou, à tout le moins, pour s'assurer que les militantes qui défendent les femmes ne pourront pas intervenir en faveur de la victime.

Le système cherche encore à isoler les femmes. Il traite avec suspicion les militantes qui défendent les femmes survivantes de viol ou les femmes battues. On demande aux victimes si elles sont en contact avec les centres. On considère que les femmes qui assistent au procès accompagnées d'amies et d'alliées font de la subversion en posant le problème en termes politiques. On demande aux observatrices de quitter la salle d'audience. Mais les femmes savent qu'elles ont plus de chances de défendre leurs droits individuels en se regroupant.

Depuis quelques années, le système judiciaire fait l'objet d'une surveillance plus étroite, et a admis qu'il était biaisé et nourri de préjugés sexistes, de préjugés racistes et de préjugés de classe, et ce, partout au Canada. Les études montrent de façon accablante que les mythes, les préjugés et les stéréotypes sexistes sont profondément ancrés dans l'esprit d'un grand nombre de juges masculins, ainsi que dans le droit lui-même, comme l'a déclaré Mme Bertha Wilson, qui a siégé comme juge à la Cour Suprême.

Ces inégalités instituées, établies, permettent non seulement de camoufler et d'excuser les actes de violence à l'égard des femmes et des enfants qui sont signalés à l'appareil judiciaire, mais dans certains cas, elles favorisent les agressions violentes en permettant la libération d'hommes dangereux..

Les juges de toutes les instances émettent des opinions qui excusent carrément les auteurs d'àgressions et même les meurtriers. Le juge Gerald Coultras a déclaré un jour que les agressions perpétrées par un homme sur quatre femmes étaient "de l'ordre des caresses". Évidemment il ignorait que quarante autres femmes avaient dénoncé cet agresseur à un centre d'aide aux victimes de viol, mais il ne pouvait ignorer, en revanche, les quatre femmes indignées devant lui. Les juges ont blâmé les victimes, les accusant d'avoir provoqué la colère des hommes et de ne pas s'être pliées aux fantasmes masculins. Le juge Peter Van der Hoop a même déclaré une fillette de trois ans "sexuellement provocante".

La fabrication de monstres

Les établissements carcéraux et les commissions de libération conditionnelle présentent un dossier déplorable en ce qui concerne la sécurité des femmes et des enfants, comme en témoigne l'enquête sur la mort de Christopher Stephenson.

La prison ou les programmes pour agresseurs sexuels ou conjoints violents n'ont jamais réussi, à notre connaissance, à réhabiliter ces hommes. Le système carcéral brutalise davantage les rares contrevenants qui sont emprisonnés, pour les relâcher ensuite dans la collectivité, encore plus haineux et plus dangereux. On sait aussi par les témoignages des femmes que leurs conjoints peuvent continuer à les battre après avoir suivi des programmes pour conjoints violents ordonnés par le tribunal.

Si ces hommes sont brutalisés, c'est-sous la forme de traitements violents ou encore parce qu'on les amène à jouer un rôle dégradant et corrompu, comme mouchards ou informateurs dans les milieux criminels. Les cas de Clifford Olsen et de Joseph Fredericks en sont l'exemple le plus éloquent.

Une magistrature élitiste ou indépendante?

Le gouvernement refuse de réformer la magistrature, sous prétexte que c'est son indépendance qui est en jeu (comme si les femmes voulaient que les politiciens influencent les juges!). Mais ce que veulent les femmes, c'est qu'il y ait parmi les juges des gens qui leur ressemblent un peu plus. Il faudrait que les femmes de toutes les races et de toutes les classes sociales soient représentées dans la magistrature. Nous voulons que l'on élimine la discrimination, pou voir siéger les tribunaux un plus grand nombre de fémmes handicapées, de femmes immigrantes et de lesbienne.

Ce qui est peut-être encore plus important nous voulons que les juges soient nommés en fonctionde 1eur ouverture et de leur expérience en matière d'application des droits des femmes à l'égalité tels que définis par là Charte des droits et libertés, ainsi qu'en vertu de notre droit de ne pas avoir à subir des préjugés de classe et des préjugés sexistes, racistes et hornophobes.

Les politiciens pourraient demander au système judiciaire dr rendre des comptes, dans le cadre d'enquêtes publiques. Mais trop souvent, ils refusent de le faire. Le massacre de l'École Polytechnique, à Montréal, et la série de meurtres de prostituées à Vancouver, n'ont pas fait l'objet d'enquêtes publiques, alors que cela aurait été parfaitement justifié. Il arrive que des familles parviennent à forcer le gouvernement à instaurer une enquête publique, comme par exemple dans l'enquête Stephenson, mais elles ont dû recueillir par leurs propres moyens les fonds nécessaires pour défrayer le travail d'enquête et les procédures juridiques.

Au moment où les femmes ont commencé à ouvrir des maisons d'hébergement et des centres d'aide aux victimes de viol, il était évident que les services et de police et les instances judiciaires locales s'étaient arrangées pour ne pas recueillir les données exactes sur la violence faite aux femmes. On ne parle pas ici de simplement dénombrer les agressions. On sait par exemple que lorsqu'une femme appelait la police parce que son mari là battait, les policiers inscrivaient leur intervention sous la rubrique "querelle domestique". Il arrive aussi que les viols donnent lieu à des négociations de plaidoyer pour devenir des accusations réduites d'effraction. Même les meurtres de femmes sont camouflés.

Il faudrait au niveau fédéral compiler certaines informations. Il n'existe pas de fichier central des actions en justice portant sur la violence sexiste, ni de fichier central des jugements, ni de base de données sur les peines ordonnées par les juges.

Loi et ordre

La population, attend désespérément des changements, non seulement parce que la situation l'exige, mais aussi parce qu'on "sensationnalise" la violence et les dangers.

On nous dit que ce ne sont pas nos maris et nos père qu'il faut craindre, mais plutôt nos voisins, en particulier s'ils sont immigrants. 

Cet intérêt soudain pour des lois plus muscleés s’axxompagne souvent d’un accroissement des ressources financières et des pouvoirs des corps policiers et des services correctionnels. Lors d’un colloque sur la prévention du crime tenu en avril dernier, le ministre de la Justice a voulu faire entériner à la hâte des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants. Le Solliciteur général a annoncé également qu’il revenait à chaque corps policier local le droit de rendre ou non public le nom des personnes libérés des prisons. Il a déclaré que cette question necéssitait pas de mesure législative fédérale (le premier nom rendu public fut celui d’une femme).

Face au mécontentement actuel de la population à l'endroit des services de police en Amérique du Nord, ces derniers ont suggéré la mise sur pied de programmes de sécurité communautaire. On veut ainsi restaurer la confiance du public en créant des postes de police visibles un peu partout, etc. La police ferait partie de la communauté et la communauté devrait, se considérer elle-même comme investie d'une, mission de maintien de l'ordre. Cela peut parfois sembler progressiste, et par rapport à l'approche para-militaire, ça l'est effectivement. Mais les projets de sécurité communautaire au Canada n'abordent même pas la question de savoir en quoi ces nouvelles pratiques pourront réduire la violence faite aux femmes. Les quelques projets pilote mis en oeuvre n'ont amené aucun progrès pour les femmes, et ont permis en fait aux corps policiers d'affecter une part plus importante de leurs ressources aux crimes contre la propriété, au détriment des services disponibles aux femmes qui appellent à l'aide.

Ces dernières années, on a alloué aux services de police des budgets et des programmes qui donnent l'impression que la police donne des services de soutien aux victimes. Mais les gens sont de plus en plus conscients des problèmes que pose cette approche, et se demandent dans quelle mesure les services de police peuvent répondre aux besoins des victimes:

"Regardons ce qui se passe quand nous essayons de mettre sur pied des services "génériques" ... nous devons tenir compte d'une analyse du pouvoir... mais nous ne-voulons pas tomber dans le piège de l' homogénéisation de nos services et ne plus tenir compte des différences...des différences qui sont, dans une large mesure, fondées sur l'analyse de qui détient le pouvoir, et quels sont les objectifs du programme en ce qui regarde la répartition égalé du pouvoir." Linda Light, 1992.

Les groupes de femmes ont contesté dès le début le concept et la mise en oeuvre des Programmes d'assistance aux victimes. Ils se sont rendu compte que si le gouvernement soutient financièrement et politiquement ces programmes, c’est pour favoriser l’utilisation du système de justice pénale dans réformer ce dernier.

Les intervenants judiciaires cherchent à donner l’impression que les groupes de femmes font partie du mouvement de défense des victimes. Mais il y a une différence fondamentale. Les groupes de femmes savent que si certaines femmes sont victimisées, cela set à restreindre les droits et libertés de toutes les femmes. Notre lutte contre la victimisation s’inscrit dans notre lutte pour la liberté et l’égalité. Nous ne militons pas seulement pour que les victimes aient le droit d’être mieux traitées. L’objectif, c’est qu’il n’y ait plus de victimes.

Les services offert aux victimes enterrent la dimension sexuelle des crimes, en particulier quand il s'agit de violence sexiste contre les femmes, et ils peuvent aussi être utilisés pour minimiser et supplanter le travail qu'effectuent les groupes autonomes de femmes. Même certains eprésentants du gouvernement commencent à reconnaître l'inéquité inhérente à cette approche:

"Il faut être prudent avec les mouvements de défense des victimes, parce qu'en définissant les gens comme des victimes, nous pouvons créer des bureaucraties chargées de s'occuper de cette victimisation, et je ne veux pas voir des bureaucraties se bâtir su la souffrance des femmes du Canada." Glenda Simms, 1992.


RECCOMANDATIONS

84. Le gouvernement fédéral doit réagir aux contestations judiciaires sur la constitutionnalité de certaines lois en collaborant activement aux efforts entrepris pour faire progresser l'égalité des femmes. Il doit faire en sorte qu'à l'avenir, les opinions et arguments juridiques qu'il avance soient conformes à l'objectif d'éliminer les inégalités que subissent les femmes.

85. Le gouvernement fédéral doit réviser de façon systématique les lois actuelles qui touchent à la violence faite aux femmes, et ce, en consultation avec les groupes de femmes pan-canadiens qui interviennent sur cette problématique: l'Assodation canadienne des centres d'aide de lutte contre lés agressions à caractère sexuel, les associations de maisons de transition, le FAEJ, l'Association nationale de la femme et le droit, étc. Il faut rendre ces dispositions plus efficaces en les étudiant comme un tout.

86. Il faudrait réformer les processus de nomination et de sélection des juges, pour que ces derniers soient représenatifs des différents composantes de la population. La même mesure doit s’appliquer aux commissions de services juridiques, aux commissions d’élaboration et de réforme du droit. IL faut appliquer des normes d’équité en emploi en ce qui concerne la nomination des magistrats de toutes les instances judiciaires, quasi-judiciaires ainsi que des tribunaux administratifs.

87. Il faut nommer un plus grand nombre de féministes au sein de la magistrature. Les critères et procédures doivent être modifiés, pour que le féminisme devienne un facteur positif, et non négatif, dans là sélection des juges.

88. Il faudrait établir de nouvelles procédures pour la nomination des juges à là Cour Suprême, afin d'assurer une représentation des femmes. Les dossiers présentés par les candidats et candidates devraient être rendus publics, les femmes devraient être autorisées à émettre des recommandations et à interroger directement les candidats et candidates.

89. Il faudrait établir un mécanisme public en matière de nomination des magistrats à toutes les instances, et un mécanisme de surveillance qui pourrait appliquer des sanctions disciplinaires graduelles et avoir le pouvoir de suspendre les juges.

90. Les plaintes émises contre la magistrature devraient, après une enquête préalable, faire l'objet d'audiences publiques.

91. Il faut que la population puisse participer aux mécanismes chargés de la nomination, de la formation et du contrôle du personnel judiciaire. Il faut que les citoyennes et citoyens ordinaires puissent y intervenir et peser sur les décisions. Les nominations politiques ne doivent pas représenter plus de 50% des nominations dans les conseils de la magistrature. Nous préconisons l'indépendance de la magistrature, et nous estimons qu'elle n'existe pas et qu'elle ne pourra pas exister sans une réforme fondamentale et sans mécanismes de contrôle public permaments.

92. Sur le plan budgétaire, il faut réorienter les priorités au sein de l'appareil judiciaire, pour que les procureurs de la couronne qui intentent des poursuites dans les affaires de violence faite aux femmes, aient le temps, l'expérience et les ressources nécessaires pour s'acquitter de leurs fonctions, ce qui implique qu'on investisse moins de temps et d'argent dans les crimes contre la propriété et la criminalisation des femmes.

93. Les juges canadiens ont de plus en plus tendance à s’en remettre à des "experts" appartenant à des professions généralement hostiles aux femmes et aux préoccupations des femmes. C’est le cas des psychiatres. Les juges ne doivent pas déléguer à d’autres leur responsabilité de déterminer des faits et des questions de droit.

94. Lorsque les juges confèrent autorité ou expertise à des témoins en matière de violence faite aux femmes, ils doivent y inclure des femmes qui oeuvrent pour la liberté des femmes et qui connaissent bien l'expérience des femmes. Personne n'a autant d'expertise que les travailleuses des services de première ligne.

95. Il faut que la population puisse exercer un contrôle plus serré sur les corps policiers. Les organes indépendants de citoyennes et citoyens doivent avoir autorité pour enquêter, tenir des audiences publiques et réagir aux pratiques et procédures policières.

96. On n'a jamais réglé, et on ne règlera jamais la violence sexiste en augmentant les effectifs policiers, les pouvoirs et les budgets de la police. Il faut plutôt réformer les modes de fonctionnement des services de police. Le gouvernement fédéral, dans le cadre de ses stratégies de prévention du crime, doit faire en sorte que les services de police, dans chaque ville ou communauté du Canada:

a. Donnent la plus haute priorité aux appels émanant de femmes aux prises avec la violence;
b. Donnent des directives à leurs agents pour que, lorsqu'ils entament leur enquête, ils accordent foi aux propos des femmes et prennent pour acquis que ces dernières ont une idée exacte des dangers qu’elles encourent.
c. Coopèrent avec les centres d’aide aux victimes de viol et les maisons de transition pour assurer la sécurité des femmes.
d. Le goivernement ne doit plus financer les programmes d’assistance aux victimes administrés par les services de police. Les femmes ont plutôt besoin de services indépendants pour les aider et défendre leurs intérêts.

97. Tous les services de police, les bureaux des procureurs de la couronne et les tribunaux doivent être accessibles aux personnes handicapées.

98. Il faut prévoir des services de traduction et d’interprètes, offerts dans toutes les langues et toutes les cultures, à tous les échelons de l’appareil judiciaire.

99. Il faut que les femmes aient accès aux statistiques nationales portant sur la violence contre les femmes et les enfants, y compris les effets de la loi C-49. Il n’existe pas de fichier central des plaintes reçues par la police, des accusations portées, des décisions des tribunaux et des motifs justifiant ces jugements, des condamnations et des sentences. Il faudrait financer un groupe de femmes pour recueillir et analyser cette information et la rendre publique.

UP