LE 6 DÉCEMBRE, 1998
DÉCLARATION DU CTC SUR
LA JOURNÉE NATIONALE DE COMMÉMORATION
ET D'ACTION CONTRE LA VIOLENCE
FAITE AUX FEMMES
Le 6 décembre est un jour de commémoration
destiné à rappeler le souvenir des 14 jeunes femmes tuées le 6 décembre
1989 à l'École Polytechnique de Montréal. Le 6 décembre, nous
pleurons la perte de toutes les femmes qui meurent à la suite de
violence masculine. Le 6 décembre, nous renouvelons notre
engagement à combattre toutes les formes de violence envers les
femmes dans notre société.
En 1992, les délégués et déléguées à
l'Assemblée statutaire du CTC ont adopté un énoncé de politique
de vaste envergure intitulé, NOUS POUVONS LE FAIRE : ENRAYER LA
VIOLENCE FAITE AUX FEMMES. L'énoncé de politique affirme que nous
reconnaissons le prix social, émotif, physique et psychologique de
la violence envers les femmes. Nous exigeons le changement, et non
de simples paroles, de la part de chaque gouvernement, de chaque
institution, de chaque syndicat et de chaque personne. Et nous
travaillons de tout coeur pour réaliser ce changement.
Le mouvement syndical a pris des mesures concrètes,
exercé des pressions sur les gouvernements pour la mise en oeuvre
et le financement de programmes de prévention, participé aux
activités communautaires, mené des campagnes de sensibilisation,
tenu des conférences et intensifié la lutte collective contre le
harcèlement en milieu de travail et au sein de ses propres rangs.
Nous sommes clairs : la violence revêt de
nombreuses formes, dont les plaisanteries vulgaires, le harcèlement,
la brutalité et le meurtre; elle est omniprésente, dans nos foyers
et dans nos écoles, au travail, dans nos rues, dans nos tribunaux
et dans nos législatures.
L'énoncé de politique ENRAYER LA VIOLENCE FAITE
AUX FEMMES a été adopté il y a déjà six ans lors de l'assemblée
statutaire. Réfléchissons à certaines de nos affirmations et à
certains de nos engagements, et évaluons les progrès réalisés
depuis. Prenons l'exemple du harcèlement :
La violence évidente contre les femmes au
travail revêt deux formes principales : le harcèlement et la
violence liée à l'emploi.
Le harcèlement sexuel peut prendre la forme d'un
geste ou d'une habitude déplorable qui va de la taquinerie verbale
à l'agression physique infligées à une travailleuse au travail en
raison de son sexe. Il est l'expression du pouvoir et du contrôle,
et presque toutes ses victimes sont des femmes.
Le harcèlement fondé sur la race, l'orientation
sexuelle ou un handicap se conjugue au harcèlement fondé sur le
sexe; ces formes de harcèlement sont indissociables les unes des
autres.
Bon nombre de syndicats ont reconnu l'existence
du harcèlement sexuel et racial et d'autres formes de harcèlement
il y a bien des années, mais ils se rendent compte que des résolutions,
des politiques et des dispositions contractuelles ne suffisent pas
en elles-mêmes pour régler le problème. Il faut que les syndicats
comprennent la signification du harcèlement sexuel et adoptent des
solutions accessibles aux victimes.
Parce que des attitudes et des valeurs sexistes
et racistes profondément enracinées font partie de notre culture,
la victime de harcèlement sexuel risque d'obtenir peu de soutien,
sinon aucun, de ses collègues et, avouons-le tristement, de son
syndicat.
L'adoption de politiques sur le harcèlement par
l'employeur, par le biais de la négociation avec l'agent négociateur,
est néanmoins un progrès. Mais sans une procédure accessible et sûre
de réparation, ces politiques peuvent demeurer de simples énoncés
vides de sens.
Le recours à la procédure de règlement des
griefs et aux dispositions des conventions collectives peut aussi
jouer un rôle efficace dans la lutte contre la violence faite aux
femmes au travail. Certaines dispositions de lutte contre le harcèlement
peuvent définir le problème, assurer la confidentialité, exiger
une formation et une éducation, prévoir des modalités d'enquêtes
faites par un tiers dans des délais prescrits, prévoir des
services de conseillers, établir des régimes de congés payés.
Le syndicat a aussi une lourde responsabilité
envers ses membres, celle de leur assurer un milieu de travail sûr
et exempt de harcèlement. Les syndicats eux-mêmes n'échappent
pourtant pas à ce problème, de sorte qu'il leur faut adopter des
politiques et des méthodes claires afin d'assurer à leurs membres
le respect de leurs droits au cours de toutes les activités
syndicales.
En fin de compte, une convention collective, des
procédures de réparation, des politiques de la part des employeurs
et des syndicats et une jurisprudence positive en matière de harcèlement
sexuel seront peu utiles si les femmes ne se sentent pas à l'aise
avec leur syndicat. Il est donc essentiel que délégués et
dirigeants syndicaux des deux sexes ainsi que les membres de la base
soient éduqués et sensibilisés à la question de façon à ce que
les victimes puissent les aborder en toute confiance.
Il faut en outre des procédures de réparation
accessibles et efficaces. Il faut désigner au travail des membres
ou des comités syndicaux et leur donner une bonne formation, de façon
à ce que les victimes de harcèlement sexuel sachent à qui
s'adresser au moment de formuler une plainte ou de demander une enquête.
De la même façon, les syndicats doivent désigner
certaines personnes avec qui les membres victimes de harcèlement
sexuel peuvent communiquer, par exemple à l'occasion d'activités
syndicales. Les programmes de counselling syndical doivent offrir de
l'aide aux victimes de violence, y compris les victimes de harcèlement.
L'éducation, la sensibilisation et
l'intervention positive sont essentielles si nous voulons régler
tous les aspects du problème.
L'engagement individuel quotidien envers l'égalité
est essentiel à nos objectifs collectifs de justice sociale et économique
- parce que l'engagement personnel est aussi politique.
Quels progrès avons-nous réalisés depuis 1992?
Le CTC s'engage sérieusement à faire des recherches et à mener
des actions concernant cette question, et il convoquera un groupe de
réflexion en 1999. Veuillez nous faire parvenir dès maintenant
votre rapport d'étape.
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