Inventaire d’outils
sur la violence
dans la communauté, chez les jeunes, dans les
écoles, dans les milieux de travail
CSQ - Centrale des syndicats du QuébecAnnexe
5
Produire une politique contre la
violence, quel casse-tête!
Version
Internet d’un article de la revue Objectif prévention, vol. 20, no
4 (1997), pages 20-22.
http://www.asstsas.qc.ca/documentation/op/204020.htm
Attention. En ce qui concerne
les documents en ligne, l’utilisatrice ou l’utilisateur peut télécharger
ou imprimer un exemplaire unique de cet article en indiquant la source.
Il ne peut cependant pas utiliser cette copie à des fins de publicité,
de promotion ou de revente.
Marie-Josée Robitaille, ASSTSAS
À moins qu’il ne s’agisse de
notre champ de spécialité professionnelle, se voir confier la
conception d’une politique d’établissement est un défi qui
occasionne sa part d’anxiété et de tâtonnement. À plus forte
raison, quand le thème de la dite politique est un sujet délicat et
parfois tabou : la violence. Dans le présent article, nous allons
tenter d’identifier quelques sources d’inspiration pour faciliter la
réalisation d’un tel mandat.
Les pièges courants
La plupart des établissements du secteur se sont rendus à la
recommandation du Conseil du patronat et ont adopté une politique
d’entreprise en matière de harcèlement sexuel. Les précurseurs ont
peiné sur la tâche et ont produit des modèles dont les autres
entreprises se sont largement inspirées.
Un des premiers pièges est de vouloir copier. On cherche des
formulations toutes faites, des exemples de politique type qui
pourraient accommoder nos contextes propres, mais en faisant une lecture
très vague de nos besoins internes. On ne s’attarde pas assez à définir
notre interprétation du concept « violence », notre expérience
de la violence passée et notre vision de la violence à venir.
Un exemple : la plupart des
politiques contre le harcèlement se limitent aux éléments de
discrimination nommés dans les chartes des droits et libertés (origine
ethnique, âge, sexe, religion, langue, statut social, état de
grossesse, état de santé et handicap). Mais qu’en est-il du harcèlement
pour cause de statut professionnel (travailleurs de jour, travailleurs
de soir)? Ou de celui pour incompatibilité de caractère? Dans les
contextes de fusion qui ont cours dans notre secteur, comment
pouvons-nous prévenir la malveillance lors de chocs entre deux cultures
d’établissement?
Un autre piège est de vouloir une politique universelle pouvant
s’appliquer à toute situation de violence. Plusieurs établissements
sont ainsi tentés d’élargir leur politique de harcèlement sexuel au
harcèlement en général et parfois à toute autre forme d’agression
avec des résultats plus ou moins heureux.
À titre d’exemple, les dispositions de haute confidentialité
souhaitables dans les cas de plaintes pour harcèlement sexuel entre
employés n’ont pas leur place dans les cas de plaintes pour menace
d’agression par un voyou ou encore d’assaut avec blessures
indemnisables à titre d’accident du travail.
Enfin, un dernier piège est le déséquilibre entre la portée de la
politique et l’expérience de violence du milieu. Concevoir une
politique dans le genre « marteau pour tuer une mouche »
favorise un climat de travail paranoïde. À l’opposé, une politique
tiède ou mitigée en réponse à des expériences traumatiques manque
de crédibilité et surtout émet le message ambigu de la reconnaissance
de la violence couplée avec le « laissez-faire la violence ».
On rencontre cette forme particulière de politique dans les établissements
craintifs de projeter une image négative à la population.
C’est quoi une « politique »?
|
« (...) manière concertée de conduire une
affaire; (...) position qu’on adopte face un phénomène;
(...) énoncé de principes qui vient dicter la conduite des
différents acteurs (de l’entreprise) dans un domaine donné
ou sur un sujet (...) »
(Larousse).
Une politique peut être écrite ou non. Toutefois, dans la
plupart des cas de politique d’entreprise, on souhaite un
document qui servira de référence durable, de guide pour sélectionner
nos actions ou réactions.
|
Pourquoi une politique
contre la violence?
Comme en toute matière, il est nécessaire de clarifier nos besoins et
nos priorités.
Pourquoi ressentons-nous le besoin d’avoir une politique sur la
violence? Quels sont nos objectifs? Quelle forme de violence fera
l’objet de la politique? La violence initiée par qui?
L’établissement peut viser un ou plusieurs des objectifs suivants,
mais il importe de les préciser :
- dissiper les malentendus et les ambiguïtés qui entraînent frustration
et colère, insécurité et peur, sentiment d’impuissance. La violence
s’accommode très bien des problèmes de communication. Nous pouvons même
affirmer qu’elle s’en alimente;
- remettre en perspective un sain équilibre des droits et des obligations
des acteurs dans l’établissement;
- concerter les actions de prévention, de protection et de suivi des événements
violents;
- encadrer les rapports humains au sein de l’organisation; se donner les
assurances qu’ils seront respectueux, dignes et civilisés.
Il est vrai que dans notre société en général, et dans le secteur de
la santé et des services sociaux en particulier, les relations
interpersonnelles, sociales, professionnelles ou d’affaires sont déjà
régies par une batterie de législations et de codes (voir encadré
ci-dessous) dans lesquels il n’est habituellement pas aisé de se
retrouver. Un outil simple, pratique et à la mesure de la réalité de
l’établissement peut s’avérer indispensable pour s’orienter,
communiquer et créer cohésion et solidarité au sein de
l’organisation dans la lutte à la violence.
Ce qui encadre les rapports humains dans nos établissements
|
Code
civil
Code criminel
Chartes canadienne et québécoise des droits et libertés
Loi sur les services de santé et services sociaux
Loi sur la protection de la jeunesse
Loi sur les jeunes contrevenants
Loi sur la protection du malade mental
Codes de déontologie (corporations professionnelles)
Code du travail et conventions collectives
La loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST)
Autres
|
L’objet de la politique
Une politique contre la violence vise une cible à deux facettes,
indissociables l’une de l’autre : la nature de la violence à prévenir
et sa localisation dans les rapports humains au sein de l’établissement.
Il est primordial de préciser à quelle forme de violence notre
politique veut s’attaquer. Je vous suggère une classification très
simple et fonctionnelle.
La violence de type A, dans laquelle il n’y a pas d’intention
apparente d’établir un contact physique, de créer des douleurs (sauf
à l’amour-propre) ou de détruire des biens. Cette catégorie
inclura, en tout ou en partie (selon les besoins), des actes à portée
psychologique ou des manifestations évidentes de manque de civisme et
de respect, peu importe le moyen ou le mode d’expression utilisé par
l’agresseur (paroles, attitudes physiques, gestes, écrits, etc.). On
se gardera par contre d’y inclure les saines manifestations de colère
ou de douleur que tous ont le droit d’exprimer.
La violence de type B, plus intense, regroupe des actes pouvant s’avérer
criminels. Il y a ici intention de contact ou de contrainte physique. On
observe chez l’agresseur des tentatives, réussies ou non, de produire
une peur intense, d’infliger de la douleur physique ou de briser la
propriété d’autrui. On réfère davantage, dans ce cas-ci, aux
dangers d’agression physique.
Types de violence
|
Type A : sans intention apparente de contact
physique Insulte, harcèlements
divers, abus de pouvoir, menace voilée, diffamation, langage
grossier, cris, perturbation de la paix, comportement indécent,
mesures, comportements et discours discriminatoires, etc.
Type B : avec intention de
contact ou contrainte physique Menace explicite à l’intégrité
physique, menace explicite concernant les tiers ou les biens,
contact (et tentative) physique invasif ou brutal, séquestration,
introduction ou possession d’arme, vandalisme ou destruction
des biens, émeute, attentat à la pudeur, viol (ou tentative),
meurtre (ou tentative), etc.
|
L’autre facette, la
localisation dans les rapports humains
Dans la dynamique de la violence au sein de l’établissement, il est
utile de distinguer deux types de protagonistes qui s’avéreront soit
des agresseurs, soit des victimes : les fournisseurs de services et les
bénéficiaires de services.
Les fournisseurs de services sont toutes les personnes à l’emploi de
l’organisation et des entreprises contractantes dont les apports
contribuent, de près ou de loin, à dispenser les services à la
population desservie par l’établissement. Cette classe d’acteurs
s’étend du membre du conseil d’administration jusqu’au livreur
d’un fournisseur de l’établissement, en passant par les cadres, les
professionnels, les employés, les stagiaires et les bénévoles.
Les bénéficiaires de services sont évidemment la clientèle actuelle
de l’établissement, mais aussi la population de la clientèle
potentielle (visiteurs) à laquelle on ajoute toutes les personnes
externes à l’établissement dont le rôle formel ou non est de représenter
les intérêts de l’usager (ex. : la famille, le tuteur, le conseiller
juridique, etc.). Dans l’objet de la politique contre la violence, on
précisera la ou les interactions visées par les efforts de prévention
et de concertation : les comportements des fournisseurs de services à
l’égard des bénéficiaires, les comportements des fournisseurs de
services entre eux, les comportements des bénéficiaires de services à
l’égard des fournisseurs ou, enfin, les rapports entre bénéficiaires
de services.
Plusieurs établissements se sont d’ores et déjà dotés de documents
officiels qui touchent des objets possibles d’une politique contre la
violence. Il est alors superflu de les incorporer à nouveau dans un
autre texte ou de créer une politique complexe pour tout englober. Se référer
à l’existant lorsque surviennent soit des interrogations, soit des
besoins de gérer des incidents, demeure la voie la plus pratique.
Le
tableau donne quelques
exemples d’écrits qui peuvent rencontrer les besoins d’un établissement
selon les combinaisons de types de violence avec les types
d’interaction.
La position de l’établissement
Je suggère d’être assez explicite et univoque lorsqu’il est
question d’adopter des valeurs et une attitude concernant la violence.
Beaucoup de groupes d’intérêt réclament une position de « Tolérance
0 » et certains établissements sont mal à l’aise de
s’engager dans cette voie.
Si « Tolérance 0 » égale « Intolérance ++ »,
c’est-à-dire le rejet inconditionnel de l’agresseur,
l’utilisation maximum des moyens d’aversion et des recours légaux
sur tout type de comportement assimilable à de la violence, il est
compréhensible que certains soient hésitants à opter pour une
position si radicale.
Par contre, « Tolérance 0 » peut aussi être la
valorisation d’une attitude résolument proactive en prévention de la
violence : la garantie que chaque danger ou incident aura une attention
particulière et déclenchera un processus de résolution de problème
supporté par l’établissement. Les moyens recherchés et appliqués
pour résoudre la situation et en éviter la répétition peuvent être
de différents niveaux, mais seront surtout adaptés au contexte et
efficaces.
Des orientations et des
responsables de mécanismes
L’établissement doit identifier les grands mécanismes
administratifs, psychosociaux, cliniques ou juridiques qu’il estime être
des réponses adéquates à ses problèmes. Pour aider les utilisateurs
de la politique à en comprendre la portée, je suggère de classer les
mécanismes retenus selon leur niveau « préventif » : prévention
à la source (ex. : médiation, traitement médical de l’agresseur
potentiel), protection en cas de violence (ex. : transfert en service sécuritaire),
mesures postévénement (ex. : enquête). Il pourra ensuite en désigner
les responsables, distribuer les rôles et confier les mandats
particuliers de mise en oeuvre.
Mécanismes de réaction
|
Mesures administratives
Dénonciation, enquête, mesures
de dissuasion, mesures disciplinaires ou de dédommagement,
mesures d’exclusion, dispositions de protection des personnes
et des biens, etc.
Mesures psychosociales
Mesures hâtives d’harmonisation, de médiation, de
gestion de conflits, support psychologique aux victimes, etc.
Mesures légales
Plainte, judiciarisation, poursuite, annulation de contrat,
etc.
Mesures cliniques
Plan d’intervention ou de soins, évaluation et traitement médical,
pharmacologique ou psychologique, transfert en service spécialisé
ou sécuritaire, garde constante, etc.
|
Il peut ou non inclure à sa politique une série de procédures,
mais il ne faut pas confondre « politique » avec « procédure »
(série de formalités à observer), ou « protocole » (règle
d’actions prédéterminées) qui sont des consignes beaucoup plus précises
et opérationnelles et qui méritent toujours un peu d’expérimentation
avant d’être officialisées.
Proposition
d’un plan de texte d’une politique
:
|
L’objet (pourquoi,
quelle violence, les interactions visées et qui est impliqué
dans la mise en oeuvre)
|
Les définitions
(termes et concepts)
|
La position
|
Les mandats (deux
possibilités)
|
Par classe de mécanisme
Préventifs
De protection
Postévénement
Chefs de service
Service de sécurité
Employés
|
Par type de responsable
Direction générale
Directeurs
Comité de SST
Chefs de service
Service de sécurité
Employés
|
Le responsable de la politique et de sa mise à
jour
|
Les politiques contre la
violence sont-elles des politiques de santé et de sécurité du travail
ou des politiques générales d’entreprise?
Cela a peu d’importance. Elles peuvent, d’une part, servir à préciser
la politique de SST de l’établissement pour les incidents
particuliers de violence, dont les victimes seraient évidemment des
travailleurs. Il faudra alors s’assurer qu’elles sont harmonisées
et réfèrent les unes aux autres. Mais elles peuvent aussi prendre la
forme de politiques générales d’entreprise, ce qui les rend plus
faciles à diffuser lorsqu’elles s’appliquent à des acteurs non
couverts par la politique de SST (visiteurs, usagers, fournisseurs,
etc.).
Ce qui importe, c’est qu’elles soient le reflet clair et cohérent
d’une position concertée des différentes parties en cause et
qu’elles soient connues de tous les intéressés. Il ne faut pas
oublier non plus que l’établissement fait partie de la société.
Tous les droits et recours du citoyen s’appliquent non seulement aux bénéficiaires,
mais aussi aux employés. En contrepartie, toutes les obligations du
citoyen s’appliquent intégralement aux employés, mais aussi aux
usagers.
Enfin, si vous avez besoin d’inspiration, l’ASSTSAS a préparé un
recueil des politiques et procédures sur la prévention des agressions
ou de la violence. Pour tout renseignement, veuillez communiquer avec le
comptoir des publications.
|
|