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16 juillet 1997
A4-0250/97
Tolérance zéro

RAPPORT

 sur la nécessité d'une campagne européenne 
de tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes

Commission des droits de la femme
Rapporteur: Mme Marianne Eriksson


S O M M A I R E

Page réglementaire
A.    PROPOSITION DE RÉSOLUTION
B.    EXPOSÉ DES MOTIFS
Annexe:            Proposition de résolution B4-0047/94


Par lettre du 9 juillet 1996, la commission des droits de la femme a demandé l'autorisation de présenter un rapport sur la nécessité d'une campagne européenne de tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes.

Au cours de la séance du 5 septembre 1996, le Président du Parlement a annoncé que la Conférence des présidents avait autorisé la commission à faire rapport sur ce sujet.

Au cours de sa réunion du 2 juillet 1996, la commission avait nommé Mme Eriksson rapporteur.

Au cours de sa réunion du 2 juillet 1996, elle a décidé, conformément à l'article 45, paragraphe 2 du règlement, de joindre à son rapport la proposition de résolution suivante:

-    B4-0047/94, de M. David Martin sur la nécessité d'organiser dans l'Union européenne une campagne de refus de la violence contre les femmes, renvoyée le 27 octobre 1994 à la commission des droits de la femme, pour examen au fond.

Au cours de ses réunions des 20 mars, 17 avril et 14 juillet 1997, elle a examiné le projet de rapport.

Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté la proposition de résolution à l'unanimité et 2 abstentions.

Ont participé au vote les députés van Dijk, présidente; Fouque, première vice-présidente; Bennasar Tous, deuxième vice-présidente; Torres Marques, troisième vice-présidente; Eriksson, rapporteur; Blak (suppléant Mme Ahlqvist), Cars (suppléant Mme Larive), d'Ancona (suppléant Mme Crawley), García Arias (suppléant Mme Frutos Gama), Gröner, Grossetête, Hautala, Izquierdo Rojo (suppléant Mme Ghilardotti), Kestelijn-Sierens, Kokkola, Lenz (suppléant Mme Glase), Lulling, McNally, Ojala (suppléant M. Ribeiro, conformément à l'article 138, paragraphe 2 du règlement), Sornosa Martínez, van Lancker, Waddington et Zimmermann.

Le rapport a été déposé le 16 juillet 1997.

Le délai de dépôt des amendements sera indiqué dans le projet d'ordre du jour de la période de session au cours de laquelle le rapport sera examiné.


A.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Résolution sur la nécessité d'une campagne européenne de tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes

Le Parlement européen,

-    vu la proposition de résolution déposée par M. Martin sur la nécessité d'organiser dans l'Union européenne une campagne de refus de la violence contre les femmes (B4-0047/94),

-    vu la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW, 1979) et la Déclaration des Nations unies sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes (1993),

-    vu le rapport de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne, 1993) et le programme d'action de la Conférence mondiale sur les femmes (1995),

-    vu les déclarations et résolutions de la troisième conférence ministérielle européenne du Conseil de l'Europe sur l'égalité entre les femmes et les hommes, et ses recommandations sur la violence au sein de la famille de 1985 et 1990,

-    vu les excellents rapports du rapporteur spécial des Nations unies sur la violence contre les femmes, Mme Coomaraswamy,

-    vu le quatrième programme d'action sur l'égalité entre les hommes et les femmes (1996-2000)1,

-    vu sa résolution du 11 juin 1986 sur la violence contre les femmes2,

-    vu sa résolution du 17 décembre 1993 sur la pornographie3,

-    vu sa résolution du 6 mai 1994 sur les violations des droits et libertés fondamentaux des femmes4,

-    vu sa résolution du 18 janvier 1996 sur la traite des êtres humains5,

-    vu l'article 148 de son règlement,

-    vu le rapport de la commission des droits de la femme(A4-0250/97),

A.    considérant que sur la base des articles 1, 3 et 5 de la déclaration universelle des droits de l'homme, toute forme de violence à l'égard des femmes pouvant être considérée comme une menace contre leur vie, leur liberté et la sûreté de leur personne ou bien constituant une torture ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, est contraire à la déclaration universelle; considérant dès lors que les États membres ne poursuivant pas une politique à même de prévenir et de dénoncer la violence à l'égard des femmes ne respectent pas les obligations internationales qui leur incombent en vertu de cette même déclaration,
    
B.    considérant que selon le programme d'action de la quatrième conférence mondiale sur les femmes des Nations unies, qui s'est tenue à Pékin en 1995, la violence à l'égard des femmes désigne "tous actes de violence dirigés contre des femmes en tant que telles et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté",

C.    considérant que la violence contre les jeunes filles et les femmes exercée par des hommes dans la famille, sur le lieu de travail ou dans la société comprend entre autres les mauvrais traitements, les coups, les mutilations génitales et sexuelles, l'inceste, le harcèlement sexuel, les abus sexuels, la traite des femmes et le viol,

D.    considérant que la violence à l'égard des femmes constitue une atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à la liberté, à la dignité et à l'intégrité physique de la victime, et en conséquence une entrave au développement d'une société démocratique,

E.    considérant que la violence à l'égard des femmes en général témoigne indubitablement de l'inégalité des rapports de force entre les hommes et les femmes dans la vie sociale, économique, religieuse et politique, et ce en dépit des dispositions législatives nationales et internationales instituant l'égalité,

F.    considérant que selon les statistiques des Nations unies, la grande majorité des victimes de violations des droits de la personne dans le monde sont des femmes et des enfants,

G.    considérant que dans l'Union, la violence contre les femmes à l'intérieur du foyer est fréquente et persistante et que les instruments juridiques disponibles au niveau national pour permettre aux femmes de se défendre contre les hommes responsables de sévices sont inexistants ou insuffisants,    

H.    considérant que toutes les formes de violence basée sur le sexe qui relèvent de la définition de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes devraient être considérées comme un délit,

I.    considérant qu'en vertu des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, les parties à la convention sont également expressément tenues de prendre des mesures contre les personnes, entreprises et organisations coupables de violence contre les femmes,

J.    considérant que dans la majeure partie des cas les sévices ne sont pas signalés à la police, essentiellement en raison de l'absence d'instruments juridiques, sociaux et économiques appropriés pour protéger les victimes, et qu'en conséquence la violence contre les femmes demeure un délit largement toléré,

K.    considérant l'absence de statistiques et d'études susceptibles de comparaison dans la plupart des États membres, que ce soit sur l'existence d'actes de violence contre les femmes au sein de la famille comme à l'extérieur, ou sur les effets de différentes politiques pour prévenir la violence et sur les coûts économiques et sociaux qui en découlent,

L.    considérant que les statistiques existantes démontrent que la violence est un problème endémique de nos sociétés, auquel les femmes sont exposées quotidiennement,

M.    considérant que les hommes se rendant coupables de sévices sont de tous les âges et appartiennent à tous les milieux, toutes les cultures et toutes les classes de la société,

N.    considérant que la violence des hommes à l'égard des femmes est encore entourée d'un certain nombre d'idées reçues, par exemple que la violence au foyer relève du domaine privé ou que la violence des hommes à l'égard des femmes peut être imputée à leur conduite,

O.    considérant que les études sur les coûts sociaux et les conséquences de la violence des hommes à l'égard des femmes manquent d'exhaustivité, s'agissant en particulier des frais de logement, du service social, des soins de santé, de la protection policière, des dépens et des coûts d'assurance,

P.    considérant que les violences sexuelles dont les femmes sont victimes ont des conséquences physiques et psychiques extrêmement dommageables pour elles, et qu'il faut favoriser la création de structures de soins appropriées,

Q.    considérant que les résultats d'une étude récemment menée à la demande des autorités néerlandaises montrent qu'aux Pays-Bas seulement, le montant annuel total des "coûts" de la violence contre les femmes s'élève à plus de 145 millions d'écus,

R.    considérant que les réponses émanant des États membres indiquent que, sur le plan juridique, l'avancée majeure de ces dix dernières années en matière de lutte contre la violence masculine à l'égard des femmes est la sanction de la violence sexuelle conjugale également par la majorité des États membres,

S.    considérant que les personnes s'occupant de femmes opprimées, notamment les représentants de l'ordre, les travailleurs sociaux et les juristes, de même que les législateurs et les autres fonctionnaires et services, réagissent encore insuffisamment à leurs besoins spécifiques,

T.    considérant que les victimes de violence continue deviennent souvent dépendantes et incapables de toute réaction,

U.    considérant qu'il y a lieu de promouvoir les études sur l'influence de la pornographie et de la prostitution sur la violence masculine à l'égard des femmes,

V.    considérant que les mutilations génitales sont intolérables et constituent un acte criminel,

W.    considérant que le viol est utilisé comme une arme dans le cadre de conflits armés et qu'il est qualifié de crime contre l'humanité par les statuts du Tribunal Pénal International ad hoc sur les crimes commis en ex-Yougoslavie,
X.    considérant que dans bien des cas, l'alcool contribue à la violence contre les femmes,

Y.    considérant que la violence contre les femmes au foyer et dans nos sociétés affecte directement et indirectement les enfants et peut souvent engendrer un cycle de violence et de sévices qui se perpétue d'une génération à l'autre,

Z.    considérant que la violence contre les femmes a des effets négatifs persistants sur la santé émotionnelle et mentale des enfants,    

1.    invite la Commission et les États membres des Nations unies à faire en sorte que la Déclaration de Pékin devienne une convention contraignante pour toutes les parties signataires;

2.    estime que la violence basée sur le sexe témoigne non seulement de l'inégalité des rapports de force dans notre société, mais constitue également un immense obstacle aux efforts visant à remédier à l'inégalité entre les femmes et les hommes;

3.    souligne qu'il importe de lever le silence qui entoure la violence dans la société, en particulier le tabou concernant la violence au foyer; souligne que tout débat sur la violence contre les femmes doit se placer du point de vue de ces dernières et viser à renforcer leur position;

4.    prie instamment les États membres qui ne l'ont pas encore fait d'ériger en crime les actes de violence à l'encontre des femmes sur la base de la définition de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et de mener une politique conforme à l'ensemble des obligations que prévoit celle-ci;

5.    invite les États membres à introduire, en dehors du code pénal proprement dit, une législation spécifique visant à protéger les victimes de violence basée sur le sexe, par exemple dans le droit de la famille en ce qui concerne des procédures de divorce simplifiées, la garde des enfants et les indemnités financières, ainsi qu'à introduire des dispositions spécifiques contre le harcèlement des femmes;

6.    invite les États membres et la Commission, dans leurs politiques respectives, à accorder une attention particulière à la situation des femmes migrantes en tant que victimes de violence basée sur le sexe;

7.    souligne l'importance de la formation, s'agissant des personnes - représentants de l'ordre, juristes, personnel médical ou personnel des services du logement et des services sociaux - qui s'occupent de femmes victimes de sévices; est d'avis que cette formation doit être obligatoire pour les magistrats devant juger des cas de violence sexuelle;

8.    est préoccupé par le fait que le lien entre la violence au foyer et la protection des enfants est souvent négligé et que, par conséquent, nombre de femmes continuent à être exposées à des sévices suite à des décisions de justice autorisant le contact entre un partenaire ou un ancien partenaire violent et ses enfants; souligne que toute mesure visant à protéger les enfants dans de telles circonstances devrait également protéger le parent non responsable de sévices;

9.    invite la Commission et les États membres à examiner le lien entre la violence contre les femmes et la violence contre les enfants, de même que le cycle de sévices se perpétuant d'une génération à l'autre qui peut en découler;

10.    note avec préoccupation que les procédures judiciaires dans de nombreux États membres dissuadent souvent les femmes de se pourvoir en justice contre leur agresseur; invite les États membres à revoir l'application des procédures judiciaires et à prendre des mesures pour éliminer les obstacles qui empêchent les femmes de bénéficier d'une protection juridique;

11.    souligne que le harcèlement sexuel au travail implique souvent un abus de pouvoir de la part de supérieurs, mais que les femmes font également l'objet du harcèlement de leur collègues et de leur clients et qu'elles y sont davantage exposées lorsqu'elles occupent un emploi soit précaire soit impliquant des déplacements en dehors du lieu de travail;

12.    demande instamment à la Commission et aux États membres d'oeuvrer à l'établissement de programmes scolaires visant à sensibiliser garçons et filles aux conséquences de la violence basée sur le sexe ainsi qu'à développer des moyens de résoudre les conflits en commun, afin de prévenir des attitudes et des comportements tendant notamment à considérer le corps de la femme comme une marchandise et débouchant inévitablement sur la brutalité;

13.    demande instamment aux États membres d'intensifier leurs efforts de lutte contre les organisations et les personnes pratiquant la traite des femmes qui aboutit souvent à la prostitution forcée, de mettre en place des programmes spéciaux et d'introduire des mesures spécifiques pour venir en aide aux personnes victimes d'une exploitation sexuelle forcée;

14.    demande que les programmes prévus par la Commission contre la traite des femmes à des fins d'exploitation sexuelle et contre la violence à l'égard des femmes ne se limitent pas à des actions d'information et de prévention de la prostitution, mais prévoient également un soutien aux initiatives visant à la réinsertion des victimes;

15.    demande instamment aux États membres de reconnaître qu'il convient d'intenter des actions contre les responsables de violence et de coercition en liaison avec la prostitution et la pornographie; les invite instamment à se doter de mesures efficaces afin de venir en aide aux femmes et de les aider à s'extraire de telles situations;

16.    invite les États membres à oeuvrer en faveur d'une stratégie efficace de lutte contre la pornographie impliquant des enfants, en s'attachant spécifiquement à son accès sur le réseau internet;

17.    se félicite de l'initiative de plusieurs États membres de développer, outre des sanctions efficaces, des programmes destinés aux responsables de sévices visant à amener les hommes à assumer leurs actes, et invite l'ensemble des États membres à déployer des efforts accrus pour adopter de telles initiatives:

18.    invite la Communauté européenne et les États membres à examiner d'urgence le rôle de l'abus d'alcool dans la violence à l'égard des femmes;

19.    demande aux États membres de soutenir et de financer, sans délai, des services indépendants pour les victimes de violence, y compris des refuges et des abris, ainsi que de mettre en place des organes chargés d'assurer la coopération des services venant en aide aux femmes et aux enfants à leur charge pour reconstruire leur vie;

20.    souligne l'importance de la mise à disposition, gratuitement ou au tarif d'une simple communication locale, de numéros d'appel d'urgence que peuvent composer, 24 heures sur 24, les femmes qui sont ou ont été victimes de sévices afin d'obtenir les premières informations et les premiers secours;

21.    prie instamment les États membres de se mettre d'accord sur une base commune pour la collecte de statistiques sur la violence contre les femmes englobant, à la fois, l'information sur la femme, l'agresseur de celle-ci, le type d'agression et le lieu du délit, l'attitude de la femme après l'agression et les mesures prises par les autorités, de même que le résultat obtenu;

22.    reconnaît cependant que de telles statistiques ne pourront jamais rendre compte de l'ampleur véritable de la violence, sachant que nombre d'actes, notamment les sévices psychologiques, les menaces et les intimidations, n'y sont absolument pas pris en compte;

23.    demande aux États membres, dans les cas graves où les victimes sont dans l'incapacité d'agir, d'autoriser des associations de femmes ou des organismes à intenter une action en justice pour défendre les victimes;

24.    est d'avis qu'il y aurait lieu d'enregistrer systématiquement tous les cas de sévices subis par les femmes lorsqu'ils sont signalés à la police, aux services sanitaires et sociaux, aux refuges et numéros d'aide ou aux organisations féminines et demande aux États membres de faire rapport, chaque année, sur les développements dans le domaine de la violence contre les femmes, en se basant sur les statistiques et les informations collectées;

25.    souligne l'importance d'une approche coordonnée afin de s'attaquer au problème de la violence contre les femmes sur le plan national et, en conséquence, se réjouit que plusieurs États membres aient pris des mesures visant à promouvoir une stratégie interministérielle ayant pour objectif de désamorcer la violence et d'en combattre les conséquences;

26.    recommande vivement que les initiatives locales s'inspirent d'une approche "d'ensemble", englobant aussi bien les services de police, les autorités locales, les administrations que les organisations féminines et les ONG;

27.    souligne le rôle fondamental des organisations non gouvernementales dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes et invite par conséquent les États membres à soutenir activement leur développement ainsi qu'à mettre en place un cadre financier approprié pour assurer ce dernier;

28.    demande que des crédits soient prévus sans le cinquième programme-cadre de recherche pour une étude sur les coûts de la violence masculine contre les femmes, en termes de soins de santé, de logement, de services sociaux , de dépens et de journées de travail perdues, ainsi qu'en ce qui concerne les mesures requises pour venir en aide aux enfants qui, comme les recherches le font apparaître, sont souvent témoins de tels actes de violence dont ils gardent les séquelles;

29.    prie instamment le Conseil "Justice et Affaires intérieures" d'arrêter des dispositions réglementaires en matière d'immigration et de demande d'asile afin:

    -    que les femmes qui sont menacées ou persécutées en raison de leur sexe soient accueillies dans l'UE, en tenant compte des recommandations du HCR des Nations unies;
    -    que les femmes provenant de pays tiers et séparées de leur conjoint qui les maltraitait ne soient pas expulsées en cas d'absence d'autres motifs;

30.    prie instamment la Commission d'examiner, en coopération avec les États membres, les possibilités d'octroyer une nouvelle citoyenneté aux femmes qui, persécutées par un homme, se sont vu octroyer le droit à une nouvelle identité;

31.    invite le Conseil à faire inscrire et respecter les droits des femmes dans les accords de l'UE avec les pays tiers;

32.    demande que l'année 1999 soit désignée Année européenne de la lutte contre la violence à l'égard des femmes;

33.    invite la Commission à examiner le résultat des campagnes qui ont déjà été menées dans différents États membres dans le but d'en identifier et d'en utiliser les meilleurs éléments pour une campagne européenne qui sera lancée au cours de l'Année européenne de la lutte contre la violence à l'égard des femmes;

34.    demande à la Commission de proposer une ligne budgétaire pour l'Année européenne de la lutte contre la violence à l'égard des femmes et une campagne paneuropéenne, afin d'assurer que des crédits suffisants soient disponibles pour permettre le déroulement d'une campagne de sensibilisation à laquelle serait associés les gouvernements des États membres, différents services, organisations de femmes et autres ONG;

35.    souligne qu'une telle campagne paneuropéenne devrait reposer sur les meilleurs éléments des campagnes déjà menées, que les organisations de femmes revêtent une grande importance pour son développement, et qu'elle doit être souple pour permettre des variations locales, régionales et nationales autour du thème central;

36.    demande que la campagne présente des images, des messages et des publicités positifs frappants qui présentent les femmes sous les traits de rescapés de la violence et non de victimes de cette dernière;

37.    demande instamment que la campagne soit axée sur la défense des rescapés de sévices, la prévention de la violence et le traitement des agresseurs et que, moyennant une publicité percutante, elle souligne que les sévices subis par les femmes sont l'affaire de tous les citoyens de l'Union, en particulier des enfants exposé à un environnement familial violent;

38.    demande qu'une telle campagne vise à modifier les attitudes au sein de la société, de manière à parvenir à une tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes aux plans individuel, collectif et institutionnel;

39.    charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux gouvernements des États membres.


B.
EXPOSÉ DES MOTIFS

1.        INTRODUCTION

La violence contre les femmes constitue un phénomène répandu que l'on rencontre dans l'ensemble de la société. La violence se déroule le plus souvent sous le toit familial, ce qui la rend d'autant plus difficile à détecter.

La question de la violence contre les femmes est liée à celle de l'égalité entre femmes et hommes, à la répartition du pouvoir entre les sexes et à l'idée que les hommes se font des femmes. Nous vivons dans une société patriarcale où tout est fonction des hommes et de leurs besoins et où les femmes et leurs besoins sont subordonnés à ceux des hommes, sur les plans aussi bien sexuel qu'économique, social et politique.

Aristote considérait déjà la femme comme un être imparfait, tant psychiquement que physiquement. Selon lui, la femme se distinguait de l'homme qui était l'être parfait. Le sens de l'existence des femmes était de produire de nouveaux hommes. Pères de l'Église, philosophes, écrivains et hommes politiques ont perpétué jusqu'à nos jours cette vision de la femme qui reste dominante, quand bien même elle est critiquée et remise en question.

Une société qui prétend défendre les droits de l'homme et oeuvrer pour l'égalité se doit de lutter sérieusement contre la violence qui, tant directement qu'indirectement, touche une majorité de la population, à savoir les femmes et les enfants.

2.        LA VIOLENCE DES HOMMES CONTRE LES FEMMES

La "violence sexuelle" est une notion qui couvre le viol, les abus sexuels contre les enfants, les sévices infligés aux femmes, le harcèlement sexuel, la prostitution et la pornographie. Peut-être conviendrait- il d'ailleurs mieux de parler de "violence des hommes contre les femmes". Ce sont essentiellement les femmes et les enfants - surtout les filles, mais également les garçons - qui sont victimes de la violence sexuelle. Les auteurs de cette violence sont presque toujours des hommes ou des jeunes gens, même s'il arrive que des enfants fassent l'objet de violences et de sévices sexuels de la part de femmes et de jeunes filles. La violence sexuelle constitue une atteinte à l'intégrité tant physique que psychique.

Toutes les formes de violence sexuelle sont entourées d'un certain nombre de préjugés et d'idées plus ou moins profondément ancrés dans notre société et, de ce fait, dans nous tous. Un des préjugés les plus courants est que les femmes mentiraient en racontant ce qu'elles subissent et que la haine et/ou la vengeance viendraient expliquer ces mensonges. Un autre préjugé est que ce sont les femmes qui poussent au viol parce qu'elles s'habillent de manière "provocante", parce qu'elles sont "trop" ivres ou parce qu'elles franchissent les frontières masculines de toute autre manière. Un troisième préjugé est que "seul un certain type de femmes" court le risque de subir des violences.

Ces préjugés ont déjà fait l'objet de recherches approfondies qui montrent que nous entretenons ceux- ci pour nous permettre de ne pas voir les problèmes en face et de ne pas les affronter. Si nous voulons changer les conditions dans lesquelles nous vivons, il nous est nécessaire de faire la lumière, seul moyen d'obtenir un changement.

3.        LA PROSTITUTION

Le commerce du sexe est une des industries les plus lucratives qui soient. Les femmes sont devenues une véritable marchandise. Il constitue un des domaines d'activité de la criminalité organisée. Le commerce du sexe porte avant tout préjudice aux femmes exploitées, mais il véhicule également l'image erronée que tout peut s'acheter. Par ailleurs, le commerce du sexe renforce le préjugé selon lequel la sexualité est une affaire d'homme et il accroît de ce fait l'inégalité du rapport de forces entre les sexes. En Europe, le lobby de la prostitution propage le mythe de la fille de joie qui a librement choisi de se prostituer. Comme des entretiens approfondis menés avec des prostituées à des fins de recherche l'ont montré, il ne s'agit là que d'un mythe. Les différents modèles d'analyse retenus dans le contexte des recherches effectuées sur la prostitution font apparaître des divergences d'opinion sur ce mythe. Selon un premier modèle, la prostitution est un véritable choix et il devrait être possible de mettre un terme à la destructivité qui lui est inhérente en décriminalisant et en plaçant le commerce du sexe organisé sous le contrôle des autorités, ainsi qu'en donnant à la prostitution le statut de "profession" honorable. Selon un autre modèle, la thèse du libre choix est en fait dépourvue de sens, sachant que la situation des prostituées, considérées comme une marchandise sur le marché du sexe, est déterminés par des intérêts économiques et par la dépendence à l'égard d'un proxénète, à savoir par des facteurs sur lesquels elles ne sont pas en mesure d'intervenir. Aussi la société doit-elle déployer des efforts considérables pour aider et soutenir les femmes afin de leur permettre de ne plus se prostituer.

Aux États-Unis, des enquêtes ont montré que le moyenne d'âge des femmes qui se livrent à la prostitution est de 16 ans. Plus de la moitié des jeunes concernés se sont enfuis de chez eux et les trois quarts ont fait l'objet de sévices sexuels. L'on est en droit de supposer que la situation est semblable dans l'Union. Il y aurait dès lors lieu de privilégier les recherches dans ce domaine.

Le commerce du sexe a des conséquences non seulement pour les personnes directement concernées, mais également pour la société dans son ensemble. Plus le commerce du sexe est développé, plus la vision étroite que la société machiste a du rapport entre les sexes et de la sexualité se perpétue.

4.        LA PORNOGRAPHIE

"Sandy est la gamine la plus mignonne que j'aie jamais rencontrée. Je suis comme un père pour elle. J'aurais dû l'emmener au zoo ou ailleurs mais, à la place, je l'ai embarquée LÁ-DEDANS!!! Ils peuvent tous la baiser. On voit quatre dingues masqués, deux Africains et onze autres types la sauter. En tout, trente hommes s'envoient la petite, de complets inconnus directement tirés de la rue. Cela aurait pu être TOI... Vas-y, profite aussi de cette adolescente!"

Ce texte imprimé au dos d'une vidéo porno de location intitulée "Lolita italienne" montre bien le genre de pornographie qu'il est facile de se procurer aujourd'hui et qui, dans le monde entier, constitue un des produits qui se vendent le mieux. Il s'agit de films et de revues où les femmes sont présentées d'une manière particulièrement déshonorante et dévalorisante, où des scènes prétendument érotiques sont associées à des actes de violence et/ou des comportements sadiques, où la sexualité des femmes et des hommes est présentée d'une manière dégradante et souvent raciste. Il s'agit en outre de films et de revues qui exercent une influence sur les images et les textes des publicités diffusées dans les médias. Le cas échéant, l'on peut même accéder à tous les types de pornographie sur Internet. La pornographie reflète le pouvoir et la violence des hommes. Dans ce contexte, les femmes sont des objets que les hommes peuvent et ont le droit d'utiliser à leur guise.
Selon des recherches menées au Danemark et aux États-Unis, il est de plus en plus fréquent que des viols soient commis par un groupe d'hommes qui ne se contentent pas d'imposer des rapports sexuels aux femmes, mais les pénètrent également avec de véritables armes, comme des goulots de bouteille, des pieds de chaise ou des manches de balai. Les recherches montrent en outre clairement que ces viols de groupe bestiaux s'inspirent des films et des revues pornographiques.

La publicité dont la pornographie fait l'objet montre également que ce que cette dernière met en scène est tabou. "Honteux", "interdit", "obscène", "inavouable" sont des qualificatifs très fréquents, ce qui montre que la lutte contre le puritanisme et la double moralité, et en faveur d'une sexualité positive et belle est également une lutte contre la vision dégradée et dégradante de l'être humain que véhicule l'industrie pornographique.

L'image de l'amour entre femmes que donne l'industrie pornographique est en fin de compte que les femmes sont là pour répondre aux besoins de l'homme.

En réalité, la pornographie méprise également ses lecteurs ou spectateurs. Les hommes sont sans aucun doute présentés comme un sujet - contrairement aux femmes - mais un sujet qui est la victime insensible de ses pulsions. Ce que fait en réalité la pornographie est de sexualiser l'absence d'égalité en transformant l'inégalité en un phénomène dont il est possible de tirer sexuellement profit. La pornographie donne l'idée que les femmes, dans l'extase, le bonheur et la volupté, n'attendent d'une seule chose, que les hommes les utilisent et les prennent. Un viol est présenté comme attendu et bienvenu. La violence et la contrainte qui forment la toile de fond du "sourire d'extase" apparaissant sur la photo ou dans le film ne sont pas montrées au consommateur. Menaces, prostitution de rue, drogue, proxénètes et bordels. Absence de liberté et négation de la sexualité propre de la femme.

La pornographie, tout comme la prostitution, est le résultat d'une misère, d'une violence, d'une toxicomanie et d'une absence de foyer que la femme n'a pas choisies. L'industrie de la pornographie est un aspect du commerce humain.

Il existe sans aucun doute également un lien entre l'image dégradante que la pornographie donne des femmes et le statut d'infériorité de ces dernières dans la société.

Il y a un lien manifeste entre la pornographie et la représentation avilissante de la femme dans les médias et la publicité. De telles images reflètent et influencent sans aucun doute les idées, les comportements et les relations de force entre les hommes et les femmes et, du fait qu'elles apparaissent dans les médias, leur influence est d'autant plus insidieuse.

5.        TYPES DE VIOLENCE

Le viol

Le viol attaque et détruit les frontières psychiques et physiques du moi. Être dépossédé du droit sur son propre corps et de la possibilité de se défendre est bouleversant et déroutant. L'expérience du viol constitue une épreuve difficile où l'équilibre personnel est atteint et qui débouche sur une crise. Nombreuses sont les femmes victimes d'un viol qui comparent ce dernier à une invasion.

En Angleterre, tout particulièrement, les "rape centers" jouent un rôle important, ce qui devrait conduire à créer des lieux semblables dans tous les États membres de l'UE.
Le viol est utilisé comme une arme dans le cadre de conflits politiques, notamment au Pakistan et au Rwanda. Au cours de la guerre en ex-Yougoslavie, quelque 20 000 à 60 000 femmes ont été violées. Les dispositions du droit humanitaire international couvrent une multitude de situations où les hommes ont besoin de protection, sans toutefois classer dans une catégorie spéciale les sévices sexuels subis par les femmes durant les conflits armés. En 1993 a été créé en Suède un réseau d'hommes qui s'élèvent contre les sévices dont femmes et enfants font l'objet. Il convient de souligner et d'encourager les initiatives de ce type.

Si des progrès ont été accomplis depuis la rédaction du rapport d'Ancona sur la violence contre les femmes il y a dix ans, ils l'ont été dans la législation des États membres reconnaissant que le viol dans le mariage est un crime. En 1986, deux États membres seulement le reconnaissaient alors qu'actuellement, la non-reconnaissance du viol conjugal comme crime est plutôt l'exception que la règle et nous devons oeuvrer pour faire évoluer les pays qui maintiennent cette position.

La violence au foyer

Le viol n'est qu'un aspect de la violence au foyer. Selon la déclaration des Nations unies, l'expression "violence à l'égard des femmes" désigne "tous actes de violence dirigés contre des femmes en tant que telles et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée". La déclaration sur la violence contre les femmes adoptée par les Nations unies doit être transformée en convention, ce qui la rendrait contraignante.

L'on a considéré - et nombreux sont ceux qui sont encore de cet avis aujourd'hui - que la violence au foyer ressortissait du domaine privé. Il est essentiel que la société prenne sans délai des mesures sévères pour que la situation change.

Le foyer est l'endroit le plus dangereux qui existe pour une femme. Le foyer est le théâtre de davantage de violence qu'on ne peut l'imaginer. Les femmes peuvent en être victimes, quels que soient leur âge, leur environnement et leur classe sociale.

Lorsque les hommes se font agresser en rue par d'autres hommes, souvent des inconnus, il s'agit d'agressions corporelles. Bien entendu, les femmes peuvent également être exposées à ce type de violence, mais les cas sont plus rares. Ce type de violence n'a rien à voir avec le sexe et relève souvent des faits divers. Les femmes sont maltraitées chez elles par des hommes qui vivent habituellement avec elles sous le même toit. Les sévices sexuels traduisent d'ailleurs les rapports de force inégaux entre les sexes qui marquent tout système social de leur empreinte. Les femmes sont exposées à ces sévices en raison de leur sexe. L'homme qui frappe, frappe pour imposer sa puissance. L'homme qui frappe reconnaît qu'il contrôle sa violence en pensant à la personne, au moment, au lieu et à la partie du corps qu'il frappe.

La principale raison pour laquelle une femme reste auprès de celui qui la maltraite est - paradoxalement - la crainte de ce qui va se passer si elle cherche à le quitter. Selon des recherches effectuées en Suède et aux États-Unis, les raisons invoquées sont:
1) l'aggravation des sévices;
2) les conséquences que les enfants subiront;
3) le risque d'être tuée.
Les autres raisons sont la crainte de la solitude, l'argent, l'ostracisme social et la crainte que l'auteur de sévices ne s'en prenne à d'autres (dans cet ordre).

Nombre de femmes maltraitées sont revenues parce que les hommes les ont retrouvées et menacées de davantage de violence.

Avant d'infliger des sévices physiques, les hommes ont souvent systématiquement cherché à obtenir que les femmes "admettent" qu'elles ne peuvent pas se passer d'eux. La victime se retrouve ainsi dans une situation d'impuissance.

Pour comprendre ce type de violence et adopter des mesures afférentes, il ne suffit pas d'étudier les aspects individuels et psychosociologiques. C'est pourtant ce que l'on fait, dans une large mesure, dans le cadre des recherches actuelles. L'on devrait, au contraire, axer son attention sur les structures sociales, sur la soumission des femmes et leur domination par les hommes. Dans ce domaine, la recherche, en particulier celle basée sur les expériences des femmes, est tout à fait dépassée.

Personne ne veut être victime de violence. Quiconque fait usage de la violence à l'encontre d'une autre personne commet un délit.

6.    STATISTIQUES

L'on ne connaît pas le nombre exact de femmes tuées chaque année par des tortionnaires. L'on sait cependant qu'elles sont nombreuses. En Suède, selon les estimations, la violence au foyer tue une femme tous les dix jours. Il n'est malheureusement pas possible de comparer ces chiffres avec ceux d'autres pays, car les statistiques manquent.

Il est en réalité difficile de savoir exactement combien de cas de violence ne sont pas signalés. D'après l'enquête britannique sur la criminalité pour 1995, les autorités ne sont saisies que d'un cas sur cinq de violence domestique. C'est pourquoi les statistiques dans ce domaine peuvent être fallacieuses et sont presque certainement en-deçà de la réalité bien qu'elles soient nécessaires pour démontrer que la violence contre les femmes est endémique.

Les réponses fournies par les États membres au rapporteur montrent également qu'il n'y a actuellement aucun moyen de comparer les statistiques à travers les époques ou entre les pays. Différents États membres à différentes périodes ont utilisé différents critères pour la collecte des statistiques, ainsi nous avons appris qu'en Irlande "18% des femmes avaient fait l'objet d'une certaine forme de violence", qu'une femme sur trois en Allemagne "avait été victime de violence domestique à une époque de sa vie", ce chiffre étant identique pour le Royaume-Uni, qu'aux Pays-Bas "11,4% des femmes avaient été victimes de violence de la part d'un partenaire masculin en 1992" et d'après une enquête portugaise effectuée en 1995, 52% des femmes interrogées avaient été victimes de violence, physique ou non".

Pour que les statistiques soient utiles au niveau européen, elles doivent être collectées sur une base commune dans les différents États membres se fondant par exemple sur le type d'agression, la relation avec l'agresseur, le lieu de l'agression, l'action intentée par la femme ainsi que sur les informations relatives aux condamnations et aux mesures prises contre l'auteur. Les statistiques doivent également être régulièrement mises à jour et les informations systématiquement enregistrées par les services ou les autorités concernées: le rapporteur a été notamment choqué par le fait que les chiffres les plus récents communiqués par la Belgique et la Finlande se référaient à 1988. En ce qui concerne l'aspect positif, le gouvernement finlandais projette une enquête à grande échelle sur le sujet en 1997 et les Pays-Bas incluent la violence contre les femmes dans leur enquête annuelle effectuée par le bureau central des statistiques.

7.    REFUGES/LIGNES TÉLÉPHONIQUES D'URGENCE

En Suède et dans d'autres pays, les journées de la femme ont été l'occasion de promouvoir la révélation de cette violence, jusqu'alors invisible, au grand public: cet exemple doit faire l'objet d'un suivi et doit être imité.

Le rapporteur a été frappé par les importantes différences de niveau existant entre les services mis à la disposition des femmes dans les différents États membres: en Allemagne, il existe plus de 330 abris pour les femmes; aux Pays-Bas, il y en a 42; en France en revanche, il y en a 50 pour l'ensemble du pays, ce qui représente juste un peu plus d'un abri pour deux départements, tandis qu'au Portugal, les deux premiers abris sont actuellement mis en place.

Les créations d'abris relèvent habituellement de l'initiative locale, mise en place par les ONG sur la base des besoins locaux. En Suède et au Danemark, ces organisation reçoivent un financement national, ce qui est rarement le cas dans l'Union européenne, et en particulier au Royaume-Uni où les ONG de femmes se sont montrées critiques au sujet de l'absence de financement national et de stratégie nationale en ce qui concerne la mise en place d'abris ou de refuges.

Les statistiques relatives aux lignes téléphoniques d'urgence sont également très variables et le nombre d'appels adressés à ces lignes ne reflètent pas nécessairement le degré de violence d'une société, les femmes étant plus enclines à s'adresser à leurs parents ou amis pour faire part de la violence de leur partenaire avant d'avoir recours à une ligne téléphonique publique. L'existence d'une ligne téléphonique d'urgence gratuite et fiable, au niveau national ou local, a contribué à sauver des milliers de femmes, mais elle dépend trop souvent de la bonne organisation des ONG de femmes qui agissent sans soutien financier.

8.    LE SYSTÈME JURIDIQUE

Les rapports émanant des États membres montrent que si des progrès ont été accomplis au cours des dix dernières années, ils l'ont été dans le domaine de la législation concernant la violence contre les femmes. Qu'il s'agisse de la reconnaissance du viol dans le mariage et de la violence domestique comme crime ou de la disponibilité des ordres d'éviction et d'exclusion, les moyens de recours juridique pour les femmes ont été étendus dans la majorité des États membres. Beaucoup reste à faire, mais la législation n'est qu'un juste milieu, nécessaire mais insuffisant, les femmes demeurant, dans de nombreux cas, réticentes à engager des poursuites.

Un récent rapport émanant d'Irlande souligne la nécessité urgente d'amélioration dans les procédures des tribunaux, en particulier la longueur des délais dans une affaire portée devant la Cour ainsi que le traitement des femmes avant et pendant le procès. Une part importante du traumatisme lié à l'engagement de poursuites est due au maintien du contact avec l'homme impliqué: aux séances d'identification, pendant le procès même, ou dans les cas où le partenaire violent bénéficie du droit de visite aux enfants et utilise ce droit pour persévérer dans son comportement violent, ce dernier élément étant souligné dans un rapport de 1996 concernant le Royaume-Uni et le Danemark.
De nombreux problèmes résultent de l'attitude des juges. Les juges masculins s'abstiennent régulièrement d'aborder les questions du point de vue féminin. Une étude autrichienne révèle que "Dans un certain nombre de cas, les hommes accusés de viol ont été acquittés trois fois plus souvent lorsque le juge, l'assesseur et le procureur étaient des hommes que lorsqu'une femme occupait au moins l'un de ces postes". Il existe un net besoin de formation pour tous les juges (hommes et femmes) en ce qui concerne la violence contre les femmes. Malheureusement, la situation en Allemagne et en France montre qu'il y a peu de possibilités de formation offertes aux juges.

Un rapport réalisé en Belgique en 1989 évoque la faiblesse du niveau de prise de conscience des services sur la manière de répondre aux victimes et la France n'est certainement pas le seul pays où "les officiers de police ne connaissent pas les lois récentes en matière de poursuites et où les avocats déconseillent aux femmes de quitter le foyer!". En Grèce, le rapport établi par le bureau du gouvernement sur l'égalité des chances indique: "Lorsque la police montre quelque intérêt, elle appelle le mari pour recueillir son avis et s'efforce d'arranger les choses en énonçant les risques que représente le divorce pour les enfants".
    
La formation de tous les services en contact avec les femmes victimes de violence est essentielle. Le rapporteur a examiné un document de la police française relatif à la formation, qui constitue un modèle très utile pour une prise de conscience en ce domaine et qui devrait être plus largement utilisé. En Finlande aussi, il y a eu de nombreux projets locaux sur la formation des services de police.

Des mesures ont été prises dans certains pays pour développer une approche interministérielle coordonnée, plus particulièrement en Espagne, aux Pays-Bas, en Autriche et en Belgique. En Belgique notamment, les ministères de l'Intérieur et des Affaires sociales ont établi des normes communes pour les services d'accueil des victimes de violence. Pendant ce temps, en Finlande, il est considéré que des progrès ont été accomplis depuis la mise en place d'une commission parlementaire spécifique sur la violence.

Une approche multi-services à un niveau local s'est également révélée être une mesure positive. Au Royaume-Uni, cette approche repose sur des initiatives locales émanant souvent d'ONG de femmes; en France, des circulaires ministérielles appellent à la création de commissions régionales et départementales sur la violence requérant la participation des services de police, du logement, de la santé, des services sociaux ainsi que des ONG de femmes. Les différentes commissions sont tenues de présenter un rapport annuel sur l'action entreprise.

9.    ACTIONS VIS-À-VIS DES HOMMES AUTEURS DE VIOLENCE

Les hommes qui se rendent coupables de sévices sont de tous les âges et appartiennent à toutes les classes et à tous les milieux de la société. Contrairement aux femmes, les hommes établissent de nouveaux rapports où les sévices entrent en jeu. En pratique, ils ne font que perpétuer leur propre modèle de violence. Ce qui, souvent, fait défaut, c'est une méthode de traitement efficace pour ces hommes.

Un programme centré sur les hommes a été mis au point au pays basque, il comporte une enquête révélant le profil "type" de l'auteur de violence contre les femmes. Il a en moyenne 42 ans, un passé de 11 ans de mauvais traitement, une moyenne de 16 ans de mariage, la violence est principalement liée à une faible estime de soi-même et une faible capacité de communication.
Un projet à Marseille a examiné le problème des hommes et de leur violence en termes de dysfonctionnement psychologique, reconnaissant que la violence des hommes provient souvent d'un sentiment d'impuissance et que c'est leur moyen de réimposer le pouvoir dans les relations. Des projets de ce type et autres programmes ont examiné des solutions alternatives ou complémentaires aux peines de prison, se concentrant plus particulièrement sur le traitement thérapeutique visant à faire prendre conscience aux hommes de leur responsabilité en ce qui concerne leur violence.

Les campagnes centrées sur les hommes ont obtenu des résultats mitigés. En Allemagne, la campagne nationale était ciblée sur les hommes "ordinaires", mais l'Allemand "moyen" ne se rendait pas compte qu'il était également concerné: alors que 40 000 femmes faisaient appel aux lignes téléphoniques d'urgence, 500 hommes seulement y avaient recours et peu d'hommes demandaient à bénéficier d'une aide ou d'une thérapie. Les autorités finlandaises obtiennent des résultats plus positifs, une ligne intitulée "Ne frappez pas" créée à l'intention des hommes reçoit 1 000 appels par an et 250 à 300 hommes dans la seule ville d'Espoo suivent une thérapie de groupe visant à leur faire prendre la responsabilité de leurs actes.

Les programmes visant à modifier le comportement des hommes sont tous très positifs et leur objectif est clairement utile. Cependant, pour triompher de la violence endémique dans nos sociétés, il faut s'attaquer aux attitudes et aux comportements qui se développent dès un très jeune âge. L'école a un rôle capital à jouer pour établir des modèles positifs pour les garçons et les filles, pour faire prendre conscience des relations entre les sexes dans la société et pour encourager les moyens non violents de résoudre les conflits.

10.     RÉÉVALUER LE COÛT DE LA VIOLENCE

L'un des obstacles les plus importants qui se dressent devant les ONG et les autorités dans leur tentative de mettre sur pied des services d'aide, des refuges ou des lignes téléphoniques d'urgence pour les femmes est la question du coût de ces services. Le rapporteur a la ferme conviction que ces services ne devraient pas être considérés uniquement en termes de coûts supplémentaires, mais aussi en termes d'économies réalisées dans les budgets des services de santé, du logement, des services sociaux, du système judiciaire pénal et en matière d'assurance. Ce point est soulevé par de nombreuses ONG de femmes et commence à être examiné dans certaines réponses des gouvernements nationaux, mais ce n'est qu'au Danemark que le rapporteur a constaté un calcul concret des économies réalisées et ce, dans un seul centre d'aide. Le centre de Rontofte estime que ses services ont économisé 13,4 DKr. (1,8 mécu) aux autorités locales en charge du logement en 10 ans: réparti sur l'ensemble de l'Union européenne, cela représente un économie considérable pour les fonds publics.

11.     UNE CAMPAGNE:

La société consacre à ce jour beaucoup d'argent à d'autres problèmes liés à la santé et à la criminalité, par exemple à de gigantesques campagnes sur la sécurité routière, les méfaits de l'alcool, etc. Il est temps de révéler au grand jour la violence des hommes à l'encontre des femmes et de souligner les conséquences de celle-ci sur la santé desdites femmes.

De multiples campagnes ont été lancées à différents niveaux dans les États membres de l'UE. En 1992 a été lancée, à Edimbourg, une campagne européenne de tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes. Il s'agit d'une campagne à long terme visant essentiellement à
-    mettre un terme à la violence criminelle contre les femmes, en informant l'opinion publique et en dotant les agents de police et les membres du personnel d'autres services d'une formation appropriée,
-    venir en aide activement aux femmes victimes de sévices en leur offrant une protection, un logement et l'accès à différents services,
-    fournir une assistance juridique.

La campagne d'Edimbourg visait à déplacer l'objectif habituellement centré sur l'évolution du comportement de la femme vers l'examen du comportement et des attitudes de l'homme et elle visait à inscrire la question de la violence contre les femmes au rang des problèmes politiques majeurs. Elle l'a fait au moyen d'une large publicité avec grands panneaux d'affichage, couverture par la presse et information dans les lieux publics tels que bibliothèques, abris bus et cabinets médicaux.

La campagne de tolérance zéro s'est étendue dans tout le Royaume-Uni et a été reprise dans plus de 80 districts. Des rapports d'évaluation montrent que le public estime que les campagnes représentent "de l'argent bien dépensé", et elles ont une incidence positive sur l'image des autorités locales.

La campagne de tolérance zéro au Royaume-Uni a établi un modèle pour les campagnes locales adapté aux besoins locaux et basé sur les mêmes critères et les mêmes priorités d'action quel que soit le lieu où les campagnes sont mises sur pied.

Les campagnes nationales

L'avantage des campagnes nationales est qu'elles assurent un approche coordonnée de la question de la violence; elles impliquent également un financement national, ce qui, jusqu'à présent, a nettement fait défaut au Royaume-Uni, cependant, dans un certain nombre d'autres États membres, des campagnes nationales ont été menées, notamment la campagne allemande de 1993, déjà citée, et la campagne plus récente de 1996 au Luxembourg: "Neen as Neen"; la Finlande prévoit un plan national de 5 ans sur la prévention de la violence contre les femmes couvrant la période de 1997 à 2001, tandis que la municipalité d'Helsinki propose d'étendre sa campagne locale pour faire de 1998 une année nationale de prévention contre la violence familiale. Le rapporteur estime qu'une campagne nationale particulièrement orientée sur la violence contre les femmes peut jouer un grand rôle pour une prise de conscience ainsi que pour le développement de nombreuses mesures spécifiques déjà mentionnées.

Action au niveau européen

Que peut-on faire au niveau européen? Il ne serait ni souhaitable ni possible d'harmoniser la législation des États membres sur la violence contre les femmes, mais les États membres qui sont en retard dans ce domaine pourraient être invités à réformer leur législation. La Commission doit souligner les progrès accomplis dans les États membres pour soutenir les travaux du nouveau centre d'observation et d'information sur la violence mis en place par le groupe de pression des femmes européennes cette année.

Il est également important que toute initiative au niveau européen s'appuie sur ce qui a déjà été réalisé aux niveaux local ou national et que toute campagne s'adapte aux cultures nationale ou régionale ainsi qu'aux différentes étapes atteintes dans le cadre des discussions sur ce sujet dans chaque État membre.
Le rapporteur aimerait qu'une grande importance soit donnée à la question de la violence contre les femmes dans l'Union européenne. Cela pourrait prendre la forme d'une année consacrée à ce sujet comme l'Année européenne pour l'éducation et la formation tout au long de la vie en 1996, ou l'Année contre le racisme et la xénophobie en 1997. Cela pourrait aussi prendre la forme d'une campagne spécifique coordonnée par la Commission européenne, mettant des fonds communautaires disponibles pour la publicité au niveau européen ainsi que pour des activités dans les États membres, aux niveaux national et local, par une ligne budgétaire affectée à cette fin.

Une nouvelle ligne budgétaire a été créée en 1997 avec 3 millions d'écus en vue de mesures visant à combattre la violence contre les enfants, les adolescents et les femmes. Il s'agit d'une heureuse initiative, inspirée sans nul doute par les événements horribles qui se sont déroulés en Belgique, révélés pendant l'été 1996. Il ne s'agit cependant que d'un début. Si une campagne à grande échelle visant à combattre la violence contre les femmes doit être lancée au niveau européen, elle doit bénéficier d'un budget plus substantiel avec une ligne spécifique affectée à la campagne ou à l'année de la violence zéro à l'égard des femmes, que ce soit en 1998 ou en 1999.

La campagne doit mettre en valeur les initiatives prises par les ONG et les autorités dans les États membres et mentionnées dans le présent rapport. Elle doit avoir pour objectif principal la protection et l'information ainsi que la prévention avec pour cible le soutien aux services à l'intention des femmes concernées et la prise de conscience de la société dans son ensemble afin que ceci soit bien clair: la violence contre les femmes concerne chacun d'entre nous.


ANNEXE

Proposition de résolution (B4-0047/94)
déposée conformément à l'article 45 du règlement
par M. David MARTIN
sur la nécessité d'organiser dans l'Union européenne une campagne de refus de la violence contre les femmes

Le Parlement européen,

A.     considérant que le conseil de district d'Edimbourg a organisé avec le plus grand succès une excellente campagne de refus de la violence contre les femmes,

B.     préoccupé par l'aggravation du chômage et des tensions sociales dans l'Union européenne,

C.     conscient que la violence exercée à l'encontre des femmes est malheureusement un phénomène d'envergure européenne,

1.     demande instamment aux gouvernements des États membres d'accorder plus d'importance à la violence contre les femmes et d'inscrire cette question au rang des problèmes politiques majeurs;

2.     engage la Commission à effectuer une étude sur la violence contre les femmes dans l'Union européenne et à promouvoir l'organisation à l'échelle européenne d'une campagne semblable à celle lancée par le conseil de district d'Edimbourg sur le thème du refus de la violence contre les femmes.

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