Comparer
des méthodologies utilisées pour étudier
la violence à l’égard des femmes
Sylvia WALBY, Université
de Leeds, Royaume-Uni
Introduction
Les enquêtes constituent un élément essentiel de la méthodologie de
recherche sur la violence à l’égard des femmes. En effet, elles
permettent de recueillir des informations sur la prévalence,
l’incidence et les formes de violence à l’égard des femmes. Il va
sans dire qu’elles comportent certaines faiblesses, l’une d’entre
elles (et non des moindres) tenant au fait qu’elles ne proposent
qu’un éventail limité de termes pour décrire la violence et ses
conséquences. De ce fait, elles ne sauraient constituer la seule méthode
à employer. Elles forment néanmoins une composante essentielle de tout
programme de recherche sur la violence à l’égard des femmes.
Dans la présente contribution, nous analyserons les quatre «générations»
successives d’enquêtes nationales sur la violence à l’égard des
femmes qui ont été mises au point ces
20 dernières années. Cette étude a pour but d’aider les chercheurs
à élaborer la meilleure méthodologie possible pour leurs futures enquêtes.
C’est ainsi que nous ferons même la critique de l’enquête de
Statistique Canada, pourtant largement reconnue comme étant
actuellement la plus perfectionnée, afin de contribuer à la mise au
point d’une méthodologie plus adaptée à un contexte européen et
fondée sur les résultats de travaux de recherche plus récents.
Notre objectif global consiste ici à concevoir une enquête pour
l’analyse comparée de la violence à l’égard des femmes dans les
différents pays d’Europe.
Quatre «générations» d’enquêtes
nationales sur la violence à l’égard des femmes et la violence
conjugale
Les premières enquêtes sur la criminalité avaient pour but de
recenser les crimes et délits contre les personnes ne faisant pas
l’objet d’un signalement à la police et d’un examen devant les
tribunaux. C’est ainsi que l’on a recensé au total quatre «générations»
différentes de telles enquêtes faisant le plus souvent état d’un
taux de violence conjugale et de violence à l’égard des femmes de
plus en plus élevé.
Quatre
«générations» d’enquêtes
Pays/Organisme Titre
Année
Première génération
Bureau of Justice (E.-U.)
Enquête nationale sur les victimes de crimes et de délits
annuelle
Ministère britannique de British
Crime Survey (Enquête britannique sur la
l’intérieur (Home Office) criminalité)
semestrielle
Bureau australien des
Enquête annuelle sur la criminalité et sur la sécurité
annuelle
statistiques
Deuxième génération
Bureau of Justice (E.-U.)
Enquête nationale sur les victimes de crimes et de délits à
partir de 1992
Ministère britannique de British
Crime Survey (Enquête britannique sur la criminalité)
1996
l’Intérieur (Home Office)
Troisième génération
Straus et Gelles (E.-U.)
Enquête nationale sur la violence familiale
1975
Straus et Gelles (E.-U.)
Nouvelle enquête nationale sur la violence familiale
1985
Romkens (Pays-Bas)
Enquête nationale sur la violence à l’égard des conjointes 1986
Quatrième génération
Canada - Statistique Canada
Enquête sur la violence envers les femmes
1993
Bureau australien
La sécurité des femmes
1996
des statistiques
Islande, Ministère de
La violence à l’égard des femmes en Islande
1996
la Justice
Tjaden, Etats-Unis
Enquête nationale sur la violence à l’égard des femmes
1996
Finlande, Statistique
La violence des hommes à l’égard des femmes
1997
Finlande
1.
Les enquêtes nationales sur la criminalité de type général
Nombreux sont les pays qui réalisent aujourd’hui des enquêtes générales
sur la criminalité (ainsi, l’enquête britannique sur la criminalité
au Royaume-Uni, l’enquête nationale sur les victimes de crimes et de
délits aux Etats-Unis et l’enquête nationale sur la criminalité et
la sécurité en Australie.)
2.
Les nouvelles enquêtes sur la criminalité revues pour accorder
une attention particulière à la question de la violence à l’égard
des femmes
La deuxième génération d’enquêtes sur la criminalité comportait
une série de questions dont la formulation avait été revue afin
d’augmenter le nombre d’agressions à l’égard de femmes signalées
aux enquêteurs et dont les principaux thèmes faisaient l’objet de
questions plus détaillées (Bachman et Taylor, 1994).
3.
Les enquêtes spécialement consacrées à l’étude de la
violence conjugale
Ont ensuite été réalisées une série d’enquêtes dites de «troisième
génération» qui étaient exclusivement consacrées à la question de
la violence conjugale. De ce fait, les enquêteurs n’avaient plus,
lors de leurs entrevues avec les personnes interrogées, à se limiter
au cadre quelque peu contraignant d’une enquête sur la criminalité
et bénéficiaient de temps pour interroger et sonder sur le seul thème
de la violence conjugale. On a recensé aux Etats-Unis
deux grands exemples d’enquêtes dans cette catégorie, soit les enquêtes
nationales sur la violence familiale de 1975 et de 1985 (Straus et
Gelles, 1990), et une aux Pays-Bas (Romkens, 1997).
4.
Les enquêtes relatives à la violence à l’égard des femmes
La quatrième et dernière génération d’enquêtes passe en revue
tout l’éventail possible des formes de violence à l’égard des
femmes, dans la mesure où il s’agit dans tous les cas d’enquêtes
spécialement consacrées à cette question. Les questions qu’elles
contiennent portent sur l’ensemble des formes possibles de violence à
l’égard des femmes, notamment le viol et autres formes d’agressions
sexuelles, le fait de traquer une femme et autres formes de harcèlement.
Cette forme d’enquêtes a vu le jour au Canada, plus précisément au
moment de l’enquête de Statistique Canada sur la violence à l’égard
des femmes (Johnson, 1996; Johnson et Sacco, 1995; Statistique Canada,
1993). Cette enquête sert depuis lors de modèle à plusieurs autres
pays, qui l’ont modifiée et adaptée à des degrés divers, notamment
l’Australie, la Finlande, l’Islande et les Etats-Unis Enfin, la Suède
procède actuellement à son adaptation.
Il faut noter cependant que même cette dernière génération d’enquêtes
n’est pas sans comporter un certain nombre de lacunes.
Les mini-enquêtes et les
enquêtes locales
En-dehors de toutes ces enquêtes d’envergure nationale, il existe
un certain nombre d’études d’ampleur plus réduite ou qui utilisent
des méthodes d’échantillonnage moins avancées (ainsi, Russell,
1982; Hall, 1985; Hanmer et Saunders, 1984; Mooney, 1994; Painter,
1991). Il s’est avéré que ces différentes enquêtes ont joué un rôle
important pour permettre aux chercheurs d’imaginer d’autres moyens
de poser des questions pertinentes sur la nature exacte des formes de
violence à l’égard des femmes.
L’évolution
récente de la méthodologie dans ce domaine
Afin de déterminer l’état actuel de la science s’agissant des
méthodologies employées pour connaître l’étendue du phénomène de
violence à l’égard des femmes, il se pose un certain nombre de
questions qu’il convient d’envisager:
- le contexte de l’enquête: s’agit-il d’une enquête générale
sur la criminalité ou d’une enquête spécifique;
- la confidentialité de l’entrevue;
- la formation de l’interviewer et le rapprochement entre les
caractéristiques qui le définissent et celles qui définissent la
personne interrogée;
- la base de sondage;
- la technique d’enquête (par la poste, interview en face-à-face,
le téléphone);
- la mise en œuvre des définitions;
- la situation de l’événement par rapport aux autres.
Enquête générale ou spécifique?
Lorsque les questions relatives à la violence à l’égard des
femmes sont posées dans le cadre d’une enquête générale sur la
criminalité, on n’obtient que des chiffres peu élevés, et ce en
partie pour les raisons suivantes:
- l’enquêteur dispose de moins de temps pour poser des questions
nuancées sur la nature des actes de violence et sur leurs conséquences;
- la méthodologie employée donne priorité aux besoins de
l’enquête générale par rapport à ce qu’il faudrait faire pour
mettre les personnes interrogées suffisamment à l’aise pour
qu’elles divulguent les actes de violence dont elles ont pu être
victimes;
- une enquête réalisée au nom d’une notion de «criminalité»
risque de se traduire par une sous-estimation des actes de violence dont
la légalité peut être jugée par les personnes interrogées comme
ambiguë.
On a enregistré, dans le cadre des enquêtes spécifiquement consacrées
à l’étude de la violence, des taux plus élevés d’actes de
violence que lors des enquêtes générales sur la criminalité. C’est
ce que l’on constate notamment en comparant deux «générations»
d’enquêtes réalisées en Australie. Lors de son enquête sur la sécurité
des femmes et sur la violence à l’égard de ces dernières, le Bureau
australien des statistiques a fait état d’un taux d’agressions
contre les femmes trois fois plus élevé que celui enregistré dans le
cadre de l’enquête générale sur la criminalité et la sécurité,
soit un pourcentage de 5,9 % (contre 1,8 %) de femmes ayant déclaré
avoir été victimes de violences physiques dans les 12 mois ayant précédé
l’interview (Bureau australien des statistiques, 1994, 1996: 3).
L’interview
On peut penser que la présence, dans la même pièce que celle où
la femme est interviewée, de son compagnon ou de son mari violent,
l’incitera à garder le silence sur les agressions dont elle a pu
faire l’objet. Or, dans le cadre de la quatrième «génération»
d’enquêtes spécialisées, comme celles de Statistique Canada, on
veille en général à ce que la personne interrogée soit seule au
moment de l’entrevue, ce qui n’est pas le cas lors des enquêtes générales
sur la criminalité.
Ainsi, 35 % des femmes interrogées dans le cadre du module spécial
consacré à la violence conjugale lors de l’enquête britannique sur
la criminalité n’étaient pas seules au moment de l’entrevue. Dans
les cas où les compagnons ou conjoints des femmes âgées de 30 à 59
ans ont répondu avec elles au questionnaire, le nombre d’actes de
violence conjugale signalé s’est avéré deux fois moins élevé à
celui enregistré lorsque la femme a été interrogée seule (10% dans
le premier cas, contre 23 % dans l’autre).
Lors des enquêtes spécialement consacrées à la violence, comme
celles de Statistique Canada, les responsables se sont employés à
mieux sélectionner et à former leurs enquêteurs. Dans les cas où
l’on veut amener les femmes interrogées à révéler des agressions
sexuelles particulièrement difficiles, il peut s’avérer particulièrement
important de recruter des enquêtrices plutôt que des enquêteurs.
Ainsi, Sorenson (1987) ont constaté que les victimes d’agressions
sexuelles sont 1,27 fois plus susceptibles de parler lorsqu’elles sont
interviewées par une femme que par un homme.
La base de sondage
Toutes les enquêtes
mentionnées ici souffrent de limites inhérentes à la base de sondage.
En effet, les bases de sondage employées ne tiennent compte que des
seules personnes résidant en permanence au sein d’un ménage donné.
Malheureusement, cette particularité revient à exclure de la base de
sondage toutes les personnes n’ayant qu’un domicile temporaire,
habitant les auberges de jeunesse ou sans domicile fixe. Il s’agit là
d’un élément important, dans la mesure où il peut se trouver, dans
cette catégorie de personnes, les femmes ayant fui leur domicile pour
se réfugier dans un abri ou vivre temporairement chez des amis et des
proches, prendre une chambre chez l’habitant ou en auberge de jeunesse
ou qui sont carrément sans domicile fixe. Les femmes venant tout juste
de subir une agression de la part de leur mari sont précisément plus
susceptibles que les autres de se tourner vers ces modes d’hébergement
temporaire. Cette question d’ordre méthodologique peut avoir des conséquences
très importantes sur la compréhension théorique du phénomène dans
la mesure où les femmes ayant été victimes le plus récemment
d’agressions physiques les plus graves sont nettement sous-représentées
dans les enquêtes nationales. Les échantillons constitués de femmes
vivant dans les foyers et dans les abris font systématiquement état de
taux d’actes de violence beaucoup plus élevés que ceux enregistrés
lors des enquêtes nationales (Dobash et Dobash, 1979; Okun, 1986;
Straus, 1990). Cette lacune est particulièrement grave pour les enquêtes
ayant pour but de mesurer l’incidence de la violence conjugale au
cours des 12 derniers mois, mais un peu moins lorsqu’il s’agit de
mesurer l’incidence de la violence conjugale sur toute une vie, étant
donné qu’il est possible que certaines femmes jadis victimes
d’agressions vivent, au moment de l’enquête, au sein de foyers sans
problèmes ni violences. Le taux relatif aux 12 mois ayant précédé
l’enquête risque donc de sous-estimer le nombre de femmes victimes
des formes les plus graves et les plus fréquentes de violence
conjugale.
Les différents profils de victimes de violences que l’on a pu dégager,
tant des enquêtes par sondage que des enquêtes réalisées avec des échantillons
de femmes ayant fui en direction de foyers et d’abris, ont suscité de
nombreuses controverses et amené d’aucuns à penser qu’il existe
effectivement deux formes assez différentes de violence conjugale,
l’une que l’on pourrait qualifier de «violence conjugale courante»,
caractérisée par quelques accrochages de faible gravité entre les époux,
et l’autre de «terrorisme patriarcal», où les hommes terrorisent et
battent leur épouse (Johnson, 1995). Toutefois, une telle dichotomie ne
correspond pas nécessairement à la réalité et pourrait bien n’être
rien d’autre qu’une simple conséquence méthodologique de la
sous-estimation, lors des enquêtes par sondages, du nombre de femmes
victimes des plus graves formes de violence et n’habitant pas à leur
adresse permanente. Une base de sondage plus adaptée permettrait de vérifier
cette thèse.
Ainsi, toutes les enquêtes existantes et même celles de Statistique
Canada sous-estiment peut-être le nombre de femmes victimes de
violences du simple fait qu’elles limitent leur base de sondage aux
seules personnes interrogées à leur domicile permanent. Il existe des
méthodes qui permettraient de compléter cette base de sondage pour y
inclure les autres groupes de populations, mais elles n’ont pas encore
été appliquées à ces enquêtes.
Le mode d’enquête: la poste,
le téléphone, l’entrevue en face-à-face, le questionnaire à
remplir
Toutes les enquêtes envisagées ici ont été réalisées au
travers de questionnaires adressés par la poste, d’entrevues téléphoniques,
d’interviews en face-à-face ou d’un questionnaire rempli par le répondant
sur ordinateur. On ne sait pas encore dans quelle mesure la formule de
l’entrevue en face-à-face doit ou non être privilégiée car elle
permet de nouer une relation avec la personne interrogée, pas plus
qu’on ne sait si le degré de confidentialité inhérent à des
techniques comme celles qui consistent à remplir soi-même un
questionnaire sur ordinateur ou adressé par la poste permet ou non
d’espérer que les répondants révéleront davantage d’informations
sensibles.
Toutefois, les conséquences de l’utilisation de l’une ou l’autre
de ces méthodes pour la base de sondage et le taux de réponse revêtent
peut-être davantage d’importance.
De toutes les méthodes, c’est en général dans les questionnaires
adressés par la poste que l’on enregistre le taux de réponse le plus
faible. On considère par conséquent que le questionnaire ne convient
pas aux enquêtes jugées importantes. Toutefois, l’Office finlandais
de la statistique a obtenu avec un questionnaire postal un taux de réponse
étonnamment élevé de 70 % (Heiskanaen et Piipsa, 1998). Ce
chiffre s’explique peut-être par la spécificité des sociétés
scandinaves.
Statistique Canada a utilisé le téléphone pour entrer en contact avec
les personnes sondées, partant du principe que, puisque la
quasi-totalité des Canadiens ont le téléphone, on obtiendrait un bon
taux de couverture. Toutefois, tous les pays n’ont pas un taux d’équipement
aussi élevé. Ainsi, en Grande-Bretagne, les particuliers ne sont pas
aussi nombreux qu’au Canada à posséder un téléphone, surtout au
sein des familles monoparentales dirigées par des femmes et
susceptibles de compter un nombre particulièrement important de femmes
ayant fui un ménage violent. Les résultats recueillis lors des enquêtes-ménages
générales sur le taux d’équipement téléphonique ont montré que,
en 1994, environ 91 % des ménages possédaient le téléphone (contre
un taux 96 à 98 % aux Etats-Unis et au Canada). En 1989, alors que le
taux global d’équipement téléphonique des ménages était
d’environ 87 %, on a enregistré des taux nettement inférieurs au
sein des ménages en location et ne possédant pas de voiture. Au sein
de ce même groupe, le taux n’était que de 38 % pour les ménages
dirigés par une personnes ayant entre 16 et 29 ans, de 55 % lorsque
cette personne avait entre 30 et 69 ans et de 71 % lorsque qu’elle
avait 60 ans ou plus (Thomas, 1991). Ainsi, l’utilisation du téléphone
pour réaliser des enquêtes est probablement à déconseiller au
Royaume-Uni étant donné que les plus démunis sont aussi les plus vulnérables
et les plus susceptibles d’être laissés pour compte. En outre, les
informations techniques nécessaires à la réalisation d’une enquête
téléphonique aléatoire sont moins faciles à trouver au Royaume Uni.
qu’en Amérique du Nord.
Si toutes les méthodes utilisées peuvent avoir des répercussions
particulières sur le déroulement et sur les résultats de l’enquête,
nous ignorons les différences susceptibles d’en résulter. L’élément
le plus important est probablement le taux de réponse et, à cet égard,
il semblerait que la technique d’enquête retenue puisse avoir des
conséquences spécifiques selon les pays, étant donné notamment que
l’on ne trouve que dans peu de pays européens un taux d’équipement
téléphonique de presque 100 % comme c’est le cas au Canada.
La mise en œuvre des définitions
de la violence
L’aspect peut-être le plus difficile et le plus controversé des
enquêtes réalisées dans ce domaine tient peut-être aux définitions
elles-mêmes des actes de violence. La question est d’autant plus
problématique qu’il n’existe aucune terminologie normalisée,
neutre et encore moins facilement adaptable aux diverses catégories de
crimes et de délits définies dans la loi.
Les termes et les concepts utilisés pour décrire la violence
domestique au cours des diverses «générations» d’enquêtes ont
donné lieu à une vaste polémique. Il existe dans ce domaine trois
notions principales: la «violence», la «force» et «les tactiques
utilisées en cas de conflit». Cette dernière expression a été
utilisée par Straus dans la troisième génération d’enquêtes menées
aux Etats-Unis sur la violence familiale, tandis que c’est plutôt la
notion de «violence» qui a servi dans celles de Statistique Canada et
dans les enquêtes subséquentes, celle de «force» enfin ayant été
privilégiée en Grande-Bretagne dans le cadre de la BCS. Straus a mis
au point une échelle complexe (Conflict Tactics Scale), recensant toute
une série de méthodes pour faire face au conflit et qui vont du
recours à la parole jusqu’aux actes de violence grave. Cette échelle
a été largement utilisée compte tenu de sa capacité à faire la
distinction entre différents formes et niveaux de violence. Toutefois,
elle a aussi été très souvent critiquée, puisqu’on lui a reproché
de se concentrer sur l’acte même de violence plutôt que sur ses conséquences;
par ailleurs, disposer simplement de données sur les actes de violence
ne revêt que peu de signification en dehors d’une compréhension de
leur sens et de leur contexte (Brush, 1990; Dobash et al, 1992; Smith,
1994).
L’enquête de Straus a permis de constaté, contrairement à ce que
pensaient certains, que les hommes étaient tout aussi susceptibles d’être
victimes de violence conjugale que les femmes, un constat que l’on
retrouve d’ailleurs dans la BCS. Toutefois, il s’agit d’une
statistique qui peut être trompeuse pour les raisons suivantes: les
conséquences de la violence sont bien plus importantes pour les femmes
que pour les hommes (voir Dobash et al, 1992); un homme est beaucoup
plus susceptible de blesser une femme que l’inverse (Schwartz, 1987);
les femmes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes d’être
effrayées par la violence et de le rester (Mirrlees-Black, 1999);
enfin, on peut penser que les femmes qui frappent les hommes le font
plutôt en réaction à une attaque, pour se défendre ou pour se
venger, que de leur propre initiative (Saunders, 1988; Nazroo, 1995).
Depuis cette controverse, toutes les enquêtes subséquentes ont systématiquement
comporté des questions sur l’impact de la violence et sur le contexte
des actes de violence, même si l’on a continué d’utiliser une
partie de l’échelle de notation mise au point par Straus. Celle-ci a
l’avantage de permettre de poser aux personnes interrogées de
nombreuses questions pour savoir si elles ont été ou non victimes de
violence à des degrés divers, ce qui élimine la nécessité d’une
«première» et unique question susceptible de contenir un terme avec
lequel le sondé ne souhaite pas s’identifier.
Statistique Canada amène ses questions sur la violence conjugale comme
étant des questions sur la violence en tant que telle, plutôt que des
questions sur les tactiques employées en cas de conflits entre les époux.
L’enquête elle-même est présentée comme une enquête sur la sécurité
des femmes, et les questions sur la violence conjugale font suite à une
série de questions sur le caractère éventuellement autoritaire d’un
conjoint ou d’un compagnon. On estime qu’il s’agit d’un cadre
plus propice pour poser les questions.
Cependant, en dépit des problèmes désormais bien connus inhérents à
l’enquête de Straus, il n’est pas inutile de relever qu’elle a
donné, par le biais de cette échelle d’évaluation des tactiques
employées en cas de conflits, des taux de violence conjugale à l’égard
des femmes plus importants au cours de la période de 12 mois ayant précédé
l’enquête et qu’elle a permis d’utiliser la notion de résolution
des conflits dans la famille mise au point par Statistique Canada, fondée
sur le concept de violence et présentée dans le cadre d’une enquête
sur la sécurité des femmes.
L’utilisation du terme de «violence» pose problème dans la mesure où
il s’agit d’un mot non neutre que certaines personnes interrogées
ne souhaitent pas nécessairement employer. Dans l’étude qu’il a
menée en 1994 dans le nord de Londres, Mooney (1994) a constaté que
certaines personnes hésitaient à employer le terme de «violence
conjugale». Si 92 % des femmes interrogées se sont déclarées disposées
à qualifier de «violence conjugale» toute agression physique à leur
endroit ayant provoqué une véritable blessure corporelle (contusion,
œil au beurre noir ou fracture), elles n’étaient plus que 76 % à
bien vouloir parler de violence physique pour qualifier les incidents à
l’occasion desquels elles avaient été empoignées, bousculées ou
secouées et 68 % seulement en cas de simple menace verbale de recours
à la force. On a constaté aussi que les réponses variaient selon l’âge des
femmes interrogées: parmi celles ayant entre 55 et 64 ans, 60 %
seulement se sont déclarées disposées à parler de violence conjugale
en cas d’agression ayant provoqué une blessure, 51 % lorsqu’il leur
était arrivé d’être empoignées, bousculées et secouées.
La définition donnée à la notion d’agression sexuelle est, pour le
moins, encore plus controversée que celle relative à la violence
conjugale. La plupart des termes employés et disponibles pour décrire
les formes les plus graves d’actes de violence sont loin d’être
neutres, et même lorsque les personnes interrogées semblent prêtes à
souscrire à des descriptions de comportements correspondant à ce qui
leur est arrivé, elles hésitent à employer les termes existants pour
ce faire, en particulier à parler de viol. La dimension juridique de la
question, dans la plupart des pays, consiste à savoir si la femme a
donné ou non son consentement à diverses formes de rapports sexuels.
Dans la pratique, il se pose bien d’autres problèmes d’ordre moral
et social qui viennent peser sur une telle prise de position.
Koss (1988) a constaté que, dans un groupe d’étudiantes américaines
qu’il avait interrogées, 25 % seulement ont déclaré avoir été
violées, alors que toutes avaient pourtant indiqué avoir été
victimes d’actes correspondant à un viol. Au Royaume-Uni, Painter
(1991) a constaté que 60 % seulement d’un groupe de femmes mariées
violentées pour avoir des rapports sexuels avaient, à l’époque, été
disposées à parler de viol; parmi le groupe de celles ayant été
contraintes à avoir des rapports sexuels sous la menace verbale, ce
chiffre n’était plus que de 51 %; enfin, parmi le groupe des
femmes ayant clairement indiqué ne pas avoir donné leur consentement
à l’acte mais à l’égard desquelles aucune forme de violence
n’avait été utilisée, le pourcentage de celles ayant accepté de
parler de viol n’avait été à l’époque que de 43 %.
Ces différents chiffres ne sont peut-être pas surprenants quand on
sait la manière dont le viol est dépeint et représenté dans les
journaux, qui parlent généralement d’étrangers, de détraqués,
d’agressions à répétition et de femmes imprudentes dont certaines,
dit-on, «l’auraient cherché» (Soothill et Walby, 1991). Dans ces
conditions, il est difficile pour une femme ayant été violée de
s’identifier avec les descriptions qui lui sont faites de cet acte par
le biais de la culture populaire.
Dans ce contexte d’absence de consensus social sur les termes à
employer pour décrire les diverses formes de violence, on peut penser
que les enquêtes se doivent d’évoquer des formes spécifiques de
comportement, sans se contenter d’expressions en style «télégraphique»
(Koss, 1993; Smith, 1994). En effet, les expressions génériques ne
permettent tout simplement pas de refléter la pensée des auteurs de
l’enquête. Il convient alors de poser plusieurs questions, et non pas
une seule, de décrire plusieurs actes, au lieu de ne poser qu’une
seule question générale, suivie de questions plus détaillées pour
les seules personnes ayant franchi ce stade.
On sait qu’il existe différentes formes et catégories d’agressions
sexuelles qui méritent de faire l’objet de toute une série de termes
et d’expressions pour les décrire. Dans le cadre de la quatrième génération
d’enquêtes, un effort particulier a été déployé pour tenter de
distinguer les différents types d’agressions. L’enquête de
Statistique Canada et celles qui l’ont suivie comportent une série de
questions sur le harcèlement sexuel, les menaces à caractère sexuel
et les attaques de personnes étrangères, de «petits amis» et autres
personnes, ainsi que sur les agressions sexuelles dans le cadre du
mariage. Toutefois, un certain nombre d’autres améliorations
pourraient être apportées. Ainsi, les questions posées restent
quelque peu vagues, il n’existe pas de distinction entre viol et
rapport sexuel sous la contrainte et, enfin, les questions ne permettent
pas de faire de distinction particulièrement nette entre les différents
niveaux de recours à la force ou entre les différentes formes de
pression exercées. Les nuances existant entre les différentes formes
de viol dans le mariage sont impossibles à établir au moyen d’une
seule question posée après celles qui concernent les formes les plus
extrêmes d’agressions physiques. Le problème des femmes victimes
d’hommes qui les pourchassent n’est pas évoqué dans l’enquête
de Statistique Canada, mais les modifications apportées à certaines
enquêtes, comme celles de l’Australie, en font une catégorie de
questions séparées, ce qui nous paraît utile. Les questions relatives
aux blessures physiques mériteraient d’être revues pour que les
victimes de viol n’aient pas simplement à répondre par «oui» ou
par «non» à la question de savoir si elles ont été blessées, mais
puissent plutôt cocher dans une liste de blessures.
Pour la prochaine «génération» d’enquêtes, il faudrait également
améliorer la liste des catégories utilisées pour recueillir des données
sur les agressions à caractère sexuel.
La place de l’acte de violence
La plupart des enquêtes sur la délinquance et la criminalité sont
axées sur des événements ponctuels, alors que la violence conjugale
et la violence sexuelle au sein d’un couple sont plus souvent caractérisées
par une succession d’incidents que par un seul incident. C’est ainsi
que l’on peut également reprocher à l’enquête de Straus un
certain nombre de limites intrinsèques liées au fait que les questions
posées ne concernent que les éventuels actes de violence conjugale
ayant eu lieu au cours des 12 mois précédant le questionnaire.
Toutefois, les enquêtes dites de la «quatrième» génération ne sont
pas suffisamment développées sur ce point. Ainsi, dans les enquêtes
de Statistique Canada, on a du mal à savoir depuis quand les personnes
interrogées sont victimes de violence conjugale et à quelle fréquence,
et ce malgré les quelques questions posées sur ce point. Poser une
seule question pour demander à quel moment a eu lieu le premier acte de
violence et à quand remonte le plus récent ne suffit pas, de même
qu’il n’est pas satisfaisant de proposer aux personnes interrogées
de cocher dans une liste d’éventualités («plus de dix») pour
indiquer le nombre d’actes de violence dont elles ont été victimes.
Ces différentes questions ne permettent pas de se faire une idée précise
des modalités de la violence conjugale, à l’instar de ce que révèlent
certains des échantillons de personnes interrogées dans les foyers et
dans les abris pour femmes (ou hommes) battu(e)s.
En fait, si l’on
veut vraiment procéder à une analyse d’un recul éventuel du phénomène
de violence conjugale, il faut disposer de données précises sur le début
et sur l’arrêt de toute une série d’événements. Or, des
informations de ce type n’ont toujours pas été recueillies, et ce même
dans le cadre des enquêtes menées par Statistique Canada. Il en va de
même pour la violence sexuelle, qui peut également prendre la forme
d’une série d’actes à répétition, surtout lorsqu’elle émane
d’un homme connu de la victime ou de son compagnon.
Expliquer la violence
Il existe un certain nombre de théories que les données
recueillies dans le cadre d’enquêtes améliorées pourraient
contribuer à étudier. Ces théories concernent, entres autres
questions, la nature éventuelle des liens entre la violence, d’une
part, et la pauvreté et l’exclusion sociale, d’autre part; avec
l’inégalité entre les sexes; de l’efficacité éventuelle du système
de justice pénale; du rôle des autres organismes sociaux. Si l’on
veut parvenir à cet objectif, il faudrait recueillir davantage de données
sur les corrélations avec la violence, notamment:
Des données séparées sur le revenu et le statut socio-économique de
l’homme et de la femme au sein du ménage, et pas seulement sur ceux
du «chef de famille» ou du ménage dans son ensemble, ceci afin d’évaluer
différentes relations causales possibles entre pauvreté et exclusion
sociale d’un côté, et violence conjugale de l’autre. Si, dans le
cadre de la BCS, une enquête générale sur la criminalité et la délinquance
axée essentiellement sur le vol, il était normal de traiter le ménage
comme une seule et unique entité économique, il l’est beaucoup moins
lorsqu’il s’agit d’analyser les relations de pouvoir et les actes
de violence au sein même de cette entité. Il faut pouvoir analyser séparément
toute corrélation éventuelle entre la motivation économique d’un délinquant
et la dépendance financière et l’enfermement d’une victime. Les ménages
démunis sont-ils ou non plus exposés au risque de la violence
conjugale du fait que l’homme n’y a pas les moyens économiques
d’assurer le rôle qu’il juge être le sien de manière
satisfaisante ou du fait que les femmes n’ont pas les ressources
financières ou les réseaux sociaux voulus pour quitter le foyer? Dans
quelle mesure le constat effectué aux Etats-Unis sur l’effet
protecteur du revenu des femmes (Farmer et Tiefenthaler, 1997)
s’applique-t-il au Royaume-Uni? Dans quelle mesure un accroissement du
niveau d’emploi des femmes et autres évolutions de la condition féminine
dans la société (Walby, 1997) pourraient-ils contribuer à réduire la
violence conjugale, comme on le fait valoir en Islande (Gislason, 1997)?
Dans quelle mesure le constat américain selon lequel l’égalité
conjugale protège contre la violence conjugale même dans les
situations conflictuelles (Coleman et Straus, 1986) est-il également
valable au Royaume-Uni?
Quels sont les facteurs liés à un recul de la violence conjugale (voir
Farrall et Bowling, 1999)? L’intervention de toute une série
d’organismes extérieurs joue-t-elle un rôle aussi central dans ce
processus au Royaume-Uni qu’aux Etats-Unis (Horton et Johnson, 1993)
ou doit-on penser que l’éventail des services de soutien et la nature
du système judiciaire sont trop différents pour permettre une telle
analyse? Le recul du phénomène de la violence s’explique-t-il par la
réinsertion des anciens délinquants ou, au contraire, par le fait
qu’ils ont été exclus de leur foyer?
Il existe de nombreuses théories qui mériteraient d’être
approfondies si l’on disposait de données fiables sur la répartition
des actes de violence à l’égard des femmes (voir Walby et Myhill,
1999; Walby et Myhill, 2000).
Les enquêtes futures
Il s’avère que les enquêtes constituent un outil indispensable
à l’analyse de la violence à l’égard des femmes et de la violence
conjugale, et ce en dépit des hésitations que peuvent éprouver
certains à cet égard (Brush, 1990). Au cours des quelques dernières
années, nous avons assisté à une succession de nouveaux modèles et
formats d’enquêtes. Il nous faut à présent une nouvelle génération
d’enquêtes, issue des innovations apportées grâce aux enseignements
tirés lors des enquêtes précédentes.
La quatrième génération d’enquêtes, telles que celles menées par
Statistique Canada, constitue un bien meilleur outil pour recueillir des
données sur tout l’éventail des formes de violences dont les femmes
peuvent être les victimes. Par ailleurs, les améliorations apportées
par l’Australie, qui fait désormais figurer dans ses enquêtes des
questions explicites sur les femmes victimes d’hommes qui les
pourchassent et les traquent, constituent également une évolution des
plus positives.
Toutefois, cette génération d’enquêtes pourrait encore être améliorée,
et ce à plusieurs égards. Premièrement, il faut revoir la base de
sondage pour y inclure la population marginalisée n’ayant pas, au
moment de l’enquête, de domicile fixe, surtout quand on sait que
c’est précisément au sein de ce groupe que l’on est susceptible de
trouver un nombre exagérément élevé de femmes ayant fui un mari ou
un conjoint violent pour chercher refuge dans un abri, chez des amis ou
des proches, dans une auberge de jeunesse ou dans un centre pour SDF.
Deuxièmement, il faudrait une liste plus longue et plus vaste recensant
les différents types d’agressions sexuelles dont les femmes peuvent
être victimes, qui reconnaisse les complexités et les différences
d’expériences et de définitions dans ce domaine, de même qu’il
conviendrait d’ajouter d’autres questions sur ce point. Troisièmement,
il faut un moyen plus systématique et plus exhaustif de prendre note
des diverses conséquences et répercussions de la violence, en
particulier à caractère sexuel, afin d’en saisir la diversité de
manière significative. Quatrièmement, il faudrait trouver un meilleur
moyen de recenser les différents actes de violence dans le temps, afin
de pouvoir déceler une éventuelle escalade et peut-être un
ralentissement de leur fréquence, et ce en corrélation avec d’autres
informations sociales qui permettraient de commencer à recueillir des
éléments de preuve donnant à penser que l’on est en présence
d’un recul du phénomène. Enfin, un cinquième point, il faudrait
recueillir des données socio-économiques séparées sur les femmes et
sur les auteurs d’actes de violence, afin que la femme ne soit pas «englobée»
dans l’entité que constitue le ménage et que les théories afférentes
au rôle de la pauvreté et de l’exclusion sociale, à la fois pour la
victime et pour l’auteur d’actes de violence, puissent être prises
en compte. Sixièmement, il conviendrait de poser la question de savoir
si l’homme a un casier judiciaire, afin d’étudier l’éventuelle
pertinence dans ce domaine des théories sur la «carrière» criminelle
des auteurs d’actes de violence.
* * *
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