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Table des matières du
séminaire du COE - 7-8 octobre 1999
Les hommes et la violence à l'égard des femmes
Expliquer
la propension à user de violence contre les femmes
Il est bien difficile
de faire un inventaire des théories disparates et confuses qui prétendent
expliquer la violence à l’égard des femmes, la violence sexuelle ou
celle que font subir certains hommes aux femmes de leur entourage.
Pourquoi les hommes font‑ils des choses épouvantables? Chacun y va
de son explication, au prix le plus souvent de controverses hargneuses
mais, à y regarder de près, on s’aperçoit que l’exposé des faits
diffère selon la grille de lecture appliquée, de sorte que deux théories
divergentes, par exemple, ne décrivent pas en réalité le même phénomène.
Qui plus est, le phénomène étudié n’a souvent pas grand-chose à
voir avec la théorie par laquelle on voudrait l’expliquer. Par exemple,
certains auteurs expliquent par l’évolution naturelle de l’espèce,
la théorie de «l’investissement parental» ou le concept du «gène égoïste» ce
qu’ils considèrent être une propension universelle des hommes à la
violence: les mâles de l’espèce sont «programmés» pour avoir la
descendance la plus nombreuse possible afin d’augmenter leurs chances de
perpétuer leur propre capital génétique, et ils sont de ce fait
naturellement enclins à la jalousie et à l’exclusivité sexuelle.
Faute de données universelles sur les sentiments ou le rapport à autrui
des hommes, certains chercheurs ont comparé les taux d’homicides: il en
ressort que ce sont beaucoup plus souvent les hommes qui tuent les femmes
que l’inverse. Or, cette stratégie n’est guère rationnelle du point
de vue de la perpétuation de l’espèce, puisqu’elle supprime une
possibilité de descendance. Toutes autres objections mises à part, on a
donc là une théorie séduisante et un corpus de données intéressant,
mais il faut vraiment interpréter et triturer l’hypothèse de départ
jusqu’à l’absurde pour qu’elle puisse s’appliquer avec quelque
pertinence ou utilité au phénomène qu’elle est censée expliquer.
Schmauch (1985) s’est demandé pourquoi dans le groupe de récréation les petites filles sont devenues «plus filles» et les petits garçons «plus garçons» que les parents et elle-même ne l’avaient prévu ou souhaité au départ. Selon elle, le phénomène s’explique en partie par l’idéalisation classique des garçons par leurs parents. Les mères et les pères chérissent et idéalisent «le côté souvent passif-infantile de leur fils, mais en même temps son histrionisme agressif; un paradoxe difficile à vivre pour l’enfant»(105). Selon Schmauch, l’ambivalence est particulièrement forte dans la relation mère-fils. «D’un côté, elle veut le repousser parce qu’elle est absorbée par ses sentiments d’adulte, et d’un autre côté elle le tire à elle quand elle est un peu déprimée et lui donne le rôle du petit homme, le seul à être fidèle et aimant» (108). A ce stade de son développement, le petit garçon a tendance à «faire son intéressant» quand il est mal à l’aise, fatigué ou malheureux. Pour masquer des sentiments qu’il maîtrise mal, il fait du bruit, court dans tous les sens, essaie de se faire remarquer et se bagarre. Cette agitation et cet exhibitionnisme ne sont pas considérés comme les signes d’un besoin mais comme des comportement normaux de petit garçon – ils sont du reste souvent encouragés et admirés. Mais parallèlement, le petit garçon est l’objet de tous les soins de sa mère dans l’espace privé de la famille. Ainsi, le clivage entre un Soi public volontaire et autonome et un Soi privé tendre et vulnérable semble répondre à un besoin des parents. La relation entre la mère et sa fille semble très intime et harmonieuse dans les premières années de la vie. La mère aime et chérit en la personne de sa petite fille un prolongement d’elle-même; l’enfant, affectueuse et proche, offre à sa mère une satisfaction bien spécifique et une possibilité d’affirmation, «soit parce qu’elle est une possession de sa mère, l’expression et le prolongement de son «pouvoir» oral, nourricier, soit parce qu’elle prolonge et complète sa mère du fait de sa propre «perfection» (115). La dépendance et l’autonomie de la petite fille semblent également appréciées par la mère et peuvent se développer de manière équilibrée. Vers l’âge de trois ans, les garçons et les filles deviennent plus autonomes et leur sexualité s’affirme de plus en plus. C’est un moment de crise (Schmauch: 1985) au cours duquel les adultes sont confrontés au-delà de leurs attentes conscientes à leurs propres problèmes et angoisses - peur d’avoir des rivaux, peur de la solitude, peur de leur propre agressivité. Vers cette époque, certains pères jettent brutalement leur fils (113) dans une masculinité forcée (113). Mais Schmauch fait remarquer - elle en a été frappée en relisant ses notes - que les hommes qu’elle a étudiés étaient très peu présents auprès des enfants, alors que le groupe de récréation était une initiative de parents professant des valeurs égalitaires. La relation entre la mère et la fille, jusque-là si étroite et intime, évolue également vers la troisième année. C’est le moment où la mère voudrait retrouver un peu d’autonomie, où elle cherche d’autres occupations et souhaite avoir une vie à elle. Cette revendication d’autonomie et de distance suscite une forte angoisse d’abandon chez la petite fille, qui a intériorisé la demande de sa mère. Ainsi, elle se retrouve avec toutes les appréhensions inconscientes de sa mère, qui aspire et hésite à la fois à faire le pas qui marquera la séparation et un nouveau commencement, et cela au moment même où elle se montre capable d’être autonome, d’assumer son agressivité, d’exprimer ses émotions par sa sexualité et sa combativité. Elle perçoit l’impatience maternelle, le désir de rupture, les ambivalences, la crainte de passer à l’acte, et elle essaie de s’accrocher. «Dès lors, c’est la petite fille qui a peur; c’est elle qui vit sa sexualité, son agressivité et son besoin d’autonomie comme des pulsions dangereuses et coupables parce qu’elles sont synonymes de séparation. Et alors elle manifeste ouvertement sa dépendance.» (107) Selon Schmauch, c’est à ce moment de son existence que la petite fille commence à refouler son agressivité. Comme Benjamin, elle remarque que la petite fille est rendue à sa mère et présente des «réactions dépressives» (Benjamin 1988: 109) après que son père n’a pas reconnu son amour identifiant. Elle devient alors vulnérable aux agissements des garçons; elle est un objet qui signifie le féminin, mais elle est incapable de riposter à l’agression. Cette dynamique se vérifie chaque jour dans les cours de récréation. La dynamique de l’adolescence Les théories d’inspiration psychanalytique conventionnelles sont très enclines à aller chercher dans la petite enfance la source de tous les problèmes qui surviennent ultérieurement. Depuis quelques années, cependant, on considère l’adolescence comme une importante étape de l’élaboration de la personnalité. On peut donc se demander par quelle évolution dynamique l’adolescence peut générer, renforcer, diminuer ou supprimer la propension à user de violence. Mario Erdheim estime que, en ce qui concerne la structuration de la personnalité et l’élaboration de l’identité, l’adolescence n’est pas la simple répétition ou le prolongement de la petite enfance, mais qu’elle doit être vue comme une «seconde chance» et un deuxième processus d’individuation. L’adolescence provoque la «liquéfaction» des structures internes du jeune homme ou de la jeune fille et le déclenchement d’une nouvelle dynamique. On pourrait en conclure que l’identité sexuelle «fluide» de la petite enfance revient ou renaît, et donc que la réorganisation des sentiments, des désirs et des angoisses est de l’ordre du possible. Un certain nombre de chercheurs pensent que l’adolescence peut être une occasion de restructuration, de changement de cap et de réorganisation du vécu de l’individu et de ses relations avec autrui. Erikson (1993) considère l’adolescence comme un «moratoire psychosocial» au cours duquel le jeune homme ou la jeune fille peut s’amuser à explorer différents schémas et modèles d’existence. Benjamin pense également que la nouvelle dynamique créée par l’adolescence représente une chance puisque la binarité rigide du conflit œdipien peut évoluer vers une structure plus souple et plus différenciée ou, dans le meilleur des cas, être abandonnée au fur et à mesure que l’adolescent(e) apprend à dépasser les schémas de réflexion conventionnels. Si elle ouvre tout un champ de possibilités, l’adolescence est également à bien des égards une période de crise. Hurrelman et al. (1985) ont décrit les différentes «tâches» de l’adolescence - trouver son identité sexuelle, assimiler un système de valeurs et de normes, acquérir les qualifications nécessaires pour entrer dans le monde du travail, mais aussi apprentissage de la «sociabilité adolescente» avec les garçons et les filles du même âge. Dans nos sociétés, l’adolescent(e) se sent souvent obligé(e) d’avoir une hétérosexualité épanouie – ou du moins d’en avoir les apparences. Il/elle doit se construire une personnalité en intégrant les changements de son corps et tous les messages latents que cela implique, le regard des autres, les interdits, les anxiétés et les angoisses, des émotions où se mêlent ses désirs, ses aspirations et ses fantasmes. Erdheim (qui est ethnopsychanalyste) considère l’antagonisme famille-culture comme l’un des conflits majeurs de l’adolescence. Il appelle «famille» l’entité familière et permanente qui symbolise la continuité de l’enfance, le cocon protecteur ou du moins la stabilité, l’appartenance spontanée à l’univers social. Il désigne sous le nom de culture la capacité de l’être humain à assimiler ce qui est inconnu, étranger et nouveau pour nourrir ses besoins et attentes, à s’ouvrir à ce qui lui semble au départ d’une étrangeté menaçante pour en faire du «connu» (on trouve là un écho du paradoxe de la reconnaissance selon Benjamin). «Antagonisme» signifie égalité et interdépendance de ces deux principes, qui ne sont pas permutables et ne peuvent être déduits l’un de l’autre. L’être humain balancera toujours entre ces deux pôles; il doit être capable d’accepter et d’intégrer le conflit qu’ils supposent. L’adolescent(e) doit prendre de la distance par rapport à sa famille et se démarquer des valeurs et comportements de ses parents; il/elle doit aussi trouver ses marques et ses définitions dans une culture qui lui est encore étrangère, chercher sa voie tout en préservant une certaine continuité. Ce passage de l’univers familial à la culture met à l’épreuve les capacités d’innovation des individus. Mais elle peut être vécue (individuellement et/ou collectivement) comme un moment d’insécurité totale et dans ce cas toute innovation est assimilée à une «destruction». Erdheim montre comment les sociétés répondent souvent par la répression au pouvoir d’innovation de la jeunesse. La genèse de l’antagonisme a toutes les apparences d’une crise (Erdheim 1995). Erdheim décrit quelques stratégies d’évitement. Nous nous intéresserons à une seule d’entre elles, à savoir la tentation facile de reporter l’antagonisme sur la relation entre les sexes. Une fois que ce déplacement s’est opéré, ce ne sont plus la culture et la famille qui sont antagonistes mais les hommes et les femmes. On aboutit ainsi à une catégorisation des sexes stéréotypée et archi-connue: la femme est vouée à la famille, et l’homme à la culture. L’antagonisme famille-culture, dont la reconnaissance permettrait l’émancipation et la maturation de l’individu, disparaît puisqu’il s’est reporté sur les relations entre les deux sexes (Erdheim 1998). Ce refus d’un développement porteur de progrès au profit d’un schéma régressif et bipolaire empêche la maturation des êtres et aboutit en outre à une polarisation des caractères sexuels, comme le notent d’autres auteurs (Flaake 1990). Dans ce genre de situation, la masculinité construite est une «béquille» qui permet à l’adolescent d’occulter les conflits qu’il est encore incapable d’affronter et d’assimiler les idées dominantes sur ce qu’est un homme et sur ce qu’un homme est en droit d’attendre. Il faut dans ces conditions beaucoup de courage pour revendiquer une masculinité qui ne correspond pas tout à fait à l’idéal culturel (Connell 1995). Anne Campbell (1990, 1995) a montré dans ses recherches sur la violence et l’agression[4] que le choix d’un modèle sexuel hors normes était toujours possible, mais qu’il nécessite sans doute la capacité à «vouloir encore plus fort». Elle souligne que l’agression est perçue et vécue tout à fait différemment par les hommes et par les femmes. Elle est étroitement liée dans les deux cas à la notion de contrôle, mais alors qu’elle signifie pour la femme un manque de contrôle de soi, elle signifie pour l’homme s’imposer, avoir le contrôle de l’autre. Les femmes perçoivent l’agression surtout comme un moyen d’expression qui les libère de leur colère et des frustrations qu’elles ont trop longtemps gardées pour elles. Les hommes y voient essentiellement un instrument, un moyen rapide et efficace d’affirmer, confirmer, revendiquer, prouver leur autorité masculine – avec ou sans états d’âme. Comme l’explique Campbell (1995), ce schéma produit tout naturellement deux types différents de comportements agressifs. Dans un premier temps, les femmes supportent sans révolte apparente les frustrations et les difficultés quotidiennes. Cette retenue est souvent interprétée à tort comme de la résignation ou une approbation. Les femmes ont tendance à contenir leur colère plus longtemps que les hommes, mais quand finalement elles explosent, leur agressivité s’exprime de manière désordonnée et incontrôlée. Après coup, elles ont le plus souvent tendance à regretter leur comportement, à s’en excuser, à le trouver déplacé et antiféminin, à critiquer leur manque de maîtrise d’elles-mêmes. Malheureusement, leur accès de colère et leurs raisonnements critiques ne suffisent pas à supprimer la cause de leurs frustrations, et, pour peu qu’elles aient rongé leur frein trop longtemps, ils arrivent souvent trop tard et ratent leur cible. Dans le cas des hommes, l’agression est un instrument, non pas pour réduire des tensions, «exprimer son indignation ou se défouler» (107) mais pour avoir la maîtrise d’autrui, pour s’imposer à quelqu’un d’autre ou pour prendre le contrôle d’une situation. Ce schéma masculin de l’agression comme instrument est hégémonique dans nos sociétés et dans les sciences. Campbell montre dans ses études de cas que le schéma féminin de l’agression contredit les valeurs phallocrates de la justice pénale. Ainsi, la femmes battue pendant des années qui finit par tuer son mari pendant son sommeil n’a aucune chance devant les tribunaux: juridiquement parlant, son acte ne peut être qualifié d’homicide involontaire, de meurtre sans préméditation ou d’acte de légitime défense (cf. Jones 1980) que s’il a été accompli sous l’empire de la passion. Il ne sera pas assimilé à un acte d’autodéfense car il s’est écoulé «un certain laps de temps entre les dernières brutalités et le meurtre» (Campbell 1995: 204), ce qui s’explique par le fait que les femmes peuvent contenir leur colère et leur détresse pendant longtemps avant de ne plus se contrôler. La femme qui supporte tout en silence pendant des années et qui passe à l’acte «à froid» – ce qu’on peut certainement comprendre en partie étant donné qu’elle a peu de chances de l’emporter dans un affrontement ouvert – n’a pas commis un crime passionnel aux yeux de la loi, mais un meurtre (203). En fait, Dagmar Oberlies montre, en s’appuyant sur les affaires jugées par les tribunaux allemands, que les femmes qui tuent leur compagnon sont jugées et condamnées pour meurtre, et qu’elles servent des peines d’emprisonnement à perpétuité, alors que les hommes qui tuent leur femme ou leur (ex) petite amie, peuvent toujours invoquer tel ou tel incident qui les a rendus fous de rage; ils seront jugés pour homicide sans préméditation et condamnés à des peines légères, alors que dans certains cas ils avaient déjà fait part de leur dessein à plusieurs personnes (Oberlies 1995). Résumé La violence masculine a plusieurs causes et elle ne peut se résumer à une seule explication. Nous avons essayé de montrer avec Jessica Benjamin que dans certaines circonstances la violence peut «utilement» détourner une menace. La «violence rationnelle» traduit à certains égards le besoin excessif de séparer son Soi du féminin, une profonde angoisse, de la perte de l’empathie primitive. Le sujet veut toujours garder le contrôle de la situation, notamment en ce qui concerne sa distance par rapport à autrui, et il ne peut «atteindre» une femme que par un acte de violence qui la rapproche de lui et en même temps la garde à distance et la dénigre. Quand la tension entre affirmation du Soi et reconnaissance par l’autre est tellement vive qu’elle est projetée hors de l’individu dans les rapports hommes-femmes, quand l’homme s’affirme en termes de pouvoir et demande à la femme de le reconnaître en se soumettant à lui, la violence prend une autre dimension. La «violence rationnelle» donne à l’homme le plaisir de savourer la soumission de la femme, la satisfaction de sentir, mesurer et goûter son propre pouvoir. Il n’est plus question de reconnaissance mutuelle, puisqu’il y a domination complète des intérêts et du pouvoir masculins. Ulrike Schmauch étudie sous un autre angle la genèse de l’identité sexuelle au cours de la petite enfance. Elle décrit l’ambivalence souvent inconsciente des parents, qui essaient de brider les comportements dominateurs et agressifs tout en étant séduits par les comportements masculins agressifs. Winnicott traite d’une autre composante de la violence – le sentiment de «l’être-soi». La violence peut servir à accroître l’estime de soi et le sentiment de réalité. Ce besoin finit par devenir si impérieux que l’homme doit systématiquement avoir recours à la violence pour s’affirmer à ses propres yeux. La théorie de l’apprentissage apporte des éclairages intéressants à cet égard. Après les expériences de la petite enfance, l’adolescence marque une étape importante. Elle n’est pas simplement le prolongement ou la consolidation d’un processus antérieur. Elle représente du point de vue de la dynamique psychique une deuxième chance mais aussi un moment de crise dont dépendra la tournure d’autres événements et bouleversements critiques de l’existence. La capacité du sujet à accepter les contradictions, les sentiments d’ambivalence et d’insécurité semble essentielle à cette période de la vie. Comme nous l’avons vu, l’adolescent(e) peut être tenté(e) de reporter sur les relations hommes-femmes l’antagonisme fondamental qui se joue en lui/elle (l’opposition famille-culture) et de polariser de ce fait les rapports entre les sexes. L’identité masculine construite peut alors se sentir à l’abri des menaces et de l’insécurité. La violence devient un mécanisme compensatoire, un moyen de rétablir l’équilibre du masculin. Post-scriptum Nous aimerions pour terminer étudier la structure de la polarisation des sexes dans les théories elles-mêmes. Les hypothèses analysées dans les pages qui précèdent établissent toutes un lien de continuité logique entre le fait d’être né de sexe masculin ou féminin (et d’avoir des parents de sexe opposé), l’élaboration d’une identité masculine ou féminine, et les attitudes en matière d’agression ou de violence. Christiane Micus vient de terminer une étude empirique sur les comportements agressifs et les fantasmes d’agression des hommes et des femmes. L’enquête a été réalisée auprès d’un échantillon de seize femmes et seize hommes. Trois instruments ont été utilisés: le Bem Sex-Role Inventory, un TAT (thematic apperception test) spécialement élaboré pour l’étude, et des entretiens narratifs. Dans le Bem Inventory, le masculin et le féminin sont deux entités indépendantes, ce qui permet une caractérisation plus fine en masculin, féminin, androgyne ou indifférencié. L’analyse statistique des données montre que l’identité psychosexuelle est un facteur beaucoup plus déterminant que le sexe biologique en matière de comportements agressifs. La notion d’identité psychosexuelle offre une intéressante alternative par rapport à celle des deux sexes biologiques. L’étude de Micus révèle que c’est chez les «hommes masculins» (identité psychosexuelle) que l’agressivité est la plus forte, avec prédominance des fantasmes et des actes à caractère destructeur, blessant, antagoniste dirigés contre autrui. Les sujets présentant ce profil semblent assumer une identité qui correspond à l’idée de domination associée à la masculinité dans notre culture. Mais il existe aussi parmi les sujets étudiés par Micus des hommes androgynes, féminins ou indifférenciés, quoique tout à fait semblables aux autres à bien des égards. Il n’y a donc pas qu’une seule masculinité. On peut constater empiriquement que les hommes androgynes, féminins ou indifférenciés ne sont pas aussi enclins à la violence. Ils semblent plus à même de choisir une masculinité qui ne correspond pas tout à fait aux idées reçues concernant leur statut et leurs prérogatives. Nous n’analyserons pas ici toutes les conclusions de cette étude, qui mériterait à elle seule de longs développements. Disons simplement qu’elle démontre que les identités sexuelles sont plus diverses que ne le laissent supposer les recherches théoriques. Nous devrions peut-être nous intéresser davantage aux processus particuliers qui font dériver la masculinité vers la domination et la violence. * * * Bibliographie Benjamin, Jessica, 1985: Die Fesseln der Liebe: Zur Bedeutung der Unterwerfung in erotischen Beziehungen. In: Feministische Studien, 4, 2, 10-33 Benjamin, Jessica, 1988: The Bonds of Love. Psychoanalysis, Feminism, and the Problem of Domination. New York Benjamin, Jessica, 1996: Phantasie und Geschlecht: psychoanalytische Studien über Idealisierung, Anerkennung und Differenz. Frankfurt/Main Campbell, Anne, 1990: The girls in the gang. Oxford Campbell, Anne, 1995: Zornige Frauen - wütende Männer. Wie das Geschlecht unser Aggressionsverhalten beeinflußt. Frankfurt Chodorow, Nancy, 1985: Das Erbe der Mütter. Psychoanalyse und Soziologie der Geschlechter. München Connell, Robert W., 1995: Masculinities. Cambridge: Polity Press Erdheim, Mario, 1995: Aggression und Wachstum. Von der Chance im Übergang von der Familie zur Kultur. In: Finger-Trescher, Urte; Trescher, Hans-Georg (Hg.): Aggression und Wachstum. Theorie, Konzepte und Erfahrungen aus der Arbeit mit Kindern, Jugendlichen und jungen Erwachsenen. Mainz, 23-37 Erdheim, Mario, 1998: Adolezentenkrise und institutionelle Systeme. Kulturtheoretische Überlegungen. In: Apsel, Roland; Rost, Wolf-Detlef (Hg.): Ethnopsychoanalyse. 5. Jugend und Kulturwandel. Frankfurt/Main, 9-30 Erikson, Erik H., 131993: Identität und Lebenszyklus. Frankfurt/Main (Originalausgabe: 1959) Fast, Irene, 1991: Von der Einheit zur Differenz. Psychoanalyse der Geschlechtsidentität. Berlin/Heidelberg/New York u.a. Gilligan, James, 1997: Violence. Reflections on a National Epidemic. New York Hagemann-White, Carol, 1979; Frauenbewegung und Psychoanalyse. Frankfurt/Main Hearn, Jeff, 1998: The Violences of Men. How Men Talk About and How Agencies Respond to Men’s Violence to Women. London u.a. Hurrelmann, Klaus; Rosewitz, Bernd; Wolf, Hartmut K., 1985: Lebensphase Jugend. Eine Einführung in die sozialwissenschaftliche Jugendforschung. Weinheim/München Jones, Ann, 1980: Women who kill. Jukes, Adam Edward, 1999: Men Who Batter Women. London/New York Oberlies, Dagmar 1995. Tötungsdelikte zwischen Männern und Frauen. Pfaffenweiler: Centaurus. Schmauch, Ulrike, 1985: Frühe Kindheit und Geschlecht. Anmerkungen zur frühkindlichen Sozialisation von Mädchen und Jungen. In: Anselm, Sigrun (Hg.): Theorien weiblicher Subjektivität. Frankfurt/Main, 92-117 Schmauch, Ulrike, 1987: Anatomie und Schicksal. Zur Psychoanalyse der frühen Geschlechtersozialisation. Frankfurt/Main Stern, Daniel, 1985: The Interpersonal World of the Infant: A View from Psychoanalysis and Developmental Psychology. New York [1] Il peut évidemment s’agir également du père ou de toute autre personne avec laquelle le nourrisson communique étroitement. Comme dans notre culture la figure nourricière est essentiellement la mère, c’est le terme qui est utilisé dans la littérature et le présent article. [2] Pour Hegel, seule une rupture de la tension est possible. Comme l’explique Benjamin (1988: 32), «chaque tension entre deux éléments opposés porte en germe sa propre destruction et la transformation des éléments en un troisième qui les transcende l’un et l’autre. Sans ce processus de contradiction et de dissolution, il ne peut y avoir ni mouvement, ni changement, ni histoire.» [3] Benjamin fait remarquer que cela peut changer si c’est la femme qui disparaît dans le tourbillon du monde extérieur pour faire des choses importantes et intéressantes puis qui revient tandis que c’est l’homme qui représente la sphère domestique. [4] Les études de Campbell concernent des cas extrêmement divers: bandes de filles aux Etats-Unis (observation participante, études de cas, interviews), délinquants et délinquantes, violences domestiques contre les hommes et les femmes dans les classes moyennes (entretiens détaillés, interviews collectives). |
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