Revue TYPES - Paroles d’hommes
Sperme éternel
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Revue TYPES - Paroles d’hommes - N°1 Janvier 1981 ---------------------------------------------------------------------------------- SPERME ÉTERNEL J'AIME BIEN LES BANDES dessinées : les somptueuses, les sobres, les à thèse et les débiles. J'AI APPRIS À AIMER MON sperme. Adolescent, je trouvais ça sale, gluant, ça laissait des traces sur les draps. ÇA FAIT DES MOIS QU'ON en parle de cette revue entre nous, qu'on parle de la paternité. On parle aussi, bien sûr de sperme, de celui qu'on donne à la place d'un autre mec, mais on ne parle guère du sperme du coït fécondant, pour reprendre l'expression de G. Delaisi de Parseval. De ce sperme par lequel on devient père. ALORS J'AI EU ENVIE DE divaguer là-dessus à partir de deux B.D... l'une de cul que l'on peut se procurer à bas prix dans les kiosques et l'autre que j'aime beaucoup pour son humour tendre et qui est de Christian Binet. Quel tableau ! Karzan, pâle imitation de T... au terme de rencontres " érotiques " avec de beaux indigènes un régime de bananes et un gorille lubrique se retrouve selon ses propres mots " en cloque ". Problème douloureux mes très chers frères : qui donc est le père ? Souvenir, de boulot et de bistrot : " le salaud ! il m'a fait un enfant dans le dos ! " Cauchemar (ou rêve) : mon sperme, ma précieuse semence suffit à lui seul à " féconder ". Point besoin d'appareil génital féminin ; ne dit-on pas, après tout, qu'un trou est un trou ! Et me voilà débarrassé de la femme qu'au mieux je rangerai dans la catégorie des réceptacles inertes car c'est mon éjaculation qui fait l'enfant et ma jouissance, moment de l'éjaculation, se confond avec puissance. Donc mon cher Watson si je suis stérile je ne peux pas jouir, ça ne sort pas ça, ne jaillit pas, donc ça bande mou, donc je suis impuissant ! Vous n'avez pas l'air d'avoir compris, suivez moi bien : je ne peux pas faire d'enfant donc je ne peux pas jouir parce que si j'éjaculais, je pourrais engrosser n'importe qui ! Relisez attentivement Karzan ou alors allez boire un blanc sec au troquet du coin ! C'est vrai à la fin : il suffit que je puisse ! D'ailleurs voyez Monsieur Bidochon : sa femme a osé le traîner chez un gynéco parce qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant, elle a osé mettre en doute ses capacités d'éjaculateur hors pair (sans~jeu de mots bien sûr dans un texte de cette importance). Il le dit lui-même ; il l'a pourtant copieusement arrosée (parenthèse idiote pour un souvenir honteux de branlette : l'arroseur arrosé) : que voulez-vous de plus ? C'est à coup sûr elle qui ne peut pas : un homme doit toujours pouvoir être père, jusqu'à l'ablation de la prostate : là on n'y peut rien nais ça n'arrive pas à tout le monde ; voyez Picasso, cet artiste ! Bien sûr des lexicologues tatillons vous diront qu'il y a pouvoir — être père (ou faire un enfant si la paternité légale vous gêne aux entournures) — et le pouvoir que l'on tire de cette possibilité. Bref je dois pouvoir à tout instant féconder, laisser des traces de mon passage, quel que soit le lieu. La Femme (la majuscule désignant l'ensemble de la population féminine) doit être là qui attend mon empreinte, passive et disponible. Et en bon état de marche ! D'ailleurs ce pouvoir on a beau dire, on a beau le contester, il est évident : il se voit, je peux en faire la preuve, (me) le montrer, comme ma queue. Pas besoin de miroir moi ! Tenez, regardez ! Et puis quand ça va pas, ça se voit aussi, ça coule. Dans ces cas là faut vite aller chez le toubib parce qu'on a " attrapé " une saloperie. Mais sinon pas de problèmes, suffit de juger sur pièces ! La pilule vous dites ? Mais faut laisser ça aux femmes, c'est des trucs chimiques tout ça, c'est pas naturel... C'est bon pour les femmes ! L andropause ? connais pas qu'estce que c'est ? Mais vous savez bien que chez nous ça ne s'arrête pas, allons ! NO LIMIT, mec. Claude Barillon. -------------------------------------------------------------------- Revue TYPES - Paroles d’hommes - N°1 Janvier 1981 |
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