Revue TYPES 1 - Paroles d’hommes

Leurs corps eux-mêmes

EuroPROFEM - The European Men Profeminist Network europrofem.org 

Contributions by language

 

Précédente Accueil Suivante

20_type1.htm

 

Revue TYPES 1 - Paroles d’hommes - N°1 Janvier 1981 

----------------------------------------------------------------------------------

LEURS CORPS EUX-MÊMES

Ma dernière visite à la piscine m'a laissé une impression bizarre. Dans les vestiaires d'abord. Pas de mecs " à poil " : ceux qui se déshabillaient autour de moi, portaient leur maillot sous leur pantalon. Mais je n'y ai pas fait très attention sur le moment. J'ai plutôt remarqué les petites cabines qui permettent de se changer sans être vu.

Ça m 'a rappelé l'époque à laquelle j'ai commencé a faire du sport : pendant plus d'un mois, je n 'ai pas pris de douche après l'entraînement parce qu'elles étaient collectives ; trouvant chaque fois des raisons futiles pour y échapper : je ne voulais pas me montrer nu devant les autres. Ça ne m'était pas arrivé depuis l'âge de 7 ans. Rien que d'y penser, je ressentais un malaise et le désir de fuir.

Dans ces vestiaires, par contre, un copain se baladait souvent " a poil ", très à l'aise, avec un exhibitionnisme discret. Il avait un sexe imposant (au moins " au repos "), ce qui, pour nous, correspondait bien avec sa réputation (Justifiée...?), son image de marque de grand " dragueur-chasseur ".

Mais le spectacle le plus étonnant m'attendait après le bain... dans les douches collectives. J'étais stupéfait de voir des hommes entre eux, se contorsionner pour faire couler de l'eau dans leur maillot afin de bien se rincer (cela me parait tellement ridicule). Cela aurait été beaucoup plus simple de l'enlever, si on se limite au souci de l'hygiène corporelle. Mais... j'étais fasciné. J'ai l'impression que ces mecs en étaient restés au stade où j'en étais à l'âge de quinze ans.

Je me suis demandé pourquoi cette pudeur chez des adultes ?

Parce que c'est " normal ". Justement. C'est tout le contraire du naturel. Je me suis demandé s'il n'y avait pas la peur de l'homosexualité qui traînait quelque part. Mais, je pensais que c'était surtout la gêne de montrer son sexe et la peur (l'angoisse) de constater qu'il était de dimension inférieure à celui des autres. Le pénis étant pris comme l'étalon de mesure de la satisfaction potentielle susceptible d être donnée a une femme...

Triste... D'après ce que j'en sais, cet étalonnage me semble méconnaître tout ou partie de la sexualité féminine, et être révélateur de la façon désolante dont un certain nombre de mecs vivent la leur et du rapport qu'ils ont à leur corps. Bien sûr, j'ai eu, moi aussi, de telles images dans la tête.

Ainsi, a dix ans, un copain plus âgé que moi " m'initiant a la sexualité ", m'avait dit que " si une femme voyait le sexe d 'un homme en érection, c'était gagné : elle ne pouvait plus se retenir : on était sur alors de la baiser ". Il n 'y a pas que cela évidemment, mais avec de telles images, il n'est pas étonnant qu'on aboutisse a des viols.

Vers l'age de douze ans, j'avais lu dans un " polar " l'histoire d'un mec en prison qui rêvait de liberté... pour/et de battre le record de Louis XIV : " tirer plus de seize coups " dans la nuit. Je me disais que moi aussi, je pouvais faire mieux. Peu de temps après, j'avais lu dans Histoires d'amour de l'histoire de France (sic), que Fabre d'Églantine " avait laissé pantelantes sur le tapis toutes les actrices de la Comédie Française, épuisées mais comblées, après que l'une d'elles ait dit qu'il lui faudrait un régiment pour la satisfaire. Il s'en était allé finir sa nuit au bordel... pour tirer ses dernières cartouches. Un fameux canonnier ! ". Le summum quoi !

Dans le même registre, j'ai regardé plus récemment, d'un œil amusé cette fois, le Casanova de Fellini ; mais j'ai mis un bon moment avant d'en arriver à le trouver ridicule de s'agiter aussi mécaniquement.

Je me demande quelles images ont joué au départ pour d'autres hommes, influençant la manière dont ils vivent leur sexualité, leur nudité ou plus généralement leur apparence. Peut-être aurons-nous a Types des textes qui le diront ? Je l'espère.

--------------------------------------------------------------------

Revue TYPES - Paroles d’hommes - N°1 Janvier 1981

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01429398/document

 


Précédente Accueil Suivante