Revue TYPES 2/3 - Paroles d’hommes

Encore un autre homme... ?

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Revue TYPES 2/3 - Paroles d’hommes - 1981 

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DES SORCIERES COMME LES AUTRES

Encore un autre homme... ?!

... dans l'attirance pour les groupes d'hommes ce qu'on retrouve toujours c'est la volonté de dire son malaise (s'approprier un discours dont on était exclu), de dénoncer la norme (se déresponsabiliser), d'analyser les carcans de la Virilité (se poser en victime). Indépassable ambiguïté. Un risque à courir pour que les hommes changent vraiment ? Ça n'a rien d'évident, tant les délices de l'introspection masculine semblent parfumés du désir de ne plus se sentir " comme les autres ", assimilables d'une façon ou d'une autre aux horribles phallocrates haïs (1).

Chères féministes,

Décidément vous êtes des rapides. Types n'était même pas sorti que vous lui aviez déjà réglé son compte. On flingue d'abord, on cause après — éventuellement !

Ne plus se sentir comme les autres est-ce donc un péché ? Peut-on penser un instant qu'une identité puisse se forger sans commencer par poser les conditions de sa différence et pourquoi pas de sa contradiction ? Vous-mêmes vous y prenez-vous autrement ?

Irène Thery se vante : Non contentes de combattre le système, les féministes s'en prenaient aux individus, décortiquaient à plaisir les comportements " privés " des plus insoupçonnables des révolutionnaires purs et durs (2). Et bien voilà, on y est. Des hommes risquent un pied timide hors de la culpabilité poisseuse dans laquelle ils marinaient depuis des années pour dire : " Qu'est-ce qu'on peut faire pour devenir autre chose que des salauds ? Les femmes nous montrent à quel point le monde des hommes est sinistre et oppressant et quand bien même nous ne crierons jamais aussi fort qu'elles sa laideur, cela nous ôterait-il toute chance de participer activement à sa destruction ? " Tarzan raccroche son slip-léopard et Bogart fend son imper, ça n'est pas cela que vous vouliez ?

Alors comment ne pas ne plus se sentir comme les autres dans ces conditions surtout quand on connaît la " tendresse " des hommes - des " vrais " - pour leurs frères égarés.

Il n'y a pas de mouvement de libération des hommes. On imagine difficilement une classe — la classe des hommes, si tant est qu'elle existe — s'organiser de façon autonome pour se détruire elle-même. Sa constitution en tant que telle ne signifierait donc rien d'autre que sa forfaiture et — si je ne deviens pas un vieux gland auparavant — je ne pourrais jamais que m'y opposer. Cela dit, il reste des hommes en mouvement qui, chacun dans leur coin, loin de s'approprier un discours dont ils étaient exclus, de se déresponsabiliser ou de se poser en victime, se mettent avec autant de maladresse que de passion à explorer leur vie pour la vouloir autre. Simplement, certains en causent entre eux.

" Homme dévirilisé " comme dirait Catherine Lapierre (?) (3) Jamais ! Si je dénonce, moi la virilité, c'est dans ce qu'elle a d'oppressif et d'obligatoire — " sus à la virilité oppressive, non à la virilité obligatoire " — Oppressif dans la mesure où elle se rapporte directement à la phallocratie donc m'assigne le rôle d'agent de l'oppression des femmes et obligatoire quand elle m'interdit d'en changer. Pour le reste — car il y en a un — je la revendique. De même que j'aspire effectivement au privé — ce que vous semblez dénoncer —, à la découverte ou à l'invention de ce que pourrait être un autre corps, un autre érotisme, une autre parole, une autre relation, aux femmes... aux hommes... et aux enfants..., voire un autre imaginaire, rien ni personne ne me fera pour autant lâcher ce que l'on considère ordinairement — à tort bien sûr — comme du domaine de la masculinité et qui est de l'ordre de la violence, de l'extérieur, du désir du bruit et de la fureur du monde. Je veux pouvoir éprouver violemment les sentiments les plus doux. Je veux pouvoir aimer dans la différence — d'ailleurs est-ce honnêtement possible autrement - celles et ceux du camp des vivants et haïr dans la révolte l'État et tous les porteurs d'ordre. Je veux tout.

Ouaip, ma vie change, aussi quand une féministe m'interpelle en commençant par " vous les mecs " je me demande tout le temps si c'est à moi qu'elle parle. Peut-être me préférerait-elle en slip-léopard ou en imper ? Salut !

Vincent Rudeboy

(1). Irène THERY, " Le mâle de vivre " in " La Revue d'En Face " n° 9-10,

(2). Idem p. 44. <

(3). Catherine LAPIERRE, " A propos des "groupes d'hommes" " in " La Revue d'En Face ", n° 9-10,

 

Une non réponse qui  n'en est pas vraiment une

Qu'on avait pas une bonne " image de marque " on le savait déjà. Mais même si c'est pas toujours facile à vivre, la méfiance, c'est un autre malaise, cette impression de voir fonctionner une théorie constituée (le féminisme ???) qui avale, digère quelques données, assimile ce qui lui convient et rejette, à l'autre bout du tuyau, le non-métabolisable, l'étron, ou le listing, si on préfère cette analogie, une grille-horoscope, l'historique complet de notre avenir, le scénario serein de notre échec à échapper au cercle vicieux conditionnement-reproduction .

L'optimisme, c'est plus à la mode, je sais bien. N'empêche, si j'ai le plaisir de bouger, c'est parce que je sens les choses, tous les réseaux qui nous tissent, que nous tissons, qui se tissent (et dont nous sommes tissés... Excusez si c'est lourdingue !), trop compliquées (exactement : multivariées ?) pour se laisser enfermer dans ce genre de machines. Elles sont, les choses (la vie), pleines d'une infinité de points de bifurcation, toujours prêtes à germer, germer, jusqu'à faire crever d'indigestion toute théorie qui voudrait les digérer tout à fait et nous avec.

Oui, je lis et relis ce " spécial hommes " de la Revue d'en face et ça me fait triste, toutes ces réponses-cercueils déjà prêtes pour les interrogations dont on commence juste à entrevoir avec excitation quelques-unes des implications. Comme une impression de gâchis et presque un cri : " Mais merde, on n'a jamais dit ça... ni ça... ni ça " Mais aujourd'hui même derrière la simple affirmation de ce qu'on (je) ne veut pas être, je vois un engrenage de la réponse, et je peux plus m'y piéger : C'est le mécanisme même que je rejette, parce que j'ai déjà donné (dans le panneau). J'y vois trop la réplique de celui individuel, ou j'ai usé bon nombre de tendresses et ça commence à bien faire. J'y crois plus et je préfère dire seulement ma joie à celles qui me prouvent de temps en temps que cette méfiance-là n'est pas indépassable. (Même si, ancrée sur des faits, elle n'est pas forcément dépassable par la parole). Et s'il y a, là encore, de la séduction dans l'air, Je laisse le mot de la fin à Gilles :

" La réponse est dans la pratique... "

Ainsi-soit-il.

Jean-Louis Viovy

NON réponse

Pas de réponse

Y en a marre. Y a plus d'abonnés. Parce qu'on ne nous renvoie pas la bonne image, celle de l'homme pas-macho-pas-phallo-qui-lutte-et-à-quel-prix-contre-son-encombrante-virilité il faudrait répondre à coup de grands principes et de subtils distinguo. Non seulement, il nous faut des miroirs mais encore faut-il qu'ils ne soient ni concaves ni convexes.

MARRE ! On en crève de ces conneries, de ce jeu de la reconnaissance, du dis-moi que tu m'aimes, que je suis différent, surtout pas comme les autres, réassures-moi de ma singularité : c'est cela la logique mâle, c'est ainsi que se reproduit la " virilité obligatoire " par le jeu de l'image et du regard où l'autre, dans sa différence, n'a pas lieu d'être.

On pourrait pas rêver un peu de relations, avec des femmes, des hommes, des enfants, où chacun s'accepte avec ses limites et accepte l'autre dans son irréductible altérité.

Apparemment, du côté des bonshommes, ce n'est pas pour demain.

Claude Barillon - Pierre Colin

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https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01429398/document

 


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