Revue TYPES - Paroles d’hommes n°6 - 1984
Rencontres - La madeleine

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RENCONTRES

La madeleine

Des femmes, des hommes. Un groupe se rencontre autour d'un thème. Difficile de délimiter la rencontre. Car, à partir de quel instant devient-elle relation ? Il y a là, semble-t-il, une question de temps, temps à passer, temps à gérer, temps à perdre ou à préserver. Une certaine recherche... avant qu'il ne soit trop tard ?

De ces rencontres-là, émergeraient deux types d'attitudes, deux façons de se confronter au temps qui passe (ceci au risque de schématiser et de reproduire une certaine dichotomie). Cette opposition ne s'effectuerait pas en fonction du sexe, les femmes d'un côté, les hommes de l'autre, mais à propos du sexe et de l'acte sexuel. En effet, pour les uns, il s'agirait surtout de la rencontre avec l'autre sexe, où le passage à l'acte (sexuel) serait un " en-plus " venant irrémédiablement modifier, marquer la rencontre, y apporter nécessairement une qualité supérieure, ou au contraire y mettre définitivement un terme, sorte de fléau où réel et fantasmes balanceraient dangereusement, où le temps serait en suspens, comme en danger... Pour les autres, l'acte sexuel ne serait qu'un mode d'expression, certes différent de la voix ou du geste, mais venant au même titre dire/matérialiser la rencontre avec l'autre (homme ou femme) et ne pouvant pas plus qu'un film vu ensemble ou une discussion engagée, la mettre en valeur ou en péril. Amour ou amitié, amour et amitié.

La séduction, tout à la fois préalable et rencontre, est traversée par cette dualité. Séduction, gestion du désir que l'on fait durer, le passage à l'acte risquant de le tuer, ou séduction, perte de temps, l'acte sexuel étant le but inavoué de la rencontre, ou bien plutôt, séduction dans le non-dit, qui se déplace au fur et à mesure que la rencontre s'établit.

Dans ce débat sur la rencontre, l'éphémère du premier mot, regard, ou... n'a pu être cerné ; les prolongements sont passés au centre des échanges. La hiérarchisation des affects par ceux qui, au seuil de l'acte sexuel, donnent du " plus " ou du " moins " a été mise en question par ceux pour qui il ne peut devenir le révélateur préférentiel de " quelque chose ".

Bien sûr, la dichotomie n'est pas stricte, et la nuance des différences tisse un patchwork de comportements entre la " demande directe et immédiate " et le " oui toujours différé ". Pourtant, à l'arrière-plan de l'Amour-Passion qui met en jeu le temps et l'être (folie ponctuelle à laquelle il faut savoir mettre fin ou pente sur laquelle il est douloureusement bon de se laisser glisser), il aura été question de mariage, une certaine façon de tendre vers l'infini (institutionnalisé !), de faire durer l'impossible... Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants ! Durer et perdurer. La boucle aura été bouclée : de l'éphémère de la rencontre à l'inscription dans le temps, l'enfant.

Une réserve certaine accompagna les très rares propos sur les difficultés, voire les impossibilités des relations entre les deux sexes, comme si, justement nous nous en étions entre nous et de concert, arrêtés à l'orée de la rencontre...

Épilogue : comment savourer la madeleine pendant que le thé est encore chaud ?

 

Le ver était dans la pomme
et regardait le trognon

Participants : Alain Barrau, Patrick Bourseau, Gilles Cazes, Sylvie Chabée, Danielle Delcuze, Bernard Golfier, Brigitte Lefèvre, Jean-Louis Le Grand, Suzanne l'Horme, Séverine Rosset, Nic Sirkis et Éric.

 

Gilles — Entre nous, à Types on a souvent parlé de drague et de séduction. Ce besoin d'en parler vient, à l'origine, d'une vieille culpabilité de ne pouvoir échapper au fait " d'être mec " dans le jeu de la rencontre et de devoir prendre l'initiative avec des comportements codés par rapport auxquels on est mal à l'aise quand on prétend remettre en cause une certaine identité masculine. A partir de quel moment est-on socialement mec ?

Sylvie — Même quand l'homme a l'initiative, le jeu de la séduction est réciproque, même s'il est différent.

Le passage à l'acte

La rencontre n'est pas indépendante du sexe de l'autre mais ce n'est pas le plus important. Il n'y a pas deux catégories : les hommes avec qui on baise et les copines. Dans la rencontre, tout est possible, y compris baiser.

Brigitte — Mais tes rencontres avec les hommes ne te posent pas des problèmes différents ?

Sylvie — C'est plus facile de rencontrer des femmes que des hommes.

Gilles — Il est important de savoir si l'on doit définir la rencontre par rapport à l'enjeu sexuel. Dans leurs rencontres avec des femmes, les enjeux sexuels sont souvent dans la tête des mecs.

Patrick — Qu'il y ait, ou non, relation sexuelle, ils sont présents.

Brigitte — Peut-être que les enjeux sexuels des individus de même sexe ne posent pas les mêmes problèmes, ou alors les interdits, les non-dits bien intégrés font que c'est plus simple. Je n'ai pas de relations homosexuelles mais des relations très sexuées avec les femmes, où l'absence de passage à l'acte se vit sans malentendu. Ce type de rapport sexué avec les hommes s'acquiert avec plus de temps. Avec les hommes, l'idée qu'il y aura, ou non, passage à l'acte est dans la tête. Mais l'absence de passage à l'acte peut aussi se vivre sans frustration.

Bernard — Je ressens la même chose. Dans mes relations d'amitié avec des femmes, il arrive que le désir surgisse et la question est alors de savoir si je laisse aller ce désir ou pas. Mais je préfère savoir exactement ce que je désire avant de me lancer dans un passage à l'acte.

Brigitte — La question que je me pose alors est : quel monde existe-t-il entre désir et passage à l'acte ? Le passage à l'acte peut annuler certains fantasmes et, parfois, on aurait plutôt intérêt à ne pas passer à l'acte.

Sylvie — Le fait de passer à l'acte crée d'autres fantasmes. A force de ne pas passer à l'acte pour rester dans le fantasme, il peut y avoir une frustration à vivre dans le désir permanent.

Jean-Louis — La question de coucher avec ou pas m'embête beaucoup. J'ai envie de briser cela, pour que ce soit plus simple, pour ne pas toujours connaître cette alternative entre le tout ou rien, mais plutôt avoir toute une gamme de relations et, par exemple, pouvoir dire : " je veux coucher avec toi ", comme ça. Après on peut respirer.

Patrick — C'est le fantasme d'une relation toute simple, qui passe outre les problèmes.

Alain — Dans la rencontre, il y a tout un code social qui la perturbe, qui gâche le plaisir de la découverte.

Gilles — Tu (Jean-Louis) as tendance à banaliser, à dissocier la sexualité de tout le contenu social qui s'y trouve. Comment est-il possible d'enlever tout ces enjeux ? Peut-on changer les règles du jeu ?

Jean-Louis — C'est plutôt un code que j'ai envie de changer, car il m'emmerde.

Gilles — Ces comportements sont intériorisés et on ne peut aussi simplement les changer parce qu'on l'a décidé et qu'ils sont emmerdants.

Hiérarchie des rencontres et des relations

Sylvie — La séduction passe par le non-dit ; si tu (Jean-Louis) dis les choses tout de suite, il n'y a plus de séduction. Ton angoisse fondamentale serait : est-ce que je vais être à la hauteur de la relation. J'ai l'impression que c'est plus une angoisse de mec que de nana.

Brigitte — Nous, on peut se demander si on va être là.

Sylvie — Mais est-ce que ça t'angoisse ?

Brigitte — Ça ne m'angoisse pas mais ça m'ennuie en me donnant l'impression de perdre mon temps.

Séverine — Il y a une très grande différence de qualité de plaisir, d'intensité, suivant les relations et la façon d'y être investie...

Sylvie — Moi ça m'ennuie d'y mettre une hiérarchie. J'y mets juste une différence : chaque relation m'apporte quelque chose de différent.

Brigitte — Les deux types de relations m'apportent quelque chose, mais l'une me bouleverse beaucoup plus que la simple chaleur d'un copain. Dans cette chaleur, à la limite, le passage à l'acte ne m'est pas nécessaire. Alors que dans une relation où il y a une autre qualité d'échange, c'est complètement nécessaire.

Sylvie — Oui, mais parfois, la relation est trop passionnelle. Dans une relation plus tranquille, plus douce, où il y a de la complicité, tu peux avoir plus de plaisir parce que tu es plus décontractée, moins dramatisée.

Séverine — La question n'est pas : c'est mieux ou c'est plus mal ; mais : de quoi a-ton le plus besoin. Quand je vis une relation forte, je sens moins le manque de la diversité, alors que si je vis la diversité sans relation forte, ce manque-là est grand. Cela s'impose à moi, mais je ne mets pas de hiérarchie .

Sylvie — Je ne peux pas différencier relation sexuelle et relation amoureuse en ce sens que même si l'histoire dure très peu de temps, je suis amoureuse de la personne avec qui je fais l'amour.

Séverine — Quand le corps est en jeu, il y a quelque chose de plus... Pourtant, il est des relations d'amitié qui durent bien plus longtemps que des relations amoureuses.

Gilles — Dans la relation sexuelle, j'ai l'impression que quelque chose se perd, comme si la sexualité amenait nécessairement des limites temporelles dans la relation en la rendant éphémère.

Séverine — Quand le corps est en jeu, ça ramène à des choses plus archaïques.

Sylvie — J'en ai marre de cette dichotomie de la tête et du corps. Je ne peux pas rentrer dans cette distinction des amis et des amants où, quand on baise, on va détruire quelque chose. C'est un faux problème et un moyen d'introduire une hiérarchie.

Brigitte — Ce que tu nommes hiérarchie peut se nommer irrationnel quand intervient le corps, l'acte sexuel.

Éric — Je pense que la sexualité peut parfois être un obstacle à une rencontre réelle. Un obstacle en ce sens que si elle est obsessionnelle elle peut amener à passer à côté de cette rencontre réelle.

Sylvie — Il y aurait une hiérarchie : la bonne rencontre, la moins bonne, et la mauvaise...

Séverine — Ce n'est pas forcément une hiérarchie. Mais certaines relations laissent plus de traces que d'autres. Quand l'autre ou moi-même ne décolle pas de ses fantasmes, je trouve qu'il n'y a pas réellement rencontre.

Suzanne — Tu sembles poser une alternative qualité-quantité et j'interprète ce que tu dis comme l'affirmation : je ne veux pas de la quantité mais de la qualité.

Plus facile mais bien moins beau

Patrick — La relation, c'est tout un effort... Avoir des relations avec des prostituées est peut-être plus facile qu'établir et entretenir des relations avec une femme au quotidien...

Bernard — Tu as l'air de dire que, dans une relation, il y aurait un effort à faire, du fait de la continuité. Pourtant il me semble que l'éphémère de la relation avec une prostituée est souvent mal vécu...

Patrick — Avoir une relation avec une prostituée permet d'éviter tous les problèmes que tu rencontres avec une femme, au quotidien.

Alain — Moi, j'ai vraiment l'impression du contraire...

Sylvie — Il doit y avoir un tas d'hommes pour qui ce n'est pas évident et même impossible, d'aller voir une prostituée.

Patrick — Parce que tu crois que les hommes qui vont voir une prostituée ont des relations faciles avec d'autres femmes, dans d'autres situations ? Face à mes difficultés de relations avec l'univers féminin, j'ai tendance à me dire, quand je suis dans une misère affective et sexuelle profonde : eh bien, je vais aller voir une prostituée. Mais je ne le fais pas, par volonté de trouver d'autres solutions, et d'arriver à des fonctionnements de qualité un peu supérieure... Je ne le fais pas, mais ma première impulsion est celle-là. Peut-être aussi parce que je sais que la réalité ne rejoint pas le fantasme.

Gilles — Ce dont tu te plains, en fait, c'est que quand tu as envie de baiser, les femmes que tu es amené à rencontrer n'ont pas forcément le même désir, alors qu'une prostituée est " disponible "...

Danièle — Et il n'a pas à se payer tous les psycho-affectifs avec l'autre...

Gilles — Je ne sais pas comment on peut dire qu'avec une prostituée il n'y a pas de psycho-affectif...

Sylvie — Mais la rencontre ce n'est pas qu'un effort : c'est aussi un plaisir. Pourquoi rechercher des choses difficiles et rejeter les choses faciles ?

Patrick — Est-ce satisfaisant qu'une société fonctionne avec des prostituées ? Je ne le croîs pas.

Nic — On a l'impression que tu envisages systématiquement la durée, avec quelqu'un, alors qu'il peut se passer quelque chose de chouette sans continuité. Tu as peur de l'échec avant de commencer.

Gilles — Le rapport entre la prostituée et la rencontre, c'est toi (Patrick) qui le fais, et l'élément commun entre les deux relations, c'est la sexualité. Tu condamnes les rapports avec les prostituées mais on pourrait porter le même jugement sur l'autre rapport puisque dans les deux cas le but serait la satisfaction sexuelle...

Patrick — Non, ce n'est absolument pas la même chose. La relation sexuelle est bien l'élément commun, mais le parallèle s'arrête là. Et la prostitution est un verrou de notre société... chacun trouvant son compte dans ce système.

Identité et maquillage

Bernard — Dans la situation amoureuse, on vit des trucs et en même temps on en rêve d'autres. L'aspect " réalité " de la situation amoureuse est doublé d'un aspect " fantasme ", " rêve ".

Suzanne — Ce qui m'intéresse, moi, c'est le rapport entre la matière première, ce dont on a envie, et le passage à la réalité. Je sais grosso-modo ce que je veux, mais il y a le social et je dois composer avec ce social pour arriver à ce que je veux. La séduction est un jeu permettant de captiver l'attention des gens, que ce soit pour l'amitié, l'amour ou la baise. Ça repose sur des règles avec lesquelles on n'est pas forcément d'accord : les rôles masculins, féminins... Si je romps avec ces règles, je risque d'être mise hors-circuit de la séduction. Même dans les relations auxquelles on tient, il faut passer par des codes ; par exemple contrôler l'expression de ses désirs.

Gilles — Quand l'expression de ses désirs avec toute l'intensité qu'ils peuvent avoir est susceptible d'être nuisible pour soi, on est obligé de rentrer sur le terrain tactique. L'expression d'un désir intense peut permettre à l'autre de t'envelopper dans une relation de dépendance inégalitaire ; l'expression de la demande est univoque l'autre pouvant se mettre en réserve de l'expression des demandes, sachant que tu les exprimes toujours avant.

jean-Louis — Moi, ça me trouble d'être parfois en décalage avec moi-même dans la rencontre, de ne pas montrer ma fragilité. J'ai l'impression que c'est une pratique phallocrate.

Gilles — Je ne vois pas le rapport avec la. phallocratie : c'est quelque chose de général aux hommes et aux femmes et qui s'étend aux relations amicales, de copinages...

Sylvie — C'est le cas dans toutes les relations Si l'on n'adapte pas la présentation de ce que l'on est à la personne avec qui l'on est, on n'a plus de relation.

Séverine — Mais pourquoi chercher à susciter chez l'autre du désir pour une autre personne que soi ?

Suzanne — Tu poses encore les choses en terme de clivage artifice-réalité. Comment appréhender la limite entre la séduction et l'aliénation complète ? Ma réalité, c'est aussi mon éducation avec laquelle je suis en rupture.

Séverine — Il y a une différence entre s'adapter et se trahir. Ne peut-on s'adapter sans se trahir ?

Gilles — Ce que tu dis sous-entend que la séduction est un processus conscient alors qu'elle est aussi un rapport de force et l'expression d'une certaine aliénation.

De chacun selon ses contradictions

Nic — Quand les femmes prennent l'initiative de manifester leur désir, c'est souvent mal perçu par les mecs.

Éric — Que ce soit une femme ou un homme qui cherche à séduire, le fait de faire sentir dans son comportement qu'on pense à ça, alors que l'autre n'y pense pas forcément au départ, peut être ressenti comme une brusquerie...

Suzanne — Quand la femme prend l'initiative, l'homme dit : " je n'accepte pas qu'on me force à aller plus vite que je ne veux ". Nous, au contraire, on accepte tout à fait d'avoir un désir suscité par le désir d'un homme. Je ne crois pas que l'on puisse rompre avec les règles de la séduction, on n'y échappe pas : il faut sécuriser l'autre. Il y a plein de mecs à qui je fais peur en ne correspondant pas à l'image de la femme qu'ils ont en tête. Pour séduire, il faut donc faire semblant.

Sylvie — En fait c'est une histoire à double sens : soit tu es " libérée " et tu dois baiser, soit tu es " libérée " et tu fais peur. Il m'est aussi arrivé de me faire draguer sur mon image extérieure (j'étais en salopette sur un chantier) et dès que j'ai dis ma profession réelle, le mec s'est enfui. Mais par ailleurs, pourquoi des mecs qui disent aspirer à des rapports de sexe égalitaires ont si peur des femmes qui veulent aussi ces rapports égalitaires, dans la drague par exemple ? Il y a un écart entre la théorie et la pratique. On peut dire qu'il y a un changement dans le discours mais pas dans la réalité.

Gilles — A chacun ses contradictions : les femmes demandent aussi très souvent aux hommes de ne pas s'écarter des rôles et de se comporter en mecs, dans toutes les dimensions sociales de la virilité.

Danièle — L'éducation des femmes les amène à avoir peur de donner l'image d'une femme facile si elles prennent l'initiative.

Brigitte — Les difficultés de la femme à dire son désir proviennent à la fois de la peur des hommes et de la peur d'apparaître " faciles ". Il semble que dans la discussion beaucoup de discordances apparaissent entre les discours des hommes et des femmes au sujet de la relation :

— les hommes se plaignent que les femmes ne prennent pas assez souvent d'initiatives, sont trop passives, et les femmes disent que les hommes flippent dès qu'elles sortent de ces rôles ;

— des études comme le rapport Hite montrent que les femmes vivent souvent mal certains rapports virils des hommes à la sexualité alors que les hommes se plaignent que les femmes attendent souvent d'eux un comportement viril sans ambiguïtés.

La morale de l'histoire

Si, dans une relation, on s'adapte complètement, on ne refuse aucune règle du jeu social. Or, on est aussi là pour parler de nouveaux comportements. Cela signifie bien qu'on ne veut pas s'adapter complètement : il y a des choses qu'on refuse.

Gilles — Ce que tu dis là, c'est que chacun s'adapte en respectant les contraintes de sa propre morale. Cela n'empêche pas qu'on s'adapte.

Sylvie — Moi je refuse absolument de parler en terme de morale.

Gilles — Il y a des rôles sur lesquels je porte une analyse critique et, en conséquence, des choix de vie sur lesquels je m'engage. La morale qui en découle consiste à rejeter certains comportements et à vivre dans la limite de certaines frontières que je me définis et à l'intérieur desquelles je peux encore m'adapter avec une grande mobilité.

Brigitte — Tout groupe social fonctionne avec une certaine morale dominante. Mais pourquoi n'arrive-t-on pas à modifier plus facilement cette morale alors qu'on a le sentiment que la nôtre est différente ? L'attente des hommes qui font la revue Types est pourtant bien celle de retombées dans les comportements et les relations sociales. Si certains comportements commencent à changer au niveau global, c'est bien parce que certains ont modifié les leurs auparavant...

Gilles — Il y a une différence d'impact entre l'action d'un groupe et l'exemple individuel. Cependant, des hommes acceptent de perdre de réels avantages, sur certains terrains de rapports de pouvoir homme-femmes comme la division sociale du travail ménager ou l'appropriation du corps des femmes par les hommes, par exemple. Si l'on fait l'hypothèse que rien n'est gratuit on peut se demander ce qu'y gagnent ces hommes. C'est une question à laquelle nous avons encore du mal à répondre, à la revue Types.

Danièle — C'est probablement que vous cherchez à définir d'autres rapports de pouvoir dans lesquels vous serez les plus forts...

 


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