LA
CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX ...
ET LES FEMMES ?...
20
novembre 2000
Position du Lobby Européen des Femmes
SUR
LE PROJET DE CHARTE EUROPEENNE
DES DROITS FONDAMENTAUX
Le
Lobby européen des femmes (LEF) accueille favorablement le projet de Charte
des droits fondamentaux de l’Union Européenne (Convent 50) adoptée par le
Convention le 2 octobre. En effet, la version finale inclut des améliorations
significatives, en particulier la reconnaissance du principe d’égalité entre
les femmes et les hommes dans tous les domaines (article 23) et l’utilisation
d’un langage non sexiste dans toutes les versions linguistiques.
Le LEF souhaite remercier celles et ceux qui ont contribué activement à la réalisation
de ces changements positifs, notamment les 16 femmes membres de la Convention
dont les amendements ont été adoptés.
Cependant, malgré ces développements positifs, le LEF constate qu’une réelle
dimension égalité femmes-hommes fait toujours défaut dans la Charte. Dès
lors le LEF souhaite réitérer certaines des recommandations formulées dans
les contributions écrites précédentes, demandant aux responsables politiques
d’intégrer totalement une égalité des sexes dans la Charte afin d’assurer
la protection des intérêts de la moitié de la population.
En outre, le LEF constate avec regret la quasi omission des ressortissants des
Etats tiers par le texte de la Charte (ceux-ci sont mentionnés seulement deux
fois aux articles 15.3 et 43.2). Malgré leurs contributions actives à la
construction de l’Europe, les ressortissants des Etats tiers, qui ont les mêmes
obligations que les ressortissants de l’Union européenne, ne se voient pas
octroyer les mêmes droits.
Le LEF rappelle qu’une des tâches de la Communauté européenne telles que définies
dans le Traité est de ‘promouvoir l’égalité entre les hommes et les
femmes’ (article 2 du Traité instituant la Communauté Européenne). Dans
toutes les activités de la Communauté définies à l’article 3.1 TEC dans le
but de mettre en œuvre les tâches ainsi définies, ‘la Communauté cherche
à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes
et les femmes’ (article 3.2 TEC). L’article 141 TEC est consacré au
principe d’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de
l’emploi et des conditions de travail.
Sur la nature juridique de la Charte, le LEF n’est pas encore parvenu à un
consensus en faveur d’une déclaration ayant valeur morale ou en faveur d’un
instrument juridique contraignant via l’insertion dans l’article 6 du Traité
sur l’Union européenne d’une référence directe à la Charte des droits
fondamentaux, prévoyant ainsi un mécanisme de révision du contenu de la
Charte.
CHAPITRE
I DIGNITE
Interdiction des violences et persécutions fondées sur le sexe :
La disposition condamnant la torture et les traitements inhumains devrait préciser
explicitement que les violences ou persécutions fondées sur le sexe
constituent une forme de torture. Les mutilations sexuelles génitales, dont les
femmes et les fillettes sont les premières victimes, sont toujours pratiquées
sur le territoire européen. Cet acte inhumain est une forme de torture et doit
être considéré comme tel, de même que toutes les autres formes de violence
liées au sexe telles que le viol, la violence domestique, le mariage forcé,
les meurtres pour une question « d'honneur » y compris quand ces actes sont
perpétrés au sein de la famille.
Proposition du LEF :
Chapitre
I ‘Dignité’, modifier l’article 4 : ‘Interdiction de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants’
‘Nul
ne peut être soumis à la torture, ni à des peines et traitements inhumains et
dégradants. Ce principe renvoie à toute forme de violence physique ou morale,
notamment toute violence liée au sexe comme les mutilations génitales, le
viol, la violence domestique, le mariage forcé, les meurtres pour une question
« d'honneur », y compris quand ces actes sont perpétrés au sein de la
famille.’
CHAPITRE
II LIBERTES
Droit fondamental des femmes à la maîtrise de la fécondité :
L’introduction dans la Charte du droit fondamental à la maîtrise de la fécondité
est indispensable, notamment en raison des ambiguïtés susceptibles d’être
crées par les articles 2 (droit à la vie) et 3 (référence à l’eugénisme).
Droit de consultation des ONG :
Le LEF soutient la demande de la Plate-forme des ONG européennes du secteur
social formulée dans son communiqué de presse du 5 octobre d’intégrer dans
l’article 12 sur la liberté de réunion et d’association le droit de
consultation des ONG au niveau de l’Union européenne.
Une politiques d’asile sensible à la dimension femme-homme :
Le type particulier d’actes de violence liée au sexe dont souffrent
principalement les femmes réfugiées et demandeuses d'asile doit figurer
clairement dans la Charte, et être considéré comme une violation des droits
humains fondamentaux des femmes, constituant un motif de persécution autorisant
l'asile. Les traitements qui menacent ou entament l'intégrité physique et
psychologique des femmes doivent être considérés comme une forme de torture,
qu'ils soient imposés par la loi, commis par des agents de l'Etat ou liés à
des normes sociales ou religieuses.
Proposition du LEF
Article
18: Droit d'asile, ajouter le paragraphe suivant :
«
La persécution fondée sur le sexe, comme les mutilations sexuelles ou les
autres actes de violence liés au sexe, notamment le viol, le mariage forcé, la
violence domestique, les meurtres pour une question d'honneur, devra faire
l’objet d’une attention particulière dans le cadre d’un examen attentif
d'une demande d'asile ».
CHAPITRE
III EGALITE
Combattre la discrimination multiple à laquelle les femmes font face :
Le LEF n’est pas entièrement satisfait par la nouvelle disposition proposée
relative à l’égalité des sexes dans la Charte (article 23). En effet, cette
disposition ne reconnaît pas dans des termes suffisamment forts le principe
inconditionnel d’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les
domaines. En outre, il est regrettable qu’une clause générale sur l’égalité
des sexes ne constitue pas dans la Charte une disposition séparée de celle
traitant de l’égalité dans le domaine de l’emploi, du travail et des
salaires.
Le LEF reconnaît néanmoins les améliorations significatives accomplies, mais
souligne que la question de la discrimination multiple subie par les femmes
n’est toujours pas abordée dans cette version finale. Les femmes sont souvent
exposées à une discrimination double ou triple, d’abord en tant que femmes
et ensuite de par leurs origines ethniques, leurs religions ou croyances, leurs
handicaps, leurs âges et/ou leurs orientations sexuelles. Toutes mesures visant
à combattre la discrimination fondée sur un motif donné doit également intégrer
une dimension de genre, c.à.d. prendre en considération les besoins et problèmes
spécifiques des femmes. Cela permettrait d’être en conformité avec le
principe d’intégration de la dimension égalité femmes-hommes
(mainstreaming, art.3.2 TEC)
Proposition du LEF
Chapitre
III « Egalité », article 21 non-discrimination, modifier comme suit :
Ø
Para.1 : supprimer le mot « sexe »
Ø
Insérer un paragraphe (3) : « une perspective de genre doit être adoptée
dans la lutte contre toutes les formes de discrimination afin d'éradiquer la
discrimination multiple à laquelle beaucoup de femmes sont confrontées. »
CHAPITRE
V SOLIDARITE
Conciliation de la vie familiale et la vie professionnelle :
Pour améliorer le niveau d'indépendance des femmes en favorisant leur présence
sur le marché de l'emploi, et parvenir à une égalité des sexes effective, il
est nécessaire de partager équitablement les responsabilités familiales et le
congé parental entre les femmes et les hommes. Une protection légale ainsi
qu’un congé parental rémunéré devra être instauré, favorisant ainsi un
partage équitable de la garde des enfants et des responsabilités familiales
entre les femmes et les hommes.
Proposition du LEF :
Article
33, insérer le paragraphe (3) suivant :
«
Afin de promouvoir un partage égal des responsabilités familiales, l’Union
reconnaît la nécessité de congé parental légal rémunéré ainsi que de
congé paternel rémunéré à la naissance de l’enfant. Des services de garde
d'enfants abordables et de qualité doivent être accessibles à toute personne
qui en a besoin. »
Sécurité
sociale et aide sociale :
Comme cela a déjà été soulevé par la Plate-forme des ONG européennes du
secteur social, certains droits sociaux essentiels (la plupart desquels figurent
dans la Charte sociale européenne révisée) devraient être intégrés dans
l’article 34, notamment le droit au logement et le droit au revenu minimum
permettant aux personnes de vivre dans la dignité. Cela reflèterait davantage
la situation actuelle et permettrait de contrebalancer la féminisation de la
pauvreté en Europe.
Soins de santé :
Pour que les besoins sanitaires de la totalité de la population soient
satisfaits, les demandes spécifiques des femmes en la matière doivent également
être prises en compte par la mise en place de services spécifiques. Chaque
femme doit avoir accès aux services de santé reproductive et sexuelle, de gynécologie
et d'obstétrique, et bénéficier de tous les services médicaux de prévention
et de dépistage afin de prendre en considération les besoins des femmes, en
qualité de patientes et consommatrices.
Proposition du LEF :
Article
35, insérer le paragraphe suivant :
‘Dans
le cadre du droit à des soins de santé appropriés, les besoins spécifiques
des femmes devront être pris en considération et satisfaits’.
CHAPITRE
V CITOYENNETE
Principe de démocratie PARITAIRE :
Une référence explicite à l'objectif de démocratie paritaire devrait être
inscrite dans la Charte pour endiguer le problème de la sous-représentation
des femmes. Ce problème de sous représentation dans les postes décisionnels
persiste et doit être endigué par des mesures concrètes comme celles déjà
adoptées dans certains Etats Membres. Ce principe doit être intégré dans la
Charte par le biais d’une disposition claire et distincte.
Proposition du LEF :
Chapitre
V « Citoyenneté », insérer un nouvel article : Démocratie paritaire
1.
La démocratie paritaire, c'est-à-dire une représentation égale des
femmes et des hommes au sein des organes et institutions de l'Union, constitue
un principe fondamental tant pour l'intégration européenne que pour les
institutions de l'Union.
2.
Des mesures positives seront prises afin d’encourager un accès égal
des femmes et des hommes aux organes gouvernementaux et communautaires, ainsi
qu'au sein des partis politiques.
Centre
européen pour la promotion d’une politique
contre la violence à l’égard des femmes
Policy
Action Centre on Violence Against Women
European
Women's Lobby
Lobby
Européen des Femmes
18,
rue Hydraulique
B - 1210 Brussels, Belgium
Contact: Colette De Troy (Coordinator) - Mary
Collins
Tel.:
+32 (0)2 217.90.20 Fax: +32
(0)2 21984.51
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